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Le rapport Vennard

​​​​​PRéFACE

La Loi sur les conflits d'intérêts, L.C. 2006, ch. 9, art. 2 (la Loi) est entrée en vigueur le 9 juillet 2007.

Une étude en vertu de la Loi peut être amorcée à la demande d'un parlementaire, conformément au paragraphe 44(1) de la Loi, ou par la commissaire aux conflits d'intérêts et à l'éthique de son propre chef, conformément au paragraphe 45(1) de la Loi.

Quand une étude est amorcée par la commissaire, de son propre chef, en vertu de l'article 45, à moins que l'étude ne soit interrompue, la commissaire doit, conformément au paragraphe 45(3), remettre au premier ministre un rapport énonçant les faits, son analyse de la question et ses conclusions à la suite de l'étude. Le paragraphe 45(4) prévoit que la commissaire doit en même temps remettre un double du rapport au titulaire ou à l'ex-titulaire de charge publique visé, et rendre le rapport accessible au public.

Lorsque la commissaire est saisie d'une question renvoyée par le commissaire à l'intégrité du secteur public en vertu du paragraphe 24(2.1) de la Loi sur la protection des fonctionnaires divulgateurs d'actes répréhensibles, elle peut, si elle a des raisons de croire qu'un titulaire ou ex‑titulaire de charge publique a contrevenu à la Loi, décider d'étudier la question de son propre chef en vertu de l'article 45 de la Loi.

Que la commissaire amorce ou non une étude en vertu de l'article 45 de la Loi, elle doit, conformément à l'article 68 de la Loi, remettre au premier ministre un rapport énonçant les faits, son analyse de la question et ses conclusions si elle est saisie d'un renvoi du commissaire à l'intégrité du secteur public. Elle remet également une copie du rapport au titulaire ou à l'ex‑titulaire de charge publique faisant l'objet du rapport ainsi qu'au commissaire à l'intégrité du secteur public. Enfin, le rapport est rendu public.

Sommaire

Le présent rapport énonce les conclusions de mon étude menée en vertu de la Loi sur les conflits d’intérêts (la Loi) relativement à la conduite de Mme Linda Vennard, conseillère au Conseil de la radiodiffusion et des télécommunications canadiennes (CRTC) pour l’Alberta et les Territoires du Nord‑Ouest, relativement à des cadeaux qu’elle a acceptés.  

En janvier 2016, j’ai reçu un renvoi du commissaire à l’intégrité du secteur public en vertu de la Loi sur la protection des fonctionnaires divulgateurs d’actes répréhensibles portant sur trois préoccupations à propos de la conduite de Mme Vennard. Selon les renseignements obtenus au cours de mes vérifications préliminaires, je n’avais aucun motif de croire que Mme Vennard avait contrevenu à ses obligations en vertu de la Loi relativement à ces préoccupations, donc je n’ai pas poursuivi l’affaire plus loin.  

Toutefois, une nouvelle préoccupation est ressortie de mes vérifications. En effet, il semble que Mme Vennard aurait accepté des cadeaux de la part d’un intervenant du CRTC. Par conséquent, j’ai décidé d’étudier la question en vertu du paragraphe 11(1) de la Loi, qui interdit à tout titulaire de charge publique d’accepter un cadeau qui pourrait raisonnablement donner à penser qu’il a été donné pour influencer le titulaire dans l’exercice de ses fonctions officielles.  

En juillet 2015, Mme Vennard, toute nouvelle conseillère, a accepté un bouquet de fleurs et une boîte de chocolats qui lui ont été envoyés au bureau du CRTC à Calgary le jour de son anniversaire par des représentants d’entreprises qui exploitent deux stations de radio commerciales, connues sous le nom de RED FM, dont une à Calgary. Elle ne les avait rencontrés que récemment.  

En tant que titulaires de licences de radiodiffusion, les deux entreprises sont des intervenants du CRTC, un tribunal administratif avec des pouvoirs décisionnels quasi-judiciaires qui attribue, révoque et suspens les licences de radiodiffusion en plus d’en gérer la modification et le renouvellement. Les fonctions des conseillers du CRTC comprennent la participation à des consultations et à des audiences publiques, la participation à la prise de décisions du CRTC et la consultation des membres des industries de la radiodiffusion et des télécommunications. Le seul lien entre Mme​ Vennard et les représentants de RED FM qui lui ont offert les cadeaux est que ces derniers sont des intervenants du CRTC.  

