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Comité permanent de la procédure et des affaires de la Chambre : examen exhaustif prévu à l’article 33 du Code régissant les conflits d’intérêts des députés

​​​​Avant-propos du commissaire

Je suis heureux de vous soumettre mon mémoire en vue de l'examen exhaustif effectué par le Comité permanent de la procédure et des affaires de la Chambre (le Comité) en application de l'article 33 du Code régissant les conflits d'intérêts des députés (le Code).

Il importe de tenir compte du contexte dans lequel le Comité procède à l'examen quinquennal, qui porte sur les conflits d'intérêts au Canada et à l'étranger et sur l'évolution de nos connaissances dans ce domaine. Comme il se doit, l'examen abordera des questions soulevées par la population et par celles et ceux qui ont une expérience directe du régime qui régit la Chambre des communes.

À cet égard, on peut affirmer que les cadres régissant actuellement les questions d'éthique et les conflits d'intérêts ont capté l'attention de nombreux Canadiennes et Canadiens. Au moment d'évaluer mon rôle dans l'application du Code, il est essentiel de comprendre la nécessité d'avoir en place des règles efficaces qui permettent d'assurer l'équité sans exiger l'adoption d'un système si complexe ou si contraignant qu'il nuise au bon fonctionnement de la Chambre des communes. Cela tout en veillant à ce que le souci de transparence demeure à l'avant-plan.

Dans mon mémoire, je tiens compte d'un éventail de points de vue, tant au pays qu'à l'étranger, notamment ceux portés à ma connaissance depuis ma nomination il y a quatre ans. J'ai cherché à concilier ces points de vue avec les réalités concrètes de la bonne application du Code au nom de la Chambre des communes. Pour ce faire, je me suis fondé sur l'expérience et sur les principes qui, selon certains, devraient sous-tendre les régimes en matière de conflits d'intérêts. J'ai en outre examiné des lois nationales et étrangères afin de mieux comprendre les mesures adoptées par d'autres compétences dans le même contexte.

Le Code, tout comme mes recommandations, reflète la nécessité d'assurer l'équité, la transparence et la responsabilisation. Il faut tenir compte de la participation des personnes assujetties au Code ainsi que celle de l'ensemble de la population canadienne pour veiller à ce que les modifications ne pénalisent ni n'avantagent quiconque. J'ai formulé mes recommandations de façon non seulement à respecter l'esprit du Code, mais aussi à obtenir les résultats que les Canadiennes et Canadiens veulent et méritent. Des considérations pratiques et le caractère opportun des changements proposés guident également mes recommandations.

Bien que certains aspects du Code puissent être améliorés, je tiens à souligner qu'à mon avis, il permet au Commissariat aux conflits d'intérêts et à l'éthique de bien fonctionner dans l'ensemble et de s'acquitter efficacement de son mandat, soit d'offrir à la population canadienne un accès transparent et uniforme aux renseignements importants concernant l'ensemble de la députation.

Enfin, mes recommandations visent à préserver la confiance du public dans l'intégrité de la Chambre des communes et des députées et députés, ainsi que dans leur souci de remplir leurs fonctions avec honnêteté et selon les normes les plus élevées.

Sommaire​

À la demande du Comité permanent de la procédure et des affaires de la Chambre, le présent mémoire propose six recommandations de fond aux fins de l'examen quinquennal du Code régissant les conflits d'intérêts des députés (le Code). Ces recommandations ont pour but d'améliorer le régime actuel, mais elles tiennent compte à la fois de celles et ceux qui y sont assujettis et de leur rôle tel qu'il est perçu par la population. Les recommandations mettent en évidence le fait que les Canadiennes et Canadiens ont le droit de savoir comment, quand et pourquoi leurs représentantes et représentants élus risquent de se trouver en situation de conflit d'intérêts.

Les recommandations visent à harmoniser certaines exigences – touchant notamment les intérêts personnels, la valeur des cadeaux ou autres avantages, et l'interdiction de certaines activités extérieures – ainsi qu'à faire réfléchir sur l'acceptabilité des déplacements parrainés, afin de favoriser une compréhension améliorée de la nature des conflits d'intérêts et de réduire le risque qu'ils se produisent. À l'appui de ces propositions et pour assurer la conformité au Code même, il est conseillé d'accroître les possibilités de formation et de permettre une autonomie accrue quant à l'émission de lignes directrices, et ce, afin de veiller à ce que les députées et députés comprennent leurs obligations. Il est proposé plus particulièrement d'offrir une formation obligatoire aux nouvelles et nouveaux membres de la députation et une formation annuelle continue pour tous.

