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Le rapport Toews

​​​​​PR​é​FACE​

La Loi sur les conflits d'intérêts, L.C. 2006, ch. 9, art. 2 (la Loi) est entrée en vigueur le 9 juillet 2007. 

Une étude en vertu de la Loi peut être amorcée à la demande d'un parlementaire, conformément au paragraphe 44(1), ou par la commissaire aux conflits d'intérêts et à l'éthique (la commissaire) de son propre chef, conformément au paragraphe 45(1) de la Loi.

Lorsqu'une étude est amorcée en vertu de l'article 45 de la Loi, à moins que l'étude ne soit interrompue, la commissaire est tenue, conformément au paragraphe 45(3), de remettre au premier ministre un rapport énonçant les faits, son analyse de la question et ses conclusions à la suite de l'étude. Le paragraphe 45(4) prévoit que la commissaire doit en même temps remettre un double du rapport au titulaire ou à l'ex-titulaire de charge publique visé, et rendre le rapport accessible au public.

Sommaire

Le présent rapport énonce les conclusions de mon étude menée en vertu de la Loi sur les conflits d'intérêts (la Loi) relativement à la conduite de l'honorable Vic Toews, C.P., en ce qui concerne ses obligations d'après-mandat.

En mars 2015, j'ai reçu une demande d'étude d'un député concernant les obligations d'après‑mandat de M. Toews en vertu de la Loi. Je n'ai pas donné suite à cette demande puisqu'elle n'exposait pas de motifs raisonnables de croire qu'il y avait eu contravention. Toutefois, en examinant le dossier, le Commissariat a pris connaissance de certaines informations qui m'ont donné des motifs de croire que M. Toews avait contrevenu aux paragraphes 34(1) et 35(1) de la Loi. J'ai donc décidé d'entreprendre une enquête de mon propre chef.

J'ai examiné la participation de M. Toews dans des dossiers concernant deux différentes Premières Nations.

Nation crie de Norway House

Un des dossiers était lié au paragraphe 35(1) et aux rapports de M. Toews avec la Nation crie de Norway House du Manitoba.  

Au cours de la dernière année de son mandat, M. Toews, en sa qualité de ministre régional principal pour le Manitoba, a rencontré en août 2012 puis en septembre 2012 des représentants de la Nation crie de Norway House concernant la modification possible de la convention sur l'inondation de la fiducie Keenanow et la modification proposée de l'annexe 2 de la Loi sur la taxe sur les produits et services des premières nations

En octobre 2013, moins de deux ans après la fin de son mandat, M. Toews a fourni des services d'expert-conseil sur diverses questions à la Nation crie de Norway House par l'entremise de la société de sa conjointe. 

Le paragraphe 35(1) interdit à tout ex‑titulaire de charge publique principal de conclure un contrat de travail ou d'accepter une nomination au conseil d'administration d'une entité avec laquelle il a eu des rapports officiels directs et importants au cours de l'année ayant précédé la fin de son mandat, ou d'accepter un emploi au sein d'une telle entité. Cette interdiction s'applique aux ex-ministres pendant une période de restriction de deux ans à compter de la fin de leur mandat. 

Les rapports de M. Toews avec la Nation crie de Norway House pendant la dernière année de son mandat constituaient des « rapports officiels directs et importants ». Ces rapports étaient officiels parce qu'ils avaient trait aux opérations et aux activités du gouvernement. Ils étaient directs puisque M. Toews a rencontré personnellement les représentants du groupe. Et ils étaient importants compte tenu de leur importance pour la Nation crie de Norway House. 

J'ai déterminé que pendant sa période de restriction, M. Toews a fourni des services dans le cadre d'un contrat de service avec la Nation crie de Norway House, entité avec laquelle il avait eu des rapports officiels directs et importants dans la dernière année de son mandat. Par conséquent, j'ai conclu que M. Toews a contrevenu au paragraphe 35(1) de la Loi.

Première Nation de Peguis

L'autre dossier était lié au paragraphe 34(1) et aux rapports de M. Toews avec la Première Nation de Peguis après la fin de son mandat.  

En 2007, tandis qu'il était président du Conseil du Trésor, M. Toews a approuvé le transfert du terrain de la caserne de Kapyong, faisant partie de la Base des Forces canadiennes Winnipeg (Sud), à la Société immobilière du Canada. En 2008, la décision de transférer ce terrain a été contestée devant les tribunaux par plusieurs Premières Nations, dont la Première Nation de Peguis, et M. Toews a été désigné comme intimé dans le cadre de la procédure judiciaire. La Cour fédérale a statué en 2012 que le Canada avait manqué à son obligation de consulter de manière appropriée les Premières Nations et a annulé le transfert. Cette décision a été maintenue par la Cour d'appel fédérale en août 2015.  

Monsieur Toews a agi au nom de la Première Nation de Peguis, en offrant des conseils stratégiques à leur avocat, M. Rath, et en rencontrant des représentants municipaux et provinciaux sur l'affaire Kapyong. M. Toews a offert des conseils stratégiques relativement à la proposition de règlement Kapyong dans au moins plusieurs discussions avec M. Rath et il a participé à la rédaction d'une partie de la proposition de règlement. 

Le paragraphe 34(1) interdit à tout ex-titulaire de charge publique, y compris les ministres, d'agir au nom ou pour le compte d'une personne ou d'un organisme relativement à une instance, une opération, une négociation ou une autre affaire à laquelle la Couronne est partie et dans laquelle il a représenté ou conseillé celle-ci. C'est ce qu'on appelle communément le « changement de camp ». Cette interdiction s'applique indéfiniment. 

En offrant des conseils stratégiques sur une proposition de règlement dans l'affaire Kapyong, et en participant à la rédaction de celle-ci, M. Toews a changé de camp. Il a agi pour le compte ou au nom d'un parti qui cherchait un recours contre une décision qu'il avait lui‑même prise à l'origine et sanctionnée à titre de ministre de la Couronne.  

J'ai donc conclu que M. Toews a contrevenu au paragraphe 34(1) de la Loi.

les préoccupations

Le 13 mars 2015, j'ai reçu une lettre de M. Pat Martin, alors député de Winnipeg‑Centre, qui demandait que j'entreprenne une étude sur la conduite de l'honorable Vic Toews, C.P., ancien ministre de la Sécurité publique et ministre régional principal pour le Manitoba, relativement à ses obligations d'après-mandat. M. Martin alléguait, sur la foi de renseignements provenant des médias, que M. Toews avait peut-être manqué à ses obligations d'après-mandat énoncées aux articles 33, 34 et 35 de la Loi sur les conflits d'intérêts (la Loi). M. Martin alléguait que M. Toews avait pris la décision d'octroyer des fonds relatifs à l'aide en cas de catastrophe et aux mesures de prévention des inondations à la Première Nation de Peguis et qu'il avait par la suite eu des rapports avec la Première Nation de Peguis après avoir quitté son poste. 

Après avoir examiné l'affaire, j'ai déterminé que M. Martin n'avait pas fourni suffisamment de renseignements pour me donner des motifs de croire que M. Toews avait contrevenu aux dispositions citées par M. Martin relativement aux questions qu'il avait soulevées. Par conséquent, je n'ai pas entrepris d'étude en vertu de l'article 44 de la Loi. 

Toutefois, en examinant les obligations d'après-mandat de M. Toews, le Commissariat a pris connaissance d'autres rapports qu'il avait eus avec des groupes de Premières Nations, pendant qu'il était en fonction et aussi pendant sa période d'après-mandat, qui ont suscité pour moi des questions.