J’ai conclu que les fleurs et les chocolats offerts à Mme Vennard par RED FM pourraient raisonnablement donner à penser qu’ils ont été donnés pour l’influencer, puisque l’entreprise est un intervenant du CRTC. J’ai aussi conclu que ces cadeaux n’étaient pas visés par l’exception au critère d’acceptabilité de la Loi pour les cadeaux qui sont des marques normales ou habituelles de courtoisie ou de protocole ou qui sont habituellement offerts dans le cadre de la charge du titulaire de charge publique.  

Par conséquent, je conclus que Mme Vennard a contrevenu au paragraphe 11(1) de la Loi en acceptant le bouquet de fleurs et la boîte de chocolats offerts par RED FM.

Les préoccupations

Le 13 janvier 2016, le commissaire à l'intégrité du secteur public m'a renvoyé, conformément au paragraphe 24(2.1) de la Loi sur la protection des fonctionnaires divulgateurs d'actes répréhensibles, une divulgation protégée que son bureau avait reçue le 19 octobre 2015. La divulgation comportait trois préoccupations concernant des conflits d'intérêts au sujet de Mme Linda Vennard, conseillère du Conseil de la radiodiffusion et des télécommunications canadiennes (CRTC) pour l'Alberta et les Territoires du Nord-Ouest.

En vertu de l'article 68 de la Loi sur les conflits d'intérêts (la Loi), je suis tenue de préparer un rapport puis de rendre ce rapport public lorsque je suis saisie d'un dossier provenant du commissaire à l'intégrité du secteur public.

Pendant ma cueillette de renseignements lors de l'analyse préliminaire des trois préoccupations que m'a renvoyées le commissaire à l'intégrité du secteur public, j'ai obtenu des renseignements qui ont soulevé pour ma part une autre préoccupation. Cette autre préoccupation justifiait la tenue d'une étude en vertu du paragraphe 45(1) de la Loi et sera aussi traitée dans ce rapport.

Les trois préoccupations transmises par le commissaire à l'intégrité du secteur public

Première préoccupation

La première préoccupation était fondée sur l'allégation que les dépenses du conjoint de Mme Vennard, lequel l'accompagnait dans ses déplacements lorsqu'elle assistait à des rencontres d'affaires du CRTC avec des intervenants, auraient été prises en charge par le CRTC. Des vérifications préliminaires ont démontré qu'il n'y a pas eu de réclamations de ces dépenses auprès du CRTC. Je n'avais donc aucun motif de croire que Mme Vennard ait contrevenu à ses obligations en vertu de la Loi à cet égard. Je n'ai pas étudié cette question.

Deuxième préoccupation

La deuxième préoccupation était que dans son rôle de conseillère du CRTC, Mme Vennard n'agissait pas indépendamment des activités de son entreprise, Vennard Consulting Group Inc. Il était aussi allégué que le conjoint de Mme Vennard avait assisté à des rencontres entre Mme Vennard et des intervenants du CRTC alors qu'il était inscrit comme lobbyiste pour Vennard Consulting Group Inc.

Le 19 octobre 2015, soit la même date à laquelle le commissaire à l'intégrité du secteur public a reçu la divulgation protégée mentionnée ci-dessus, j'ai aussi reçu des renseignements d'un membre du public soulevant une préoccupation portant sur le même sujet. Le Commissariat a alors fait des recherches au cours des jours qui ont suivi et a découvert que les activités de lobbying inscrites par le conjoint de Mme Vennard n'étaient pas liées au CRTC et dataient de plusieurs années avant la nomination de Mme Vennard à titre de conseillère au CRTC. De plus, selon l'Alberta Corporate Registry, l'entreprise Vennard Consulting Group Inc. était inactive et rayée du registre depuis 2008. Je n'avais par conséquent aucun motif de croire que Mme Vennard ait contrevenu à ses obligations en vertu de la Loi quant à cette allégation et je n'ai donc pas étudié cette question. Je n'ai reçu aucun nouveau renseignement à ce sujet qui modifierait cette évaluation.

