PRéFACE
En vertu de l'article 27 du
Code régissant les conflits d'intérêts des députés, qui forme l'annexe 1 du
Règlement de la Chambre des communes, un député qui a des motifs raisonnables de croire qu'un autre député n'a pas respecté ses obligations aux termes du Code peut demander une enquête.
La commissaire aux conflits d'intérêts et à l'éthique doit transmettre la demande au député qui en fait l'objet et lui accorder un délai de trente jours pour y répondre. Une fois que le député a fait connaître sa réponse, la commissaire dispose de quinze jours ouvrables pour faire un examen préliminaire de la demande et de la réponse et pour informer par écrit les deux députés de sa décision quant à la nécessité ou non de tenir une enquête. Les enquêtes doivent être menées à huit clos.
Une fois l'enquête terminée, un rapport est remis au Président de la Chambre des communes qui le dépose à la Chambre à sa prochaine séance. Le rapport est accessible au public dès qu'il est déposé ou, si la Chambre ne siège pas, dès qu'il est reçu par le Président.
Dans les dix jours de séance suivant le dépôt du rapport, le député qui fait l'objet du rapport a le droit de faire une déclaration à la Chambre des communes. Le rapport doit faire l'objet d'une motion portant adoption ou d'une motion portant sur son étude par la Chambre.
Voici l'un de deux rapports présentant les conclusions de mon enquête sur les activités de l'honorable Lisa Raitt, députée de Halton, à l'époque où elle était ministre des Ressources naturelles, relativement à une activité de financement politique organisée par l'Association conservatrice de Halton à Toronto le 24 septembre 2009.
L'enquête a été menée en vertu de la
Loi sur les conflits d'intérêts (Loi), qui s'applique aux ministres et aux autres titulaires de charge publique, ainsi qu'en vertu du
Code régissant les conflits d'intérêts des députés (Code). Étant donné que l'enquête menée en vertu de ces deux régimes porte sur les mêmes faits, les rapports sont identiques à presque tous les égards, à l'exception des parties portant sur l'analyse à exécuter spécifiquement en vertu de la Loi ou du Code. Toutefois, puisque les procédures pour la publication des rapports diffèrent sous la Loi et le Code, il est nécessaire d'émettre deux rapports distincts.
Les analyses sous la Loi et le Code sont nécessairement différentes puisque les dispositions pertinentes diffèrent. Toutefois, afin de permettre une appréciation complète de la situation, l'analyse selon le Code se retrouve à l'annexe A du présent rapport.
Les médias ont fait grand cas de l'activité de financement dont il est question, notamment en ce qui concerne la participation, à titre d'organisateur, du lobbyiste M. Michael McSweeney, qui faisait du lobbying auprès de Mme Raitt à titre de ministre des Ressources naturelles, et de celle de Mme Janet MacDonald, une employée de l'Administration portuaire de Toronto, où Mme Raitt avait précédemment occupé le poste de présidente et chef de la direction. Les articles de la presse ont aussi donné lieu à des déclarations et à des questions à la Chambre des communes, à savoir si Mme Raitt avait enfreint les règles de conduite. L'honorable John Baird, ministre des Transports, a déclaré à la Chambre des communes qu'il était inacceptable d'utiliser les ressources de l'Administration portuaire de Toronto à des fins de financement politique.
Deux députés m'ont demandé de faire enquête sur la conduite de Mme Raitt, un en vertu de la Loi et l'autre en vertu de la Loi et du Code.
En ce qui concerne la Loi, selon leurs allégations, Mme Raitt avait contrevenu à l'article 11 de la Loi en acceptant de l'aide fournie par le lobbyiste. Cet article prévoit qu'un titulaire de charge publique ne peut accepter un cadeau ou un autre avantage qui pourrait raisonnablement donner à penser qu'il a été donné pour l'influencer dans l'exercice de ses fonctions officielles. Il fut aussi allégué que Mme Raitt avait contrevenu à l'article 16 de la Loi, qui interdit aux titulaires de charge publique de solliciter personnellement des fonds d'une personne ou d'un organisme si l'exercice d'une telle activité plaçait le titulaire de charge publique en situation de conflit d'intérêts. Enfin, on a allégué que Mme Raitt avait enfreint l'article 18 de la Loi, qui interdit à tout titulaire de charge publique de faire quoi que ce soit dans le but de se soustraire aux obligations auxquelles il est assujetti sous le régime de la Loi. Les ministres, les ministres d'État et les secrétaires parlementaires sont tous des titulaires de charge publique en vertu de la Loi.
En ce qui concerne le Code, selon leurs allégations, l'aide fournie par le lobbyiste constituait un « cadeau ou autre bénéfice » aux termes de l'article 14 du Code, qui interdit aux députés d'accepter un cadeau ou autre bénéfice qui pourrait raisonnablement donner à penser qu'il a été donné pour les influencer dans l'exercice de leur charge de député. Une deuxième allégation sous le Code était à l'effet que Mme Raitt avait contrevenu à l'article 25 qui interdit à tout député de faire quoi que ce soit dans le but de se soustraire aux obligations auxquelles il est assujetti sous le régime du Code.
Mes conclusions concernant les allégations particulières à la Loi et au Code se trouvent dans les sections analyse des rapports respectifs. Des observations plus générales sur les questions soulevées sont énoncées dans la section qui suit l'analyse dans les deux rapports. Dans cette section, j'aborde les préoccupations découlant de la participation de lobbyistes ou d'autres parties intéressées dans des activités de financement par les associations de circonscription de ministres, de ministres d'État ou de secrétaires parlementaires et d'autres députés.
DE MME OLIVIA CHOW, DÉPUTÉE DE TRINITY-SPADINA
Le 1er octobre 2009, Mme Olivia Chow, députée de Trinity-Spadina, m'a fait parvenir la version électronique d'une lettre dans laquelle elle me demandait d'enquêter sur des allégations de conflit d'intérêts potentiel impliquant l'honorable Lisa Raitt, ministre des Ressources naturelles et députée de Halton, relativement à une activité de financement politique tenue à Toronto le 24 septembre 2009. J'ai reçu la lettre originale de Mme Chow le 5 octobre 2009.
La demande de Mme Chow faisait référence à un article du Toronto Star paru le 1er octobre 2009, lequel déclarait que « l'activité de financement avait été coordonnée par le bureau du président de l'Administration portuaire de Toronto, un organisme fédéral que Mme Raitt avait autrefois dirigé.» [traduction] L'article mentionnait également que les invitations au cocktail avaient été envoyées par l'adjointe exécutive du président et chef de la direction par intérim de l'Administration portuaire de Toronto. Cette adjointe avait travaillé pour Mme Raitt à l'époque où elle occupait elle-même le poste de présidente et chef de la direction de l'Administration portuaire de Toronto, avant de devenir députée aux élections fédérales de 2008.
Le 6 octobre 2009, après avoir examiné la lettre de Mme Chow et les articles de presse cités, j'ai écrit à Mme Chow pour lui dire que les éléments dont je disposais n'étaient pas suffisants pour entreprendre une enquête. Je l'ai avisée que, pour donner suite à sa demande, il me faudrait de plus amples détails sur la non-conformité alléguée et sur ses motifs raisonnables de croire qu'il y avait eu contravention, afin de satisfaire aux exigences prévues par la Loi sur les conflits d'intérêts (Loi).
J'ai reçu une autre lettre de Mme Chow le 13 octobre 2009. Elle y alléguait que M. Michael McSweeney, lobbyiste enregistré pour le compte de l'Association canadienne du ciment, avait consacré beaucoup de temps à organiser l'activité de financement à partir de son bureau et que cela constituait un « cadeau ou autre avantage » accepté par Mme Raitt, ce qui est contraire à l'article 11 de la Loi. Cet article interdit aux titulaires de charge publique d'accepter des cadeaux ou d'autres avantages qui pourraient raisonnablement donner à penser qu'ils ont été donnés pour les influencer dans l'exercice de leurs fonctions officielles.
Mme Chow alléguait que Mme Raitt avait aussi contrevenu à l'article 16 de la Loi, qui interdit aux titulaires de charge publique de solliciter des fonds personnellement si cela les plaçait en situation de conflit d'intérêts.
Mme Chow n'a fait aucune demande d'enquête aux termes du Code régissant les conflits d'intérêts des députés (Code).
DE M. PAUL SZABO, DÉPUTÉ DE MISSISSAUGA-SUD
Monsieur Paul Szabo, député de Mississauga-Sud, m'a envoyé une lettre datée du 5 octobre 2009, dans laquelle il se disait du même avis que Mme Chow et me demandait d'enquêter sur les actes de
Mme Raitt en vertu de la Loi et du Code. Le 6 octobre 2009, j'ai envoyé à M. Szabo une lettre semblable à celle que j'avais envoyée à Mme Chow pour l'aviser qu'il me faudrait de plus amples détails pour satisfaire aux exigences de la Loi et du Code dans le but de tenir une étude en vertu de la Loi ou une enquête en vertu du Code.