Contraventions possibles au paragraphe 35(1) de la Loi

Selon des renseignements du domaine public, plusieurs groupes de Premières Nations – la Nation crie de Norway House, la Première Nation de Peguis ainsi que la Fédération des Métis du Manitoba – avaient reçu des fonds provenant de Sécurité publique Canada lorsque M. Toews était ministre de la Sécurité publique. Les renseignements indiquaient aussi que dans l'année ayant suivi la fin de son mandat, M. Toews s'est inscrit au Manitoba comme lobbyiste pour la Nation crie de Norway House, a été embauché à titre d'expert-conseil pour la Première Nation de Peguis et s'est inscrit comme lobbyiste pour l'Organisme métis de développement économique, l'organe d'investissement de la Fédération des Métis du Manitoba.  

Le paragraphe 35(1) de la Loi interdit à tout ex-titulaire de charge publique principal de conclure un contrat de travail avec une entité avec laquelle il a eu des rapports officiels directs et importants au cours de l'année ayant précédé la fin de son mandat, pendant une période de restriction d'un an ou de deux ans après avoir terminé son mandat. Dans le cas de M. Toews, la période de restriction était de deux ans, étant donné qu'il était ministre. 

À la lumière de ces renseignements, j'ai déterminé que j'avais des motifs de croire que M. Toews aurait contrevenu au paragraphe 35(1) de la Loi.

Contravention possible au paragraphe 34(1) de la Loi

Le Commissariat a trouvé des articles de presse indiquant que M. Toews, en sa qualité de président du Conseil du Trésor en 2007, a été nommé comme intimé dans une procédure judiciaire relativement à l'approbation de la vente d'un terrain appartenant au ministère de la Défense nationale à Winnipeg. Des documents qui étaient disponibles publiquement indiquaient que M. Toews, après avoir quitté son poste, avait été embauché par M. Jeffrey Rath, l'avocat de la Première Nation de Peguis dans la procédure judiciaire intentée contre la Couronne pour une partie de ce terrain. 

Le paragraphe 34(1) de la Loi interdit à tout ex-titulaire de charge publique d'agir au nom ou pour le compte d'une personne ou d'un organisme relativement à une instance, une opération, une négociation ou une autre affaire à laquelle la Couronne est partie et dans laquelle il a représenté ou conseillé celle-ci. 

À la lumière de ces renseignements, j'ai déterminé que j'avais des motifs de croire que M. Toews aurait contrevenu au paragraphe 34(1) de la Loi.

PROCESsuS

Le 20 mars 2015, j'ai entrepris une étude de mon propre chef en vertu du paragraphe 45(1) de la Loi sur les conflits d'intérêts (la Loi). J'ai écrit à M. Toews pour l'informer que je lançais une étude en vertu des articles 34 et 35 de la Loi. 

Dans ma lettre du 20 mars 2015, j'ai demandé à M. Toews de répondre par écrit aux allégations que j'énonçais dans ma lettre et de me fournir, au plus tard le 20 avril 2015, toute la documentation qu'il possédait pouvant être reliée à mon étude. Dans ma lettre, j'ai informé M. Toews que dès réception de toute la documentation, le Commissariat organiserait une première entrevue avec lui. 

Dans un courriel daté du 27 mars 2015, M. Toews m'a demandé quelles mesures je comptais prendre pour garantir la confidentialité des renseignements qui me seraient fournis. J'ai répondu à son courriel le 31 mars 2015 en précisant que le paragraphe 48(3) de la Loi oblige le Commissariat à mener ses études à huis clos. J'ai souligné que le paragraphe 48(5) oblige le Commissariat à ne dévoiler aucun renseignement obtenu dans le cadre de ses études, à moins que leur communication soit, à mon avis, essentielle pour mener à bien l'étude ou pour motiver les conclusions que j'énoncerais dans mon rapport d'étude. À cet égard, j'ai également fait remarquer à M. Toews que l'on demande aux témoins de maintenir la confidentialité de leur témoignage.  

Le 20 avril 2015, M. Toews a répondu par courriel à ma première lettre du 20 mars 2015. Il m'a informée qu'à sa connaissance, il ignorait l'existence de rapports officiels directs et importants avec l'une ou l'autre des organisations mentionnées dans ma lettre. En raison de son poste de juge à la Cour du Banc de la Reine du Manitoba, il hésitait à chercher personnellement les renseignements demandés ou à communiquer avec de tierces parties; il a suggéré que je contacte les divers représentants gouvernementaux et non gouvernementaux concernés par les dossiers en question. Il n'a pas précisé s'il souhaitait prendre part à une entrevue initiale, conformément à ma pratique habituelle. Il n'a pas non plus répondu aux allégations que j'avais énoncées dans ma lettre ni fourni de document. 

J'ai reçu une autre réponse de M. Toews le 22 mai 2015, dans laquelle il soulevait diverses questions de procédure relatives à mon étude. Il a de nouveau exprimé ses préoccupations au sujet de sa capacité de commenter les allégations. 

Le 16 juin 2015, j'ai écrit à M. Toews pour répondre à ses préoccupations concernant la procédure et je l'ai à nouveau invité à commenter les allégations et à faire valoir ses arguments sur l'objet de mon étude, en tout temps. J'en ai aussi profité pour l'informer que je comptais commencer immédiatement à mener des entrevues auprès des témoins et à recueillir de la documentation auprès de tierces parties. 

Dans les mois qui ont suivi ma lettre du 16 juillet 2015, j'ai mené des entrevues auprès des témoins et j'ai reçu des preuves documentaires de la part de tierces parties. 

Le 3 novembre 2016, j'ai écrit à M. Toews pour l'informer qu'après avoir examiné les renseignements que j'avais reçus, je n'avais trouvé aucune preuve indiquant qu'il avait directement participé au cours de l'année ayant précédé la fin de son mandat, en sa qualité de ministre de la Sécurité publique, à des initiatives de financement, des programmes ou des projets pour la Nation crie de Norway House, la Première Nation de Peguis ou la Fédération des Métis du Manitoba, et que j'interrompait mon étude concernant ces affaires. 

Dans cette même lettre du 3 novembre 2016, j'ai aussi informé M. Toews que je concentrerais mon étude sur deux questions. La première portait sur le paragraphe 35(1), et concernait les rapports officiels directs et importants qu'il avait pu avoir avec la Nation crie de Norway House en sa qualité de ministre régional principal pour le Manitoba au cours de la dernière année de son mandat, et les services d'expert-conseil subséquents qu'il avait fournis à la Nation crie de Norway House après avoir quitté son poste.  

La deuxième question portait sur une contravention possible au paragraphe 34(1), relativement à la décision prise en 2007 par M. Toews, alors président du Conseil du Trésor, de transférer le terrain de la caserne de Kapyong à la Société immobilière du Canada. Sa décision avait fait l'objet de procédures judiciaires entre la Couronne et la Première Nation de Peguis. Ma préoccupation concernait le changement de camp en ce sens que M. Toews avait peut-être fourni des services d'expert-conseil à M. Rath pour le compte de la Première Nation de Peguis sur la même affaire à l'automne 2013 après avoir quitté son poste.  

Enfin, dans ma lettre du 3 novembre 2016, j'ai de nouveau invité M. Toews à participer à une entrevue pour lui donner l'occasion de présenter ses arguments. J'ai énoncé de façon précise mes préoccupations dans une lettre plus détaillée du 22 novembre 2016. Dans cette deuxième lettre, j'ai demandé à M. Toews de me fournir toute la documentation en sa possession, sous sa garde ou son contrôle liée aux services qu'il avait fournis à Rath & Company relativement au terrain de la caserne de Kapyong à Winnipeg. M. Toews m'a fourni un certain nombre de documents liés à son travail d'expert-conseil dans l'affaire Kapyong le 21 décembre 2016. 

Le 22 décembre 2016, le Commissariat a fait parvenir à M. Toews et à son avocat, aux fins d'examen, un exemplaire de toute la documentation pertinente que nous avions recueillie dans le cours de notre étude, ainsi que les extraits pertinents des entrevues avec les témoins. Je n'ai eu qu'une seule entrevue avec M. Toews, le 5 janvier 2017. 

