COMMUNIQUÉ
Ottawa, le 14 août 2019
Le commissaire aux conflits d'intérêts et à l'éthique
Mario Dion a publié aujourd'hui le
Rapport Trudeau II, une étude de l'allégation selon laquelle le premier ministre aurait tenté d'influencer la décision de la procureure générale du Canada relativement à son intervention dans une poursuite criminelle contre SNC-Lavalin.
Après avoir examiné la preuve et plusieurs principes juridiques et constitutionnels fondamentaux liés à la question, le commissaire Dion a conclu que le très honorable Justin Trudeau, premier ministre du Canada, a contrevenu à l'article 9 de la Loi sur les conflits d'intérêts.
Le commissaire Dion a déterminé que M. Trudeau était, en sa qualité de premier ministre, le seul titulaire de charge publique en mesure d'exercer une influence sur la décision de la procureure générale relativement à son éventuelle intervention dans un dossier lié à une poursuite criminelle. Le commissaire a également constaté que de hauts fonctionnaires du Cabinet du premier ministre ont reçu instruction, du premier ministre, de trouver une solution dans le but de mettre à exécution l'outil d'accords de réparation nouvellement adopté, aussi appelé un accord de poursuite suspendue, dans le cadre de l'affaire criminelle impliquant SNC-Lavalin.
Dans ce dossier, M. Trudeau avait pour position officielle qu'il était préoccupé par la question des pertes d'emplois possibles ainsi que par les répercussions pour les employés, les retraités et les actionnaires de l'entreprise. L'objectif global du premier ministre était de consulter la procureure générale pour s'assurer que la négociation d'un accord de réparation avec SNC-Lavalin était une option qu'elle avait dûment examinée. Par la suite et au cours de nombreux mois, le premier ministre et ses hauts fonctionnaires ont cherché à convaincre la procureure générale d'infirmer la décision de la directrice des poursuites pénales, laquelle avait conclu qu'elle n'inviterait pas SNC‑Lavalin à entamer des négociations en vue de conclure un accord de réparation. Le commissaire Dion a conclu que ces hauts fonctionnaires, parmi lesquels figuraient des membres haut placés du personnel ministériel et des agents publics, n'auraient pas agi sans connaître parfaitement le point de vue de M. Trudeau sur le sujet.
Le commissaire Dion a expliqué, dans les conclusions de son rapport, que les intérêts personnels et publics peuvent prendre différentes formes : ils peuvent être de nature financière ou politique. Par conséquent, il a conclu que, si M. Trudeau avait réussi à influencer la décision de la procureure générale d'infirmer ou non la décision prise par la directrice des poursuites pénales se rapportant à l'entreprise, le résultat aurait sans doute favorisé les intérêts financiers personnels considérables de SNC-Lavalin. Le commissaire Dion a aussi déterminé qu'on avait demandé de façon irrégulière à la procureure générale de tenir compte d'intérêts politiques partisans dans cette affaire, ce qui va à l'encontre des principes constitutionnels bien établis encadrant l'indépendance du poursuivant et la primauté du droit.
Citations
« Le temps nécessaire à une enquête dépend de plusieurs facteurs, et nous cherchons toujours à conclure nos enquêtes dans des délais raisonnables afin qu'elles demeurent pertinentes. Le Commissariat enquête sous mon autorité, avec rigueur et diligence. » –
Mario Dion, commissaire aux conflits d'intérêts et à l'éthique
« Pour mener à bien mon mandat d'enquête et éviter des retards possibles dans les enquêtes futures, je dois avoir accès à tous les renseignements que je juge nécessaires à ma tâche. Je suis tenu de respecter les règles de confidentialité de tous les documents, y compris des documents du Cabinet, en vertu de l'article 51 de la
Loi sur les conflits d'intérêts, et de l'article 90 de la
Loi sur le Parlement du Canada. Puisque le Bureau du Conseil privé a décidé de refuser au Commissariat le plein accès aux renseignements confidentiels du Cabinet, neuf témoins ont été limités dans leur capacité à fournir au Commissariat tous les éléments de preuve possiblement pertinents à mon étude. Je crois que les décisions portant sur mon accès à de tels renseignements devraient être prises de manière transparente et démocratique par le Parlement, et non par les mêmes titulaires de charge publique qui sont assujettis au régime que j'applique. » –
Mario Dion, commissaire aux conflits d'intérêts et à l'éthique
« Le premier ministre, directement et par l'entremise de ses hauts fonctionnaires, a employé divers moyens pour exercer une influence sur Mme Wilson-Raybould. La position d'autorité dont bénéficient le premier ministre et son Cabinet ont servi à contourner, à miner et finalement à tenter de discréditer la décision de la directrice des poursuites pénales ainsi que l'autorité de Mme Wilson-Raybould en tant que première conseillère juridique de la Couronne. » –
Mario Dion, commissaire aux conflits d'intérêts et à l'éthique
Faits additionnels
L'article 9 de la Loi interdit à tout titulaire de charge publique de se prévaloir de ses fonctions officielles pour tenter d'influencer la décision d'une tierce partie dans le but de favoriser son intérêt personnel, soit en agissant hors du champ d'application de son pouvoir législatif, ou contrairement à une règle, à une convention ou à un processus établi. Par conséquent, une contravention de la Loi a eu lieu.