J'ai reçu une autre lettre de M. Szabo le 19 octobre 2009, dans laquelle il mentionnait qu'on lui avait dit que Mme Raitt avait demandé à l'adjointe exécutive de l'Administration portuaire de Toronto de l'aider à organiser l'activité de financement. M. Szabo a également déclaré que M. Michael McSweeney, lobbyiste pour le compte de l'Association canadienne du ciment, semblait être le principal organisateur de l'activité et que l'Association avait fait du lobbying auprès du gouvernement fédéral à huit reprises entre mars et août 2009, dont deux fois auprès du ministère des Ressources naturelles. Même si M. Szabo a uniquement cité l'article 18 de la Loi et l'article 25 du Code, qui interdisent aux titulaires de charge publique et aux députés d'agir de façon à se soustraire à leurs obligations en vertu de la Loi et du Code, respectivement, j'ai jugé que l'information qu'il m'avait fournie était suffisante pour identifier les dispositions pertinentes de la Loi et du Code.
En outre, M. Szabo m'a informée, dans sa lettre du 19 octobre 2009, qu'il avait aussi écrit au commissaire à la protection de la vie privée, au commissaire aux élections fédérales ainsi qu'au commissaire au lobbying pour leur demander d'envisager la tenue d'enquêtes, étant donné que ce dossier relevait aussi de leurs mandats.
DE DÉMOCRATIE EN SURVEILLANCE
Le 22 octobre 2009, j'ai reçu une lettre de M. Duff Conacher, de Démocratie en surveillance, un organisme de pression, dans laquelle il me demandait d'envisager, de ma propre initiative, la tenue d'une étude en vertu de la Loi et d'une enquête en vertu du Code, toujours sur la même question. Mon bureau a avisé M. Conacher que je me penchais déjà sur la question suite aux demandes des députés.
Après m'avoir envoyé leurs premières lettres, Mme Mme Chow et M. Szabo ont déclaré publiquement qu'ils m'avaient demandé de faire enquête sur les gestes de Mme Raitt. Étant donné que la question était déjà du domaine public avant que les demandes de Mme Chow et de M. Szabo soient présentées de manière conforme à la Loi sur les conflits d'intérêts (Loi) et au Code régissant les conflits d'intérêts des députés (Code), j'ai écrit à Mme Raitt, le 6 octobre 2009, pour l'informer que je ne comptais pas faire d'enquête pour l'instant. Pour la même raison, nous avons publié une déclaration destinée aux médias sur le site Web du Commissariat à cet effet.
Toutefois, je craignais que la participation alléguée de Michael McSweeney et de l'Association canadienne du ciment à l'activité de financement puisse placer Mme Raitt en situation de conflit d'intérêts à un moment donné. Après avoir discuté de ces allégations avec moi, Mme Raitt a accepté, le 9 octobre 2009, de mettre en place une mesure de conformité en vertu de l'article 29 et l'alinéa 51(1)e) de la Loi, c'est-à-dire, un filtre temporaire anti-conflit d'intérêts à l'égard de l'Association canadienne du ciment, pour prévenir tout conflit d'intérêts potentiels et, en particulier, toute apparence de traitement de faveur à l'endroit de l'Association canadienne du ciment. Nous avons publié un avis de cette mesure de conformité convenue sur notre site Web le même jour. Une copie du texte se trouve à l'annexe B du présent rapport.
Le 14 octobre 2009, après avoir reçu la deuxième lettre de Mme Chow, j'ai de nouveau écrit à Mme Raitt pour l'aviser que j'allais étudier la question en vertu de la Loi et lui faire parvenir une copie de tous les documents envoyés par Mme Chow. Je l'ai informée qu'on alléguait qu'elle avait contrevenu aux articles 11 et 16 de la Loi et lui ai demandé de me répondre. De même, je lui ai demandé de me faire part de toute information ou opinion qu'elle pourrait avoir concernant ses obligations en vertu de la Loi. J'ai aussi écrit à Mme Chow pour l'informer que j'allais procéder à l'étude de la question.
Le 19 octobre, après avoir reçu la deuxième lettre de M. Szabo, j'ai écrit à Mme Raitt pour l'aviser que M. Szabo m'avait demandé d'entreprendre une étude en vertu de la Loi ainsi qu'une enquête en vertu du Code et que j'avais suffisamment d'information pour justifier une étude en vertu de la Loi et que, selon le Code, j'étais tenue de faire un examen préliminaire après avoir reçu sa réponse pour déterminer si une enquête s'imposait. J'ai fait parvenir à Mme Raitt une copie de la demande de M. Szabo et lui ai demandé de me répondre, conformément à la Loi et au Code, dans les 30 jours, la période prévue par le Code. J'ai aussi écrit à M. Szabo pour l'informer de mes démarches.
Monsieur Michael Osborne, l'avocat de Mme Raitt, a communiqué avec le Commissariat pour m'informer qu'une réponse conjointe aux deux demandes serait déposée en son nom. Le 18 novembre 2009, il m'a fait parvenir la réponse conjointe signée par Mme Raitt. Après un examen préliminaire de la demande de M. Szabo et la réponse de Mme Raitt, tel qu'exigé par le Code, j'ai écrit à Mme Raitt et à M. Szabo, le 26 novembre 2009, pour les informer que je procédais à une enquête en vertu du Code en plus de l'étude prévue par la Loi que j'avais déjà commencée.
En plus de sa réponse, l'avocat de Mme Raitt m'a fait parvenir d'autres arguments le 27 novembre ainsi que le 15 décembre 2009; il en sera question plus loin sous la rubrique La position de Mme Raitt.
Mon bureau a interviewé 13 témoins, à qui nous avions demandé de nous envoyer tous les documents pertinents pour examen. De plus, nous avons demandé à neuf autres témoins de fournir des témoignages écrits. La liste complète des témoins se trouve à l'annexe C du rapport.
Madame Raitt a eu l'occasion de présenter de l'information et son point de vue lors d'une entrevue avec moi le 10 décembre 2009. Son avocat n'y a pas assisté. Mme Raitt a eu l'occasion de commenter l'ébauche de certaines parties du présent rapport, à savoir Les demandes, Le processus, Les constatations de faits et La position de Mme Raitt.
INTRODUCTION
Au niveau fédéral, le financement à des fins politiques est réglementé à de nombreux égards par la Loi électorale du Canada, qui est administrée par le directeur général des élections. La conduite des lobbyistes est quant à elle réglementée par la Loi sur le lobbying et le Code de déontologie des lobbyistes, qui relèvent du commissaire au lobbying. La conduite des ministres, en tant que titulaires de charge publique, est régie par la Loi sur les conflits d'intérêts et, en tant que députés, par le Code régissant les conflits d'intérêts des députés (Code), dont l'administration me revient.
La seule disposition de la Loi sur les conflits d'intérêts (Loi) portant spécifiquement sur les activités de financement se trouve à l'article 16, qui interdit aux titulaires de charge publique de solliciter personnellement des fonds si cela les place en situation de conflit d'intérêts. Il n'y a pas de règle équivalente dans le Code. Il existe d'autres règles plus générales, à la fois dans la Loi et dans le Code, qui pourraient s'appliquer.
La Loi (article 11) et le Code (article 14) contiennent tous deux une disposition qui interdit l'acceptation de cadeaux ou d'autres avantages qui pourraient raisonnablement donner à penser qu'ils ont été offerts pour influencer le député ou le titulaire de charge publique dans l'exercice de ses fonctions officielles.
La Loi contient également une règle interdisant aux titulaires de charge publique d'accorder, dans l'exercice de leurs fonctions officielles, un traitement de faveur à une personne ou un organisme en fonction de la personne retenue pour représenter l'un ou l'autre (article 7).
Pour bien cerner la participation de Mme Raitt à l'activité de financement, j'ai dû me renseigner sur les activités des autres personnes les plus directement impliquées, y compris l'ancienne adjointe de Mme Raitt à l'Administration portuaire de Toronto et les lobbyistes. Je décris plus loin les gestes posés après l'activité de financement pour donner un contexte à mes observations générales. Je précise toutefois que mon mandat portait uniquement sur la conduite de Mme Raitt, ces autres personnes n'étant pas assujetties à la Loi ou au Code. En ce qui concerne les activités des lobbyistes, c'est au commissaire au lobbying qu'il revient de décider s'il y a lieu d'examiner la question.
Les témoins interviewés étaient, pour la plupart, coopératifs et crédibles. Les divergences dans leurs témoignages sont consignées dans le présent rapport. Dans les cas où il a fallu tirer au clair ces divergences, je l'ai fait et j'ai consigné mes constatations dans cette section du rapport.
ASSOCIATION CONSERVATRICE DE HALTON
Il est nécessaire tout d'abord d'expliquer le rôle de l'Association conservatrice de Halton et son lien avec Mme Raitt. Cette association est inscrite, en vertu de la Loi électorale du Canada, comme association de circonscription du Parti conservateur du Canada pour Halton, la circonscription de
Mme Raitt. L'association est connue sous le nom de « Halton Conservative E.D.A. », cet acronyme remplace « Electoral District Association », c'est-à-dire l'association de circonscription. Les associations de circonscription sont aussi appelées associations de comté.