Conformément à la pratique que j'ai établie dans le cadre de mes études, j'ai donné à M. Toews l'occasion de commenter l'ébauche des sections factuelles du présent rapport avant de le finaliser. 

Dans le présent rapport, je fais état de deux dossiers non reliés. Le premier concerne la Nation crie de Norway House et la contravention possible au paragraphe 35(1) de la Loi. Le second porte sur la Première Nation de Peguis et la contravention possible au paragraphe 34(1) de la Loi. Je traiterai de chacun séparément en décrivant les faits, la position de M. Toews, mon analyse et ma conclusion relativement à chacun sous de rubriques distinctes.

contexte

L'honorable Vic Toews, C.P., a été député de Provencher (Manitoba) du 27 novembre 2000 au 9 juillet 2013. Le 6 février 2006, il a été nommé ministre de la Justice et procureur général du Canada et est devenu titulaire de charge publique principal assujetti à la Loi sur les conflits d'intérêts (la Loi). Il a occupé ce poste jusqu'au 3 janvier 2007.

Monsieur Toews a été président du Conseil du Trésor du 4 janvier 2007 au 18 janvier 2010, et ministre de la Sécurité publique du 19 janvier 2010 au 9 juillet 2013. Il a également été ministre régional principal pour le Manitoba du 6 février 2006 au 9 juillet 2013. 

Monsieur Toews a quitté son poste le 9 juillet 2013 et s'est retiré de la politique fédérale. Ce faisant, il est devenu assujetti aux obligations d'après-mandat de la Loi, énoncées dans la partie 3 de la Loi.

la nation crie de norway house et les modifications proposées

Les constatations de faits

La Nation crie de Norway House est l'une des plus grandes collectivités des Premières Nations du Manitoba. Lorsque M. Toews était ministre régional principal pour le Manitoba, la Nation crie de Norway House a demandé de l'aide sur deux questions sous la forme du soutien politique de M. Toews au cours de la dernière année de son mandat. 

L'une des questions portait sur une modification de l'annexe 2 de la Loi sur la taxe sur les produits et services des premières nations, qui s'inscrit dans un plan plus large favorisant l'autonomie gouvernementale. L'autre question portait sur la modification possible de la convention sur l'inondation de la fiducie Keenanow, en vue de permettre un redressement de la situation financière de la Nation crie de Norway House.  

Monsieur Toews a décrit son rôle de ministre régional principal pour le Manitoba comme celui d'un agent de liaison au Manitoba pour le Cabinet. Les questions relevant de la compétence du ministre des Affaires autochtones et Développement du Nord (comme il s'appelait à l'époque) ou du ministre des Finances continueraient de faire partie de la responsabilité de ces ministres. Le rôle du ministre régional principal était d'assurer la liaison au nom d'individus ou de groupes du Manitoba qui cherchaient une forme d'aide quelconque auprès du Cabinet. 

Après avoir quitté son poste, M. Toews a fourni des services d'expert-conseil à la Nation crie de Norway House par l'entremise de 6572155 Manitoba Ltd. (ci-après appelée « la société à numéro »), une société appartenant à la conjointe de M. Toews. 

Aux fins de la présente étude, je dois déterminer si M. Toews a contrevenu au paragraphe 35(1) de la Loi sur les conflits d'intérêts (la Loi) en fournissant pendant sa période de restriction des services d'expert-conseil à la Nation crie de Norway House, une entité avec laquelle il a pu avoir des rapports officiels directs et importants dans l'année précédant immédiatement la fin de son mandat.

Interactions entre la Nation crie de Norway House et M. Toews avant qu'il quitte son poste

Au cours de la dernière année de son mandat, M. Toews a rencontré en personne à deux reprises des représentants de la Nation crie de Norway House en sa qualité de ministre régional principal pour le Manitoba : une première fois le 16 août 2012, puis à nouveau le 5 septembre 2012.  

Monsieur Toews a affirmé ne pas se souvenir ni de la question ni de ces rencontres, et n'a pas été en mesure de confirmer s'il avait assisté à ces rencontres ou s'il avait discuté de la question. Le chef Ronald Evans et Mme Caterina Ferlaino de la Nation crie de Norway House ont confirmé que les rencontres avaient eu lieu et m'ont fourni les notes de ces rencontres.

Rencontre du 16 août 2012 – La Loi sur la taxe sur les produits et services des premières nations

La première rencontre a été organisée en juillet et au début août 2012 par Mme Caterina Ferlaino, employée de la Nation crie de Norway House chargée des relations avec le gouvernement. La rencontre visait à discuter des possibilités concernant l'intégration de la Nation crie de Norway House au régime de la Loi sur la taxe sur les produits et services des premières nations. Les Premières Nations qui sont énumérées à l'annexe 2 de cette Loi ne sont pas assujetties à la taxe fédérale sur les produits et services, mais sont plutôt autorisées à percevoir une taxe sur les produits et services sur leurs terres. 

La Nation crie de Norway House voyait la Loi sur la taxe sur les produits et services des premières nations comme un moyen possible d'accroître ses revenus pour financer des projets ainsi qu'un pas de plus vers un système d'autonomie gouvernementale plus vaste. 

Les représentants de la Nation crie de Norway House avaient demandé la tenue de la rencontre du 16 août 2012 avec M. Toews pour l'informer de la possibilité de modifier l'annexe 2 de la Loi sur la taxe sur les produits et services des premières nations afin d'y inscrire la Nation crie de Norway House. Les représentants souhaitaient aussi l'informer qu'ils prévoyaient ensuite envoyer une demande conjointe officielle au ministre des Finances du Manitoba de l'époque, l'honorable Stan Struthers, ainsi qu'au ministre fédéral des Finances de l'époque, l'honorable Jim Flaherty, C.P.  

Le chef Evans et Mme Ferlaino ont dit avoir présenté un survol de la question à M. Toews au cas où la Nation crie de Norway House aurait besoin de son appui. Mme Ferlaino a expliqué qu'ils ne s'attendaient pas à obtenir l'aide de M. Toews à ce sujet, en raison du processus en place auprès du ministère des Finances. Le chef Evans a dit qu'ils souhaitaient obtenir ses conseils pour savoir si la démarche envisagée par la Nation crie de Norway House était opportune.  

Madame Ferlaino m'a dit que la Nation crie de Norway House n'avait pas besoin du soutien politique ou de l'intervention de M. Toews pour s'intégrer au régime de la Loi sur la taxe sur les produits et services des premières nations. Ils avaient soulevé la question auprès de M. Toews simplement pour le tenir informé de la direction que la Nation crie de Norway House envisageait de prendre.

Rencontre du 16 août 2012 – La fiducie Keenanow

À la rencontre du 16 août 2012, le chef Evans et Mme Ferlaino ont soulevé une deuxième question, à savoir la possibilité de modifier la fiducie Keenanow. Cette fiducie est une annexe à l'Accord de mise en œuvre principal établi en vertu de la Convention sur l'inondation des terres du Nord. La fiducie Keenanow est assortie de modalités d'approbation communautaire détaillées pour le retrait de fonds de la fiducie pour utilisation par cette communauté. La Nation crie de Norway House souhaitait que le gouvernement fédéral approuve une modification à la fiducie Keenanow qui permettrait à la Nation crie de Norway House d'accéder à 25 millions de dollars sous la forme d'un prêt. 

Le chef Evans m'a dit qu'il souhaitait obtenir le soutien politique de M. Toews à l'égard des modifications au nom de la Nation crie de Norway House. Ils espéraient que M. Toews appuie la demande de modification auprès du ministre des Affaires autochtones et du Développement du Nord Canada de l'époque, l'honorable John Duncan, C.P. Mme Ferlaino a dit que, selon ce qu'elle avait compris, M. Toews allait avoir une discussion avec M. Duncan au sujet de ces modifications. Les notes de la rencontre de Mme Ferlaino indiquent aussi que M. Toews s'est engagé à envoyer une lettre d'appui à M. Duncan pour le compte de la Nation crie de Norway House. 

