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Le rapport Sullivan

​​​​PRéFACE

La Loi sur les conflits d'intérêts, L.C. 2006, ch.9, art. 2 (la Loi) est entrée en vigueur le 9 juillet 2007.

Une étude en vertu de la Loi peut être amorcée à la demande d'un parlementaire, conformément au paragraphe 44(1), ou par la commissaire aux conflits d'intérêts et à l'éthique elle‑même, conformément au paragraphe 45(1) de la Loi.

À moins que l'étude ne soit interrompue, la commissaire doit, conformément au paragraphe 45(3), remettre au premier ministre un rapport énonçant les faits, son analyse de la question et ses conclusions à la suite de l'étude. Le paragraphe 45(4) prévoit que la commissaire doit en même temps remettre un double du rapport au titulaire ou à l'ex-titulaire de charge publique visé, et rendre le rapport accessible au public. 

Sommaire

Ce rapport présente les conclusions de l'étude que j'ai entreprise en vertu de la Loi sur les conflits d'intérêts (la Loi) relativement à la conduite de M. Loyola Sullivan, ancien ambassadeur canadien à la conservation des pêcheries.

En sa qualité d'ambassadeur, M. Sullivan relevait à la fois du ministre des Pêches et des Océans et du ministre des Affaires étrangères et travaillait avec des fonctionnaires de leurs deux ministères. Après avoir quitté ses fonctions en mars 2011, il a été assujetti à des obligations d'après-mandat, dont le paragraphe 35(2) qui s'étalait sur une période de restriction d'un an.

Le paragraphe 35(2) de la Loi interdit, lors de la période de restriction, à tout ex-titulaire de charge publique principal d'intervenir, pour le compte ou au nom de toute entité, auprès d'un ministère, d'un organisme, d'un conseil, d'une commission ou d'un tribunal avec lequel il a eu des rapports officiels directs et importants au cours de l'année ayant précédé la fin de son mandat. J'ai entrepris mon étude après avoir été informée que M. Sullivan aurait possiblement contrevenu à cette interdiction.

En juin 2011, après avoir consulté le Commissariat pour déterminer s'il pouvait accepter le poste, M. Sullivan a accepté le poste de vice-président de la gestion et de la durabilité des ressources chez Ocean Choice International (Ocean Choice). À ce titre, il a eu plusieurs interactions, lors de sa période de restriction d'après-mandat d'un an, avec Pêches et Océans Canada et Affaires étrangères et Commerce international Canada sur des questions d'intérêt pour Ocean Choice. Il a aussi assisté à une consultation organisée par Pêches et Océans au nom du Conseil des allocations aux entreprises d'exploitation du poisson de fond.

Dans le cadre de mon étude, j'ai constaté que plusieurs de ces interactions visaient à persuader des fonctionnaires du gouvernement fédéral de prendre une décision à l'avantage d'Ocean Choice et, à une occasion, de modifier une politique allant dans le sens de la position du Conseil des allocations aux entreprises d'exploitation du poisson de fond. Je suis d'avis que ces interactions comprenaient des interventions. J'ai par conséquent conclu que M. Sullivan a contrevenu au paragraphe 35(2) de la Loi.

L'article 41 de la Loi me confère le pouvoir d'ordonner à tout titulaire de charge publique en poste de ne pas entretenir de rapports officiels avec des ex-titulaires de charge publique principaux si je conclus que ces derniers ne se sont pas conformés aux obligations d'après‑mandat de la Loi. Cependant, l'article 41 semble viser la prévention de contraventions continues aux obligations d'après-mandat, auxquelles sont toujours assujettis les ex-titulaires de charge publique principaux. Puisque M. Sullivan n'est plus assujetti au paragraphe 35(2), je ne crois pas qu'il serait approprié de produire une ordonnance en vertu de l'article 41.

Par le passé, j'ai fait la remarque que la Loi ne comporte aucune exigence qui oblige les ex‑titulaires de charge publique principaux de déclarer au Commissarait leurs activités d'après‑mandat ou de demander conseil, faisant exception des situations où ils participent à des activités mentionnées dans des sections spécifiques de la Loi sur le lobbying.

Monsieur Sullivan aurait pu tirer avantage d'exigences plus exhaustives en matière de déclaration, par exemple, si l'on exigeait des ex-titulaires de charge publique principaux qu'ils informent le Commissariat de toutes interactions avec le gouvernement fédéral au cours de la

période de restriction applicable, puisqu'elles auraient pu l'aider à respecter la Loi. De telles exigences de déclaration aideraient aussi le Commissariat à obtenir les détails opportuns et précis des activités d'après-mandat des ex-titulaires de charge publique principaux afin d'assurer qu'ils répondent à leurs obligations en vertu de la Loi.

Les aLLéGATIONS

Le 13 février 2012, j'ai reçu une lettre de M. Jim Bennett, député provincial de la Chambre d'assemblée de Terre-Neuve-et-Labrador. Dans sa lettre, il me demandait de vérifier si M. Loyola Sullivan, ancien ambassadeur canadien à la conservation des pêcheries, avait manqué à ses obligations d'après-mandat prévues par la Loi sur les conflits d'intérêts (la Loi) après avoir accepté le poste de vice-président de la gestion et de la durabilité des ressources chez Ocean Choice International (Ocean Choice) le 27 juin 2011. M. Bennett a écrit qu'il lui semblait invraisemblable que M. Sullivan puisse s'acquitter correctement des responsabilités du poste tout en se conformant à ses obligations d'après-mandat. Le 15 février 2012, M. Bennett a publié un communiqué dans lequel il annonçait qu'il m'avait demandé d'examiner les activités de M. Sullivan.

S'il a des motifs raisonnables de croire qu'un titulaire ou ex-titulaire de charge publique a contrevenu à la Loi, un parlementaire peut demander la tenue d'une étude. Cependant, il n'en va pas de même pour les représentants provinciaux. Néanmoins, le Commissariat passe en revue tous les renseignements portant sur des contraventions possibles à la Loi. Selon le paragraphe 45(1), je peux en effet entreprendre une étude de mon propre chef, si j'ai moi-même des motifs de croire qu'il y a eu contravention à la Loi.

Dans sa demande, M. Bennett n'a pas donné d'exemple particulier où les fonctions de M. Sullivan à Ocean Choice semblaient contrevenir à ses obligations d'après-mandat. Toutefois, après la publication du communiqué de M. Bennett, les médias ont rapporté que M. Sullivan avait assisté et participé à des consultations organisées par Pêches et Océans Canada.