Monsieur John Challinor, président de l'Association conservatrice de Halton, était très crédible et n'a pas hésité à fournir l'information demandée par mon bureau. Il nous a informés que l'Association se composait de bénévoles qui étaient membres du Parti conservateur. Ses activités quotidiennes sont dirigées par un conseil d'administration et des administrateurs bénévoles. M. Challinor a informé mon bureau que, conformément à la constitution du Parti conservateur, à titre de députée de Halton, Mme Raitt était membre d'office du conseil d'administration. Elle assiste à environ la moitié des réunions du conseil, où elle donne un compte rendu de ses activités dans la circonscription et de ses autres responsabilités. Elle ne prend aucune part aux questions administratives et financières. Mme Raitt a confirmé cela en ajoutant qu'elle quittait habituellement les réunions après avoir donné le compte rendu de ses activités de députée.
Il nous a expliqué que les principales fonctions de l'Association conservatrice de Halton consistent à amasser les fonds requis pour mener une campagne électorale de leur candidat local, recruter de nouveaux membres et bénévoles au sein du Parti pour appuyer la campagne électorale et maintenir une image positive du Parti et de son candidat ou député.
En ce qui concerne le financement, M. Challinor nous a dit que l'Association organisait plusieurs activités de ce type chaque année. Bien qu'on s'attende à ce que tous les membres du conseil et tous les administrateurs donnent un coup de main à l'organisation de ces activités, M. Challinor a expliqué qu'elles ne pouvaient avoir lieu sans l'aide d'autres bénévoles. Il a indiqué que les fonds récoltés grâce à la vente de billets à des activités de financement constituaient des contributions politiques à l'Association conservatrice de Halton et qu'ils étaient régis par la Loi électorale du Canada. Les profits générés par les activités de financement servent aux principales fonctions de l'Association décrites au paragraphe précédent.
L'Association conservatrice de Halton a identifié 2 000 dollars par année pour les dépenses encourues par le député pour participer à des activités communautaires ainsi qu'à d'autres activités dans la circonscription. M. Challinor a expliqué que cet argent servait surtout à rembourser le coût des billets pour assister aux événements. Habituellement, l'Association conservatrice de Halton achète les billets pour Mme Raitt, mais dans les cas où ceci n'est pas possible, elle lui en rembourse le coût.
ACTIVITÉ DE FINANCEMENT DU 24 SEPTEMBRE 2009 ET ACTIONS SUBSÉQUENTES
L'ACTIVITÉ
Le 24 septembre 2009, l'Association conservatrice de Halton a tenu une activité de financement, soit un cocktail, de 16 heures à 18 heures dans un restaurant du centre-ville de Toronto. M. Challinor m'a fait savoir que l'Association conservatrice de Halton avait vendu 41 billets et accueilli entre 30 et 40 personnes. On a dressé la liste des acheteurs et des personnes attendues en fonction des réponses, mais on n'a pas dressé la liste des personnes s'étant réellement déplacées.
Des témoins nous ont rapporté que parmi les personnes présentes, il y avait des intervenants du ministère des Ressources naturelles, des lobbyistes, des membres du conseil d'administration de l'Association conservatrice de Halton, du personnel du bureau de la circonscription de Halton et des amis de Mme Raitt. Mme Raitt y était aussi et a demandé, en arrivant, à voir la liste des personnes attendues pour mieux se préparer à les rencontrer.
Elle a ensuite parcouru la salle pour discuter avec les invités. Elle a indiqué qu'elle avait passé de cinq à sept minutes avec chaque groupe d'invités à discuter de la possibilité d'une élection générale, d'annonces dans la circonscription et de questions émanant de son portefeuille. À ce dernier sujet, elle a précisé que certains invités étaient venus la voir pour lui faire part de leurs propres projets. Mme Raitt a répondu qu'elle trouvait cela intéressant et a conseillé à toute personne souhaitant aborder certaines questions de communiquer avec son personnel à Ottawa pour les informer de leur projet.
Monsieur Challinor a dit que l'activité de financement de Toronto était prévue depuis le printemps 2009. L'Association conservatrice de Halton a consulté Colin McSweeney, qui était à l'époque le gestionnaire du bureau de Mme Raitt sur la Colline parlementaire, pour fixer la date de l'activité. M. McSweeney faisait régulièrement la liaison entre le bureau de la colline du Parlement et l'Association conservatrice de Halton pour vérifier la disponibilité de Mme Raitt à chaque activité de financement. Ils avaient discuté de plusieurs dates avant de choisir celle du 24 septembre 2009.
Monsieur Challinor, en sa qualité de président de l'Association, assumait la responsabilité générale de l'activité, tandis que M. Will Stewart, membre du conseil d'administration et ancien président de l'Association, avait été désigné organisateur principal par le conseil d'administration. C'est d'ailleurs ce qu'on peut lire dans les procès-verbaux du conseil d'administration du 9 avril et du 20 août 2009. Il était généralement admis, parmi les autres personnes participant à l'organisation, que M. Stewart était l'organisateur principal. Je fais toutefois remarquer que M. Stewart a déclaré à mon bureau qu'il était simplement l'un des bénévoles à qui l'on avait chacun confié des tâches. Il a ajouté que Colin McSweeney l'avait appelé pour lui demander s'il voulait vendre des billets.
Monsieur Stewart a également déclaré que l'activité de financement avait été amorcée sur l'initiative de Colin McSweeney et qu'il n'était pas rare que du personnel de la Colline le fasse. Tous les autres témoins ont déclaré que l'activité avait été amorcée sur l'initiative de l'Association conservatrice de Halton.
Il y a donc divergence dans ce qu'on nous a dit sur l'origine de l'activité et l'organisateur principal. À mon avis, toutefois, l'explication la plus cohérente m'amène à conclure que c'est l'Association conservatrice de Halton qui a amorcé l'activité et que, conformément aux procès- verbaux de l'Association et aux témoignages, M. Stewart a joué un rôle prépondérant dans l'organisation de l'activité.
Monsieur Stewart s'est occupé de la conception du carton d'invitation. On y trouvait une invitation à venir appuyer Lisa Raitt le 24 septembre ainsi qu'une photo de la députée. Le prix d'un billet était une contribution minimum de 250 dollars à l'Association conservatrice de Halton. Des reçus d'impôt devaient être émis conformément à la Loi électorale du Canada.
Colin McSweeney a précisé qu'il avait demandé à son frère, Michael McSweeney, de vendre des billets parce que ce dernier vivait autrefois dans le coin de Halton et qu'il connaissait des gens qui seraient sans doute intéressés. Michael McSweeney est aussi le vice-président, Relations avec l'industrie, de l'Association canadienne du ciment. Colin McSweeney a aussi demandé à un ami de la famille vivant à Toronto, Gary Clement, s'il voulait bien vendre des billets. Comme ils avaient tous les deux accepté, Colin McSweeney a donné leur nom à Will Stewart. On trouvera de plus amples détails sur le rôle de MM. Will Stewart, Michael McSweeney et Gary Clement plus loin dans le rapport.
LE RÔLE DE M. COLIN MCSWEENEY
Colin McSweeney a rencontré Mme Raitt lors de la campagne électorale de 2008. À l'époque, il était organisateur pour le Parti conservateur du Canada et travaillait avec son équipe de campagne électorale à Halton. Après l'élection, vu son expérience, Mme Raitt lui a demandé de se joindre à son équipe pour l'aider à établir son bureau de nouvelle députée à Ottawa. Il est devenu gestionnaire de son bureau de la Colline et, parmi ses tâches, devait assurer la liaison avec le personnel de son bureau de circonscription. Il assurait également la liaison entre le bureau de la Colline de Mme Raitt et l'Association conservatrice de Halton. Il n'a jamais fait partie du personnel ministériel de Mme Raitt; par conséquent, il n'était pas assujetti à la Loi sur les conflits d'intérêts.
Dans l'organisation de l'activité de financement du 24 septembre 2009, le rôle de Colin McSweeney consistait à assurer la liaison avec l'Association conservatrice de Halton en vue de fixer la date de l'activité et, comme nous l'avons mentionné plus tôt, à suggérer le nom de bénévoles pour vendre des billets. Il a aussi demandé à son frère, Michael McSweeney, et à M. Clement de vendre des billets. Colin McSweeney a expliqué qu'il avait tenu Mme Raitt au courant des dates possibles de l'activité et qu'il lui avait mentionné que son frère l'aidait à vendre des billets. Il doutait qu'elle fasse le lien et se rende compte que Michael McSweeney faisait aussi partie de l'Association canadienne du ciment, ce que
Mme Raitt a confirmé.
Colin McSweeney a déclaré que c'est là tout ce que Mme Raitt savait au sujet de l'organisation. Colin McSweeney lui-même n'a pas assisté à l'activité du 24 septembre 2009.
LE RÔLE DE MME JANET MACDONALD ET DE L'ADMINISTRATION PORTUAIRE DE TORONTO
Madame MacDonald était l'adjointe exécutive de Mme Raitt à l'Administration portuaire de Toronto jusqu'à ce que Mme Raitt quitte son poste de présidente et chef de la direction pour se présenter comme candidate aux élections fédérales de 2008. Mmes Raitt et MacDonald ont travaillé plusieurs années ensemble à l'Administration portuaire de Toronto et se sont liées d'amitié. Mme MacDonald a travaillé comme bénévole à de nombreuses reprises à la campagne électorale de 2008 de Mme Raitt, que ce soit pour faire du porte-à-porte ou garder ses enfants.