Après la rencontre, le chef Evans a envoyé deux lettres datées du 22 août 2012 à M. Toews et a envoyé une copie conforme de chacune de ces lettres à M. Duncan. La première lettre portait sur diverses initiatives d'autonomie gouvernementale, dont l'ajout à l'annexe 2 de la Loi sur la taxe sur les produits et services des premières nations. Dans sa lettre, le chef Evans remerciait M. Toews de s'être engagé à discuter de ces questions avec M. Duncan.  

La deuxième lettre portait sur la demande d'un prêt de 25 millions de dollars au titre de la fiducie Keenanow. Ici encore, le chef Evans remerciait M. Toews d'avoir accepté de discuter de cette question avec M. Duncan et y précisait qu'il soulèverait la question lors d'une réunion prévue avec M. Duncan le 1er octobre 2012 à Ottawa.

Rencontre du 5 septembre 2012

Une deuxième rencontre a été organisée à la fin août par le personnel du bureau de M. Toews et le personnel de la Nation crie de Norway House. La rencontre s'est tenue le 5 septembre 2012 et a compté parmi ses participants le chef Evans, Mme Ferlaino et M. Toews. Le 24 août 2012, le ministère des Affaires autochtones et du Développement du Nord Canada a informé la Nation crie de Norway House qu'il ne serait pas possible de modifier la fiducie Keenanow. Le chef Evans et Mme Ferlaino, dans leur témoignage, ont tous les deux affirmé qu'ils souhaitaient obtenir le soutien de M. Toews et qu'ils s'attendaient à ce que celui-ci fasse le suivi auprès de M. Duncan sur ce qu'il serait possible de faire. 

Madame Ferlaino m'a dit que l'intervention de M. Toews était plus importante, en ce qui concerne la nécessité d'un soutien politique, pour la fiducie Keenanow que pour la Loi sur la taxe sur les produits et services des premières nations. Elle m'a dit que la question de la fiducie Keenanow était d'une importance considérable pour elle et la Nation crie de Norway House. Le chef Evans m'a également dit que la question était importante. Tous les deux m'ont dit que, lorsque le chef Evans a été élu en 2011, la communauté était aux prises avec de lourds problèmes financiers et qu'ils considéraient que les réunions avec M. Toews étaient importantes pour faire avancer le dossier.

Rencontres entre la Nation crie de Norway House et M. Duncan

Le 1er octobre 2012, le chef Evans a rencontré M. Duncan pour discuter de la fiducie Keenanow et de l'autonomie gouvernementale de la Nation crie de Norway House. Selon les notes de la rencontre qui m'ont été fournies, M. Duncan a été informé que M. Toews les avait beaucoup aidés dans leur proposition en vue de modifier la fiducie Keenanow. 

Monsieur Toews a dit ne pas se souvenir d'avoir discuté avec M. Duncan à ce sujet. M. Duncan a confirmé qu'il n'y avait pas eu de conversation directe avec M. Toews au sujet de la Nation crie de Norway House avant ou après sa rencontre avec les représentants. Selon ce que M. Duncan comprenait de la question de la fiducie Keenanow, le gouvernement fédéral n'était pas en mesure d'aider la Nation crie de Norway House à modifier cette fiducie.

Services d'expert-conseil après la fin du mandat de M. Toews

Le chef Evans m'a dit que, lorsqu'il avait appris que M. Toews avait quitté son poste, quelqu'un de la Nation crie de Norway House a communiqué avec M. Toews afin de savoir s'il pouvait fournir des conseils à la Nation crie de Norway House relativement à des problèmes auxquels ils étaient confrontés. Le 1er octobre 2013, la Nation crie de Norway House et la société à numéro qui appartient à la conjointe de M. Toews ont conclu un contrat pour des services d'expert-conseil sur diverses questions, dont des services de police et d'infrastructure communautaires. Dans le contrat, M. Toews était désigné à titre d'expert-conseil et M. Toews a confirmé qu'il était bien l'expert-conseil ayant fourni les services en vertu des modalités du contrat. La société a reçu une avance de 10 000 $ de la Nation crie de Norway House. 

Madame Ferlaino a déclaré qu'elle savait que M. Toews avait contacté des représentants provinciaux au nom de la Nation crie de Norway House. Selon le témoignage de Mme Ferlaino et diverses notes de réunions, plusieurs réunions ont également été tenues au cours desquelles M. Toews a donné des conseils à la Nation crie de Norway House sur les options possibles de financement que pourrait offrir le gouvernement fédéral. 

Monsieur Toews a été nommé à la Cour du Banc de la Reine du Manitoba le 7 mars 2014, et le Commissariat n'a trouvé aucun élément de preuve indiquant qu'il aurait poursuivi son travail d'expert-conseil après sa nomination.

La position de m. Toews

Monsieur Toews n’a jamais présenté de position officielle sur les questions relatives à la Nation crie de Norway House pendant la partie de mon étude portant sur la recherche de faits.

Monsieur Toews a déclaré, lors de son entrevue du 5 janvier 2017, qu’il n’avait aucun souvenir en ce qui concerne sa participation à des réunions avec la Nation crie de Norway House avant de quitter son poste, et guère plus en ce qui concerne son travail pour elle après avoir quitté son poste. J’en déduis que M. Toews ne voyait pas ses rapports avec la Nation crie de Norway House comme étant importants au sens du paragraphe 35(1) de la Loi.

Analyse et Conclusion

Analyse

En vertu du paragraphe 35(1) de la Loi, il est interdit à tout ex-titulaire de charge publique principal de conclure un contrat de travail ou d’accepter un emploi avec une entité avec laquelle il a eu des rapports officiels directs et importants au cours de l’année ayant précédé la fin de son mandat. Selon le paragraphe 36(2) de la Loi, cette interdiction s’applique aux anciens ministres pour une période de deux ans à compter de la fin de leur mandat. ​

Voici le libellé des paragraphes 35(1) et 36(2) de la Loi :

35. (1) Il est interdit à tout ex-titulaire de charge publique principal de conclure un contrat de travail ou d'accepter une nomination au conseil d'administration d'une entité avec laquelle il a eu des rapports officiels directs et importants au cours de l'année ayant précédé la fin de son mandat, ou d'accepter un emploi au sein d'une telle entité. 

[. . .] 

36. (2) Dans le cas de tout ancien ministre ou ministre d'État, les interdictions visées aux paragraphes 35(1) à (3) s'appliquent pendant deux ans à compter de la fin de son mandat.


 

Au cours de l'année précédent immédiatement la fin de son mandat, M. Toews a assisté à deux réunions avec des représentants de la Nation crie de Norway House. Ces réunions, tenues le 16 août et le 5 septembre 2012, ont eu lieu à la demande de la Nation crie de Norway House au sujet de deux questions. La première réunion visait à informer M. Toews que la Nation crie de Norway House comptait demander que l'on modifie l'annexe 2 de la Loi sur la taxe sur les produits et services des premières nations afin d'y être inscrite parmi les Premières Nations couvertes par la Loi. L'autre réunion visait à obtenir le soutien de M. Toews en vue de modifier la fiducie Keenanow, ce qui aurait permis à la Nation crie de Norway House d'accéder à des fonds supplémentaires pour régler certains problèmes financiers dans leur communauté. 

Je dois premièrement déterminer si ces réunions constituaient des rapports officiels directs et importants. Je dois ensuite déterminer si M. Toews a fourni des services dans le cadre d'un contrat avec la Nation crie de Norway House pendant sa période de restriction.

