Vous songez à changer d’emploi? Voici quelques
conseils
Mario Dion, commissaire aux conflits d'intérêts et à l'éthique
Article d'opinion publié dans The Hill Times
Le 20 janvier 2021
Il est courant de changer d’emploi, que ce soit pour
élargir ses compétences, relever de nouveaux défis ou ouvrir de nouvelles
perspectives.
Toutefois, la Loi sur les conflits d’intérêts peut compliquer cette démarche. Les administrées et administrés, c’est-à-dire
les personnes nommées à un organisme ou à un conseil d’administration du
secteur public, de même que les ministres, les sous-ministres, les secrétaires
parlementaires et les membres du personnel ministériel doivent se conformer aux
dispositions de la Loi relatives à l’après-mandat, dont certaines s’appliquent
indéfiniment. Bien que le site Web du Commissariat aux conflits d’intérêts et à
l’éthique présente ces dispositions en détail, j’ai cru bon d’en illustrer
quelques-unes avec un exemple fictif, soit celui d’Avery, un membre intermédiaire
du personnel ministériel (un administré) qui songe à changer de carrière. Tous
les administrés – on en compte plus de 2 800 – doivent réfléchir
attentivement à l’après-mandat bien avant de quitter le poste auquel ils ont
été nommés au sein du gouvernement du Canada. Environ 700 de ces personnes
sont des membres du personnel ministériel, comme Avery.
Selon la Loi, Avery ne peut pas accepter un nouvel
emploi qui le ferait « changer de camp ». S’il a participé aux côtés
du ministre à de difficiles négociations avec un secteur, Avery doit considérer
à quel point il a collaboré étroitement avec le ministre. Certes, le dossier
peut avoir éveillé l’intérêt d’Avery pour le secteur, mais celui-ci ne pourra
probablement pas agir pour le compte d’une entreprise qui se trouvait de
l’autre côté de la table au cours de ces négociations.
Des restrictions à vie empêchent Avery d’utiliser des
renseignements d’initiés obtenus dans le cadre de son emploi au sein du
personnel du ministre afin de conseiller un nouveau patron, un client ou un organisme,
à moins que ces renseignements aient déjà été rendus publics.
En outre, Avery ne peut pas communiquer ni travailler
avec un individu ou un groupe avec lequel il a eu des rapports officiels
directs et importants au cours de l’année ayant précédé la fin de son mandat au
sein du personnel du ministre. Cette restriction s’applique à une grande partie
des administrés.
Tout administré qui commence à réfléchir à un
changement de carrière, que ce soit par des démarches non officielles ou à la
suite d’un appel non sollicité, doit d’abord et avant tout penser aux
obligations que lui impose la Loi. Il est prudent de consulter le Commissariat
pour obtenir des conseils objectifs, car, avec certains détails, un administré
comme Avery peut obtenir des renseignements qui le guideront et le protégeront.
On peut demander des conseils en communiquant avec une conseillère ou un
conseiller du Commissariat ou en écrivant au Commissariat.
Quoi qu’il en soit, la Loi oblige Avery à m’informer de toute offre ferme d’emploi obtenue de l’extérieur.
En tant que membre du personnel d’un ministre, Avery
est soumis à d’autres obligations en vertu de la Loi, dont une période de restriction
d’un an durant laquelle il lui est interdit de travailler auprès d’un organisme
avec lequel il a eu des rapports directs et importants au cours de l’année
ayant précédé la fin de son mandat. Avery aurait intérêt à établir ses plans d’avance.
Par ailleurs, si la Loi comporte des limites pour les
administrés, elle prévoit également des exceptions à ces règles. Par exemple,
si Avery occupait un poste subalterne au sein du personnel du ministre (s’il ne
s’occupait pas de documents sensibles ou avait peu de pouvoir décisionnel), il
pourrait faire une demande auprès du Commissariat pour être exempté de ces
règles. Ma décision à cet égard serait fondée sur les faits propres à son cas.
On peut demander une annulation ou une réduction de la
période de restriction, mais chaque demande est examinée au cas par cas. Les
facteurs pris en compte incluent les perspectives générales d’emploi de
l’administré après son mandat, la nature des renseignements qu’il possède et
l’importance que le gouvernement du Canada leur attache, et la mesure dans
laquelle le nouvel employeur pourrait tirer un avantage commercial indu de l’embauche
de l’administré. Avery serait appelé à se prononcer sur chacun de ces facteurs
dans sa demande d’exemption auprès du Commissariat.
En tant que commissaire, je dois évaluer les
informations et déterminer s’il est dans l’intérêt du public d’accepter la
demande. Toutes les demandes approuvées figurent dans le registre public du
Commissariat.
Ce qui m’amène à formuler les conseils suivants, non
seulement pour Avery, mais pour tous les administrés qui songent à changer
d’emploi.
Premièrement, soyez prudents et prenez connaissance
des règles. Lisez-les. Elles sont claires.
Deuxièmement, si vous envisagez un nouvel emploi,
communiquez avec nous afin de revoir vos obligations d’après-mandat. Il
pourrait même être utile de suivre le compte Twitter du Commissariat, pour obtenir les renseignements les plus à jour, de prendre part à des
activités éducatives et de lire sur notre site Web les résumés sur toutes les
règles qui vous concernent. La Loi ne contient que quelques dispositions
définissant les règles relatives à l’après-mandat et leur application (articles 33 à
42, inclusivement). Il est fortement recommandé à toute personne assujettie à
la Loi ou qui envisage d’embaucher une personne qui a été assujettie à la Loi
de lire attentivement ces dispositions.
Troisièmement, sachez que si j’apprends par une
plainte ou par les médias que vous avez contrevenu aux règles, je vais
probablement vouloir mener une enquête, ce qui pourrait mener au dépôt d’un
rapport auprès du premier ministre. Ce rapport serait publié sur le site du Commissariat, et largement diffusé par courriel et dans les médias sociaux. Les
médias font souvent grand cas de ces rapports.
Les administrés, par leur carrière au service du
public, apportent une précieuse contribution au pays. Il est tout à fait
légitime qu’ils aient l’occasion de faire avancer leur carrière après avoir
quitté leur poste. Il incombe au Commissariat de veiller à ce qu’ils le fassent
en conformité avec la Loi.