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Réponse à la motion adoptée par la Chambre des communes le 5 juin 2008 pour nouvel examen du rapport de l’enquête Thibault

Table des matières

​​​PRé​FACE

En vertu du paragraphe 28(13) du Code régissant les conflits d’intérêts des députés (le Code), qui forme l’annexe 1 du Règlement de la Chambre des communes, la Chambre des communes, à tout moment avant d’avoir pris connaissance d’un rapport du commissaire aux conflits d’intérêts et à l’éthique en vertu du Code, peut renvoyer un rapport au commissaire afin qu’elle l’examine à nouveau.​​​​​​​

INTRODUCTION

Le 7 mai 2008, le rapport d'enquête Thibault (le rapport) a été déposé à la Chambre des communes au terme d'une enquête menée en vertu du Code régissant les conflits d'intérêts des députés (le Code). 

Dans une lettre reçue le 9 juin 2008, la greffière de la Chambre des communes, m'a fait parvenir une motion adoptée par la Chambre le 5 juin 2008. Cette motion, qui est citée dans son intégralité plus loin, me renvoie le rapport d'enquête Thibault, conformément au paragraphe 28(13) du Code afin que je l'examine de nouveau à la lumière d'une modification au Code adoptée par la Chambre des communes dans cette même motion. 

CONTEXTE 

Dans le rapport, j'ai déterminé qu'une poursuite constitue un passif éventuel et satisfait à la définition d'intérêt personnel au sens du Code. En conséquence, j'ai conclu que M. Thibault avait certaines obligations en vertu des articles 8, 12 et 13 et qu'il ne s'en était pas acquitté. J'ai toutefois souligné que parce que l'affaire portait sur des questions qui n'avaient jamais été examinées avant et qu'il était raisonnable de s'attendre que le sens des termes tels que « intérêt personnel » et « passif », soient incertain pour les députés, le manquement au Code reproché à M. Thibault était imputable à une erreur de jugement commise de bonne foi. Pour cette raison, le paragraphe 28(5) du Code s'appliquait et j'ai recommandé qu'aucune sanction ne soit imposée. 

J'étais au courant des préoccupations soulevées quant à la possibilité que le recours à des poursuites serve à empêcher les députés de s'acquitter de leurs fonctions à la Chambre des communes. Par conséquent, dans les observations finales du rapport, j'ai indiqué que si jamais cette situation venait à engendrer de sérieuses craintes chez les députés, le Code pourrait être réajusté pour exclure les poursuites en libelle diffamatoire de l'application du terme « intérêt personnel » aux fins des articles 8 et 13. J'estimais qu'une telle étape n'était pas nécessaire dans le cas de la divulgation en vertu de l'article 12. 

Le 5 juin 2008, la Chambre des communes a adopté la motion suivante : 

Que la Chambre réaffirme tous ses privilèges et immunités bien établis, particulièrement en ce qui a trait à la liberté de parole; 

que, afin de clarifier et garantir ces privilèges, le paragraphe 3(3) du Code régissant les conflits d'intérêts des députés, qui forme l'Annexe 1 du Règlement de la Chambre des communes, soit modifié par adjonction, après l'alinéa
b), de ce qui suit : 

«
b.1) qui ont trait au fait d'être partie à une action en justice relative à des actes posés par le député dans l'exercice de ses fonctions; »;

que, conformément au paragraphe 28(13) du Code régissant les conflits d'intérêts, la Chambre renvoie le rapport de l'enquête Thibault au commissaire aux conflits d'intérêts et à l'éthique pour nouvel examen, en fonction de la modification apportée au Code;

que la Chambre affirme sa confiance à l'endroit du commissaire aux conflits d'intérêts et à l'éthique.

ASPECTS À CONSIDÉRER

Les faits relatifs à cette affaire n'ont pas changé et sont exposés dans le rapport. Je vais donc limiter mes observations et conclusions à la question de savoir si j'en serais arrivée à la conclusion que M. Thibault avait enfreint les articles 8, 12 et 13 du Code, si la modification avait déjà été apportée au Code au moment des faits. 