Troisième préoccupation

La troisième préoccupation était que Mme Vennard aurait reçu des cadeaux de la part d'intervenants du CRTC, soit des invitations pour son conjoint et pour elle-même au Gala des Rosies en mai 2015 et au Digital Futures Symposium on Rural Broadband Enablement en octobre 2015. De plus, selon cette allégation, ces cadeaux n'auraient pas été divulgués au Commissariat.

Après vérification, il s'est avéré que Mme Vennard était présente à ces événements dans le cadre de ses fonctions officielles de conseillère du CRTC pour l'Alberta et les Territoires du Nord-Ouest. Elle avait été invitée au gala afin d'y remettre un ou deux prix sur la scène lors de la soirée, mais un changement au programme a fait qu'elle n'a pas eu l'occasion de remettre des prix bien qu'elle ait été présente pendant toute la soirée. Quant à sa présence au symposium, elle y a fait une présentation officielle au nom du CRTC. Par conséquent, la présence de Mme Vennard à ces événements revêtait un caractère officiel. Une invitation à un événement où la participation à cet événement relève des responsabilités professionnelles n'est pas considérée comme un cadeau.

Quant à la présence du conjoint de Mme Vennard à ces mêmes événements, lorsqu'un titulaire de charge publique est invité à participer à ce genre d'événement dans le cadre de ses fonctions officielles, il est courant que l'invitation s'étende à l'accompagnatrice ou à l'accompagnateur de l'invité. Je n'avais aucun motif de croire que Mme Vennard ait contrevenu à ses obligations en vertu de la Loi quant à cette allégation et je n'ai pas étudié cette question.

Nouvelle préoccupation

Comme je l'ai mentionné au début de ce rapport, alors que je considérais les trois préoccupations décrites ci-dessus, j'ai eu connaissance de renseignements qui ont pour ma part soulevé une nouvelle préoccupation.

Un bouquet de fleurs et une boîte de chocolats auraient été reçus et acceptés par Mme Vennard au bureau du CRTC à Calgary à l'occasion de son anniversaire, offerts par des représentants de l'entreprise Multicultural Broadcasting Corporation Inc. qui exploite la station de radio RED FM 106.7 à Calgary.

Le paragraphe 11(1) de la Loi interdit à tout titulaire de charge publique d'accepter un cadeau qui pourrait raisonnablement donner à penser qu'il a été donné pour l'influencer dans l'exercice de ses fonctions officielles. L'acceptation de ce cadeau par Mme Vennard me donnait des motifs de croire qu'elle aurait contrevenu à l'article 11 de la Loi.

Le reste du présent rapport traite de cette préoccupation.

Le pROCESsuS

J'ai écrit à Mme Linda Vennard le 17 mars 2016 pour l'informer que le commissaire à l'intégrité du secteur public m'avait renvoyé une divulgation, mais que je ne donnerais pas suite aux préoccupations contenues dans cette divulgation.

Dans cette même lettre, j'ai informé Mme Vennard que suite aux renseignements recueillis lors de mon analyse préliminaire de la divulgation que m'a renvoyée le commissaire à l'intégrité du secteur public, j'avais des motifs de croire qu'elle aurait contrevenu au paragraphe 11(1) de la Loi sur les conflits d'intérêts (la Loi) en acceptant en cadeau un bouquet de fleurs et une boîte de chocolats de RED FM, un intervenant du CRTC. Dans cette lettre, je lui ai demandé de me fournir, par écrit, tout renseignement factuel et tout document relatif à mon étude et de me fournir son point de vue, à savoir si elle croyait avoir manqué ou non à ses obligations en vertu de la Loi relativement à l'acceptation du bouquet de fleurs et de la boîte de chocolats.

Le 18 avril 2016, j'ai reçu une réponse de Mme Vennard à ma lettre. Le Commissariat a procédé à une première entrevue avec Mme Vennard le 22 avril 2016, et par la suite j'ai reçu des documents additionnels de sa part. J'ai aussi communiqué avec un témoin, lequel a soumis une représentation écrite et des pièces justificatives. J'ai reçu Mme Vennard pour une seconde entrevue le 22 juillet 2016.

Conformément à la pratique que j'ai établie, nous avons donné à Mme Vennard la possibilité de commenter l'ébauche des sections factuelles du présent rapport avant de le finaliser, soit les sections intitulées Les préoccupations, Le processus, Les constatations de faits et La position de Mme Vennard.