Rapports directs et officiels

Les rapports sont officiels s'ils ont trait aux opérations et aux activités du gouvernement. C'était le cas en l'occurrence. Ces rapports étaient aussi directs. M. Toews a rencontré directement les représentants de la Nation crie de Norway House en sa qualité de ministre fédéral et de ministre régional principal pour le Manitoba.

Rapports importants

L'importance des rapports tient à l'importance que revêt le sujet en question pour chacune des parties concernées; cela ne dépend pas uniquement du type de rapport ou de la période durant laquelle le titulaire de charge publique principal est intervenu auprès d'une entité.  

En ce qui concerne la modification de la Loi sur la taxe sur les produits et services des premières nations, les éléments de preuve suggèrent que les discussions à ce sujet visaient simplement à informer M. Toews et qu'elles étaient de nature générale. Je suis d'avis que les discussions n'étaient pas importantes. 

Pour ce qui est de la question de la fiducie Keenanow, Mme Ferlaino a déclaré que la question était d'une importance considérable pour la Nation crie de Norway House, et le chef Evans a aussi décrit la question comme étant importante. Tous les deux ont affirmé qu'ils souhaitaient obtenir le soutien de M. Toews, particulièrement en ce qui concerne la modification proposée à la fiducie Keenanow. La Nation crie de Norway House a fait valoir à M. Toews des arguments appuyant sa demande voulant que la fiducie Keenanow soit modifiée. Les témoignages et la preuve documentaire démontrent qu'au cours des rencontres, M. Toews s'est engagé à communiquer avec M. Duncan, le ministre des Affaires autochtones et du Développement du Nord Canada de l'époque, en vue d'appuyer les modifications proposées.   

Je souscris aux témoignages de M. Toews et de M. Duncan selon lesquels M. Toews n'a jamais parlé à M. Duncan de la modification à la fiducie Keenanow. Même si M. Toews n'a pas réellement donné suite à son engagement de parler avec M. Duncan, j'estime néanmoins que les rencontres de M. Toews constituaient des rapports importants du point de vue de la Nation crie de Norway House, même si elles n'étaient pas importantes aux yeux de M. Toews.

Fourniture de services dans le cadre d'un contrat

Au cours de sa période de restriction de deux ans, M. Toews a été désigné comme étant l'expert-conseil chargé de fournir des services à la Nation crie de Norway House concernant la question de la fiducie Keenanow. Un contrat a été signé entre la Nation crie de Norway House et la société à numéro. Les éléments de preuve indiquent que M. Toews a fourni des conseils dans le cadre du contrat concernant des options possibles de financement du gouvernement fédéral. 

Bien que M. Toews fût seulement sous contrat de façon indirecte pour fournir des services, il était explicitement nommé dans le contrat en tant qu'expert-conseil chargé d'exécuter les fonctions précisées dans le contrat. Je conclus que la relation était suffisamment étroite pour être visée par l'interdiction prévue au paragraphe 35(1).  

Cette conclusion, selon moi, est justifiée dans ce cas et respecte l'esprit de la Loi.

Conclusion

J'ai déterminé que M. Toews a eu des rapports officiels directs avec la Nation crie de Norway House lorsqu'il les a rencontrés à titre de ministre régional principal pour le Manitoba. Bien que je sois d'avis que les discussions liées à la Loi sur la taxe sur les produits et services des premières nations ne constituaient pas des rapports importants, j'ai déterminé que la question de la proposition de modification à la fiducie Keenanow était importante pour la Nation crie de Norway House, et donc que les rapports étaient importants en vertu de la Loi. 

Par l'intermédiaire de la société à numéro, M. Toews a par la suite fourni des services d'expert-conseil à la Nation crie de Norway House dans le cadre d'un contrat au cours de sa période de restriction de deux ans. 

Par conséquent, je conclus que M. Toews a contrevenu au paragraphe 35(1) de la Loi en fournissant des services dans le cadre d'un contrat avec la Nation crie de Norway House, une entité avec laquelle il a eu des rapports officiels directs et importants au cours de la dernière année de son mandat. 

Première NATION de peguis et le terrain de la caserne de KAPY​ONG

Les constatations de faits

En sa qualité de président du Conseil du Trésor en 2007, M. Toews était chargé de la vente d'une partie de la Base des Forces canadiennes Winnipeg (Sud) appelée terrain de la caserne de Kapyong. La décision du gouvernement de transférer le terrain de la caserne de Kapyong a fait l'objet d'une contestation judiciaire par plusieurs premières Nations, dont la Première Nation de Peguis. La procédure judiciaire s'est étendue de 2008 à 2015. 

Selon des articles médiatiques, M. Toews avait rencontré M. Jeffrey Rath, et ce dernier l'a embauché, dans les mois qui ont précédé l'audience d'appel dans l'affaire de la caserne de Kapyong, qui s'est tenue en janvier 2014. M. Rath était l'avocat inscrit au dossier de la Première Nation de Peguis pour cette procédure judiciaire. M. Rath préparait une proposition de règlement de la procédure judiciaire à l'automne 2013 et M. Toews était expert-conseil dans l'affaire de la caserne de Kapyong. L'ébauche de l'accord de règlement proposait, entre autres, de mettre fin à la procédure judiciaire en cours en finalisant le transfert du terrain de la caserne de Kapyong aux Premières Nations du Traité no 1. 

Pour les fins de cette étude, je dois déterminer si M. Toews a contrevenu au paragraphe 34(1) de la Loi sur les conflits d'intérêts (la Loi) en donnant des conseils stratégiques à M. Rath ou à son cabinet. M. Rath était l'avocat de la Première Nation de Peguis, relativement à une procédure judiciaire à laquelle la Couronne était partie et dans laquelle M. Toews aurait auparavant représenté celle-ci.

Historique du terrain de la caserne de Kapyong[1]

La Base des Forces canadiennes Winnipeg (Sud) se divise en deux sites : le terrain de la caserne de Kapyong et le terrain résidentiel de la partie sud. La Base a abrité le 2e Bataillon, Princess Patricia's Canadian Light Infantry, jusqu'à la relocalisation du régiment en 2004. Peu après, le terrain de la caserne de Kapyong et le terrain résidentiel de la partie sud ont été déclarés biens immobiliers fédéraux excédentaires. 

Le terrain de la caserne de Kapyong, qui fait environ 160 acres, est situé dans une zone urbaine du sud-ouest de Winnipeg sur des terres traditionnelles des ancêtres des Premières Nations de Brokenhead et de Peguis. 

Une fois le terrain de la caserne de Kapyong a été déclaré excédentaire, plusieurs Premières Nations ont exprimé le désir de l'acquérir, mais le gouvernement du Canada ne s'en est guère préoccupé. En 2006, le Conseil du Trésor du Canada a déclaré que ce terrain était un bien immobilier « stratégique » aux termes de la Directive sur la vente ou le transfert des biens immobiliers excédentaires du Consil du Trésor. Les biens immobiliers de cette catégorie étaient généralement transférés à la Société immobilière du Canada sans consultation externe, puis vendus à des tiers aux fins de réaménagement. Ces biens immobiliers n'ont pas été mis à la disposition des Premières Nations de façon prioritaire, ce qui normalement aurait été le cas. 

En 2007, M. Toews, en tant que président du Conseil du Trésor, a déclaré publiquement qu'il avait fait des demandes de renseignements personnels et qu'il avait rencontré des cadres supérieurs du ministère de la Défense nationale pour finaliser le transfert du terrain de la caserne de Kapyong à la Société immobilière du Canada. Le 23 novembre 2007, M. Toews, aussi au titre de président du Conseil du Trésor, a approuvé le transfert du terrain de la caserne de Kapyong à la Société immobilière du Canada au nom du gouvernement du Canada. 