Le 24 février 2012, le personnel du Commissariat a téléphoné à M. Sullivan pour discuter de la lettre de M. Bennett et des informations circulant dans les médias. M. Sullivan a confirmé qu'il avait eu plusieurs interactions avec Pêches et Océans depuis la fin de son mandat d'ambassadeur canadien à la conservation des pêcheries. Il a dit qu'il avait notamment assisté à une consultation organisée par Pêches et Océans le 12 janvier 2012 à St. John's au nom du Conseil des allocations aux entreprises d'exploitation du poisson de fond pour exprimer le point de vue du conseil sur la modernisation des pêches.

Cette déclaration m'a inquiétée, puisque le paragraphe 35(2) de la Loi interdit aux ex‑titulaires de charge publique principaux d'intervenir, pour le compte ou au nom de toute personne ou entité, auprès d'un ministère, d'un organisme, d'un conseil, d'une commission ou d'un tribunal avec lequel ils ont eu des rapports officiels directs et importants au cours de l'année ayant précédé la fin de leur mandat. Dans le cas de M. Sullivan, cette interdiction s'étalait sur une période d'un an suivant la fin de son mandat, le 28 mars 2011.

Selon les renseignements dont je disposais alors, j'avais des motifs de croire que M. Sullivan avait contrevenu au paragraphe 35(2) de la Loi en intervenant auprès de Pêches et Océans, un ministère avec lequel il aurait eu des rapports officiels directs et importants au cours de la dernière année de son mandat. Le 6 mars 2012, j'ai entrepris une étude de mon propre chef. 

Les 4 et 29 mai, puis le 19 septembre 2012, j'ai reçu des lettres de M. Scott Andrews, député fédéral d'Avalon, dans lesquelles il soulevait des préoccupations quant aux obligations d'après‑mandat de M. Sullivan. Je lui ai répondu chaque fois que j'avais déjà commencé une étude.

Le PROCESsuS

J'ai écrit à M. Sullivan le 6 mars 2012 pour l'aviser que j'entreprenais une étude en vertu du paragraphe 45(1) de la Loi sur les conflits d'intérêts (la Loi) en précisant que la disposition pertinente était le paragraphe 35(2). Comme première étape, j'ai demandé à M. Sullivan de me répondre par écrit au plus tard le 6 avril 2012. M. Sullivan a alors demandé que je reporte ce délai au 17 avril 2012, ce que je lui ai accordé.

Le 17 avril 2012, j'ai reçu une réponse de M. Sullivan comprenant des documents relatifs à ses contacts avec Pêches et Océans Canada et Affaires étrangères et Commerce international Canada dans l'année suivant son départ de sa charge publique.

J'ai interviewé M. Sullivan le 28 mai 2012. De plus, le Commissariat a demandé des réponses écrites et des documents à quatre témoins. L'annexe dresse la liste de ces témoins.

Conformément à la procédure que j'ai établie pour toutes mes études, j'ai donné à M. Sullivan l'occasion de commenter par écrit l'ébauche des sections factuelles du présent rapport avant de le finaliser, soit les sections Les allégations, Le processus, Les constatations de faits et La position de M. Sullivan.

Le 28 septembre 2012, M. Sullivan m'a envoyé une lettre étalant ses commentaires sur l'ébauche des sections factuelles de mon rapport. Il a demandé que cette lettre, ainsi que sa lettre du 17 avril 2012, soient incluses dans mon rapport. Même si ces lettres ne sont pas comprises dans le rapport, je me suis assurée que la position de M. Sullivan est encore plus détaillée et lui ai donné une autre occasion de commenter ces sections.

les constatations de faits

Monsieur Sullivan a été nommé ambassadeur canadien à la conservation des pêcheries le 22 janvier 2007 et a occupé ce poste jusqu'au 28 mars 2011. Durant cette période, il était un titulaire de charge publique principal assujetti à la Loi sur les conflits d'intérêts (la Loi).

En quittant sa charge publique, il est devenu assujetti aux obligations d'après-mandat de la Loi, dont une période de restriction d'un an prenant fin le 28 mars 2012. Pendant cette période de restriction, M. Sullivan n'avait pas le droit d'intervenir, contre rémunération ou non, pour le compte ou au nom de toute personne ou entité, auprès d'un ministère, d'un organisme, d'un conseil, d'une commission ou d'un tribunal avec lequel il avait eu des rapports officiels directs et importants au cours de l'année ayant précédé la fin de son mandat.

Pour déterminer si M. Sullivan avait contrevenu à la Loi, je devais comprendre à la fois son rôle d'ambassadeur et la nature de ses interactions avec Affaires étrangères et Commerce international Canada et Pêches et Océans Canada au cours de sa période de restriction d'après‑mandat d'un an.

Le rôle de M. Sullivan à titre d'ambassadeur

Le poste d'ambassadeur a été créé en 2005 pour freiner la non-conformité des pays étrangers aux régimes de gouvernance internationale des pêches en abordant la question de la gouvernance et de la durabilité des pêches. Son rôle consiste aussi, d'une part, à promouvoir la stratégie d'ensemble du Canada afin de renforcer la gouvernance internationale des pêches et des océans et, d'autre part, à fortifier les relations bilatérales avec les États de pêche clés par l'entremise d'initiatives multilatérales et d'organisations internationales appuyant les objectifs du Canada dans le domaine de la gouvernance internationale des pêches.

En sa qualité d'ambassadeur, M. Sullivan était un fonctionnaire travaillant à la fois pour Pêches et Océans et Affaires étrangères. Il relevait des ministres de chacun de ces deux ministères et avait pour mandat de les représenter dans les questions de pêches. M. Sullivan avait un bureau à l'administration centrale d'Affaires étrangères, à Ottawa, ainsi qu'un autre à St. John's (Terre-Neuve-et-Labrador). Des employés d'Affaires étrangères travaillaient dans ces deux bureaux et lui-même travaillait en collaboration avec des fonctionnaires des deux ministères, y compris au cours de sa dernière année de mandat.

Selon le sous-ministre des Affaires étrangères, la direction du droit des océans et de l'environnement interagissait régulièrement avec M. Sullivan au moment où il était ambassadeur. Lors de négociations, cette direction lui donnait des conseils en matière de droit international et de politique étrangère. Elle a aussi participé directement à la préparation d'un discours que M. Sullivan devait livrer à l'Assemblée générale des Nations Unies concernant la viabilité des pêches, les océans et le droit de la mer, à l'automne 2010.

Consultation d'après-mandat avec le Commissariat

Monsieur Sullivan a commencé ses fonctions de vice-président de la gestion et de la durabilité des ressources chez Ocean Choice International le 27 juin 2011. Avant d'accepter ce

poste, M. Sullivan a communiqué avec le Commissariat pour demander des conseils d'après‑mandat.