Les constatations de faits

La conseillère du CRTC : Mme Linda Vennard

Le 30 avril 2015, Mme Linda Vennard a été nommée conseillère à temps plein du Conseil de la radiodiffusion et des télécommunications canadiennes (CRTC) à titre inamovible pour un mandat de cinq ans, à compter du 11 mai 2015. Elle a été désignée conseillère pour la région de l'Alberta et des Territoires du Nord-Ouest. En sa qualité de conseillère du CRTC, Mme Vennard est assujettie à la Loi sur les conflits d'intérêts (la Loi) en tant que titulaire de charge publique principale.

Selon les allégations, Mme Vennard aurait reçu et accepté au bureau du CRTC à Calgary un bouquet de fleurs et une boîte de chocolats comme cadeaux d'anniversaire de la part d'un intervenant du CRTC, ce qui pourrait constituer une contravention au paragraphe 11(1) de la Loi.

Selon le site Web du CRTC, les responsabilités des conseillers du CRTC comprennent notamment leur participation à des consultations et à des audiences publiques, leur participation à la prise de décisions du CRTC et la consultation des membres des industries de la radiodiffusion et des télécommunications. En vertu de la Loi sur la radiodiffusion, le CRTC attribue, révoque ou suspend les licences de radiodiffusion. Le CRTC gère aussi la modification et le renouvellement de licences.

Aux termes de la Loi sur la radiodiffusion, le président du CRTC forme des comités composés d'au moins trois membres du Conseil chargés d'entendre toute demande présentée au CRTC. Aux fins de prendre une décision, les membres d'un tel comité doivent consulter d'autres membres du CRTC.

Madame Vennard m'a informée que son rôle consistait entre autres à faire connaissance avec des intervenants de sa région et à développer de bonnes relations avec eux de façon à travailler en tandem avec eux. Elle a ajouté que son rôle comprend savoir ce qui se passe dans sa région en étant sur le terrain pour visiter des intervenants.

Lors de sa première entrevue, Mme Vennard m'a dit qu'à son entrée au CRTC comme conseillère, elle a participé à une séance d'orientation d'une durée d'une semaine au cours de laquelle elle a été informée des règles du CRTC en matière d'éthique et de conflits d'intérêts. Elle m'a dit se souvenir qu'il ait été question des règles de la Loi sur les conflits d'intérêts au sujet des cadeaux et qu'elle avait une compréhension de l'obligation de refuser un cadeau dont la valeur dépasse 200 $. 

Madame Vennard a mentionné que pendant les deux années avant son entrée en fonction, l'ancien conseiller, qui était devenu le vice-président des Télécommunications, a également exercé le rôle de conseiller intérimaire pour l'Alberta et les Territoires du Nord-Ouest. Pendant cette période, l'adjointe de l'ancien conseiller a continué de travailler au bureau de Calgary du CRTC avec le soutien de l'administration centrale située à Gatineau.

Madame Vennard m'a dit qu'après son entrée en fonction au bureau de Calgary, cette adjointe est demeurée à ce bureau et est devenue l'adjointe de Mme Vennard. Cette adjointe invitait des intervenants à des rencontres au bureau de Calgary et organisait des visites sur le terrain chez des intervenants. Elle a ajouté que cette adjointe avait fourni à des intervenants des renseignements personnels la concernant. Ce fait a été confirmé par certains documents fournis au Commissariat.

Madame Vennard m'a aussi fait part en détail de sa compréhension de la façon dont son Bureau fonctionnait avant sa nomination et au cours des toutes premières semaines après son entrée en poste. Elle m'a dit qu'il était courant que son adjointe sollicite des rencontres avec des intervenants à son insu. Le ton de ces documents démontre que ces contacts étaient très amicaux.

L'intervenant : RED FM

RED FM est l'appellation commerciale de deux stations de radio, l'une à Calgary au 106.7 FM et l'autre à Surrey en Colombie-Britannique au 93.1 FM. Les stations de radio se considèrent comme reflétant la diversité culturelle, dont la marque commerciale est Reflecting Ethnic Diversity (RED). Les deux stations de radio appartiennent à M. Kulwinder Sanghera par l'entremise de deux sociétés, Multicultural Broadcasting Corporation Inc. et Asia Broadcasting Corporation Inc., et sont gérées par M. Bijoy Samuel. M. Samuel les décrit comme étant des stations de radio ethniques.