La décision de transférer le terrain de la caserne de Kapyong a fait l'objet d'une procédure judiciaire au motif que le gouvernement avait négligé de consulter de façon appropriée les Premières Nations, dont la Première Nation de Peguis. En sa qualité de président du Conseil du Trésor, à l'époque, M. Toews a été nommé comme intimé dans les procédures judiciaires. En 2012, la Cour fédérale a statué que le Canada avait manqué à son obligation de consulter de manière appropriée et a mis de côté le transfert du terrain à la Société immobilière du Canada. La Cour d'appel fédérale a été saisie de l'affaire en janvier 2014 et a confirmé la majeure partie de la décision du juge de première instance en août 2015. 

Malgré la décision de la Cour d'appel fédérale, les parties n'ont pu conclure de règlement définitif sur le transfert du terrain de la caserne de Kapyong.

Le travail de M. Toews pour Rath & Company

Dans son témoignage, M. Toews a précisé qu'il avait rencontré M. Rath le 25 septembre 2013. Il a indiqué qu'il avait été présenté à M. Rath pour la première fois à cette rencontre par un ami commun qui avait un lien à des coentreprises avec diverses Premières Nations du Manitoba.  

Suivant cette première rencontre, M. Toews a été embauché pour offrir des conseils stratégiques à Rath & Company par l'entremise de la firme d'expert-conseil de sa conjointe, 6572155 Manitoba Ltd. (ci-après appelée « la société à numéro »). 

Monsieur Toews m'a dit que les participants à la rencontre avaient convenu que la majeure partie de son travail d'expert-conseil porterait sur une coentreprise entre la Première Nation de Peguis et le Manitoba Jockey Club visant l'aménagement de l'hippodrome Assiniboia Downs. 

Il a aussi accepté de travailler sur l'affaire Kapyong, qui concernait également la Première Nation de Peguis. 

Le 30 septembre 2013, Rath & Company a émis deux chèques, de 10 500 $ chacun, à la société à numéro en tant qu'avance non remboursable. Le premier chèque porte la mention « JVG », ce qui semble renvoyer à la coentreprise (« joint venture ») entre la Première Nation de Peguis et le Manitoba Jockey Club. Le second porte la lettre « K », ce qui semble renvoyer à l'affaire Kapyong.

Témoignage et preuve documentaire

Monsieur Toews a déclaré, dans son témoignage, qu'il a probablement été avisé par M. Rath qu'il était nommé intimé dans les procédures judiciaires en cours sur le transfert du terrain de la caserne de Kapyong lors de leur première rencontre le 25 septembre 2013. M. Rath a confirmé qu'ils ont discuté du fait que M. Toews a été nommé comme partie à la procédure judiciaire.  

Selon M. Toews, il a bien expliqué à M. Rath qu'il ne pouvait être partie au litige en cours ni participer aux discussions sur le règlement. Il a affirmé que lui et M. Rath avaient conclu une entente selon laquelle M. Toews devait servir d'agent de liaison communautaire avec les intervenants provinciaux et municipaux et a ajouté qu'il jetait les bases en vue d'être en mesure d'obtenir l'appui de la communauté en ce qui concerne l'aménagement du terrain, une fois que le règlement avait été conclu. M. Toews a précisé que selon lui, il n'y avait pas de problème d'éthique tant et aussi longtemps qu'il ne participait pas aux négociations sur l'accord de règlement proposé. 

Monsieur Toews a confirmé que M. Rath s'affairait à rédiger une proposition de règlement en vue de résoudre le conflit sur le transfert du terrain avant l'appel devant la Cour d'appel fédérale, qui a été entendu en janvier 2014. Il a aussi affirmé que M. Rath lui avait envoyé l'accord de règlement proposé que M. Rath voulait faire signer par le gouvernement fédéral. 

Monsieur Rath a témoigné que le travail exécuté par M. Toews dans le dossier Kapyong consistait principalement à faire de la sensibilisation et de l'éducation publique auprès de la Ville de Winnipeg et de la province du Manitoba pour faire connaître les intentions de la Première Nation de Peguis en ce qui concerne l'aménagement du terrain. M. Rath m'a expliqué que l'une des raisons pour laquelle ce dossier faisait l'objet d'un contentieux depuis si longtemps, c'est que la Ville de Winnipeg et la province du Manitoba avaient des intérêts de longue date dans ce terrain et qu'elles se demandaient à quoi pourrait ressembler, dans un contexte urbain, un terrain qui appartiendrait à des Premières Nations et qui serait contrôlé et aménagé par eux. 

Monsieur Rath a déclaré que M. Toews n'avait exécuté aucun travail d'expert-conseil dans le dossier Kapyong portant sur la procédure judiciaire en cours, ou sur les rencontres, discussions ou négociations avec les représentants fédéraux relatives au règlement. M. Rath a ajouté que la majeure partie du travail de M. Toews était essentiellement « hypothétique » et basée sur la présomption que la procédure judiciaire serait réglée au nom de la Première Nation de Peguis. 

J'ai examiné quatre factures remises par la société à numéro à Rath & Company, que m'a fournies M. Rath. Sur l'une d'entre elles, datée du 13 décembre 2013, il est écrit que la facture couvre le travail exécuté par M. Toews dans l'affaire Kapyong. Les trois autres factures renvoyaient à du travail exécuté dans l'affaire du Jockey Club. 

La facture portant sur l'affaire Kapyong énumère des descriptions générales du travail accompli par M. Toews du 27 septembre 2013 au 22 janvier 2014. Cette facture renvoie à des réunions avec M. Rath ainsi qu'à des appels téléphoniques, à des réunions et à des événements avec des représentants élus municipaux, provinciaux et fédéraux. 

Lorsque je l'ai interrogé sur les nombreuses autres entrées sur la facture de la société à numéro remise à Rath & Company, M. Toews a déclaré que certaines de ces entrées auraient été indirectement liées ou généralement liées au règlement de l'affaire Kapyong, et que les autres étaient liés à l'affaire du Jockey Club. M. Toews a ajouté qu'il y avait eu du va‑et‑vient entre lui et M. Rath quant à ce qu'il pouvait réellement faire à l'égard de la proposition de règlement, mais il a insisté sur le fait qu'il avait dit à M. Rath qu'il ne pouvait donner aucun conseil sur des questions précises touchant le règlement.  

J'ai également examiné un état de compte, daté du 30 décembre 2013, remis par Rath & Company à la Première Nation de Peguis, pour du travail exécuté dans « l'affaire Kapyong ». Cet état de compte comprenait une description plus détaillée du travail exécuté par M. Rath, que l'on trouve sur la facture liée à l'affaire Kapyong de la société à numéro. L'état de compte comporte des entrées indiquant que M. Toews avait, à plusieurs occasions, rencontré directement M. Rath ou lui avait parlé au téléphone au sujet de la proposition de règlement du terrain de la caserne de Kapyong. Deux entrées apparaissant sur l'état de compte indiquent que M. Rath a discuté de l'accord de règlement avec M. Toews, de la façon suivante :

  • 1er octobre 2013 : Préparer la proposition de règlement; rencontre avec Vic Toews à ce sujet.

  • 2 octobre 2013 : Rencontre avec Vic Toews au sujet de l'audience sur le règlement Kapyong; préparer la proposition de règlement.
    [traduction]

Les rencontres indiquées sur l'état de compte du 1er octobre et du 2 octobre 2013 correspondent aux dates des réunions et des discussions entre M. Toews et M. Rath apparaissant sur la facture Kapyong de la société à numéro et mentionnent « des réunions en personne avec Jeff » [traduction], mention que j'ai comprise comme étant une référence à des réunions avec M. Rath. 

Dans un courriel que M. Toews a envoyé à M. Rath le 2 novembre 2013, M. Toews écrit qu'il « se fera un plaisir d'examiner les documents » [traduction]. Au cours de son entrevue, M. Toews m'a dit qu'il avait reçu une copie de l'accord proposé que M. Rath voulait faire signer par le gouvernement fédéral. 