Outre les six recommandations, une série de modifications techniques en annexe visent à assurer l'interprétation et la compréhension cohérentes du Code.

Un vaste éventail de points de vue a été pris en considération, ce qui a permis de formuler des recommandations ancrées dans la réalité avec laquelle doit composer le Commissariat aux conflits d'intérêts et à l'éthique. Les propositions tiennent également compte de façons différentes d'assurer l'application et le respect du Code, si la Chambre des communes souhaitait emprunter cette voie.

Introduction

Le Comité permanent de la procédure et des affaires de la Chambre (le Comité) a entrepris l'examen prévu à l'article 33 du Code régissant les conflits d'intérêts des députés (le Code).

Les fondements du Code remontent à 1867, époque où l'article 21 du Règlement était ainsi libellé : « Aucun député n'a le droit de voter sur une question dans laquelle il a un intérêt pécuniaire direct, et le vote de tout député ainsi intéressé doit être rejeté. » En 2004, cet article a été abrogé et remplacé par le Code, une annexe du Règlement.

Le dernier examen du Code a eu lieu en octobre 2015 et comprenait cinq modifications.

Au moment où le Comité entreprend l'étude et l'examen quinquennal du Code dans le but de recommander à la Chambre des communes des façons de le renforcer, je soumets six recommandations de fond basées sur mon expérience de l'application du Code au cours des quatre dernières années. Ces recommandations visent à accroître l'efficacité et la compréhension des mesures prises par le Commissariat aux conflits d'intérêts et à l'éthique (le Commissariat) pour assurer le respect par la députation entière des règles énoncées dans le Code.

Il est tout naturel que notre compréhension des conflits d'intérêts évolue, tout comme notre société. Le Code ne saurait permettre de régler à lui seul tous les problèmes. Les mesures que je prends pour faire appliquer le Code ne sauraient suffire non plus à elles seules. Toutefois, ce que mon personnel et moi pouvons et devons faire, c'est veiller à ce que les membres de la députation et la population soient tenus informés des préoccupations qui touchent l'objet et les principes du Code. Nous offrons ainsi une voix indépendante dévouée à pallier les difficultés de manière à accroître la confiance du public dans les normes exigées des représentantes et représentants élus.

Le mémoire présenté au Comité vise à fournir des conseils sur la façon de renforcer le Code. Il tient compte des préoccupations du public en matière de transparence et de responsabilisation, mais aussi de l'application pratique du Code. Le poids global et la priorité accordés au Code devraient revêtir une importance capitale pour l'intégrité générale d'une société démocratique et son rôle dans la réputation des députées et députés.

Ci-après se trouve la description détaillée des six recommandations, de même qu'une annexe distincte énonçant des modifications techniques à apporter au Code. 

Liste des recommandations de fond

Recommandation 1 : Établir un seuil minimal pour les cadeaux et les sources d'influence potentielles

Les cadeaux ou autres avantages font partie des sujets les plus fréquemment soulevés par les membres de la députation auprès des conseillères et conseillers du Commissariat. En plus de chercher à savoir ce qui est considéré comme un cadeau acceptable et ce qui ne l'est pas, les députées et députés posent des questions sur les petits objets offerts en gage de reconnaissance, mais qui ne relèvent pas des marques d'accueil habituellement reçues dans le cadre de leurs fonctions. Les notions de « valeur » et de « provenance » d'un cadeau ou autre avantage seraient mieux comprises si elles étaient définies plus en détail dans le Code.