Le 1er juin 2011, M. Sullivan a téléphoné le Commissariat afin de discuter de l'offre d'emploi chez Ocean Choice. Il a précisé auprès du Commissariat que son rôle concernerait les affaires corporatives. Il a dit qu'il traiterait de la science à l'origine des stocks de poissons et que ses interactions avec le gouvernement seraient liées à la réduction et l'augmentation des stocks.

Le 6 juin 2011, le Commissariat a envoyé à M. Sullivan une lettre contenant les conseils d'après-mandat qui sont régulièrement envoyés à tous les titulaires de charge publique principaux à la fin de leur mandat. La lettre précisait que M. Sullivan était assujetti aux dispositions d'après-mandat de la Loi, y compris celles qui ne s'appliquent qu'aux ex-titulaires de charge publique principaux.

Un avis d'information y était joint et comprenait le texte suivant :

Les articles 35 et 36 de la Loi obligent les ex-TCPP [titulaires de charge publique principaux] à observer ce qu'on appelle communément une « période de restriction » après avoir quitté leurs fonctions. Cette période est de deux ans pour les ex-ministres et ministres d'État et d'un an pour tous les autres ex-TCPP (article 36).

Au cours de cette période, un ex-TCPP ne peut conclure un contrat de travail, ni siéger à son conseil d'administration, ni accepter un emploi au sein d'une entité non gouvernementale avec laquelle il a eu des rapports officiels directs et importants au cours de l'année ayant précédé la fin de son mandat (paragraphe 35(1)). Il ne peut pas non plus intervenir pour le compte ou au nom d'une autre personne auprès d'un ministère, d'un organisme, d'un conseil, d'une commission ou d'un tribunal avec lequel il a eu des rapports officiels directs et importants au cours de l'année ayant précédé la fin de son mandat (paragraphe 35(2)).


Pour faire suite à l'appel du 8 juin 2011 avec M. Sullivan, le Commissariat a envoyé à ce dernier une copie de la lettre d'après-mandat et des pièces jointes par courriel puisqu'il n'avait toujours pas reçu la copie papier qui lui avait été envoyée par la poste.

Le 9 juin 2011, lors d'une conversation téléphonique avec le Commissariat, M. Sullivan a confirmé les détails de son rôle à titre d'ambassadeur et a décrit le travail d'Ocean Choice. Ce même jour, M. Sullivan a envoyé un courriel au Commissariat, décrivant le rôle qu'il prévoyait jouer chez Ocean Choice. Il a réaffirmé ses propos du 1er juin 2011, comme quoi ce rôle concernerait surtout les affaires corporatives et non les opérations. Son rôle, prévoyait-il, consisterait à prendre connaissance des données scientifiques sur les stocks de poissons et à aviser son employeur de la santé des stocks et des quotas. Selon lui, il serait appelé à rencontrer les scientifiques du gouvernement chargés de rédiger des rapports sur les niveaux de stocks ainsi que d'autres fonctionnaires. Il prévoyait assister à des réunions avec des gens du gouvernement et de l'industrie ainsi qu'avec des gens de l'industrie uniquement.

À la fin juin 2011, M. Sullivan a communiqué avec le Commissariat pour nous aviser qu'il prévoyait entrer en fonction le 27 juin 2011. Un conseiller lui a dit que, selon les renseignements qu'il nous avait fournis, il pourrait probablement accepter le poste puisqu'il n'avait pas eu de rapports officiels directs et importants avec Ocean Choice lors de la dernière année de son mandat. Il en recevrait sous peu une confirmation écrite. Sur la foi de cette conversation, M. Sullivan a commencé à travailler chez Ocean Choice le 27 juin 2011.

Le 30 juin 2011, le Commissariat a envoyé à M. Sullivan un courriel qui confirmait que la Loi ne lui interdirait pas d'accepter le poste chez Ocean Choice, à condition qu'il respecte certaines exigences spécifiques d'après-mandat. Ces conseils comprenaient ce qui suit :

[traduction] Bien que nous croyons que votre mandat d'ambassadeur pour la conservation des pêches aurait pu avoir une incidence sur Ocean Choice International, ces rapports n'étaient pas directs et, selon les renseignements que vous avez fournis et confirmés, vous n'avez pas eu de rapports officiels directs et importants avec Ocean Choice International. Par conséquent, il convient que vous acceptiez le poste chez cette entreprise.

Permettez-moi cependant de vous rappeler les paragraphes 34(2) et 35(2), selon lesquels il vous est interdit, à titre d'ex-titulaire de charge publique principal, de donner à vos associés en affaires ou vos employeurs des conseils fondés sur des renseignements non accessibles au public obtenus lors de votre mandat. Il vous est également interdit de « changer de camp », ce qui veut dire que si vous avez représenté ou conseillé la Couronne relativement à une instance, une négociation ou une autre affaire, il vous est interdit d'agir au nom ou pour le compte d'une personne ou d'un organisme relativement à cette question. Ces obligations ne sont pas limitées dans le temps.

Le paragraphe 35(2) vous interdit d'intervenir, pour le compte ou au nom de toute personne ou entité, auprès d'un ministère, d'un organisme, d'un conseil, d'une commission ou d'un tribunal avec lequel vous avez eu des rapports officiels directs et importants au cours de l'année ayant précédé la fin de votre mandat. Dans votre cas, en acceptant un emploi chez Ocean Choice International, vous n'aurez pas le droit d'avoir des rapports avec le ministère des Affaires étrangères, le ministère des Pêches et des Océans et tout autre ministère avec lequel vous avez eu des rapports officiels directs et importants lors de votre dernière année de fonction, soit jusqu'au 31 mars 2012. (Cette date a par la suite été changée au 28 mars 2012.)


Les conseils que lui a donnés par écrit le Commissariat couvraient l'interdiction d'intervenir au cours de la période de restriction d'un an. Plus précisément, le courriel stipulait que M. Sullivan n'avait pas le droit d'avoir aucun rapport avec Pêches et Océans ou Affaires

étrangères. En fait, cela va un peu plus loin que la simple interdiction d'intervenir. Le courriel conseillait aussi à M. Sullivan de communiquer avec le Commissariat s'il avait des questions ou des préoccupations.

Monsieur Sullivan a mentionné ces conseils dans les lettres qu'il m'a envoyées le 17 avril 2012 et le 28 septembre 2012. Il l'a aussi mentionné au cours de l'entrevue que j'ai effectuée avec lui le 28 mai 2012 ainsi que dans un courriel de suivi daté du 29 mai 2012. Il m'a alors confié que lorsqu'il avait reçu ces conseils, ce qu'il avait compris, c'est qu'il n'aurait pas eu le droit d'accepter le poste chez Ocean Choice s'il avait eu des rapports officiels directs et importants avec cette entreprise alors qu'il était ambassadeur. Il m'a dit ne pas avoir interprété nos conseils comme une interdiction d'entretenir des rapports avec Pêches et Océans ou Affaires étrangères pendant sa période de restriction d'un an suivant sa dernière journée comme ambassadeur.