Pour qu'il y ait contravention à l'article 9, il n'est pas nécessaire que l'influence alléguée ait eu l'effet souhaité.
La Loi précise que la notion
d'intérêt personnel ne vise pas l'intérêt dans une décision ou une affaire : a) de portée générale; b) touchant le titulaire de charge publique faisant partie d'une vaste catégorie de personnes; c) touchant la rémunération ou les avantages sociaux d'un titulaire de charge publique.
Le
Rapport Trudeau II indique que M. Trudeau a tenté de trois façons d'influencer la décision de la procureure générale du Canada, Mme Wilson-Raybould, dont :
Dans le cadre de l'analyse des faits, dans laquelle figuraient des détails et de la chronologie jugés « troublants » par le commissaire Dion, la preuve a démontré qu'on a tenté de pousser la procureure générale du Canada à intervenir pour accélérer le processus d'audience.Les hauts fonctionnaires du Cabinet du premier ministre ont continué à avoir des conversations avec les conseillers juridiques de SNC-Lavalin, en l'absence ou à l'insu de la procureure générale, et ce, même après le début des procédures judiciaires. L'exploration de plusieurs principes juridiques et constitutionnels fondamentaux, qui sont au cœur même de notre système de gouvernement, démontre que M. Trudeau a agi à l'encontre de la doctrine de Shawcross et du principe de l'indépendance du poursuivant quand lui-même et des hauts fonctionnaires qu'il dirigeait ont fait valoir à la procureure générale des considérations politiques partisanes dans le contexte d'une poursuite criminelle.
En vertu du
paragraphe 45(4) de la Loi à la fin d'une étude, le commissaire doit remettre un rapport au premier ministre énonçant les faits, son analyse de la question et ses conclusions. En même temps, un double du rapport est remis à la personne visée et est rendu accessible au public. Ensuite, dans le cadre de l'article 47, il revient au premier ministre de mettre en œuvre d'autres mesures le cas échéant.
Maintenant que le
Rapport Trudeau II a été publié, le Commissariat aux conflits d'intérêts et à l'éthique compte trois enquêtes qui n'ont pas encore fait l'objet d'un rapport.
Liens utiles
Renseignements généraux au sujet des
enquêtes menées en vertu de la Loi et de la façon dont le Commissariat traite les demandes d'enquêtes.
La
Loi sur les conflits d'intérêts s'applique à tous les titulaires de charge publique. Un
titulaire de charge publique se trouve en situation de conflit d'intérêts lorsqu'il exerce un pouvoir officiel ou une fonction officielle qui lui donne la possibilité de favoriser son intérêt personnel ou celui d'un parent ou d'un ami, ou de favoriser de façon irrégulière celui de toute autre personne.
Les lignes directrices
Pour un gouvernement ouvert et responsable, établies par le premier ministre, indiquent que les titulaires de charge publique sont tenus de s'acquitter de leurs fonctions officielles « d'une manière qui puisse résister à l'examen public le plus rigoureux. Cette obligation ne se limite pas à la simple observation de la loi. »
Le Commissariat aux conflits d'intérêts et à l'éthique a été créé en vertu de la Loi fédérale sur la responsabilité. Le commissaire applique la
Loi sur les conflits d'intérêts pour les titulaires de charge publique et le
Code régissant les conflits d'intérêts des députés.
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