À cette fin, il est recommandé de clarifier l'exception à l'interdiction portant sur les cadeaux ou autres avantages au paragraphe 14(2). Lors du dernier examen du Code, l'abaissement de la valeur des cadeaux ou autres avantages à déclarer à 200 $ sur une période de 12 mois visait à rappeler aux députées et députés leurs obligations de déclaration prévues dans le Code; cependant, cet abaissement ne devait pas être si bas que cela créerait un fardeau administratif excessif. En conséquence, il est proposé d'ajouter un nouveau paragraphe qui prévoit un seuil minimal global de 30 $ sur une période de 12 mois à partir duquel l'acceptabilité d'un cadeau ou d'un autre avantage doit être évaluée. Ce seuil minimal compléterait l'obligation de déclarer tous les cadeaux ou autres avantages acceptables de même provenance qui sont reçus sur une période de 12 mois et dont la valeur totale est de 200 $ ou plus. Il est peu probable que ce montant très modeste entraîne un conflit d'intérêts, pourvu qu'il ne s'agisse pas d'une pratique récurrente de la part d'un même donneur.

Les cadeaux offerts par des lobbyistes dûment inscrits pour exercer leurs activités auprès de la Chambre des communes constituent une autre question fréquemment soulevée. De nombreux cadeaux, notamment les repas et les rafraîchissements, n'entrent pas automatiquement dans la catégorie des marques d'accueil habituelles généralement associées à la charge de député. À mon avis, un cadeau ou un autre avantage de modeste valeur (30 $ ou moins, tout compris sur une période de 12 mois) offert par un lobbyiste serait peu susceptible de susciter un conflit d'intérêts et devrait être autorisé. Il est recommandé de créer un nouveau paragraphe pour préciser cette exception.

L'ajout de cette précision permettrait de rendre plus transparente la décision que je dois rendre en appliquant le critère de la personne raisonnable (paragraphe 14(1)), ce qui consiste à déterminer si une personne raisonnable ayant connaissance des faits pertinents pourrait conclure qu'un cadeau ou autre avantage pourrait raisonnablement donner à penser qu'il a été offert pour influencer la députée ou le député dans l'exercice de ses fonctions officielles. Ainsi, une norme claire serait établie pour toutes les parties, à savoir que, dans tous les cas, tout cadeau ou autre avantage reçu d'un lobbyiste et ayant une valeur supérieure au plafond de 30 $ tout compris ne sera pas acceptable.

Il serait toujours interdit pour les députées et députés et les membres de leur famille d'accepter des cadeaux ou autres avantages qui pourraient raisonnablement donner à penser qu'ils ont été donnés pour influencer les députés dans l'exercice de leurs fonctions officielles.

Le critère d'acceptabilité s'applique également aux cadeaux ou autres avantages liés à la participation à un événement caritatif ou politique, ainsi qu'aux cadeaux ou autres avantages reçus d'un caucus multipartite formé aux fins d'un sujet ou d'un intérêt précis.

Recommandation 2 : Resserrer et harmoniser les Règles de déontologie concernant le fait de favoriser les intérêts personnels des amis et des membres de la famille

Les Règles de déontologie énoncées dans le Code abordent les intérêts personnels des députées et députés. Elles leur interdisent de favoriser certains intérêts personnels dans l'exercice de leurs fonctions parlementaires (article 8), en tentant d'influencer la décision d'une autre personne (article 9) ou en utilisant les renseignements obtenus dans le cadre de leur charge et qui ne sont généralement pas à la disposition du public (article 10). Le Code établit trois catégories d'intérêts personnels qu'on ne peut favoriser dans ces situations : ceux des députés, ceux des membres de leur famille et ceux de toute personne ou entité qui en profiterait de manière indue.

À cet égard, je note d'abord la disparité entre la définition de la « famille » au paragraphe 3(4) du Code et celle de la « famille immédiate » dans le Règlement administratif relatif aux députés. Ce dernier prévoit une définition plus large du « membre de la famille » pour inclure les frères et sœurs, les parents et les beaux-parents d'une députée ou d'un député, pour n'en nommer que quelques-uns. Par souci de simplicité et pour éviter toute confusion, je recommande un élargissement similaire de la définition de « membre de la famille » dans le Code, en harmonisant les Règles de déontologie à la norme plus élevée établie dans le Règlement administratif relatif aux députés.

Pour ce faire, il faudrait toutefois modifier en conséquence les autres références aux membres de la famille dans l'ensemble du Code, où, par exemple, seules les déclarations des conjointes ou conjoints ou des enfants sont requises.