Les observations que M. Sullivan a soumises au Commissariat à cet égard sont reprises en détail plus loin, dans la section intitulée La position de M. Sullivan.

Interactions avec Pêches et Océans et Affaires étrangères pendant la période de restriction

Selon les documents recueillis, le Commissariat a relevé bon nombre d'occasions où M. Sullivan a eu une ou plusieurs interactions avec Pêches et Océans ou Affaires étrangères lors de la période de restriction d'un an. Dans au moins cinq cas, M. Sullivan semble avoir eu des interactions avec ces ministères dans le but d'influer sur leurs décisions officielles de façon à favoriser les intérêts commerciaux d'Ocean Choice, ou les intérêts d'un autre organisme. Je décrirai maintenant ces cinq interactions de façon un peu plus détaillée.

Accord commercial nécessitant l'approbation du gouvernement

En septembre 2011, Ocean Choice a signé un accord avec une entreprise outre-mer qui aurait permis aux deux entreprises de pêcher et de débarquer des parties des quotas de pêche de l'une et de l'autre. Cet accord était régi par un traité international et nécessitait l'approbation du gouvernement fédéral. M. Sullivan a communiqué avec Pêches et Océans en septembre 2011 et, à la demande d'un fonctionnaire de ce ministère, a envoyé des détails concernant l'accord.

En septembre et octobre 2011, M. Sullivan a présenté des arguments et fait des suggestions aux fonctionnaires de Pêches et Océans et d'Affaires étrangères dans le but de faire approuver l'accord.

Dans un courriel daté du 22 septembre 2011 envoyé à un fonctionnaire de Pêches et Océans où il citait des renseignements provenant d'une autre entreprise de pêche, M. Sullivan a fait allusion à un cas précédent où le gouvernement du Canada avait approuvé un accord qui, de l'opinion de M. Sullivan, ressemblait à celui qu'Ocean Choice demandait. Après avoir rencontré des fonctionnaires de Pêches et Océans le 30 septembre 2011, M. Sullivan leur a envoyé un courriel de suivi dans lequel il réitérait son argument et ajoutait que l'accord serait avantageux pour le Canada et qu'il ne saperait pas les obligations découlant du traité international. 

Le 11 octobre 2011, M. Sullivan, pour exprimer sa propre opinion sur le traité, a téléphoné à un fonctionnaire des Affaires étrangères qui avait avisé Pêches et Océans que l'accord proposé par Ocean Choice n'était pas conforme au traité international. Le même jour, M. Sullivan a envoyé un courriel à un fonctionnaire de Pêches et Océans pour faire valoir qu'une autre entreprise de pêche lui avait dit qu'il y avait précédent pour déroger au traité.

Le 12 octobre 2011, M. Sullivan a fait parvenir une nouvelle ébauche de l'accord à Pêches et Océans. Les Affaires étrangères ont déclaré à nouveau que l'accord n'était toujours pas conforme au traité et en ont informé M. Sullivan.

Les deux ministères ont continué à chercher d'autres façons de conclure l'accord. Après avoir consulté divers intervenants, un fonctionnaire de Pêches et Océans a avisé M. Sullivan, le 12 novembre 2011, que le gouvernement n'appuierait pas l'accord. Le 14 novembre 2011, M. Sullivan a envoyé un courriel au fonctionnaire de Pêches et Océans pour lui exprimer sa déception. Il y posait des questions sur les consultations du Ministère et y donnait son point de vue sur ce qu'on pourrait faire pour que l'accord soit approuvé. M. Sullivan a fait parvenir ce courriel à l'adjoint administratif de M. Keith Ashfield, ministre des Pêches et des Océans, en mentionnant qu'il tenait à ce que tous les faits soient connus.

Désaccord sur un permis de pêche à la mactre de Stimpson

À l'été 2011, M. Sullivan a eu plusieurs interactions avec Pêches et Océans au sujet de la pêche à la mactre de Stimpson, un type de mollusque. À l'époque, une entreprise avait obtenu un permis l'autorisant à exploiter tout le quota alloué à cette espèce. Ocean Choice et d'autres entreprises ont allégué que le titulaire de ce permis monopolistique était incapable de pêcher tout le quota et que d'autres entreprises devraient se voir accorder des permis additionnels. Ocean Choice souhaitait en avoir un. En outre, les entreprises demandaient qu'on évalue l'analyse scientifique ayant servi à établir le quota, car il serait selon elles justifié de l'augmenter.

En août et septembre 2011, M. Sullivan a eu bon nombre de communications avec des fonctionnaires de Pêches et Océans à ce sujet.

Dans une rencontre du 16 août 2011 avec un fonctionnaire de Pêches et Océans, M. Sullivan a discuté de la question du quota. Le 23 août 2011, il a envoyé un courriel au chef de cabinet du ministre des Pêches et des Océans, M. Ashfield, pour demander à rencontrer le ministre afin de discuter de la question de la mactre de Stimpson. À la fin août 2011, M. Sullivan a de nouveau communiqué avec Pêches et Océans pour dire à quel niveau on devrait selon lui fixer le quota.

Le 9 novembre 2011, M. Sullivan et d'autres représentants de l'industrie ont rencontré le ministre Ashfield et lui ont remis une note d'information préparée par une autre entreprise de pêche. Le 16 novembre 2011, M. Sullivan a reçu une version légèrement modifiée de la note d'information, qu'il a par la suite envoyée par courriel à un fonctionnaire de Pêches et Océans. Dans ce courriel, il donnait de l'information sur l'industrie et le marché actuels de la mactre de Stimpson en faisant valoir qu'Ocean Choice devrait se voir accorder un permis de pêche à la mactre de Stimpson.

Monsieur Sullivan a de nouveau soulevé la question du quota de la mactre de Stimpson le 2 février 2012, lors d'une réunion du Comité consultatif des palourdes et mactres de haute mer,

de Pêches et Océans. Il a exprimé ses réserves à l'égard du processus de fixation des quotas et a remis en question les données scientifiques employées pour déterminer le total autorisé des captures, en proposant et défendant d'autres façons de les calculer.

Exemptions au Plan de gestion de la pêche à la crevette

En juillet 2011, M. Sullivan a eu des discussions avec des fonctionnaires de Pêches et Océans à propos d'une décision rendue par le Ministère sur la pêche à la crevette pratiquée par une autre entreprise de poissons et fruits de mer. M. Sullivan m'a dit que Pêches et Océans avait accordé à cette entreprise une exemption qui, selon lui, était incompatible avec le Plan de gestion intégrée des pêches qui s'appliquait. Ocean Choice et d'autres membres de l'industrie des pêches voulaient s'assurer que cette exemption ne continuerait pas.