Mme Raitt m'a dit qu'elle appelait Mme MacDonald dès qu'elle prévoyait se rendre à Toronto, afin qu'elles puissent se rencontrer, même si c'était juste pour un café. Elles n'avaient plus beaucoup d'occasions de se rencontrer depuis que Mme Raitt était devenue députée, puis ministre.
Elles sont sorties ensemble à un événement social à Toronto le 9 septembre 2009 et c'est là, selon Mme MacDonald, que quelqu'un lui a parlé de l'activité de financement, mais elle ne se rappelait pas exactement qui. Mme Raitt a dit qu'elle pensait avoir elle-même mentionné l'activité à venir à Mme MacDonald, afin qu'elles puissent s'arranger pour se revoir ce jour-là. À mon avis, c'est probablement ainsi que Mme MacDonald a eu vent de l'activité. Mme MacDonald n'y a pas assisté. Mme Raitt m'a dit qu'elle avait fait garder ses enfants par Mme MacDonald ce soir-là.
Madame MacDonald a confié à mon bureau qu'elle était une libérale de longue date mais qu'elle s'était portée volontaire pour aider Mme Raitt, une conservatrice, parce qu'elles étaient de bonnes amies. Elle a envoyé un courriel à M. Will Stewart, membre du conseil d'administration de l'Association conservatrice de Halton, pour obtenir une copie de l'invitation et la faire circuler. Pour dresser sa liste de destinataires, elle s'est servie de deux cartables de cartes d'affaires qu'elle avait accumulées lorsque Mme Raitt était à l'Administration portuaire de Toronto. Elle a dit qu'elle s'était servie de son compte de courriel de l'Administration portuaire parce qu'elle n'avait pas de compte personnel. Même si, dans les courriels, le bloc-signature de Mme MacDonald précisait son poste, elle affirme les avoir envoyés de sa propre initiative et non pas en tant que représentante de l'Administration portuaire et qu'elle n'avait reçu aucune directive ou autorisation des cadres de l'Administration portuaire. Mme MacDonald a dit qu'elle avait consacré seulement 10 ou 15 minutes à dresser la liste et à envoyer les invitations par courriel. Cela me semble bien peu et j'estime plutôt qu'elle y a consacré quelques heures.
Madame Raitt m'a dit qu'elle n'avait pas demandé à Mme MacDonald de vendre des billets pour l'activité de financement, ni de l'aider d'une quelconque autre façon, mais n'était pas surprise d'apprendre que Mme MacDonald avait communiqué avec M. Stewart peu après avoir entendu parler de l'activité. Mme MacDonald a aussi déclaré que Mme Raitt ne lui avait pas demandé son aide.
Monsieur Szabo, l'un des députés ayant présenté une demande d'enquête, m'a dit qu'il avait reçu un appel de M. Dennis Mills, ancien député et actuellement cadre dans une entreprise privée, au sujet de la participation de Mme MacDonald. M. Mills s'inquiétait, en tant qu'ami personnel de Mme MacDonald, des commentaires négatifs publiés dans la presse à son sujet.
Dans son témoignage, M. Szabo a déclaré qu'il était absolument certain que M. Mills lui avait dit, au cours de leur conversation téléphonique, que Mme MacDonald avait dit à M. Mills que Mme Raitt avait bel et bien sollicité l'aide de Mme MacDonald.
La version de M. Mills est assez différente. Il a déclaré à mon bureau qu'il n'avait pas dit cela à M. Szabo, mais qu'il avait peut-être mentionné quelque chose comme quoi il serait naturel, si des députés tenaient une activité de financement, que leurs amis les appuient. Il pense que M. Szabo en a peut-être conclu qu'il laissait entendre par là que Mme Raitt avait donné des directives à Mme MacDonald, mais que ce n'était pas le cas.
Abstraction faite de la conversation entre MM. Szabo et Mills, lorsque Mmes MacDonald et Raitt ont été interrogées sur la question, elles ont toutes deux confirmé que Mme Raitt n'avait jamais demandé à Mme MacDonald de participer d'une façon ou d'une autre à l'activité de financement. Je les crois.
Monsieur Alan Paul, qui était, à l'époque de l'activité de financement, président et chef de la direction par intérim de l'Administration portuaire de Toronto, a déclaré à mon bureau qu'après avoir appris que Mme MacDonald avait pris part à la vente des billets, il a fait mener une enquête interne sur la question. L'enquête a révélé qu'aucun autre employé ou représentant de l'Administration portuaire de Toronto n'avait participé et que Mme MacDonald avait agi entièrement de sa propre initiative. Cela m'a été confirmé de façon séparée par chacun des membres du conseil d'administration. M. Paul a averti Mme MacDonald qu'il était contraire à la politique du bureau d'utiliser le courriel du bureau à des fins personnelles, et donc pour envoyer les invitations. M. Paul nous a fait parvenir tous les renseignements colligés au cours de son enquête et s'est montré très coopératif. Il a ajouté que des mesures avaient été prises pour qu'une telle situation ne se reproduise pas.
LA PARTICIPATION DES LOBBYISTES
MONSIEUR WILL STEWART
Monsieur Stewart, en plus d'être membre du conseil de l'Association conservatrice de Halton, est directeur chez Navigator Ltd., une entreprise de communication et de recherche, et chez Ensight Canada Inc. Ensight Canada est une société qui exerce des pressions auprès du gouvernement fédéral au nom de ses clients, et M. Stewart est inscrit chez Ensight Canada comme lobbyiste auprès de divers ministères fédéraux, y compris le ministère des Ressources naturelles, pour le compte de plusieurs clients. Le registre fédéral des lobbyistes montre qu'il a fait pression auprès de Mme Raitt, en sa qualité de ministre des Ressources naturelles, ou de son personnel ministériel à plusieurs occasions en 2008 et 2009, pour le compte de deux clients.
Monsieur Stewart a fait remarquer qu'il avait participé à l'organisation de l'activité de financement à titre de membre du conseil d'administration de l'Association conservatrice de Halton et non à titre de directeur chez Navigator ou Ensight Canada. En plus de sa participation à l'organisation de l'activité telle que décrite auparavant, M. Stewart a coordonné la vente de billets entre les bénévoles, a envoyé des invitations par courriel à partir de son bureau chez Navigator et a lui-même vendu plusieurs billets. Il a aussi veillé à ce que M. Clement trouve un bon endroit pour tenir l'activité.
Monsieur Stewart est allé au cocktail et a dit qu'on avait convenu qu'il paierait la facture de restaurant parce qu'il serait rapidement remboursé en tant que membre du conseil d'administration de l'Association conservatrice de Halton. Il a aussi assuré la liaison entre l'Association et les autres vendeurs de billets après l'activité afin d'obtenir des renseignements manquants sur le paiement des billets.
Rien n'indique que M. Stewart ait fait du lobbying auprès de Mme Raitt à ce cocktail.
MONSIEUR GARY CLEMENT
Monsieur Clement est gestionnaire, Relations avec le gouvernement et la communauté, du Groupe financier Banque TD à Toronto. Il a déclaré qu'il était assez courant que des employés de sa division prennent part à des activités politiques, y compris à des activités de financement.
M. Clement s'est rendu au cocktail et y a rencontré Mme Raitt pour la première fois. Ils se sont brièvement parlé et il a dit qu'elle l'avait remercié pour son aide dans l'organisation de l'activité.
Monsieur Clement a confirmé que son rôle consistait à trouver un endroit pour le cocktail, à organiser les consommations et à vendre des billets. Il a vendu des billets en se servant du courriel de son bureau, mais a précisé qu'il l'avait fait en son nom personnel et non en tant que représentant de la Banque TD. Il estime y avoir consacré moins de 2 heures.
Même si M. Clement et d'autres représentants de la Banque TD sont enregistrés comme lobbyistes auprès du ministère des Ressources naturelles, selon le registre fédéral des lobbyistes, aucun d'eux n'a jamais fait de pression auprès de Mme Raitt ou de ses représentants. De plus, rien n'indique que M. Clement ait fait du lobbying auprès de Mme Raitt lors du cocktail.
MONSIEUR MICHAEL MCSWEENEY ET L'ASSOCIATION CANADIENNE DU CIMENT
Monsieur Michael McSweeney est le frère de Colin McSweeney, qui était, à l'époque de l'activité de financement, gestionnaire du bureau de la Colline de Mme Raitt.
Michael McSweeney est vice-président, Relations avec l'industrie, de l'Association canadienne du ciment, une association commerciale nationale qui représente les producteurs de ciment canadiens. Sur le carton d'invitation au cocktail, il était écrit que les chèques étaient payables à l'Association conservatrice de Halton et que les réponses devaient être envoyées par télécopieur à Michael McSweeney. Le numéro de télécopieur indiqué était celui de son bureau mais il n'était pas précisé que c'était le numéro de l'Association canadienne du ciment. Enfin, le courriel personnel de Michael McSweeney y était inscrit pour les demandes de renseignements. Il a lui- même envoyé des invitations par courriel en se servant de son compte de bureau et de son compte personnel. Il a vendu sept billets.