Outre l'élargissement proposé de la définition de « membre de la famille », je recommande également d'ajouter aux Règles de déontologie une interdiction de favoriser l'intérêt personnel d'une amie ou d'un ami (articles 8, 9 et 10) ainsi que la divulgation subséquente et l'obligation de se récuser (articles 12 et 13). Actuellement, toute action entreprise par une députée ou un député pour favoriser l'intérêt personnel d'un ami doit être qualifiée d'inappropriée pour constituer une contravention de ses obligations énoncées dans les articles susmentionnés. Comme le Code ne définit pas les types de circonstances dans lesquelles un député serait considéré comme favorisant de manière inappropriée l'intérêt personnel d'une autre personne, cette détermination doit être faite en tenant compte de toutes les circonstances de chaque cas.

La Loi sur les conflits d'intérêts prévoit que les intérêts personnels des amies et amis ne peuvent être favorisés au même degré que ceux des titulaires de charge publique ou de leurs proches. Ainsi, une fois qu'une amitié a été établie, il est intrinsèquement inapproprié que les intérêts de cet ami soient favorisés par une ou un titulaire de charge publique dans l'exercice de ses fonctions officielles. Plusieurs rapports d'étude en vertu de la Loi fournissent des indicateurs de ce qui constitue un ami aux fins d'une étude par le commissaire. Il est proposé d'adopter le même critère pour les enquêtes menées en vertu du Code.

Recommandation 3 : Interdire les activités extérieures qui sont incompatibles avec les fonctions parlementaires des membres de la députation

Le Code ne régit pas la conduite des députées et députés à l'extérieur de leurs fonctions parlementaires. En effet, l'article 7 leur permet expressément de pratiquer toute une gamme d'activités externes, comme exercer une profession, exploiter une entreprise ou siéger à un conseil d'administration. Je suis d'avis que nombre de ces activités, particulièrement lorsqu'elles sont rémunérées, sont fondamentalement incompatibles avec les fonctions parlementaires, dont le Code précise qu'elles constituent un mandat public. La motivation première et prépondérante du député doit être de favoriser l'intérêt public et de représenter ses électeurs de son mieux. Quand un député s'adonne à des activités qui visent à servir son intérêt pécuniaire personnel, l'intérêt public ne s'en trouve pas favorisé.

Selon l'un des principes sous-tendant le régime de gestion des conflits d'intérêts établi par le Code, les députées et députés doivent exercer leurs fonctions officielles et organiser leurs affaires personnelles d'une manière qui résistera à l'examen public le plus minutieux. Ce principe du Code fait ressortir le fait qu'il s'agit d'une obligation qui va bien au-delà d'une stricte observation de la loi. Ce principe confirme que la Chambre des communes impose les normes déontologiques les plus élevées aux députés, qui doivent par conséquent garder cette obligation à l'esprit.

Il est donc recommandé d'abroger l'article 7 et de le remplacer par une nouvelle règle de déontologie interdisant ces mêmes activités extra-parlementaires actuellement énumérées à l'article 7. Une exception serait à prévoir dans le cas des activités qui, de l'avis du commissaire, ne sont pas incompatibles avec les fonctions parlementaires des députées et députés (comme celles effectuées sans rémunération ou pour rester membre d'un ordre professionnel).

Recommandation 4 : Renforcer la cohérence des dispositions du Code relatives aux déplacements parrainés

Tous les ans avant la fin du mois de mars, la Liste des déplacements parrainés est déposée à la Chambre des communes (paragraphe 15(3)). Ce rapport compile les déplacements parrainés des députées et députés pour l'année civile précédente et toutes les modifications. Le processus entraîne inévitablement des questions. Le public et les médias communiquent notamment avec le Commissariat pour poser des questions sur l'approbation de certains déplacements des députés, sur les possibles conflits d'intérêts pour des députés qui ont accepté des invitations alors qu'ils occupent des fonctions au sein de divers comités, ainsi que sur d'autres sujets du genre. Même si j'ai la responsabilité de fournir un résumé de cette information, je ne joue aucun rôle de conseiller en ce qui concerne l'acceptabilité du déplacement en tant que tel. À mon avis, il faudrait changer cet aspect. Le fait d'appliquer aux déplacements parrainés le critère d'acceptabilité prévu pour tous les cadeaux ou autres avantages permettrait de faire taire les inquiétudes quant à savoir si un déplacement parrainé pourrait raisonnablement donner à penser qu'il a été offert pour influencer un député dans l'exercice de ses fonctions parlementaires.