À partir de juillet 2011, M. Sullivan a communiqué à plusieurs reprises avec des fonctionnaires de Pêches et Océans pour tenter de mettre fin à cette exemption, ce qui aurait permis à Ocean Choice d'accroître la quantité de crevette qu'il pouvait pêcher.

Dans un courriel daté du 28 juillet 2011 envoyé à un fonctionnaire de Pêches et Océans, M. Sullivan a fait valoir plusieurs arguments pour étayer sa position. Dans un autre courriel, daté du 23 août 2011 et adressé au chef de cabinet du ministre Ashfield, il a écrit que ce serait une grave erreur de maintenir l'exemption, qui accordait le monopole des quotas de crevettes à une seule entreprise.

Affrètement d'un navire de pêche étranger et demande de transfert du quota annuel

En 2011, Ocean Choice n'a pas réussi à atteindre son quota de flétan noir, l'un de ses navires ayant été hors service plus longtemps que prévu. Le 14 novembre 2011, M. Sullivan a demandé par courriel à Pêches et Océans de permettre à Ocean Choice de transférer son quota annuel de flétan noir de 2011 à 2012, demande qui lui a été refusée. Il a envoyé un nouveau courriel pour demander à Pêches et Océans de réévaluer la décision, en invoquant qu'un transfert avait déjà été accordé pour un autre type de poisson, lors d'une autre situation. Il a ajouté que la quantité qu'Ocean Choice souhaitait transférer n'était qu'une petite partie du total autorisé des captures, et que si l'entreprise était incapable de la transférer, du poisson canadien de grande valeur allait demeurer dans l'océan. Dans sa réponse, Pêches et Océans a expliqué à M. Sullivan pourquoi il était impossible de transférer le quota.

Le 24 novembre 2011, M. Sullivan a envoyé un courriel à un fonctionnaire de Pêches et Océans afin de demander la permission, au nom d'Ocean Choice, d'affréter un navire de pêche étranger pour capturer son quota de flétan noir restant. Il a prié alors le Ministère de traiter sa demande le plus rapidement possible.

Le 29 novembre 2011, M. Sullivan a écrit par courriel à l'adjoint administratif du ministre des Pêches et des Océans, M. Ashfield. Il l'a informé de la première demande qu'il avait adressée à Pêches et Océans afin de faire transférer le quota de flétan noir, demande qui lui avait été refusée, puis de la permission qu'il avait demandée d'affréter un navire étranger. M. Sullivan a expliqué dans son courriel qu'Ocean Choice serait incapable d'atteindre son quota de flétan noir même si l'on approuvait immédiatement la demande d'affrètement.

Présence à une consultation organisée par Pêches et Océans

Monsieur Sullivan a confié au Commissariat qu'il avait assisté à une consultation organisée par Pêches et Océans le 12 janvier 2012 à St. John's en tant que représentant du Conseil des allocations aux entreprises d'exploitation du poisson de fond pour exprimer le point de vue du conseil sur la modernisation des pêches. Il a également mentionné y avoir fait des déclarations au nom de ce conseil.

Selon des notes manuscrites remises par Pêches et Océans au Commissariat, M. Sullivan avait soutenu que le gouvernement serait avisé de revoir ses règles régissant la propriété des flottilles de pêche afin d'éviter de décourager les jeunes à se lancer dans l'industrie.

La position de m. SULLIVAN

Monsieur Sullivan m’a dit qu’Ocean Choice International avait communiqué avec lui en mai 2011 pour lui offrir le poste de vice-président de la gestion et de la durabilité des ressources. Puisqu’il en​visageait sérieusement d’accepter l’offre, il a informé Ocean Choice qu’il allait s’assurer auprès du Commissariat qu’il pouvait bel et bien accepter un tel poste. En début juin 2011, il a entretenu plusieurs conversations avec le Commissariat, au cours desquelles il résumait pour mon personnel ce en quoi consistaient ses responsabilités alors qu’il était ambassadeur pour la conservation des pêches ainsi que ce en quoi consisterait son rôle chez Ocean Choice.

Monsieur Sullivan m’a expliqué que les conseils qui lui avaient été donnés par mon personnel lors des conversations en juin 2011 portaient principalement sur s’il avait eu des rapports officiels direc​​ts et importants avec Ocean Choice lorsqu’il était ambassadeur. Il avait donc tiré de ces conversations que s’il n’avait pas eu de rapports directs et importants avec Ocean Choice en sa qualité précédente d’ambassadeur, rien ne l’empêcherait d’accepter le poste chez Ocean Choice.

Il a fait référence au courriel que le Commissariat lui avait envoyé le 30 juin 2011, dont les trois derniers paragraphes sont cités dans ce rapport, à la section intitulée Les constatations de f​​aits. Il a expliqué que lorsqu’il a lu le texte portant sur les rapports officiels, directs et importants, au dernier paragraphe du courriel, il croyait que ceux-ci faisaient référence à des rapports directs et importants entretenus avec Ocean Choice dans le passé. Il a expliqué qu’à la lumière des discussions qu’il avait eues avec le Commissariat, c’était, selon lui, une interprétation raisonnable de ce texte.

Monsieur Sullivan a précisé qu’il n’a compris nos conseils ayant trait au paragraphe 35(2) qu’avec le recul, après que le Commissariat ait porté ce problème à son attention en 2012. Il a déclaré qu’après avo​​ir discuté avec le Commissariat des allégations portées contre lui en 2012, il a relu les conseils que le Commissariat lui avait donnés par écrit en juin 2011. Il a expliqué qu’il pouvait alors comprendre qu’on pourrait les interpréter comme signifiant que s’il acceptait ce poste chez Ocean Choice, il ne pourrait pas intervenir auprès de Pêches et Océans Canada ou Affaires étrangères et Commerce international Canada au cours de sa période de restriction d’après‑mandat. Cependant, il a réitéré que lors des discussions entretenues avec le Commissariat en juin 2011, on ne lui avait pas clairement expliqué cette information.

Monsieur S​​ullivan a écrit qu’on ne lui avait pas prévenu, lors des discussions entretenues avec le Commissariat en juin 2011, qu’il lui était interdit d’entrer en contact ou de participer à des réunions avec Pêches et Océans ou Affaires étrangères s’il acceptait le poste chez Ocean Choice. M. Sullivan a ajouté qu’il n’aurait pas accepté ce poste s’il avait compris nos conseils, à savoir qu’il lui était interdit d’assister à des réunions avec Pêches et Océans ou Affaires étrangères. Il m’a expliqué qu’il a accepté le poste en fonction de ce qu’il avait compris des conseils et qu’il a commencé son emploi chez Ocean Choice le 27 juin 2011.

