PRÉFACE
La Loi sur les conflits d'intérêts, L.C. 2006, ch. 9, art. 2 (la Loi) est entrée en vigueur le 9 juillet 2007.
Conformément à l'article 68 de la Loi, si le commissaire à l'intégrité du secteur public saisit le commissaire aux conflits d'intérêts et à l'éthique d'une question en vertu du paragraphe 24(2.1) de la Loi sur la protection des fonctionnaires divulgateurs d'actes répréhensibles, ce dernier est tenu de fournir au premier ministre un rapport énonçant les faits, son analyse de la question et ses conclusions. Une copie du rapport est fournie à la personne titulaire de charge publique ou à l'ex-titulaire de charge publique qui en fait l'objet, de même qu'au commissaire à l'intégrité du secteur public. Le rapport est également rendu public.
En vertu de la Loi sur la protection des fonctionnaires divulgateurs d'actes répréhensibles, le commissaire à l'intégrité du secteur public a le mandat d'examiner les divulgations d'actes répréhensibles faites par des fonctionnaires et de produire des rapports d'examen. Cependant, dans les cas où l'objet d'une divulgation porte sur une question relevant de ma compétence à titre de commissaire aux conflits d'intérêts et à l'éthique, le commissaire à l'intégrité du secteur public doit, conformément au paragraphe 24(2.1) de la Loi sur la protection des fonctionnaires divulgateurs d'actes répréhensibles, me saisir de la question.
Si, après avoir été saisi d'une question en ce sens, j'ai des motifs de croire que la personne titulaire de charge publique ou ex-titulaire de charge publique qui fait l'objet de la question a contrevenu à la Loi sur les conflits d'intérêts (la Loi), je peux entreprendre une étude en vertu de l'article 45 de la Loi. Même si je décide de ne pas amorcer d'étude, je suis tout de même tenu, conformément à l'article 68 de la Loi, de produire un rapport public énonçant les faits, mon analyse de la question et mes conclusions.
Dans le cas présent, dans une lettre datée du 4 février 2020, le commissaire à l'intégrité du secteur public m'a renvoyé, conformément au paragraphe 24(2.1) de la Loi sur la protection des fonctionnaires divulgateurs d'actes répréhensibles, des allégations de conflit d'intérêts contenues dans des divulgations faites au nom de quelques employés d'un ministère du gouvernement du Canada contre une personne occupant un poste de sous-ministre de ce ministère. Cette personne sera appelée « la personne visée par les allégations » dans le présent rapport.
Ce renvoi contient deux allégations très distinctes à l'égard de la personne visée.
Selon la première allégation, la personne visée par les allégations aurait contrevenu aux règles habituelles d'embauche du ministère et aurait permis qu'un poste de haut niveau soit attribué à un ami de longue date. Plus précisément, la personne visée serait intervenue au cours du processus d'embauche, ou encore elle aurait influencé le processus d'embauche, au bénéfice de cet ami.
Selon la deuxième allégation de ce renvoi, la personne visée par les allégations serait intervenue au cours d'une enquête interne menée en vertu de la Loi sur la protection des fonctionnaires divulgateurs d'actes répréhensibles en donnant des instructions à plusieurs hauts fonctionnaires quant à cette enquête. Selon la divulgation, la personne visée était motivée par une vendetta personnelle visant à discréditer une autre personne occupant un poste de haut fonctionnaire.
Après avoir reçu le renvoi du commissaire à l'intégrité du secteur public et avoir communiqué avec son bureau, j'ai obtenu d'une des personnes qui ont fait la divulgation des renseignements supplémentaires me permettant d'évaluer la situation. J'ai reçu de cette personne de nombreux documents entre le 12 mars et le 27 mai 2020.
Les renseignements fournis au sujet de la deuxième allégation de ce renvoi m'ont permis de constater qu'il n'y avait, dans la question soulevée, aucune indication qu'un intérêt personnel visé par la Loi sur les conflits d'intérêts (la Loi) ait été favorisé. J'ai donc décidé de ne pas étudier davantage cette allégation et de ne pas en informer la personne visée par les allégations puisqu'elle n'était pas pertinente eu égard à la Loi.
Dès le 8 avril 2020, j'ai écrit à la personne visée par les allégations. Je lui ai alors indiqué que j'avais été saisi d'un renvoi par le commissaire à l'intégrité du secteur public. Je l'ai informée de la première allégation seulement et je l'ai invitée à présenter des commentaires sur le sujet. J'ai aussi précisé que je tiendrais compte de sa réponse en vue de déterminer s'il y avait lieu d'entreprendre une étude en vertu de l'article 45 de la Loi ou si je disposais de suffisamment de renseignements me permettant de passer directement à la publication du rapport exigé.
Le 16 avril 2020, la personne visée par les allégations m'a demandé un délai supplémentaire afin de répondre à ma demande, soit jusqu'au 27 mai 2020, compte tenu des circonstances particulières liées à la COVID-19, ce que j'ai accepté.
Le 27 mai 2020, la personne visée par les allégations a fourni une réponse écrite accompagnée de pièces justificatives et d'un témoignage écrit. Elle a nié avoir été en conflit d'intérêts. Le même jour je recevais des documents d'une des personnes qui ont fait la divulgation. Ce sont les derniers documents reçus par le Commissariat dans ce dossier.