En bref, les déplacements parrainés sont une forme de cadeau qui a été sciemment exclue de l'interdiction visant les cadeaux ou autres avantages (article 14). Même si le député doit déposer auprès du Commissariat une déclaration faisant état des frais de déplacement qui dépassent 200 $ (qui ne sont pas entièrement pris en charge par le Trésor, par le député ou son parti, ou encore par une association parlementaire reconnue par la Chambre des communes), aucun processus d'approbation officiel ni aucun critère en matière de conflits d'intérêts ne s'appliquent à ce cadeau. Il n'est pas difficile de comprendre pourquoi les déplacements parrainés au Canada et à l'étranger devraient être considérés comme une source potentielle de conflits d'intérêts pour le député qui les accepte.

Même si les déplacements parrainés compensent les budgets limités de déplacement que peuvent avoir les députées et députés, ils créent dans bien des cas l'apparence de conflit d'intérêts. À ce sujet, il importe de ne pas oublier que, tout comme pour les cadeaux ou autres avantages que les députés peuvent recevoir, la simple apparence d'un conflit d'intérêts découlant de l'acceptation d'un déplacement parrainé va à l'encontre des principes directeurs du Code (alinéa 2e)) et peut être considérée comme compromettant le jugement et l'intégrité d'un député. 

Par ailleurs, ce ne sont pas tous les groupes qui ont les moyens d'offrir des déplacements parrainés aux députées et députés, ce qui crée un clivage entre les organisations qui ont la capacité d'échanger ainsi avec des parties intéressées et influentes et celles qui ne l'ont pas. Les organisations ayant moins de ressources financières ne peuvent pas donner leurs points de vue sur des questions d'intérêt mutuel ni renforcer un dialogue positif avec différentes parties de la même façon. Cette situation peut également nourrir la perception d'un accès préférentiel aux représentantes et représentants élus, ce qui n'aide nullement à accroître la confiance du public dans l'intégrité de la Chambre des communes en tant qu'institution.

Les inquiétudes entourant l'acceptabilité des « déplacements gratuits » ne se limitent pas au rôle du Commissariat dans la prestation de conseils aux députées et députés sur les questions de conflits d'intérêts, pas plus que la remise en question de la pertinence de cette pratique n'est l'apanage d'observateurs au Canada. L'ajout d'un critère d'acceptabilité permettrait à tout le moins d'écarter toutes les inquiétudes quant à savoir si un déplacement parrainé pourrait raisonnablement donner à penser qu'il a été offert pour influencer un député dans l'exercice de ses fonctions, que ce soit maintenant ou dans l'avenir, et qu'il pourrait compromettre son jugement personnel ou son intégrité, selon les dispositions du Code. Ce changement n'empêcherait pas un député de présenter un exposé à une conférence, par exemple, parce que ce type d'activité relèverait dans la plupart des cas de ses fonctions et pourrait faire partie des exclusions.

Par conséquent, je recommande fortement au Comité de réexaminer cette question afin d'accroître la confiance du public dans leur intégrité et celle de la Chambre des communes. Si un déplacement parrainé est considéré comme acceptable, le critère d'acceptabilité pour les cadeaux ou autres avantages devrait s'appliquer, et la pratique actuelle prévoyant une déclaration publique et la remise de pièces justificatives devrait être maintenue. À cet égard, si les déplacements parrainés devaient être assujettis à un critère d'acceptabilité, il ne serait peut-être plus nécessaire de présenter annuellement la Liste des déplacements parrainés (paragraphe 15(3)) parce que les déplacements énumérés dans le registre public seraient assujettis à un critère d'acceptabilité, comme les cadeaux. Bien qu'elle soit utilisée par certaines et certains comme outil de référence, l'information dans la Liste des déplacements parrainés est reproduite dans le registre public.