À la lumière d​​e cette restriction, il se demandait pourquoi il avait été autorisé à accepter le poste. Il a répété qu’il n’aurait pas accepté le poste chez Ocean Choice s’il avait compris les conseils du Commissariat, c’est-à-dire qu’il lui serait interdit d’avoir des rapports approfondis avec Pêches et Océans.

Monsieur Sullivan a aussi fa​​it référence au courriel qu’il avait envoyé au Commissariat le 9 juin 2011, dans lequel il avait écrit :

[traduction] Le rôle que je pourrais potentiellement occuper chez OCI traiterait des affaires corporatives plutôt que des opérations. Je m’attends à ce qu’on me demande de prend​​re connaissance des données scientifiques portants sur tous les stocks auxquels s’intérèsse OCI et d’aviser l’entreprise sur la santé des stocks et sur ce en quoi devrait consister le Total autorisé des captures. Cela impliquerait des rencontres avec les scientifiques du gouvernement responsables pour de tels rapports et avec d’autres fonctionnaires. On s’attendrait à ce que j’assiste à des réunions avec des gens du gouvernement et de l’industrie, ainsi qu’avec des gens de l’industrie uniquement.


Monsieur
Sullivan a soutenu qu’à la lumière de cette information, qu’il avait fournie au Commissariat, et des conseils y afférant, la seule conclusion qu’il pouvait tirer de nos conseils était qu’il pouvait accepter le poste puisqu’il n’avait pas eu de rapports directs et importants avec Ocean Choice alors qu’il était ambassadeur. Il a répété qu’il n’avait pas compris qu’il lui était interdit d’avoir des rapports avec Pêches et Océans et Affaires étrangères dans le cadre du nouveau poste qu’il considérait accepter.

Monsieur Sullivan a reconnu être intervenu auprès de Pêches et Océans et Affaires étrangères au cours de sa période de restriction d’après-mandat, particulièrement pour discuter de l’accord commercial entre Ocean Choice et l’entreprise outre-mer ainsi que du transfert du quota de flétan noir.

Toutefois, en ce qui concerne la mactre de Stimpson et sa demande d’affrètement d’un navire étranger, il estime que cela ne constituait pas des interventions, mais plutôt des interactions administratives normales. M. Sullivan a indiqué qu’il considérait ces interactions auprès de Pêches et Océans sur le permis de pêche à la mactre de Stimpson comme une exposition de faits plutôt qu’une intervention directe.​

ANALYSe et CONCLUSIONS

Évaluation des faits

Lorsque M. Sullivan occupait le poste d'ambassadeur, il relevait à la fois du ministre des Pêches et des Océans et du ministre des Affaires étrangères, et avait pour mandat de les représenter. À ce titre, il a dû entretenir des rapports avec des fonctionnaires des deux ministères, y compris au cours de l'année précédant la fin de son mandat.

J'ai considéré les renseignements que M. Sullivan m'a fournis, les conseils que le Commissariat lui a donnés ainsi que la position de M. Sullivan.

Monsieur Sullivan a fourni des renseignements au sujet du poste qu'il considérait accepter chez Ocean Choice International lorsqu'il a consulté le Commissariat pour en discuter. Il a déclaré que ses responsabilités concerneraient les affaires corporatives plutôt que les opérations. Il a expliqué que ses rapports avec le gouvernement impliqueraient de rencontrer les scientifiques du gouvernement relativement aux stocks de poisson et qu'on s'attendrait à ce qu'il participe à des réunions avec des gens du gouvernement et de l'industrie. Le Commissariat a formulé ses conseils en fonction de ces renseignements.

Bien qu'il semblerait que les discussions téléphoniques qu'ont eues M. Sullivan et le Commissariat en juin 2011 concentraient sur l'acceptabilité du poste chez Ocean Choice, les conseils fournis par écrit par le Commissariat adressaient clairement le fait qu'il serait interdit pour M. Sullivan d'intervenir auprès de Pêches et Océans Canada et Affaires étrangères et Commerce international Canada au cours de sa période de restriction d'après-mandat.

Le Commissariat a fourni à M. Sullivan des conseils par écrit à deux occasions distinctes en juin 2011. Dans une lettre datée le 6 juin 2011, M. Sullivan a été informé de façon générale qu'il était assujetti à une période de restriction d'un an. Cette lettre précisait qu'en vertu du paragraphe 35(2) de la Loi sur les conflits d'intérêts (la Loi), il ne pourrait pas, durant cette période de restriction, intervenir pour le compte ou au nom d'une autre personne auprès d'un ministère, d'un organisme, d'un conseil, d'une commission ou d'un tribunal avec lequel il avait eu des rapports officiels directs et importants au cours de l'année ayant précédé la fin de son mandat. Dans un courriel daté du 30 juin 2011, M. Sullivan a été informé qu'il pouvait accepter le poste chez Ocean Choice, mais que l'interdiction stipulée au paragraphe 35(2) s'appliquerait à tous rapports entretenus au cours de la période de restriction avec Pêches et Océans ou Affaires étrangères.

Au cours de cette étude, j'ai conclu que les interactions qu'a eues M. Sullivan avec ces ministères allaient au-delà de ce qu'il avait décrit au Commissariat en 2011. Notamment, j'ai constaté que M. Sullivan s'était impliqué dans des dossiers opérationnels. Dans au moins cinq cas durant l'année suivant la fin de son mandat, il a envoyé des demandes et présenté des arguments à des fonctionnaires de Pêches et Océans ou des Affaires étrangères. Ces interactions avaient pour but de tenter d'influer sur les décisions ou les politiques officielles de ces ministères de manière à favoriser les intérêts commerciaux d'Ocean Choice ou les intérêts d'un autre organisme.

Analyse

Le paragraphe 35(2) interdit à tout ex‑titulaire de charge publique principal d'intervenir auprès de toute entité avec laquelle il a eu des rapports officiels directs et importants au cours de l'année ayant précédé la fin de son mandat. En voici le libellé :

35. (2) Il est interdit à tout ex-titulaire de charge publique principal d'intervenir, contre rémunération ou non, pour le compte ou au nom de toute personne ou entité, auprès d'un ministère, d'un organisme, d'un conseil, d'une commission ou d'un tribunal avec lequel il a eu des rapports officiels directs et importants au cours de l'année ayant précédé la fin de son mandat.