Michael McSweeney a déclaré qu'il avait reçu seulement 12 formulaires de dons par télécopieur et, vu que l'Association canadienne du ciment n'avait pas à payer la réception de télécopies, il ne voyait pas de problème à faire usage du télécopieur à si petite échelle.
Michael McSweeney a dit à mon bureau qu'il avait accepté d'être bénévole parce que son frère avait sollicité son aide et qu'il le faisait en son nom personnel, et non en tant que représentant de l'Association canadienne du ciment. Il a dit à mon bureau qu'il avait consacré moins d'une heure à l'organisation de l'activité de financement. Cela me semble bien peu.
Comme dans le cas de Mme MacDonald, je suis d'avis qu'il y a plutôt consacré quelques heures de plus.
Monsieur McSweeney est inscrit au registre fédéral des lobbyistes au nom de l'Association canadienne du ciment pour faire pression auprès de divers ministères fédéraux, y compris celui des Ressources naturelles. Il a fait du lobbying auprès de Mme Raitt et de ses représentants à deux occasions en 2009; les deux rencontres sont consignées dans le registre.
Le lobbying exercé par Michael McSweeney et l'Association canadienne du ciment auprès de Mme Raitt a défrayé les manchettes et était un élément central des demandes d'enquête.
J'énoncerai donc en détail ce que j'ai appris à ce sujet.
Michael McSweeney a fait pression auprès de Mme Raitt pour la première fois le 3 mars 2009, lors de la journée de lobbying de l'Association canadienne du ciment sur la colline du Parlement. M. Pierre Boucher, président de l'Association canadienne du ciment, M. McSweeney et plusieurs administrateurs ont tenu un déjeuner de travail avec Mme Raitt et des membres de son personnel ministériel. M. Boucher a dit à mon bureau que l'Association du ciment avait entamé une discussion générale sur le projet que l'Association souhaitait faire financer par un programme du ministère des Ressources naturelles. À l'époque, il croyait que le projet n'était pas admissible à ce programme.
Monsieur Boucher se rappelle que Mme Raitt avait expliqué que le projet pourrait se qualifier comme projet pilote et qu'il devrait communiquer avec ses représentants pour y donner suite. Mme Raitt se rappelle avoir discuté de manière générale de l'industrie du ciment, mais ne se rappelle pas des détails d'un projet en particulier. Michael McSweeney nous a dit qu'il n'avait pas été question d'un projet en particulier, mais qu'ils avaient profité de l'occasion pour sensibiliser leurs interlocuteurs à la question générale des changements climatiques, au processus de fabrication du ciment en particulier et à la capacité thermique de l'industrie du ciment.
Michael McSweeney a fait pression auprès de Mme Raitt pour la deuxième fois lors de l'activité de financement du 24 septembre 2009, où il s'est rendu en compagnie de quelques autres représentants de l'industrie du ciment qu'il avait invités. Mme Raitt se rappelle les avoir rencontrés et avoir discuté avec eux quelques minutes.
Monsieur McSweeney a dit à Mme Raitt que l'Association canadienne du ciment venait de présenter une demande de financement à son ministère dans le cadre du Fonds pour l'énergie propre. La demande concernait le même projet évoqué par M. Boucher au déjeuner de travail du 3 mars. M. McSweeney a dit qu'ils n'avaient pas discuté du projet plus en détail lors du cocktail.
Pendant son entrevue, Mme Raitt a expliqué qu'il existait des processus pour recevoir du financement. L'appel de propositions relatif au Fonds pour l'énergie propre venait tout juste de se terminer et le Ministère avait reçu un nombre incroyable de réponses. Le Ministère n'avait pas encore choisi les projets qui seraient financés. Mme Raitt se rappelle avoir expliqué, au cocktail, que le Fonds pour l'énergie propre disposait de 200 millions de dollars et que les demandes de financement totalisaient 3 milliards de dollars. Elle se rappelle qu'un projet de cimenterie a été soulevé mais ne se rappelait d'aucun détail.
Après le cocktail, ce même soir, Michael McSweeney a envoyé un courriel à plusieurs membres et administrateurs de l'Association canadienne du ciment ainsi qu'à son patron, M. Pierre Boucher, président de l'Association canadienne du ciment. Dans son courriel, M. McSweeney mentionnait qu'il venait juste de prendre un cocktail avec Mme Raitt, qu'elle était enchantée par leur projet et désirait en avoir une copie personnelle pour « voir comment elle pourrait le faire avancer ». Il a écrit, dans son courriel, qu'elle avait dit que son ministère avait reçu pour 3 milliards de dollars de demandes de financement pour un fonds de 200 millions de dollars. Il a écrit qu'il donnerait une copie de la demande à son frère Colin, qui travaillait pour elle, afin qu'il la lui remette personnellement. Le courriel mentionnait aussi qu'il avait vendu 40 billets pour l'activité de financement et que Mme Raitt en était très reconnaissante.
Michael McSweeney a dit à mon bureau qu'il regrettait énormément et qu'il avait honte d'avoir envoyé ce courriel, précisant qu'il s'agissait d'un geste très vaniteux d'autoglorification et qu'il essayait tout bonnement de bien paraître. Il a admis avoir vendu seulement à peu près six billets, et qu'il n'avait pas donné une copie de la demande à son frère pour qu'il la remette à Mme Raitt. Il a également dit qu'après avoir informé Mme Raitt que la demande de financement avait été soumise, elle aurait répondu « C'est très bien, envoyez-moi une copie pour que je puisse faire avancer votre dossier ». Il a affirmé qu'à son avis, Mme Raitt ne connaissait pas la teneur du projet, que sa réponse était à titre gracieux que font tous les politiciens et qu'il en mesurait bien la juste valeur.
Lorsqu'on lui a montré le courriel au cours de l'entrevue, Mme Raitt était très surprise et décontenancée qu'on laisse entendre qu'elle aurait offert son appui à ce projet en particulier et a affirmé qu'elle ne se rappelait pas avoir reçu de détails sur le projet. Mme Raitt a expliqué que son ministère n'avait pas encore traité les demandes de financement parce que l'appel de propositions venait à peine de se terminer, qu'elle ne se rappelait pas avoir dit qu'elle ferait avancer un quelconque dossier et qu'en réalité, elle n'avait pas ce pouvoir. Elle a aussi déclaré qu'elle n'avait jamais reçu une copie de la demande ou de détails sur le projet par l'entremise de Colin McSweeney. Colin McSweeney a confirmé qu'il n'avait jamais reçu une copie de la demande.
M. Boucher a également avisé mon bureau qu'il s'était entendu avec Michael McSweeney qu'il ne serait pas approprié de faire parvenir une copie à Colin McSweeney.
Je crois l'explication de Michael McSweeney au sujet du courriel. Peu importe que Mme Raitt ait dit ou voulu dire ou non qu'elle ferait avancer le dossier, je n'ai aucune raison de croire que Mme Raitt connaissait les détails du projet; rien n'indique qu'elle appuyait vraiment ce projet ou qu'elle l'ait fait avancer. La sous-ministre des Ressources naturelles, Mme Cassie Doyle, a confirmé que ni elle, ni aucun autre représentant du Ministère n'avait reçu de directives de la part de Mme Raitt ou de ses représentants au sujet de ce dossier.
Monsieur Boucher a déclaré à mon bureau qu'il n'était pas au courant de la participation de Michael McSweeney à l'activité de financement jusqu'à ce qu'il reçoive son courriel après le cocktail. Quand les médias ont commencé à demander des renseignements à Michael McSweeney, il a parlé à M. Boucher des liens que les journalistes étaient en train de faire avec l'Association canadienne du ciment. M. Boucher a avisé M. McSweeney oralement et par écrit qu'il n'aurait pas dû utiliser le numéro de télécopieur ou son compte de courriel de l'Association canadienne du ciment, puisque c'était contraire à la politique de l'organisation, qui restreint l'utilisation de ces appareils aux affaires de l'Association.
Monsieur Boucher a affirmé qu'à son avis, les employés étaient libres de prendre part à des activités politiques à titre bénévole, mais uniquement hors de leurs heures de service et à l'aide de leurs propres ressources, que l'Association canadienne du ciment, comme organisation, ne s'occupait pas de politique, et que les employés devraient éviter de donner une impression contraire en utilisant les installation de l'Association. Il a dit qu'il avait mené une enquête interne pour savoir si d'autres employés étaient impliqués dans l'organisation de l'activité de financement du 24 septembre 2009. En fin de compte, personne d'autre n'y avait pris part.
Après la discussion entre MM. McSweeney et Boucher et après l'intervention des médias, Michael McSweeney, avec l'approbation de M. Boucher, a fait transférer la gestion de tous les dossiers relevant du ministère des Ressources naturelles à un autre collègue.
MESURES ENTREPRISES APRÈS L'ACTIVITÉ DE FINANCEMENT
PAR LE PARTI CONSERVATEUR DU CANADA ET L'ASSOCIATION CONSERVATRICE DE HALTON
Les représentants du Parti conservateur du Canada et le conseil d'administration de l'Association conservatrice de Halton ont décidé de rembourser 22 des 41 billets vendus.