Le CRTC a accordé une licence de radiodiffusion à RED FM 106.7 à Calgary le 24 mai 2012 et elle expirera le 31 août 2018, puis la licence de radiodiffusion de RED FM 93.1 à Surrey expirera le 31 août 2019. Le mandat de Mme Vennard au CRTC expirera le 10 mai 2020.

Les interactions entre Mme Vennard et RED FM

Madame Vennard est entrée en fonction le 11 mai 2015 pour un mandat de cinq ans. À l'invitation de l'adjointe de Mme Vennard, MM. Samuel et Sanghera de RED FM se sont montrés intéressés à rencontrer Mme Vennard à son bureau afin d'établir un premier contact avec la nouvelle conseillère pour l'Alberta et les Territoires du Nord-Ouest. Mme Vennard m'a dit qu'elle ne connaissait pas M. Sanghera ni M. Samuel avant de devenir conseillère au CRTC.

L'assistante de Mme Vennard a organisé la tenue d'une première rencontre avec MM. Samuel et Sanghera le 29 mai 2015 dans un restaurant près du bureau de Mme Vennard. Selon M. Samuel, le but de la rencontre était de se présenter et de fournir de l'information de base sur les stations de radio ethniques. D'après un document qu'il a remis au Commissariat, M. Samuel a indiqué que ces stations de radio opèrent de manière très différente des stations de radio anglophones ou francophones.

Madame Vennard m'a dit qu'elle a mangé un dîner léger au restaurant. Une facture que nous a fait parvenir RED FM indique qu'ils ont payé 8,95 $ pour le bol de soupe de Mme Vennard. Mme Vennard m'a aussi dit qu'elle n'avait pas l'habitude d'avoir des dîners d'affaires avec des intervenants puisqu'elle respectait la limite entre la socialisation personnelle et l'interaction professionnelle. Aucun élément de preuve ne suggère de tendance en matière de paiement d'autres repas pour Mme Vennard de la part de RED FM. Je n'ai pas estimé ce petit geste comme étant suffisant pour soulever une autre préoccupation en vertu de l'article 11 de la Loi. J'ai conclu qu'étant donné les circonstances, il ne pouvait pas raisonnablement donner à penser qu'il a été donné pour l'influencer dans l'exercice de ses fonctions officielles.

En juillet 2015, pour souligner l'anniversaire de Mme Vennard, RED FM 106.7 à Calgary a fait parvenir à Mme Vennard un bouquet de fleurs et une boîte de chocolats à son bureau de Calgary. Selon Mme Vennard, son adjointe lui avait organisé pour son anniversaire une petite fête surprise à son bureau avec banderoles, gâteau et petits présents.

D'après les documents fournis par M. Samuel, c'est l'adjointe de Mme Vennard qui l'a informé le matin même de l'anniversaire de Mme Vennard et qui a invité M. Sanghera et lui à passer au bureau du CRTC à Calgary au cours de la journée pour souligner l'événement. Comme M. Samuel n'était pas à Calgary ce jour-là, M. Sanghera et lui ont décidé d'offrir leurs meilleurs vœux à Mme Vennard par courriel et de lui envoyer des fleurs et du chocolat.

Lors de sa première entrevue, Mme Vennard a indiqué que le bouquet de fleurs et la boîte de chocolats sont vraisemblablement arrivés alors qu'elle était au téléphone, puisque c'est immédiatement après cette conversation téléphonique que son adjointe se serait présentée à son bureau avec le bouquet de fleurs et la boîte de chocolats. Comme il est indiqué à nouveau plus bas, cette conversation de Mme Vennard était avec un conseiller du Commissariat.

Cette même journée, Mme Vennard a envoyé à MM. Samuel et Sanghera un courriel dans lequel elle s'est dite enchantée et les remercie de cette attention. Le courriel de Mme Vennard mentionnait que les fleurs étaient superbes, comme ils pouvaient le voir sur la photo qui y était jointe, et que son adjointe et elle profiteraient des chocolats. La photo montrait Mme Vennard avec le bouquet de fleurs et la boîte de chocolats.

Dans une de ses représentations écrites, Mme Vennard estimait la valeur des fleurs et des chocolats entre 50 $ et 60 $. Selon la facture fournie par RED FM, les fleurs et les chocolats leur a coûté 123,90 $.