Cette interdiction s'applique durant la période de restriction d'après-mandat, qui était
d'un an dans le cas de M. Sullivan, soit du 29 mars 2011 au 28 mars 2012. Le paragraphe 36(1) se lit ainsi :

36. (1) Dans le cas de tout ex-titulaire de charge publique principal qui n'était pas ministre ou ministre d'État, les interdictions visées aux paragraphes 35(1) et (2) s'appliquent pendant un an à compter de la fin de son mandat.


Pour déterminer si M. Sullivan a contrevenu au paragraphe 35(2) au cours de sa période de restriction, il importe de se poser les questions suivantes : (1) M. Sullivan a-t-il eu des rapports officiels directs et importants avec Pêches et Océans et Affaires étrangères au cours de l'année ayant précédé la fin de son mandat à titre d'ambassadeur canadien à la conservation des pêcheries? (2) Dans l'affirmative, est-il intervenu, lors de son après-mandat, au nom d'une autre personne ou entité auprès de l'un ou l'autre de ces ministères durant sa période de restriction d'un an?

Rapports officiels directs et importants

Comme je le précise dans la section Les constatations de faits, M. Sullivan relevait à la fois du ministre des Pêches et des Océans et du ministre des Affaires étrangères lorsqu'il était ambassadeur canadien à la conservation des pêcheries. Il a eu régulièrement des rapports officiels directs et importants avec leurs deux ministères au cours de la dernière année de son mandat, soit du 29 mars 2010 au 28 mars 2011.

Parmi ces interactions, l'on compte son travail avec les deux ministères afin d'établir des objectifs et de déterminer la meilleure façon de remplir le mandat de son bureau. Au cours de négociations internationales, les Affaires étrangères ont fourni à M. Sullivan des conseils en matière de droit international et de politique étrangère. Ce ministère est également intervenu directement dans la préparation d'un discours que devait prononcer M. Sullivan devant l'Assemblée générale des Nations Unies concernant la viabilité des pêches, les océans et le droit de la mer. Il est évident que ces interactions, en plus d'être directes et officielles, étaient également importantes au sens du paragraphe 35(2).

Interventions durant la période de restriction

Comme M. Sullivan a eu des rapports officiels directs et importants avec Pêches et Océans et Affaires étrangères au cours de la dernière année de son mandat, il lui était interdit d'intervenir auprès de ces deux ministères durant sa période de restriction d'un an.

Je décris dans la section intitulée Les constatations de faits, cinq exemples d'interactions qu'il a eues avec Pêches et Océans et Affaires étrangères lors de la période de restriction. Le paragraphe 35(2) vise les interventions faites pour le compte ou au nom de toute personne ou entité. Il est clair que quatre de ces interventions ont été faites pour le compte et au nom d'Ocean Choice et la cinquième, au nom du Conseil des allocations aux entreprises d'exploitation du poisson de fond.

Il reste à déterminer si ces rapports constituaient des interventions au sens du paragraphe 35(2) de la Loi. Il n'y a pas de définition d'« intervenir» dans la Loi. Le Petit Robert 2012 en donne la définition suivante :

Intervenir

[...]

2. Prendre part à une action, à une affaire en cours, dans l'intention d'influer sur son déroulement.


La version anglaise du paragraphe 35(2) utilise le terme « representation ». Le Shorter Oxford English Dictionary, 3rd ed., Clarendon Press, Oxford, en donne la définition générale suivante :

Representation

[...]

4. [Traduction] L'action de présenter un fait, etc., à une autre personne ou d'autres personnes sous forme de discours; une déclaration, surtout avec l'intention d'influer sur les opinions ou les actions.

À mon avis, des « interventions » au sens du paragraphe 35(2) engloberaient des représentations officielles en justice auprès d'un conseil, d'une commission ou d'un tribunal, ainsi que des interventions officieuses auprès de ministères et d'autres entités. Il est important de noter que ces communications visent à influer sur des décisions officielles, des avis ou des actions. En revanche, l'unique fait de fournir de l'information, comme le nombre de prises à des fins statistiques ministérielles, ne constituerait pas une intervention en soi.

Selon moi, il existe suffisamment de preuves qu'il y a eu interventions. 

Accord commercial international

À l'automne 2011, pendant qu'il travaillait chez Ocean Choice, M. Sullivan a eu bon nombre d'interactions avec Pêches et Océans et Affaires étrangères relativement à un accord entre Ocean Choice et une entreprise outre-mer. Cet accord nécessitait l'approbation du gouvernement fédéral en vertu d'un traité international.

Monsieur Sullivan a fait valoir plusieurs arguments en faveur de l'accord et a proposé un certain nombre de suggestions sur la façon dont il pourrait se conclure en vertu du traité. Il a de plus fait allusion à un cas précédent où le gouvernement fédéral avait approuvé un accord qui, selon lui, était similaire à celui que proposait Ocean Choice. Lorsqu'il a été informé que, sur l'avis des Affaires étrangères, l'accord n'était pas conforme au traité, il a communiqué avec le fonctionnaire du Ministère chargé du dossier pour lui exprimer son point de vue sur le traité et discuter davantage du dossier. Il a également soulevé ces préoccupations auprès du cabinet du ministre des Pêches et des Océans.

Ses déclarations et arguments visaient clairement à convaincre les deux ministères d'autoriser l'accord en l'approuvant en vertu du traité et constituent donc des interventions au sens du paragraphe 35(2) de la Loi. M. Sullivan a convenu qu'il s'agissait d'interventions.

Désaccord sur un permis de pêche à la mactre de Stimpson

Comme je le précise dans la section intitulée Les constatations de faits, à l'été 2011, M. Sullivan a eu plusieurs interactions avec Pêches et Océans au sujet des quotas de pêche à la mactre de Stimpson fixés par le Ministère et du fait qu'une seule entreprise possédait un permis d'exploitation.

Monsieur Sullivan a donné son avis à Pêches et Océans sur les quotas appropriés et a également soulevé la question au cabinet du ministre. Il a demandé et obtenu une rencontre avec celui‑ci pour discuter du dossier, en compagnie d'autres représentants de l'industrie. Il a en outre remis au ministre une note d'information qu'avait rédigée une autre entreprise, puis a envoyé aux fonctionnaires du Ministère une version similaire de cette note accompagnée d'un courriel dans lequel il expliquait pourquoi Ocean Choice devrait se voir accorder un permis de pêche à la mactre de Stimpson.

Monsieur Sullivan estime qu'il ne faisait qu'énoncer des faits et qu'il ne s'agissait pas d'interventions. À mon avis, ces communications visaient clairement à convaincre Pêches et Océans de revenir sur ses décisions concernant le quota et l'octroi de permis afin qu'Ocean Choice obtienne un permis de pêche à la mactre de Stimpson. Pour cette raison, ces démarches constituent des interventions au sens du paragraphe 35(2).