Une entrée sur la facture remise par la société à numéro à Rath & Company dont il est question plus haut, pour le 5 novembre 2013, soit trois jours plus tard, décrit ainsi le travail de M. Toews : 

  • 5 novembre 2013 : Examiner les documents, préparer les modifications, conversations téléphoniques, courriels.
    [traduction

Cela semble correspondre aux entrées des 6 et 7 novembre 2013 sur l'état de compte de M. Rath, qui se lisent comme suit : 

  • 6 novembre 2013 : Rédiger courriel à Rod B, réunion avec Vic Toews au sujet du règlement, réviser les documents du règlement relatifs au traité.

  • 7 novembre 2013 : Appels téléphoniques à Darren Jorgensen [sic], Vic Toews au sujet du règlement, réviser les documents du règlement relatif au Traité.
    [traduction]

​Monsieur Rath a expliqué qu'il y avait eu, en réalité, des rencontres directes entre lui-même et M. Toews en octobre et en novembre 2013 au cours desquelles ils ont adapté la proposition de règlement de façon qu'elle soit acceptable pour la Ville de Winnipeg et discuté d'une stratégie concernant la province du Manitoba et la Ville de Winnipeg, qui étaient d'assez grands obstacles au règlement. 

Selon M. Rath, le but de ces rencontres stratégiques était d'obtenir l'appui de la Ville et de la province pour qu'ils puissent faire pression sur le gouvernement fédéral en vue de résoudre l'affaire.

Outre les factures, un courriel daté du 21 novembre 2013 entre la conjointe de M. Toews et M. Rath fait référence à une réunion entre M. Toews et le maire de Winnipeg, Sam Katz. Dans le courriel, la conjointe de M. Toews demande s'il y aurait autre chose que M. Rath voudrait que M. Toews aborde lors de cette réunion à part Kapyong. Elle y indique aussi que M. Toews envisageait de remettre une copie de la proposition de règlement au maire. M. To​​ews a affirmé dans son témoignage qu'il ne se souvenait pas de cette réunion, mais qu'il y aurait probablement parlé de façon plus générale des réserves en milieu urbain, plutôt que du terrain de la caserne de Kapyong en particulier.

Enfin, j'ai aussi tenu​ compte d'un courriel daté du 3 avril 2017, acheminé au Commissariat de la part de l'avocat de M. Toews. À ce moment, M. Toews avait reçu une copie de la partie factuelle de mon rapport d'étude pour sa révision et ses commentaires. L'avocat de M. Toews avait acheminé un message de M. Rath réaffirmant que M. Toews n'avait pas été invité à communiquer avec le gouvernement du Canada, et que la contribution de M. Toews à l'accord de règlement se limitait à ses « impressions quant à la façon dont le document serait reçu par la Ville et la province » [traduction]. La chaîne de courriel comportait un mot que M. Toews avait écrit à M. Rath le 30 mars 2017 renvoyant au fait que M. Toews avait rédigé une partie de l'accord de règlement proposé. Le message de M. Toews se lit comme suit :

Je me demande si tu peux confirmer ce qui suit. Je dois répondre à la commissaire à l'éthique sous peu.

Simplement pour confirmer que je n'ai jamais eu l'​intention de faire pression auprès du gouvernement fédéral, mais que mon rôle se résumerait à communiquer avec les députés (pas les membres du Cabinet) si cela était permis; puisqu'il s'agissait d'une zone grise en ce qui concerne le fait que je n'ai jamais poursuivi cette voie et que nous n'avons jamais utilisé la partie du document que j'ai rédigé (qui portait sur la liaison communautaire et le mécanisme de résolution des différends à être utilisé si un règlement devait être conclu avec le gouvernement fédéral et Peguis) et que je n'ai jamais participé à des négociations du règlement avec le gouvernement fédéral concernant Kapyong. […] [nous soulignons] [traduction]

Conseils demandés par M. Toews

Mo​​nsieur Toews a envoyé un courriel au Commissariat le 25 septembre 2013, avant sa première réunion avec M. Rath, pour demander des conseils d’après-mandat. M. Toews a écrit qu’une communauté des Premières Nations du Manitoba, qu’il n’a pas nommée, l’avait contacté pour lui demander des conseils stratégiques sur des questions de développement économique. M. Toews a aj​​outé qu’il offrait ces services par l’intermédiaire de la société d’experts-conseils de sa conjointe, constituée en société en vertu d’une loi provinciale. Il a demandé en particulier quelles étaient ses obligations en vertu du paragraphe 35(2) de la Loi, qui diffèrent de celles prévues à l’article 34. L’article 34 porte sur le changement de camp et n’est pas limité à une période de restriction.  

Ni le Commiss​​ariat ni M. T​​oews n’a fait mention de l’article 34 de la Loi lors de notre échange de correspondance. Toutefois, le Commissariat lui a envoyé une lettre d’après-mandat suivant sa démission de la politique fédérale en juillet 2013, qui décrivait en détail les obligations que lui imposent les articles 33, 34 et 35. 

Au cours de son entrevue, M. Toews a di​​t que sa demande de conseils avait été, à sa connaissance, en lien avec la Première Nation de Peguis. Toutefois, il n’a pas fait mention de cette Première Nation au Commissariat lorsqu’il nous a d’abord contactés pour demander conseil. 

Le Commissariat a répondu à M. Toews par courriel le 27 septembre 2013. À la lumière des renseignements généraux fournis, le Commissariat a donné à M. Toews des conseils généraux quant à ses diverses obligations aux termes de l’article 35 de la Loi et nous lui avons rappelé l’obligation générale, émanant de l’article 33 de la Loi, de s’abstenir d’agir de manière à tirer un avantage indu de sa charge antérieure. Le Commissariat a aussi précisé dans le courriel que ce conseil était basé sur la supposition qu’il n’avait pas eu de rapports officiels directs et importants dans la dernière année de son mandat avec la Première Nation qu’il avait en tête, un facteur expressément lié à l’article 35, mais non pas à l’article 34. M. Toews a répondu le jour même à notre courriel pour valider notre supposition.

la position de M. Toews

Monsieur Toews n’a jamais exprimé de position officielle sur cette question pendant la partie de mon étude portant sur la recherche de faits. J’ai donc résumé sa position sur la base de son témoignage, tel qu’indiqué p​​lus haut. 

Monsieur Toews a déclaré, lors d​​e son entrevue du 5 janvier 2017, qu’il n’avait participé à aucune discussion sur les litiges en cours relatives à l’affaire Kapyong ni aux négociations sur le règlement qui avaient eu lieu avec les représentants fédéraux. Il a affirmé que son rôle se limitait strictement à faire de la sensibilisation communautaire auprès des représentants élus municipaux et provinciaux dans l’éventualité d’un règlement fructueux. M. Toews a ajouté que toute discussion qu’il a eue avec des représentants avant l’audience en janvier 2014 aurait été de nature générale et n’aurait pas concerné l’accord de règlement proposé.  

Monsieur Toews n’a émis aucun commentaire sur cette représentation de sa position.

Analyse et Conclusion

Analyse

En ​vertu du paragraphe 34(1) de la Loi, il est interdit à tout ex-titulaire de charge publique d’agir au nom ou pour le compte d’une personne ou d’une organisation relativement à une instance à laquelle la Couronne est partie et dans laquelle il a représenté ou conseillé celle-ci. Il n’y a pas de limite de temps ou de période de restriction pour cette interdiction; elle demeure en vigueur jusqu’à ce que l’affaire soit réglée.​

Voici le libellé du para​graphe 34(1) :

34. (1) Il est interdit à tout ex-titulaire de charge publique d'agir au nom ou pour le compte d'une personne ou d'un organisme relativement à une instance, une opération, une négociation ou une autre affaire à laquelle la Couronne est partie et dans laquelle il a représenté ou conseillé celle-ci.