Madame Vennard m'a aussi fourni une copie de quelques courriels qu'elle avait reçus à l'occasion de cet anniversaire. Trois des courriels provenaient d'intervenants du CRTC, dont un contenant une carte virtuelle. Deux autres courriels provenaient de collègues du CRTC. Mme Vennard a indiqué avoir aussi quelques appels téléphoniques d'intervenants du CRTC lui offrant leurs vœux d'anniversaire. Elle n'a reçu aucun autre cadeau d'anniversaire à son bureau.

Le 11 août 2015, à l'invitation de MM. Samuel et Sanghera, Mme Vennard a visité le studio de RED FM 106.7 à Calgary. Selon Mme Vennard, une composante de la visite était une rencontre privée de 20 minutes avec MM. Samuel et Sanghera au cours de laquelle il a été question d'une station de radio ethnique de la région de Surrey desservant un très petit marché sans avoir besoin d'une licence. Ils ont alors dit que cette station de radio aurait dépassé les critères habituels de diffusion sans licence. M. Samuel a aussi indiqué dans sa correspondance avec le Commissariat avoir évoqué ce problème avec Mme Vennard. Mme Vennard m'a informée les avoir alors avisés du processus à suivre s'ils souhaitaient déposer une plainte auprès du CRTC. Par la suite, l'avocat de RED FM a transmis au CRTC et à Mme Vennard un dossier complet à ce sujet.

Selon M. Samuel, lors de cette rencontre du 11 août avec Mme Vennard, ils ont aussi discuté des problèmes vécus par les auditeurs de RED FM à Surrey liés à de l'interférence provenant d'une station de radio privée américaine utilisant une fréquence voisine. Avant son départ de la station de radio, MM. Samuel et Sanghera lui ont offert de petits souvenirs, soit un T-shirt et une tasse à café à l'effigie de RED FM. Ces cadeaux symboliques étaient acceptables.

Les interactions entre le Commissariat et Mme Vennard

Tous les titulaires de charge publique principaux sont soumis à ce qui est convenu d'appeler le processus de conformité initiale. Ils doivent soumettre au Commissariat un Rapport confidentiel dans les 60 jours suivant leur nomination. Ce rapport confidentiel contient des renseignements au sujet de leurs biens et de leurs dettes, de leurs revenus, et de certaines activités extérieures. Le Commissariat a reçu le Rapport confidentiel de Mme Vennard le 13 juillet 2015.

La réception du Rapport confidentiel est habituellement suivie d'un entretien avec un conseiller ou une conseillère du Commissariat afin de valider les renseignements transmis et d'obtenir des précisions. Cet entretien vise aussi à guider les nouveaux titulaires de charge publique principaux quant au respect de leurs obligations en vertu de la Loi. 

Un conseiller du Commissariat a donc téléphoné à Mme Vennard et a eu avec elle une conversation de 45 minutes. Le hasard a voulu que cet appel soit effectué le jour de l'anniversaire de Mme Vennard et juste avant qu'elle reçoive les cadeaux dont il est question dans ce rapport. Le conseiller du Commissariat a noté que l'acceptabilité de cadeaux a longuement été discutée et que Mme Vennard a posé des questions spécifiquement au sujet de deux types de cadeaux qui lui avaient été offerts par des intervenants, soit la fourniture à titre gratuit d'un chalet et des invitations au Stampede de Calgary. Lors de la seconde entrevue, Mme Vennard a confirmé qu'elle avait eu cette discussion avec le conseiller.

Malgré le fait que Mme Vennard ait parlé à un conseiller du Commissariat quelques minutes avant que son adjointe lui présente le bouquet de fleurs et la boîte de chocolats, Mme Vennard a mentionné ne pas avoir pensé à le rappeler pour lui demander si ces cadeaux étaient considérés comme étant acceptables.

La position de Mme VENNARD

Dans sa représentation écrite, Mme Vennard a mentionné qu’elle croyait que l’acceptation des cadeaux, soit les fleurs et les chocolats, était appropriée et qu’elle n’était pas en conflit d’intérêts à titre de personne nommée par le gouverneur en conseil. Elle a ajouté qu’elle considère ces cadeaux comme un simple geste symbolique pour souligner son anniversaire et qu’il aurait été impoli de les refuser. 