Effet de la modification 

Les députés ont choisi de modifier le paragraphe 3(3) du Code, qui s'applique au Code dans son ensemble. Les paragraphes 3(2) et (3) du Code sont une énumération de situations dans lesquelles un député serait ou ne serait pas considéré comme ayant agi de façon à favoriser ses « intérêts personnels ». La modification apportée au paragraphe 3(3), par l'adjonction d'un paragraphe (b.1), a pour effet d'exclure les questions relatives aux actions en justice du champ de l'expression « intérêts personnels ». Dans sa version modifiée, le libellé du paragraphe 3(3) se lit maintenant comme suit : 

3 (3) Pour l'application du présent code, ne sont pas considérés comme les intérêts personnels d'un député ou d'une autre personne ceux : 

a) qui sont d'application générale;
b) qui le concernent en tant que membre d'une vaste catégorie de personnes;
b.1) qui ont trait au fait d'être partie à une action en justice relative à des actes posés par le député dans l'exercice de ses fonctions;
c) qui ont trait à la rémunération ou aux avantages accordés au député au titre d'une loi fédérale. [Je souligne] 


Cette modification aura une incidence sur l'interprétation des articles 8, 9, 10, 12, 13 et 20 du Code. Seuls les articles 8, 12 et 13 s'appliquent à l'enquête Thibault. 

Le paragraphe 3(3) s'applique à l'article 8, qui prévoit que les députés ne peuvent agir de façon à favoriser leurs intérêts personnels. Il s'applique aussi aux articles 12 (divulgation) et 13 (récusation), comme le stipule expressément l'article 13.1.

Le nouvel alinéa 3(3)(b.1) exclut expressément du champ de l'expression « intérêt​s personnels » tout passif découlant de toute action en justice à laquelle un député est partie, lorsque cette action porte sur des actes posés par celui-ci dans l'exercice de ses fonctions. 

Dans les circonstances de cette affaire, M. Thibault est devenu le défendeur dans une action en libelle diffamatoire en raison de propos qu'il avait tenus à l'extérieur de la Chambre des communes. Au moment desdites déclarations, il avait été décrit comme le principal porte-parole du Parti libéral dans l'affaire Mulroney-Schreiber. À mon avis, cette action a trait à des actes posés par lui dans l'exercice de ses fonctions de député. En conséquence, l'affaire serait visée par l'exception prévue à l'alinéa 3(3)(b.1) et ne constituerait pas un « intérêt personnel » aux fins de tous les articles pertinents du Code, incluant les articles 8, 12 et 13. 

Même s'il peut être très difficile en pratique de déterminer si une action en justice à laquelle un député est partie a trait à des actes posés par celui-ci en sa qualité de député, compte tenu de l'intention claire de la Chambre des communes de faire en sorte que les actions en justice ne fassent pas obstacle indûment à la capacité des députés de s'acquitter de leurs fonctions parlementaires, je donnerai à l'alinéa 3(3)b.1) une interprétation assez large. 

Passif éventuel 

Dans le rapport, j'ai dû, à titre préliminaire, décider si une action en justice constitue un passif et, par conséquent, un intérêt personnel. J'ai conclu que rien dans le Code ne tend à limiter l'interprétation à donner au terme « passif » et que celui-ci s'entend à la fois du passif réel et du passif éventuel. La modification apportée au paragraphe 3(3) du Code ne change rien à cette conclusion, sauf dans la mesure où les actions en justice sont maintenant exclues du champ de l'expression « intérêts personnels ». 

CONCLUSION

L'adjonction de l'alinéa (b.1) au paragraphe 3(3) du Code a pour effet d'exclure du champ de l'expression « intérêts personnels » le passif découlant d'une action en justice relative aux actes posés par un député dans l'exercice de ses fonctions. Si j'applique les articles 8, 12 et 13 aux faits décrits dans le rapport comme si la modification apportée au paragraphe 3(3) du Code avait été en vigueur au moment des faits, je conclus que M. Thibault n'aurait pas enfreint le Code si la modification avait déjà été apportée au Code. De plus, depuis le 5 juin 2008, M. Thibault n'a plus d'obligations en vertu des articles 8, 12 et 13 en ce qui a trait à ses intérêts personnels antérieurs résultant de la poursuite.


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