Recommandation 5 : Favoriser une meilleure compréhension au moyen d'une formation obligatoire pour les nouvelles et nouveaux membres de la députation

Comme je l'ai mentionné lors de mon témoignage devant le Comité le 14 décembre 2021, je crois qu'il incombe à toutes les députées et à tous les députés d'acquérir une compréhension des principes du Code et de les suivre. Sous ma direction, le Commissariat travaille de manière proactive à maintenir et à accroître l'attention accordée aux activités éducatives, en mettant l'accent sur les domaines à risques élevés. Bien que nous cherchions à joindre les députés à l'endroit et au moment qui leur conviennent et continuons d'envisager de nouvelles approches, elles et ils sont généralement peu nombreux à participer aux séances volontaires. Je recommande donc d'établir une formation obligatoire pour les nouveaux membres de la députation dans les 60 jours suivant la confirmation de leur élection, ainsi qu'une formation annuelle obligatoire pour l'ensemble des députés.

Ce délai concorde précisément avec le processus de conformité initiale; ainsi, la formation obligatoire permettra d'améliorer la compréhension des exigences avant la présentation des déclarations étant donné qu'elles sont parfois incomplètes en raison d'un manque de connaissances à ce sujet. Cette formation serait évidemment aussi offerte aux députées et députés réélus qui souhaiteraient se rafraîchir la mémoire. Elle pourrait prendre la forme d'une autoformation en ligne ou de séances de groupe interactives avec une représentante ou un représentant du Commissariat. Cette formation d'introduction ne devrait toutefois pas dépasser deux heures.

La formation annuelle obligatoire qui suivrait ne vise pas à être astreignante pour l'ensemble de la députation. Elle porterait plutôt sur une série de sujets principaux, abordés dans de brefs modules d'autoformation axés sur les grandes questions associées aux conflits d'intérêts qui pourraient comprendre les obligations, les règles de fond, les récusations, les modifications apportées au Code, l'importance de l'éthique et ainsi de suite. La participation à une séance en direct en ligne pourrait suivre la portion d'autoformation. En plus de permettre de suivre la progression et l'achèvement de la formation, ce type d'approche tire parti des progrès que nous avons faits dans les dernières années pour joindre les députées et députés à l'endroit et au moment où ils sont disponibles.

Codifier la formation à suivre est une mesure préventive. La formation obligatoire favorise une meilleure compréhension des principes du Code. Elle permettrait également aux membres de la députation de comprendre les types de situations où elles et ils devraient demander au Commissariat des conseils et des avis de façon préventive.

Recommandation 6 : Accorder une plus grande autonomie pour modifier les formulaires et fournir des conseils généraux

À la suite de la discussion sur l'importance de l'éducation, une autre façon d'améliorer la compréhension a été soulevée pendant mon témoignage devant le Comité le 14 décembre 2021. Elle portait sur l'interrelation entre certaines dispositions du Code, notamment l'adoption de lignes directrices et de formulaires (article 30), et le besoin de mener des activités éducatives (article 32). Une autonomie accrue est essentielle pour permettre de fournir avec transparence et célérité des conseils qui peuvent être généralisés à l'intention des députées et députés et d'améliorer la compréhension du public.

Le Code permet que j'adopte des formulaires et des lignes directrices sur l'interprétation pour assurer le respect des Règles de déontologie prévues dans le Code ainsi que toutes lignes directrices sur la procédure. Toutefois, le mécanisme d'approbation des lignes directrices et des formulaires comporte des lacunes qui nuisent au processus de conformité des députées et députés et à l'exercice de mes fonctions associées au Code. Il serait donc extrêmement bénéfique pour toutes les parties de laisser une marge de manœuvre au commissaire qui pourrait fournir les lignes directrices nécessaires pour expliquer les dispositions du Code, et ce, tout en respectant les limites prévues dans le Code sur la divulgation des renseignements personnels. 

La capacité du commissaire à présenter des lignes directrices ou des formulaires généraux dans le cadre de l'application du Code devrait être prévue à l'article 30, sans exiger l'approbation préalable du Comité et l'adoption par la Chambre des communes. Le Comité pourrait toujours assurer la surveillance de ces questions s'il souhaite réviser, approuver ou recommander des modifications majeures ou corriger des vulnérabilités associées au Code.​

Conclusion

Un ensemble de règles sur les conflits d'intérêts qui sont claires et bien comprises permet d'établir les attentes, tant pour les représentantes et représentants élus qui doivent les respecter que pour la population canadienne qui les a élus. Les principes du Code sont bien implantés et ont été utiles à la Chambre des communes. En général, ils fonctionnent bien. Cependant, comme ce devrait être le cas dans toutes les démocraties modernes, les détails du Code doivent évoluer alors que nous acquérons une meilleure compréhension des conflits d'intérêts. Nous pouvons ainsi confirmer la pertinence de ces principes et corriger les lacunes constatées avec l'expérience.