Quoi qu’il en soit, Mme Vennard a indiqué qu’à son avis la seule raison pour laquelle ces cadeaux lui ont été envoyés était parce que son adjointe avait avisé les représentants de RED FM que c’était son anniversaire. Cela a été fait à l’insu de Mme Vennard. 

Pour Mme Vennard, le bouquet de fleurs et la boîte de chocolats ne lui ont pas été envoyés pour l’influencer, mais étaient plutôt un geste pour souligner son anniversaire. Selon une évaluation qu’elle en a faite, le cadeau valait moins de 60 $. Elle n’a vu aucune différence entre ces cadeaux, les courriels et les cartes virtuelles soulignant son anniversaire qu’elle a reçus de quelques-uns de ses contacts professionnels. 

Madame Vennard a noté qu’elle a accepté ce cadeau alors qu’elle était nouvelle dans son rôle de conseillère au CRTC et a mentionné qu’elle s’attendait à ce qu’elle puisse se fier à son adjointe pour l’aider à se familiariser avec les procédures établies et acceptées du CRTC.​

ANALYSe et CONCLUSION

Analyse

Je dois déterminer si Mme Linda Vennard a contrevenu à l'article 11 de la Loi sur les conflits d'intérêts (la Loi) en acceptant un bouquet de fleurs et une boîte de chocolats de la part d'un intervenant du Conseil de la radiodiffusion et des télécommunications canadiennes (CRTC) le jour de son anniversaire alors qu'elle était conseillère du CRTC pour l'Alberta et les Territoires du Nord-Ouest et titulaire de charge publique principale assujettie à la Loi.

Les dispositions pertinentes de l'article 11 sont ainsi libellées :

11. (1) Il est interdit à tout titulaire de charge publique et à tout membre de sa famille d'accepter un cadeau ou autre avantage, y compris celui provenant d'une fiducie, qui pourrait raisonnablement donner à penser qu'il a été donné pour influencer le titulaire dans l'exercice de ses fonctions officielles.

(2) Le
titulaire de charge publique ou un membre de sa famille peut toutefois accepter :
a) un cadeau ou autre avantage qui est permis au titre de la Loi électorale du Canada;
b) un cadeau ou autre avantage qui provient d'un parent ou d'un ami;
c) un cadeau ou autre avantage qui est une marque normale ou habituelle de courtoisie ou de protocole ou qui est habituellement offert dans le cadre de la charge du titulaire.


En juillet 2011, j'ai publié à l'intention des titulaires de charge publique une directive sur les cadeaux intitulée Les cadeaux (y compris invitations, levées de fonds, déjeuners d'affaires). Dans cette directive, je fournis des exemples de cas qui pourraient raisonnablement donner à penser qu'un cadeau vise à influencer une décision d'un titulaire de charge publique, incluant ceux qui suivent :

  1. La personne qui offre, son client ou son entreprise, a ou pourrait avoir ultérieurement affaire avec l'entité du secteur public à laquelle appartient le titulaire de charge publique. 

  2. La personne qui offre, son client ou son entreprise, bénéficie ou pourrait ultérieurement bénéficier de programmes, de politiques ou de règlements révisés ou contrôlés par l'entité du secteur public à laquelle appartient le titulaire de charge publique. 

Je dois déterminer si les fleurs et les chocolats offerts à Mme Vennard, une conseillère du CRTC, par des représentants de RED FM, un intervenant détenant des licences de radiodiffusion, pourraient raisonnablement donner à penser qu'ils ont été offerts pour influencer Mme Vennard dans l'exercice de ses fonctions officielles.

Les responsabilités des conseillers du CRTC comprennent notamment leur participation à des consultations et à des audiences publiques, leur participation à la prise de décisions du CRTC et la consultation des membres des industries de la radiodiffusion et des télécommunications. Selon Mme Vennard, un conseiller du CRTC d'une région donnée pourrait participer aux audiences au sujet des intervenants de cette même région.

Madame Vennard m'a expliqué que son rôle consistait entre autres à apprendre à connaître les intervenants de sa région et à développer de bonnes relations avec eux afin de bien comprendre leurs préoccupations. Elle a dit que c'est dans le cadre de ses fonctions officielles qu'elle avait accepté de rencontrer de MM. Samuel et Sanghera le 29 mai 2015 et le 11 août 2015.