M. Arthur Hamilton, l'avocat du Parti conservateur du Canada et, à l'époque, de l'Association conservatrice de Halton, m'a envoyé une lettre en date du 29 octobre 2009 pour m'aviser que l'Association conservatrice de Halton avait commencé, le 7 octobre, à rembourser le prix des billets vendus par les lobbyistes Michael McSweeney et Will Stewart et, de façon générale, de tous les billets vendus aux intervenants du ministère des Ressources naturelles et à leurs employés, y compris les personnes inscrites comme lobbyistes auprès du Ministère.
Monsieur John Challinor, président de l'Association conservatrice de Halton, a envoyé des lettres aux 22 acheteurs de billets pour leur expliquer qu'on leur remboursait leurs billets en raison de questions délicates soulevées en rapport avec l'activité de financement.
Monsieur Challinor nous a fait parvenir les lignes directrices sur les activités de financement de l'Association conservatrice de Halton, document rédigé par l'Association après l'activité de financement du 24 septembre 2009. Ces lignes directrices sont destinées aux bénévoles qui voudraient appuyer l'organisation d'activités de financement à venir. Ces lignes directrices s'appliquent à toutes activités de financement tenues par l'Association, même si le député n'est pas un titulaire de charge publique.
On y énonce par exemple que les bénévoles ne devraient pas se servir des ressources de leur employeur, comme les télécopieurs, les comptes de courriel et les téléphones, pour vendre des billets, car il s'agit dans ce cas de communications personnelles. On y rappelle aussi de ne pas utiliser les comptes de courriel et les téléphones du gouvernement.
Toujours selon ces lignes directrices, il y aurait lieu de préparer une « liste de non- participation » à l'égard du député de la circonscription, et de confirmer, avec lui ou son personnel supérieur, le nom des industries ou des organisations qui ne devaient pas être approchées. Le député et son personnel ne devraient pas se mêler de l'organisation d'activités de financement, sauf pour consultation au sujet de la « liste de non-participation », les dates et autres questions de logistique. Le député peut être informé des activités de financement, mais pas des dons faits par les participants.
Monsieur Challinor a dit que le Parti conservateur du Canada n'avait fourni aucune ligne directrice à l'Association; il a donc fait parvenir ce document au représentant du parti national pour examen. Mme Jenni Byrne, directrice des Opérations politiques du Parti conservateur du Canada, a confirmé, lors de son entrevue avec mon bureau, que le Parti conservateur n'avait pas de lignes directrices sur les activités de financement, mais que les bénévoles étaient tenus de suivre les règles d'Élections Canada. Mme Raitt a reçu une copie des lignes directrices de l'Association après qu'elles furent rédigées et elle a notée qu'elles seraient fort utiles.
PAR MME RAITT
Le 9 octobre 2009, Mme Raitt a signé une mesure de conformité convenue fixant un filtre anti-conflits d'intérêts temporaire relativement à l'Association canadienne du ciment, conformément à l'article 29 et à l'alinéa 51(1)e) de la Loi sur les conflits d'intérêts, afin de prévenir tout conflit d'intérêts potentiel, et en particulier l'apparence d'un traitement de faveur. Ce document a été publié le même jour sur notre site Web. Comme nous l'avons mentionné plus tôt, une copie de cette mesure de conformité se trouve à l'annexe B du présent rapport. Ce filtre devait demeurer au moins jusqu'à la fin de mon enquête. Le 4 février 2010, j'ai écrit à Mme Raitt pour l'aviser qu'étant donné qu'elle était maintenant ministre du Travail, ce filtre anti-conflit d'intérêts n'était plus nécessaire. Nous avons apporté les ajustements nécessaires au registre public sur notre site.
Madame Raitt est d'avis qu'elle n'a contrevenu à aucune disposition de la Loi sur les conflits d'intérêts (Loi) ou du Code régissant les conflits d'intérêts des députés (Code). Dans sa réponse aux demandes d'examen de même que lors de mon entrevue avec elle, elle a déclaré que l'activité avait été organisée par l'Association conservatrice de Halton et qu'elle s'était contentée de confirmer sa disponibilité, d'accepter d'être présente, d'y assister et de parler brièvement avec les invités. Bien qu'elle soit membre d'office du conseil d'administration de l'Association et qu'elle connaissait en gros les activités de financement à venir, puisqu'elle assistait aux réunions du conseil, elle ne s'est pas occupée de la planification ou de l'organisation de l'activité tenue le 24 septembre 2009.
Madame Raitt m'a dit qu'elle n'avait demandé à personne de vendre des billets ou de l'aider. En particulier, elle n'a pas demandé à Janet MacDonald ou à Michael McSweeney de vendre des billets, ni directement, ni par l'entremise d'une autre personne. Elle n'a demandé à personne d'acheter un billet ou d'assister à l'activité, et n'a demandé à personne de le faire en son nom. Elle n'a pas reçu d'argent provenant de la vente des billets, puisque les billets étaient payables à l'Association conservatrice de Halton et que ce sont les représentants de l'Association qui se sont occupés des finances.
Madame Raitt est d'avis que le temps offert bénévolement par Michael McSweeney ne peut être considéré comme un cadeau ou un autre avantage accepté par elle, puisque c'est à l'Association conservatrice de Halton qu'il a donné de son temps, et non à elle. En outre, il a consacré quelques heures à peine à vendre des billets, ce qui n'est pas suffisant pour donner à croire qu'il essayait de l'influencer dans l'exercice de ses fonctions officielles.
Elle fait valoir que le Parlement, par l'entremise de la Loi électorale du Canada, a limité les contributions politiques à 1 100 dollars afin de prévenir toute influence indue sur les députés.
Selon elle, il est déraisonnable de croire qu'elle puisse être influencée par l'achat d'un billet de 250 dollars par des lobbyistes ou des représentants de l'industrie et qu'un montant aussi faible puisse l'amener à se sentir obligée envers eux. L'activité a généré seulement 4 000 dollars approximativement après les remboursements. Même s'il y avait eu apparence de conflit d'intérêts, le remboursement des billets avait supprimé cette apparence.
Madame Raitt avance aussi que les allégations faites par M. Szabo et Mme Chow dans leur demande d'examen constituaient un abus de procédure et qu'elles n'étaient pas fondées, qu'elles avaient été faites pour des raisons partisanes et qu'elles étaient entachées de mauvaise foi. Les arguments avancés par Me Osborne, son avocat, sont énoncés dans la section de l'Analyse, sous la rubrique « Allégations de mauvaise foi ».
Les dispositions pertinentes du Code régissant les conflits d'intérêts des députés (Code) sont les suivantes :
3. (1) Les définitions qui suivent s'appliquent au présent code.
[ ... ]
« avantage » s'entend :
a) de toute somme, si son remboursement n'est pas obligatoire;
b) de tout service ou de tout bien ou de l'usage d'un bien ou d'argent, s'ils sont fournis sans frais ou à un prix inférieur à leur valeur commerciale, autre qu'un service fourni par un bénévole travaillant pour le compte d'un député; mais n'inclut pas un avantage reçu d'une association de circonscription ou d'un parti politique.
14.
(1) Le député ou un membre de sa famille ne peut accepter, même indirectement, de cadeaux ou d'autres avantages, sauf s'il s'agit d'une rétribution autorisée par la loi, qu'on pourrait raisonnablement donner à penser qu'ils ont été donnés pour influencer le député dans l'exercice de sa charge de député.
(1.1) Il est entendu que le paragraphe (1) s'applique aux cadeaux et autres avantages :
a) liés à la participation à un événement bénéfice ou politique; et
b) reçus d'un caucus multipartite formé aux fins d'un sujet ou d'un intérêt précis.
25. Le député ne peut prendre de mesures dont l'effet est de contourner les obligations prévues au présent code.
Dans la présente section, je détermine s'il y a eu contravention aux articles 14 et 25 du
Code
régissant les conflits d'intérêts des députés (Code). Auparavant, je traiterai de la question de savoir si la demande a été faite de mauvaise foi et, par conséquent, si elle constitue un abus de procédure.
Il importe de souligner que Mme Raitt a subi des pressions en sa qualité de ministre des Ressources naturelles et non pas à titre de députée. Cependant, l'activité de financement a eu lieu parce que Mme Raitt est la députée de la circonscription de Halton. Pour cette raison, il était approprié d'examiner les allégations relativement aux obligations en vertu du Code ainsi que celles en vertu de la
Loi sur
les conflits d'intérêts.
Dans la prochaine section intitulée Observations générales, je traite de façon plus générale des préoccupations qui sous-tendent les demandes et discute du besoin d'élaborer des règles ou des lignes directrices à l'intention des députés, plus particulièrement ceux qui sont aussi ministres, ministres d'État et secrétaires parlementaires, sur les activités de financement auxquelles des lobbyistes ou d'autres intervenants participent.
Allégations de mauvaise foi
L'avocat de Mme Raitt prétendait que la demande de M. Szabo n'était pas fondée et qu'elle était de mauvaise foi. Le paragraphe 27(6) du Code stipule que si je détermine qu'une demande est frivole ou vexatoire ou n'a pas été présentée de bonne foi, je peux la rejeter et recommander que des mesures soient prises à l'égard du député qui a fait la demande. L'avocat, cependant, n'a pas demandé que j'interrompe l'enquête, mais a demandé que je conclue que la demande de M. Szabo a été faite de mauvaise foi et que je recommande que des mesures soient prises à son égard.