Le présent mémoire s'appuie sur les données compilées depuis que je suis devenu commissaire il y a quatre ans, avec la participation des conseillères et conseillers ainsi que des avocates et avocats qui travaillent avec le Code au quotidien. Les six recommandations de fond ont été soigneusement mûries et reflètent les changements les plus importants que nous souhaitons soumettre à l'examen du Comité et de la Chambre des communes. Elles visent à préciser l'évaluation de l'acceptabilité des cadeaux ou autres avantages pour que ce soit plus clair pour les députées et députés et pour permettre une gestion plus efficace et plus prudente par le Commissariat; à renforcer et harmoniser les règles du Code sur le fait de favoriser les intérêts personnels d'amis et de membres de la famille et d'élargir la définition de « membre de la famille »; à interdire les activités extérieures qui ne sont pas compatibles avec les fonctions des membres de la députation; à renforcer la cohérence des dispositions du Code relatives aux déplacements parrainés; et à favoriser une meilleure compréhension des principes du Code grâce à une formation obligatoire et à l'octroi d'une autonomie accrue pour offrir des conseils généraux.

Ensemble, les recommandations et les modifications techniques en annexe sont conçues pour améliorer la reddition de comptes et accroître la transparence pour la population canadienne. Elles me paraissent sensées et réalistes.

Sources

Bureau du Conseil privé. Lignes directrices pour la préparation des réponses du gouvernement aux rapports des comités parlementaires, octobre 2012.

Bureau du commissaire à l'intégrité de l'Ontario. « Dons », 2022.

Bureau du Conseil privé. Lois et règlements : l'essentiel, 2e éd., 2001.

France, Haute Autorité pour la transparence de la vie publique. « Ressources / Documents utiles », 2022.

Kipp, Alex. « When Ethics is a Hot Topic », COGEL's The Guardian, vol. 42, no 3, novembre 2021.

Nations Unies, Groupe de travail intergouvernemental à composition non limitée sur la prévention de la corruption. « Prévention et gestion des conflits d'intérêts (art. 7, par. 4 de la Convention des Nations Unies contre la corruption) », Document présenté à la Conférence des États parties à la Convention des Nations Unies contre la corruption, 18 juin 2018.

Neumark, Gerry. « Controlling Unethical Behavior in the Local Public Sector: Problems and Opportunities », COGEL's The Guardian, vol. 40, no 3, novembre 2019.

Organisation de coopération et de développement économiques. Gérer les conflits d'intérêts dans le secteur public : Mode d'emploi, 2005.

Royaume-Uni, Committee on Standards in Public Life. Upholding Standards in Public Life: Final report of the Standards Matter 2 review, 1 novembre 2021.

Royaume-Uni, House of Commons Committee on Standards. Boris Johnson: First Report of Session 2021–22, 8 juillet 2021.

Royaume-Uni. Report on the conduct of Rt Hon Boris Johnson MP published, communiqué, 8 juillet 2021.

Royaume-Uni. The Code of Conduct for Members of Parliament, 1995.

Ann​exe

Modificat​ions techniques du Code régissant les conflits d'intérêts des députés

En plus des modifications de fond que je recommande d'apporter au Code régissant les conflits d'intérêts des députés (le Code), j'inclus quelques propositions de modifications qui sont de nature plus technique. Ces modifications proposées sont tout de même importantes parce qu'elles assurent une interprétation et une compréhension cohérentes du Code.

Défin​itio​ns

1. Il est recommandé d'ajouter, au paragraphe 3(1), une définition des « fonctions parlementaires » qui incorpore par renvoi la définition utilisée dans le Règlement administratif relatif aux députés.

2. Compte tenu du vocabulaire utilisé dans les Règles de déontologie, qui mentionnent le fait de favoriser les intérêts personnels d'entités (en particulier aux articles 8 à 10), il est recommandé d'ajouter le mot « entité » aux paragraphes 3(2) et 3(3).