Lorsque MM. Samuel et Sanghera de RED FM, en tant qu'intervenants du CRTC, ont offert le bouquet de fleurs et la boîte de chocolats à Mme Vennard, ils représentaient deux entreprises détentrices de licences de radiodiffusion émises par le CRTC.

Le simple fait que RED FM était un intervenant du CRTC en tant que détenteur d'une licence de radiodiffusion pour RED FM 106.7 à Calgary aurait dû suffire à avertir Mme Vennard que les cadeaux qui lui ont été offerts pouvaient raisonnablement donner à penser qu'on les lui avait donnés pour l'influencer, en sa qualité de conseillère du CRTC pour l'Alberta et les Territoires du Nord-Ouest. De plus, la journée même où le cadeau lui a été offert, Mme Vennard avait eu un entretien téléphonique avec un conseiller du Commissariat au sujet de ses obligations, et ils avaient spécifiquement discuté des règles prévues à la Loi au sujet des cadeaux.

Un avis d'information paru en décembre 2013 sur le site Web du Commissariat aborde le sujet des cadeaux et autres avantages offerts aux titulaires de charge publique nommés à des postes au sein de tribunaux administratifs, particulièrement ceux qui détiennent des pouvoirs décisionnels quasi judiciaires. Le CRTC est un tribunal quasi judiciaire détenant des pouvoirs décisionnels et, par conséquent, cet avis s'applique aux titulaires de charge publique nommés au CRTC, incluant Mme Vennard. Dans l'avis, j'invite fermement ces titulaires de charge publique à être d'autant plus prudents, et je fais référence au test d'acceptabilité prévu à l'article 11 de la Loi.

Je suis consciente que peu de temps s'est écoulé entre la nomination de Mme Vennard et son acceptation des cadeaux. Mme Vennard était en apprentissage des façons d'agir dans le cadre de ses nouvelles fonctions. De plus, son adjointe à l'époque, de sa propre initiative, proposait à des intervenants de rencontrer Mme Vennard. Cette adjointe leur a aussi fourni des renseignements personnels au sujet de la nouvelle conseillère, incluant la date de son anniversaire, à l'insu de Mme Vennard. Aucun élément de preuve n'indiquait que Mme Vennard ait sollicité des cadeaux (repas ou autres) auprès d'intervenants, et il ne semble pas qu'elle s'attendait à en recevoir.

On peut se demander si le fait que les cadeaux aient été offerts à l'occasion de l'anniversaire de Mme Vennard fasse une différence significative quant à savoir si ces cadeaux pourraient raisonnablement donner à penser qu'ils ont été offerts pour l'influencer dans ses fonctions de conseillère. Je ne crois pas.

Madame Vennard n'avait pas de relation quelconque avec MM. Sanghera et Samuel avant sa nomination. Elle les a rencontrés pour la première fois le 29 mai 2015. Son seul lien avec eux est qu'ils sont des intervenants. Un cadeau d'anniversaire dans ces circonstances serait inhabituel et inattendu.

Je crois, malgré le fait que les cadeaux aient été offerts à la suite d'une intervention de l'adjointe de Mme Vennard, que c'était une erreur de jugement de la part de Mme Vennard de les accepter. Je conclus par conséquent que ces cadeaux « pourraient raisonnablement donner à penser qu'ils ont été donnés pour influencer » Mme Vennard dans l'exercice de ses fonctions officielles et qu'elle n'aurait pas dû les accepter.

En ce qui concerne l'exception prévue à l'alinéa 11(2)c) de la Loi à l'égard d'un cadeau qui est une marque normale ou habituelle de courtoisie ou de protocole ou qui est habituellement offert dans le cadre de la charge du titulaire, je suis convaincue qu'elle ne s'applique pas. Ma directive sur Les cadeaux (y compris invitations, levées de fonds, déjeuners d'affaires) de juillet 2011 énonce que le Commissariat considère que les relations « de courtoisie ou de protocole » sont l'expression symbolique d'une appréciation dans le contexte de certaines interactions officielles. Les cadeaux d'anniversaire de Mme Vennard ne répondaient pas à ce critère. 

Conclusion

Pour les motifs susmentionnés, je conclus que Mme Vennard a contrevenu à l'article 11 de la Loi en acceptant un bouquet de fleurs et une boîte de chocolats d'un intervenant.

Annexe : LISTe des témoins

Représentations écrites

RED FM 106.7 Calgary

  • M. Bijoy Samuel, directeur général


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