Exemptions au Plan de gestion de la pêche à la crevette

En juillet 2011, M. Sullivan est intervenu auprès de Pêches et Océans, au nom d'Ocean Choice, avec d'autres titulaires de permis de pêche hauturière de la crevette, afin de tenter d'empêcher le renouvellement d'une exemption accordée à une tierce entreprise de pêche.

Monsieur Sullivan était d'avis que l'exemption était incompatible avec le Plan de gestion intégré des pêches applicable adopté par Pêches et Océans. Il a donc envoyé un courriel à des

fonctionnaires du Ministère pour énoncer son point de vue, puis a fait parvenir un autre courriel au cabinet du ministre des Pêches et des Océans, dans lequel il affirmait que ce serait une grave erreur de continuer l'exemption.

Monsieur Sullivan m'a affirmé qu'il ne considérait pas être intervenu dans ce dossier. Selon moi, ces interactions constituaient bel et bien des interventions, ce qui contrevient au paragraphe 35(2) de la Loi, puisqu'elles visaient à persuader Pêches et Océans de mettre fin à l'exemption, et donc d'accroître les prises de crevettes attribuées à Ocean Choice.

Affrètement d'un navire de pêche étranger et demande de transfert d'un quota annuel

Monsieur Sullivan a eu des contacts avec Pêches et Océans en novembre 2011 pour demander qu'Ocean Choice soit autorisée à transférer son quota annuel de flétan noir de 2011 à 2012. Devant le refus, il a demandé l'approbation d'affréter un navire étranger pour pêcher le quota restant.

Monsieur Sullivan estime qu'il est intervenu en ce qui concerne le transfert de quota de flétan noir, mais que la demande d'affréter un navire étranger et le processus d'approbation étaient de nature administrative. À mon avis, ces deux interactions avaient pour but de persuader Pêches et Océans de rendre une décision en faveur d'Ocean Choice, et constituaient des interventions en vertu du paragraphe 35(2).

Présence à une consultation organisée par Pêches et Océans au nom du Conseil des allocations aux entreprises d'exploitation du poisson de fond

Le 12 janvier 2012, M. Sullivan a assisté à une consultation organisée par Pêches et Océans à titre de représentant du Conseil des allocations aux entreprises d'exploitation du poisson de fond afin d'exprimer le point de vue du conseil sur la modernisation des pêches. À cette occasion, il a déclaré que le gouvernement serait avisé de revoir ses règles régissant la propriété des flottilles de pêche pour éviter de décourager les jeunes à se lancer dans l'industrie. J'estime qu'il s'agit encore là d'interventions au sens du paragraphe 35(2) de la Loi, puisqu'elles visaient à convaincre le Ministère de modifier sa politique.

Conclusion

Compte tenu de tous ces éléments, il est clair que M. Sullivan a contrevenu au paragraphe 35(2) de la Loi en intervenant au cours de sa période de restriction d'un an, qui se terminait le 28 mars 2012. Il est intervenu pour le compte et au nom d'Ocean Choice, à la fois auprès de Pêches et Océans Canada et des Affaires étrangères et du Commerce international Canada, de même que pour le compte et au nom du Conseil des allocations aux entreprises d'exploitation du poisson de fond auprès de Pêches et Océans. M. Sullivan avait eu des rapports officiels directs et importants avec ces deux ministères durant l'année ayant précédé la fin de son mandat à titre d'ambassadeur canadien à la conservation des pêcheries, qui se terminait le 28 mars 2011. 

Observations

L'article 41 de la Loi sur les conflits d'intérêts (la Loi) me confère le pouvoir d'ordonner à tout titulaire de charge publique en poste de ne pas entretenir de rapports officiels avec des ex‑titulaires de charge publique principaux si je conclus que ces derniers ne se sont pas conformés aux obligations d'après-mandat de la Loi. Voici le libellé de l'article 41 :

41(1) S'il conclut qu'un ex-titulaire de charge publique principal ne s'est pas conformé aux obligations qui lui incombent en vertu de la présente partie, le commissaire peut ordonner à tout titulaire de charge publique en poste de ne pas entretenir de rapports officiels avec l'ex-titulaire de charge publique principal.

(2) Il incombe à tout titulaire de charge publique en poste de se conformer à toute ordonnance du commissaire prise en vertu du paragraphe (1).


L'article 41 semble viser la prévention de contraventions continues aux obligations d'après-mandat, auxquelles sont toujours assujettis les ex-titulaires de charge publique principaux. Les obligations que présentent les articles 33 et 34 s'appliquent pour une période de temps indéfinie, mais l'article 35 ne s'applique aux ex-titulaires de charge publique principaux que durant la période de restriction d'un an ou deux.

En ce qui concerne M. Sullivan, j'ai conclu qu'il a contrevenu au paragraphe 35(2) de la Loi. Sa période de restriction d'un an se terminait le 28 mars 2012. Puisqu'il n'est plus assujetti au paragraphe 35(2), je ne crois pas qu'il serait approprié de produire une ordonnance en vertu de l'article 41.

Par le passé, j'ai fait la remarque que la Loi ne comporte aucune exigence qui oblige les ex‑titulaires de charge publique de déclarer au Commissarait leurs activités d'après-mandat ou de demander conseil, faisant exception des situations où ils participent à des activités mentionnées dans des sections spécifiques de la Loi sur le lobbying.

Monsieur Sullivan aurait pu tirer avantage d'exigences plus exhaustives en matière de déclaration, par exemple, si on exigeait des ex-titulaires de charge publique principaux qu'ils informent le Commissariat de toutes interactions avec le gouvernement fédéral au cours de la période de restriction applicable, puisqu'elles auraient pu l'aider à respecter la Loi. De telles exigences de déclaration aideraient aussi le Commissariat à obtenir les détails opportuns et précis des activités d'après-mandat des ex-titulaires de charge publique principaux afin d'assurer qu'ils répondent à leurs obligations en vertu de la Loi.

Annexe (Liste des témoins)

​​ENTREVUES ET REPRÉSENTATIONS ÉCRITES

Entre​​vues

Monsieur Loyola Sullivan
Vice-président de la gestion et de la durabilité des ressources, Ocean Choice International
Ancien ambassadeur canadien à la conservation des pêcheries 

Représentations​​ écrites

  1. L'honorable Keith As​​hfield
    Ministre des Pêches et des Océans

  2. Monsieur Bruce Chap​​man
    Directeur administratif, Conseil des allocations aux entreprises d'exploitation du poisson de fond

  3. Madame Claire Dansereau
    Sous-ministre, Pêche​​s et Océans Canada

  4. Monsieur Morris Ro​​senberg
    Sous-ministre, Affaires étrangères, Affaires étrangères et Commerce international Canada​​​​​​


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