Une analyse préliminaire de l'ensemble des renseignements relatifs à la question dont j'ai été saisi m'a permis de déterminer que je n'avais aucun motif de croire que la personne visée par les allégations puisse avoir contrevenu à la Loi. Par conséquent, j'ai jugé qu'il n'y avait pas lieu d'entreprendre une étude en vertu de la Loi, et j'ai produit le présent rapport.
Par ailleurs, à la lumière d'un certain nombre de facteurs, y compris le fait que cette affaire n'a reçu aucune attention du public, j'ai déterminé qu'il n'y avait pas lieu d'identifier les personnes concernées, et j'ai rédigé le rapport de manière à protéger leur anonymat et à empêcher toute atteinte à leur réputation en raison d'allégations non fondées.
Faits
La première allégation du renvoi vise l'embauche d'une personne occupant un poste de haut fonctionnaire.
La personne visée par les allégations est sous-ministre au sein d'un ministère. Le processus d'embauche pour pourvoir à un poste vacant, d'abord de façon intérimaire, prévoyait qu'elle devait approuver ou non une recommandation d'embauche préparée par son ministère. Elle devait ensuite transmettre sa recommandation à des autorités supérieures, lesquelles ont autorisé l'embauche de cette personne.
La personne visée par les allégations m'a confirmé bien connaître le haut fonctionnaire qui a été choisi pour le poste. Elle l'avait côtoyé dans un autre organisme fédéral pendant une période de huit ans environ, et l'avait supervisé pendant deux ans, mais elle ne le considère pas comme un ami puisque ce n'est pas quelqu'un qu'elle fréquenterait à l'extérieur du bureau.
La personne visée par les allégations m'a informé qu'elle ignorait que ce haut fonctionnaire était candidat pour le poste intérimaire. Elle m'a aussi informé avoir appris depuis que c'est un autre haut fonctionnaire qui avait suggéré le nom de ce candidat pour le poste.
Les documents fournis par la personne visée par les allégations ont démontré que ce n'est pas elle qui a approuvé la recommandation d'embauche pour le poste intérimaire, puisqu'elle était en vacances à ce moment.
Quant à l'embauche de façon permanente, un comité de sélection a été constitué selon les pratiques habituelles du ministère en matière de dotation. Les documents fournis par la personne visée par les allégations ont démontré qu'elle ne faisait pas partie de ce comité. Parmi ces documents, il y avait entre autres une déclaration signée d'un membre du comité de sélection indiquant que la personne visée par les allégations n'a pas eu à approuver les conclusions du comité, ni à les recommander aux autorités décisionnelles.
Analyse
Selon la première allégation, la personne visée par les allégations se serait trouvée en conflit d'intérêts en contrevenant aux règles habituelles d'embauche de son ministère afin de favoriser les intérêts d'un ami de longue date. Elle aurait agi de façon à lui faire attribuer un poste de haut niveau au ministère. Plus précisément, la personne visée serait intervenue au cours du processus d'embauche, ou encore elle aurait influencé ce processus, au bénéfice de cet ami.
L'article 4 de la Loi précise qu'un titulaire de charge publique se trouve en situation de conflits d'intérêts lorsqu'il exerce un pouvoir officiel ou une fonction officielle qui lui fournit la possibilité de favoriser l'intérêt personnel d'un ami, ou de favoriser de façon irrégulière l'intérêt personnel de toute autre personne.
Cependant, à la lumière des renseignements fournis dans la réponse de la personne visée par les allégations, il semble que l'allégation ne soit pas fondée sur l'ensemble des faits pertinents, dont certains n'étaient sans doute pas connus par les personnes ayant fait la divulgation.
D'abord, la personne nommée ne peut pas être considérée une amie de la personne visée par les allégations au sens de la Loi. Dans le Rapport Watson, ma prédécesseure, la commissaire Dawson, a interprété le terme « ami » pour les besoins de la Loi comme désignant « une personne avec laquelle on a des liens personnels depuis un certain temps au-delà de la simple association ». La notion d'ami au sens de la Loi ne vise pas, à son avis, les connaissances d'un large cercle social ni les partenaires d'affaires. Dans le Rapport Chapman, j'ai indiqué implicitement que je souscris à cette analyse. Comme la personne visée et la personne choisie pour le poste ne se fréquentaient pas en dehors des heures de travail, je considère qu'elles n'étaient pas des amies au sens de la Loi.
Les faits démontrent que la personne visée par les allégations d'une part n'a pas approuvé la recommandation d'embauche intérimaire et d'autre part n'a pas été impliquée dans le processus d'embauche.
À mon avis, il n'y a aucun fondement factuel indiquant que la personne visée par les allégations ait favorisé de façon irrégulière les intérêts personnels de la personne choisie pour ce poste.
Compte tenu des renseignements que j'ai reçus du commissaire à l'intégrité du secteur public, d'une des personnes qui ont fait la divulgation et de la personne visée par les allégations, je n'ai aucun motif de croire que cette dernière a contrevenu à la Loi. Par conséquent, je n'entreprendrai pas d'étude de la question aux termes de l'article 45 de la Loi, et je juge que le dossier est clos.