Je dois déterminer si M. Toews a contrevenu au paragraphe 34(1) de la Loi sur les conflits d'intérêts (la Loi) en offrant des conseils stratégiques à M. Rath ou à son cabinet, Rath & Company. M. Rath était l'avocat de la Première Nation de Peguis, relativement à la procédure judiciaire à laquelle la Couronne était partie et dans laquelle M. Toews aurait auparavant représenté celle-ci.

La décision de M. Toews de transférer le terrain de la caserne de Kapyong

Malgré l'indication de M. Toews dans son témoignage qu'il n'a ni discuté ni été informé de l'approbation du transfert du terrain de la caserne de Kapyong à la Société immobilière du Canada, plusieurs coupures de presse montrent que M. Toews a été personnellement et directement impliqué dans le processus ayant mené à la décision de transférer le terrain. De plus, c'était M. Toews, en sa qualité de président du Conseil du Trésor du Canada, qui a donné l'approbation finale pour ce transfert le 23 novembre 2007 au nom de la Couronne. Plusieurs Premières Nations, dont la Première Nation de Peguis, ont intenté une procédure judiciaire contre cette décision, en raison de la décision prise par M. Toews. Par conséquent, je conclus que M. Toews avait représenté la Couronne à l'égard de l'affaire Kapyong.

La participation de M. Toews à la procédure judiciaire ultérieure concernant Kapyong

La procédure judiciaire concernant Kapyong était en cours au moment où Rath & Company a retenu les services de M. Toews. M. Toews a déclaré, dans son témoignage, qu'il avait appris qu'il était intimé dans cette procédure judiciaire qui impliquait le client de M. Rath, la Première Nation de Peguis, à peu près en même temps que sa première rencontre avec M. Rath, le 25 septembre 2013.

La preuve documentaire démontre que des services ont été rendus par M. Toews à la fois pour le dossier du Manitoba Jockey Club et le dossier de la caserne de Kapyong. M. Toews a émis des factures distinctes pour chaque dossier; par conséquent, Rath & Company a émis des paiements distincts à M. Toews. Selon les témoignages de MM. Rath et Toews, certaines des entrées apparaissant sur la facture Kapyong portaient sur le dossier du Jockey Club. Cependant, aucune preuve documentaire n'a été fournie à l'appui de leurs dires. Quoi qu'il en soit, il est évident que certaines de ces entrées portent sur l'affaire Kapyong. 

Au cours de son entrevue, M. Toews a déclaré que sa participation aux discussions sur l'accord de règlement proposé se limitait aux discussions au sujet du rôle d'agent de liaison communautaire qu'il jouerait une fois l'accord conclu. Il a précisé que les discussions qu'il avait eues avec des représentants municipaux ou provinciaux étaient de nature générale et qu'elles portaient sur la création de réserves urbaines des Premières Nations dans la ville de Winnipeg.  

Cependant, la preuve documentaire démontre que la participation de M. Toews a dépassé le niveau de discussions superficielles. Une facture provenant de la société à numéro, datée du 13 décembre 2013, concernant le travail exécuté par M. Toews, ainsi que le relevé de compte de Rath & Company, daté du 15 novembre 2013, démontrent que M. Toews a donné des conseils stratégiques concernant l'affaire Kapyong directement à M. Rath à au moins quatre occasions.  

Monsieur Rath a fait valoir, dans son témoignage, qu'il s'agissait là de discussions directes entre lui-même et M. Toews pour personnaliser la proposition de règlement de Kapyong de manière à obtenir l'approbation de divers intervenants municipaux et provinciaux, le tout dans le but d'exercer des pressions sur le gouvernement fédéral pour qu'il accepte la proposition de règlement, car les intervenants municipaux et provinciaux étaient des obstacles majeurs à la résolution de la procédure judiciaire. À la lumière du témoignage de M. Rath et de la description de travail énoncée dans le relevé de compte et dans les courriels envoyés qui coïncident avec ces réunions, je dois conclure que les réunions avec M. Rath portaient sur la proposition de règlement de Kapyong. 

Outre les réunions directes avec M. Rath, la facture que la société à numéro a remise à Rath & Company ainsi que les témoignages de MM. Toews et Rath indiquent que M. Toews a eu des discussions avec des représentants de la Ville de Winnipeg et de la province du Manitoba pour paver la voie à sa participation à l'aménagement d'une réserve urbaine sur le terrain de la caserne de Kapyong à la suite d'un règlement. 

Monsieur Toews a maintenu qu'il n'a eu aucun rapport avec le gouvernement fédéral concernant le litige ou la proposition de règlement. Toutefois, dans une chaîne de courriel acheminée au Commissariat par l'avocat de M. Toews le 3 avril 2017, M. Toews fait référence à une partie de la proposition de règlement qu'il a rédigé lui-même. Le courriel indique que cette partie de la proposition de règlement devait être utilisée dans le cas où un règlement serait conclu. 

Après avoir étudié attentivement tous les éléments de preuve, j'ai déterminé que M. Toews a agi au nom de la Première Nation de Peguis, en offrant des conseils stratégiques à leur avocat, M. Rath, et en rencontrant des représentants municipaux et provinciaux sur l'affaire Kapyong. M. Toews a offert des conseils stratégiques relativement à la proposition de règlement Kapyong dans au moins plusieurs discussions avec M. Rath et il a participé à la rédaction d'une partie de la proposition de règlement. Sa participation semble avoir porté non seulement sur la préparation de sa mise en œuvre, comme M. Toews l'a fait valoir, mais aussi sur les modalités elles-mêmes du règlement de Kapyong. Il importe peu que l'accord relatif au règlement n'a en fait pas été atteint. 

En fin de compte, en offrant des conseils stratégiques à l'avocat inscrit au dossier de la Première Nation de Peguis avant la résolution de la procédure judiciaire, M. Toews a agi pour le compte ou au nom d'un parti qui cherchait un recours contre une décision qu'il avait lui-même prise à l'origine et sanctionnée à titre de ministre de la Couronne.

Conclusion

Sur la base des​ renseignements précités, je conclus que M. Toews a contrevenu au paragraphe 34(1) de la Loi en agissant au nom ou pour le compte de la Première Nation de Peguis, un parti qui cherchait un recours contre une décision dans laquelle M. Toews avait représenté la Couronne en tant que ministre.​ 

Résumé des CONCLUSIONS

En ce ​​qui concerne les rapports avec la Nation crie de Norway House, j’ai déterminé que M. Toews avait eu des rapports officiels directs et importants avec ce groupe dans l’année précédant immédiatement la fin de son mandat. Par conséquent, j’ai conclu qu’en fournissant des services d’expert-conseil pour la Nation crie de Norway House au cours de cette période de restriction de deux ans, M. Toews a contrevenu au paragraphe 35(1) de la Loi. 

En donnant des conseils relati​fs au règlement d’une procédure judiciaire en cours relativement à l’affaire de la caserne de Kapyong dans laquelle M. Toews avait précédemment représenté la Couronne, M. Toews a aussi contrevenu au paragraphe 34(1) de la Loi.

annexe : LISTe des témoins

Sauf avis contr​​aire, les noms de tous les témoins sont énumérés ci-dessous en fonction des organisations dont ils relevaient au moment des faits qui font l’objet de la présente.​. 

Entrevues​

L’honorable John Duncan, ancien ministre des Affaires a​utochtones et du Développement du Nord, comme il s’appelait à l’époque ​​

nation crie de Norway ​House

Chef Ronald Evans

Mme Caterina Ferlaino​

Rath & ​Company​

M. Jeffrey Rath


​1 - On trouvera un exposé des faits plus détaillé en lisant les motifs du juge Stratas, dans la décision Canada c. Première Nation de Long Plain, 2015 CAF 177, aux paragr. 11-79.


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