3. Pour plus de certitude, il est recommandé d'ajouter le mot « conseil » à l'alinéa 3(2)e) afin d'inclure les organisations comme les conseils municipaux et scolaires.

4. Le paragraphe 3(3) du Code énumère quatre cas où la députée ou le député n'est pas considéré comme ayant favorisé ses intérêts personnels ou ceux d'une autre personne. La disposition en anglais exige que l'affaire en question relève d'une des quatre catégories énumérées. Ensuite, les intérêts dans l'affaire sont évalués pour déterminer s'ils peuvent être écartés à juste titre des activités qui favorisent des intérêts personnels. La version française, quant à elle, se limite à déterminer si les intérêts eux-mêmes relèvent d'une des quatre catégories énumérées.

Il est recommandé de modifier la version française du paragraphe 3(3) pour qu'il corresponde à la version anglaise.

Cadeaux – article 14

5. La version française du paragraphe 14(1) devrait être modifiée comme suit : « […] qui pourrait raisonnablement donner à penser […] »

Contenu de la déclaration

6. Selon l'article 21, les membres de la députation sont tenus de présenter une déclaration qui fait état des éléments d'actif et de passif dont la valeur « dépasse » 10 000 $, et de la source de tout revenu « de plus de » 1 000 $. Un sommaire de la déclaration est rendu public aux termes de l'article 24. Les éléments d'actif ou de passif dont la valeur est « inférieure à » 10 000 $ et les sources de revenus « de moins de » 10 000 $ ne sont pas mentionnés dans le sommaire. Pour éviter qu'il y ait des trous dans ce qui doit être déclaré et ensuite rendu public, il est recommandé de modifier les sous-alinéas 21(1)a)(i) et (ii) comme suit : « est de 10 000 $ ou plus », ainsi que l'alinéa 21(1)b) comme suit : « 1 000 $ ou plus ». 

Contenu de la déclaration sommaire

7. Aux termes de l'alinéa 24(1)d), la déclaration sommaire de la députée ou du député doit comporter une copie des déclarations visées aux paragraphes 14(3) (cadeaux), 15(1) (déplacements parrainés) et 21(3) (changements importants à la déclaration). Ces trois catégories de renseignements à déclarer faisant partie de la déclaration sommaire, un nouveau sommaire est produit et doit être signé par le député à la réception de chaque déclaration. Afin d'alléger la tâche administrative du député et du Commissariat aux conflits d'intérêts et à l'éthique (le Commissariat), qui doivent produire et signer de nouvelles déclarations sommaires plusieurs fois par année, nous proposons d'abroger l'alinéa 24(1)d) et d'ajouter, sous les dispositions concernant les cadeaux, les déplacements parrainés et les changements importants, que ces déclarations seront versées au site Web du Commissariat avec les documents du député relatifs à la divulgation publique. Cette pratique est déjà utilisée pour la divulgation des intérêts personnels nécessitant récusation en vertu des paragraphes 12(3) et (4).

Consultation par le public

8. Le paragraphe 23(2) prévoit que les déclarations sommaires sont gardées au bureau du commissaire et rendues accessibles au public pour examen pendant les heures normales d'ouverture. Les déclarations sommaires sont aussi versées dans le registre public sur le site Web du Commissariat. Alors que les bureaux adoptent de plus en plus les processus sans papier, il n'est plus nécessaire, à mon avis, de fournir des copies papier à l'intention du public. Il convient également de noter que le registre papier est rarement consulté. En fait, il l'a été moins de cinq fois dans les cinq dernières années. Il est recommandé de supprimer la référence à la consultation du dossier papier par le public dans cette disposition.

Enqu​êtes

9. La version anglaise du paragraphe 27(2) prévoit que la demande d'enquête « shall identify the alleged non-compliance and set out the reasonable grounds for that belief » (précise la contravention présumée et énonce les motifs pour lesquels il est raisonnable de croire qu'une règle n'a pas été respectée). Selon mon interprétation de ce libellé, la règle de déontologie en cause doit être précisée ainsi que les motifs permettant de croire qu'il y a eu contravention. La version française de cette disposition n'exige que d'énoncer les motifs. Il est recommandé de modifier la version française pour inclure une référence à la disposition qui n'aurait pas été respectée.​


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