L'avocat a avancé que la demande d'enquête de M. Szabo était motivée par la partisannerie et visait à détruire la réputation de Mme Raitt, qu'elle n'était pas faite de bonne foi et, par conséquent, qu'elle constituait un abus de procédure. Il a fait valoir que M. Szabo a constamment essayé de profiter de la demande soumise au Commissariat pour générer de la mauvaise presse à l'endroit de Mme Raitt en tenant devant la Chambre des communes des propos provocateurs qui allaient bien au-delà de la preuve, en y révélant de l'information qu'il m'avait confiée et en trompant sciemment la Chambre en déclarant que j'avais statué « que des éléments de preuve clairs justifiaient une enquête complète ». Bref, Me Osborne alléguait que les propos devant la Chambre étaient trompeurs, gratuits et tout à fait faux. Me Osborne m'a fourni des extraits des
Débats à l'appui de son argument.
Le seuil pour conclure qu'une demande est futile, vexatoire ou non présentée de bonne foi est très haut. En général, une demande sera jugée futile si elle est sans fondement ou sans mérite, si elle n'est pas faite sérieusement ou faite pour des motifs déraisonnables. Une demande sera jugée vexatoire si elle est présentée avec malveillance et sans motif valable. De même, une demande faite de mauvaise foi serait présentée de façon malhonnête pour des motifs déraisonnables ou non fondés.
Dans le cas qui nous intéresse, les allégations soulevaient en elles-mêmes des questions suffisamment sérieuses pour justifier une enquête, vu qu'elles portaient sur la participation importante d'un lobbyiste à l'activité de financement et sur la participation de Mme Raitt à cette activité, même si c'était uniquement par le truchement du gestionnaire de son bureau de la Colline, du frère de celui-ci et de l'ancienne adjointe de Mme Raitt à l'Administration portuaire de Toronto. C'est pourquoi je n'étais pas disposée à conclure que les demandes soumises à mon bureau étaient futiles, vexatoires ou non présentées de bonne foi.
Bien que je ne sois pas disposée à juger les demandes de mauvaise foi, j'estime que Me Osborne soulève une question importante, à savoir jusqu'où les députés qui font une demande d'étude en vertu de la
Loi sur
les
conflits
d'intérêts
(Loi) ou d'enquête en vertu du Code devraient en parler publiquement. Si les manigances partisanes sont une facette inévitable de la vie politique, elles peuvent entraîner des problèmes dans certains cas. Si elles donnent une fausse idée de ce qu'entreprend le Commissariat suite à une demande, cela pourrait causer un préjudice sérieux à une personne faisant l'objet d'une demande. J'ai des contraintes à respecter en ce qui concerne ce que je peux dévoiler sur les études ou enquêtes, car l'information doit demeurer confidentielle jusqu'à la publication d'un éventuel rapport. Je n'ai pas de moyen pour clarifier ou pour faire contrepoids à des déclarations par des députés qui seraient inexactes ou injustes.
À cause des déclarations publiques qui ont été faites sur la question qui nous intéresse, j'ai dû écrire à Mme Raitt, le 6 octobre 2009, avant que les demandes soient suffisamment précises pour justifier l'ouverture d'une étude en vertu de la Loi ou d'une enquête en vertu du Code. J'ai également déclaré, via le site Web du Commissariat, que je n'allais pas entreprendre d'étude ou d'enquête pour l'instant. Je n'avais pas alors reçu suffisamment d'information pour cela et j'avais des inquiétudes qu'on rapportait un peu partout que j'avais en fait entrepris une enquête.
J'invite les députés qui présentent des demandes d'enquête à tenir compte des obligations de confidentialité qui m'échoient en vertu de la Loi et du Code et je leur demande de ne pas mettre les personnes visées par une demande d'étude ou d'enquête dans une situation où elles seraient forcées de répondre publiquement à des allégations avant que j'ai eu l'occasion de déterminer s'il y avait matière à étude ou enquête et avant d'avoir été informées par le Commissariat que j'ai reçu une demande à leur égard.
Contraventions alléguées
Pour donner suite aux allégations, j'ai dû examiner de près l'organisation de l'activité de financement tenue le 24 septembre 2009 et le lien entre Mme Raitt et les organisateurs, afin de déterminer si elle avait accepté un cadeau ou un autre bénéfice qui pourrait raisonnablement donner à penser qu'il a été donné pour l'influencer dans l'exercice de sa charge de député, ce qui est contraire à l'article 14 du Code. Je considérerai également l'article 25 du Code pour déterminer si Mme Raitt a agi de manière à se soustraire aux obligations qui lui incombent en vertu du Code.
Interdiction à l'égard des cadeaux ou d'autres avantages : article 14
Selon les allégations, les services bénévoles offerts par M. Michael McSweeney dans le cadre de l'activité de financement constituaient un cadeau ou un avantage que Mme Raitt aurait dû refuser en raison des activités de lobbying de M. McSweeney et, qu'en l'acceptant, Mme Raitt a enfreint l'article 14 du Code. On a fait valoir qu'étant donné que M. McSweeney faisait du lobbying auprès de Mme Raitt lorsqu'elle était ministre des Ressources naturelles, ses services bénévoles pourraient raisonnablement donner à penser qu'ils ont été donnés pour l'influencer dans l'exercice de sa charge de députée.
D'autres lobbyistes ont également offert des services bénévoles dans le cadre de l'activité de financement. L'analyse suivante s'applique aussi à eux.
L'article 14 du Code interdit à tout député de recevoir des cadeaux ou d'autres avantages.
La section pertinente de l'article 14 se lit ainsi :
14. (1) Le député ou un membre de sa famille ne peut accepter, même indirectement, de cadeaux ou d'autres avantages, sauf s'il s'agit d'une rétribution autorisée par la loi, qu'on pourrait raisonnablement donner à penser qu'ils ont été donnés pour influencer le député dans l'exercice de sa charge de député.
(1.1) Il est entendu que le paragraphe (1) s'applique aux cadeaux et autres avantages :
a) liés à la participation à un événement bénéfice ou politique; et
b) reçus d'un caucus multipartite formé aux fins d'un sujet ou d'un intérêt précis.
[ ... ]
Selon la preuve, des personnes ont fait don de leur temps et de leur énergie et certaines d'entre elles se sont servies des ressources de leur bureau pour donner un coup de main à l'organisation de l'activité de financement.
En ce qui concerne Janet MacDonald, elle a fourni des services bénévoles parce qu'elle était une bonne amie de Mme Raitt. Si ses services avaient été acceptés par Mme Raitt, je ne crois pas que ses services pourraient raisonnablement donner à penser qu'ils ont été donnés pour influencer Mme Raitt dans l'exercice de sa charge de député. Mme MacDonald n'avait pas de relations officielles avec Mme Raitt en sa qualité de ministre de Ressources naturelles ou de député du comté de Halton.
En ce qui a trait aux services bénévoles et aux contributions monétaires fournis par les lobbyistes, il serait raisonnable de questionner à savoir s'ils avaient été offerts afin d'influencer Mme Raitt à titre de ministre de Ressources naturelles en égard à une décision officielle future qui pourrait bénéficier les lobbyistes, leurs associations ou leurs clients. Ceci est moins clair en ce qui a trait à sa charge de député du comté de Halton. Quoique les lobbyistes puissent être inscrits pour faire pression auprès de députés, tel l'Association canadienne du ciment, les activités de lobbying sont souvent dirigées auprès de ministres ou autre titulaires de charge publique dont les fonctions officielles sont reliées à des décisions gouvernementales. Toutefois, ces activités de lobbying peuvent être dirigées auprès de députés en ce qui a trait à leurs fonctions officielles liées à la Chambre des communes ou aux comités de la Chambre des communes.
De toute façon, la preuve a démontré que Mme Raitt n'était pas au courant des détails de l'organisation de l'activité et qu'elle ne s'était pas impliquée dans le recrutement de bénévoles ou dans la sollicitation de fonds. Pour qu'elle puisse accepter ces services ou ces contributions tel qu'envisagé par l'article 14, il aurait fallu qu'elle soit au courant qu'ils lui étaient offerts, et qu'elle ait eu l'opportunité de les refuser. Ceci n'était pas le cas. Quoiqu'elle fût au courant du rôle de M. Stewart à titre de membre du conseil d'administration de l'Association conservatrice de Halton, il avait été désigné par le conseil d'administration comme membre responsable de l'activité de financement. Je commenterai davantage la question de la participation de lobbyistes comme membres de conseil d'administration des associations de comté dans mes Observations générales.
Le conseil d'administration de l'Association conservatrice de Halton est responsable des activités de financement politique de sa propre circonscription. Il s'occupe de leur organisation et administre les fonds ainsi récoltés. J'ai conclu que l'Association conservatrice de Halton avait bel et bien organisé l'activité de financement du 24 septembre 2009 et que cette dernière était la principale bénéficiaire des services bénévoles et des contributions financières s'y rapportant.
Même si Mme Raitt, à titre de députée de la circonscription, est membre d'office du conseil d'administration de l'Association conservatrice de Halton, la preuve démontre clairement qu'elle ne participe pas aux décisions administratives, y compris aux décisions sur la façon dont l'Association dépense son argent. Elle n'a aucun contrôle sur cet argent.
Le conseil d'administration de l'Association conservatrice de Halton a identifié 2 000 dollars par année pour couvrir les dépenses encourues par Mme Raitt pour assister à des activités dans la circonscription à titre de députée pour ainsi couvrir l'achat de billets qui sont reliés à ses fonctions de député. Donc, Mme Raitt recevra un certain soutien financier provenant des activités de financement organisées par l'Association conservatrice de Halton tant qu'elle sera députée de la circonscription et si elle est nommée de nouveau comme candidate dans Halton aux prochaines élections fédérales. Je considère que ces dépenses sont de nature professionnelle reliées au travail et non des cadeaux ou des avantages selon le Code. Il revient à l'Association conservatrice de Halton de décider comment les fonds seront employés, et non à Mme Raitt.
En fait, un avantage reçu par un député de la part d'une association de circonscription est expressément exclu de la définition du terme « avantage ».
Il n'est pas nécessaire d'aller plus loin dans mon analyse, mais il est intéressant de s'attarder à la définition du terme « avantage » décrit au paragraphe 3(1) du Code. Cette définition se lit comme suit :
« avantage » s'entend :
a) de toute somme, si son remboursement n'est pas obligatoire;
b) de tout service ou de tout bien ou de l'usage d'un bien ou d'argent, s'ils sont fournis sans frais ou à un prix inférieur à leur valeur commerciale, autre qu'un service fourni par un bénévole travaillant pour le compte d'un député; mais n'inclut pas un avantage reçu d'une association de circonscription ou d'un parti politique.
Les contributions monétaires seraient inclues dans l'alinéa a) de la définition. J'ai des doutes toutefois à savoir si l'intention était de les inclure dans la définition puisque ces derniers sont régis par la
Loi électorale du Canada. Toutefois, aux fins de mon analyse, j'ai assumé qu'elles étaient inclues dans la définition.
Fait à noter, l'an dernier, la Chambre des communes a modifié la définition du terme « avantage » énoncée dans le Code afin d'exclure les services bénévoles fournis au nom d'un député. Dans son dix-huitième rapport de la 2e session du 40e Législature, le Comité permanent de la procédure et des affaires de la Chambre a déclaré ce qui suit :
Le Comité propose d'exclure de la définition d'« avantage » les
services fournis par des bénévoles et les avantages reçus d'une
association de circonscription ou d'un parti politique. Les services
véritablement bénévoles font partie intégrante de tout régime
démocratique. S'il est vrai que le critère de conflit d'intérêts proposé
n'interdira pas les services fournis par des bénévoles, le Comité
estime
qu'il
est
important
d'énoncer
clairement
le
principe
à
cet
effet
et
de soustraire
carrément
ces services
de
la
portée
du
Code.
Ceci indique que l'intention de l'exception vise tout probablement à exclure les services bénévoles offerts par la famille, les amis ou des personnes qui ont le même point de vue politique, qui ne seraient raisonnablement pas perçus pour avoir donné leurs services afin d'influencer le député à qui ils les offrent. L'implication possible d'un lobbyiste n'a peut-être pas été considérée. Cela ne me préoccupe pas dans l'affaire qui nous intéresse, puisque j'ai conclu que les fonds et les services bénévoles ont été versés à l'Association conservatrice de Halton et non à Mme Raitt.
Par conséquent, j'ai conclu que Mme Raitt n'avait pas accepté de cadeaux ou d'autres avantages relativement à l'activité de financement du 24 septembre 2009 et donc, qu'elle n'a pas contrevenu à l'article 14.
À l'appui de ma conclusion, j'invoque le régime exhaustif prévu par la
Loi électorale du
Canada sur les contributions politiques. Cette loi énonce des règles, applicables en tout temps, sur les contributions monétaires et non monétaires ainsi que sur les obligations de divulgation publique. Je ferai remarquer que cette loi ne prévoit aucune restriction spéciale interdisant aux lobbyistes de contribuer à une association de circonscription enregistrée. La seule restriction porte sur la limite de 1 100 dollars s'appliquant à tous.
Les activités de financement politique sont des activités importantes et légitimes. Étant donné qu'elles sont réglementées par un régime exhaustif en vertu de la
Loi électorale du
Canada, que les services bénévoles et les contributions monétaires fournis par les lobbyistes ont été offerts à l'Association conservatrice de Halton et que Mme Raitt n'étais pas impliquée dans le recrutement de bénévoles ou dans l'organisation de l'activité, je conclus que l'article 14 ne s'applique pas dans les circonstances actuelles.
Plusieurs avanceront peut-être que Mme Raitt aurait dû s'informer des détails afin de s'assurer qu'il n'y avait pas de possibilité de conflits d'intérêts. Je discuterai de ceci dans mes Observations générales.
Anti-évitement : article 25
Dans sa demande, M. Szabo a allégué que Mme Raitt avait enfreint l'article 25 du Code, qui interdit au député « de prendre des mesures dont l'effet est de contourner les obligations prévues au présent Code ». M. Szabo n'a pas fait référence à une quelconque disposition du Code à laquelle Mme Raitt aurait tenté de se soustraire.
J'ai conclu que Mme Raitt n'a pas contrevenu à ses obligations en vertu de l'article 14 du Code. De plus, rien n'indique que Mme Raitt ait fait quoi que ce soit dans le but de se soustraire à cette obligation ou à toute autre obligation prévue par le Code. Je conclus que l'article 25 ne s'applique pas dans la question qui nous intéresse.
Conclusions
Pour les motifs ci-haut mentionnés, j'ai conclu que Mme Raitt n'a pas contrevenu à l'article 14 du Code pour ce qui est de l'activité de financement politique du 24 septembre 2009, parce que Mme Raitt n'était pas impliquée dans le recrutement de ces bénévoles ou dans l'organisation de l'activité et par conséquent n'a pas accepté ces services ou contributions. Les contributions politiques, les services bénévoles et les ressources fournis par les lobbyistes pour cette activité ont été offerts à l'organisateur, soit l'Association conservatrice de Halton.
On a fait grand cas du rôle que Mme Janet MacDonald a joué dans cette activité de financement. Mme MacDonald n'avait pas de relations officielles avec Mme Raitt en sa qualité de ministre des Ressources naturelles ou de député et sa participation était fondée uniquement sur leur amitié. Si ses services avaient été offerts à Mme Raitt et non à l'Association conservatrice de Halton, il n'aurait pas été raisonnable de penser qu'ils auraient été donnés pour influencer Mme Raitt.
Finalement, j'ai déterminé que Mme Raitt n'a pas contrevenu à l'article 25 puisqu'il n'y avait aucune preuve qu'elle ait fait quoi que ce soit pour se soustraire à ses obligations du Code.
Je commenterai en plus de détails la possibilité de situations éventuelles de conflits d'intérêts pour un député, plus particulièrement ceux qui sont aussi ministre, ministre d'État, secrétaire parlementaire dans la prochaine section, qui inclut mes observations sur la participation des lobbyistes et autres intervenants dans des activités de financement politique. En particulier, j'adresserai la perception raisonnable que des services bénévoles et des contributions monétaires offerts par des intervenants sont donnés dans l'optique d'influencer les élus dans leurs décisions officielles et futures. Je crois que les élus ont besoin de directives concernant les activités de financement. Il n'y en avait aucunes lors de l'activité de financement du 24 septembre 2009 dont il est question dans ce rapport.
QUESTIONS RELATIVES AU TRAITEMENT DE FAVEUR
Même si j'ai conclu que Mme Raitt n'a pas enfreint la Loi sur les conflits d'intérêts (Loi) ou le Code régissant les conflits d'intérêts des députés (Code), j'estime que cette affaire soulève d'importantes questions quant aux relations entre députés, surtout ceux qui sont ministres, ministres d'État ou secrétaires parlementaires, et les lobbyistes ou autres intervenants qui participent à des activités de financement politique organisées par leurs associations de circonscription.
Vu la grande attention que les médias et le public ont porté à l'activité de financement du 24 septembre 2009 et la participation alléguée de M. Michael McSweeney, un lobbyiste interne de l'Association canadienne du ciment qui exerçait des pressions sur Mme Raitt lorsqu'elle était ministre des Ressources naturelles, j'avais des inquiétudes que le paragraphe 6(1) et l'article 7 de la Loi pouvaient être interpellés. Voici le libellé de ces dispositions :
6. (1) Il est interdit à tout titulaire de charge publique de prendre une décision ou de participer à la prise d'une décision dans l'exercice de sa charge s'il sait ou devrait raisonnablement savoir que, en prenant cette décision, il pourrait se trouver en situation de conflit d'intérêts.
[ ... ]
7. Il est interdit à tout titulaire de charge publique d'accorder, dans l'exercice de ses fonctions officielles, un traitement de faveur à une personne ou un organisme en fonction d'une autre personne ou d'un autre organisme retenu pour représenter l'un ou l'autre.
Le Commissariat n'a pas été saisi d'allégations selon lesquelles Mme Raitt aurait accordé un traitement de faveur à M. Michael McSweeney, à l'Association canadienne du ciment ou à toute autre personne ou organisation. Toutefois, je craignais que si Mme Raitt devait prendre une décision officielle concernant l'Association canadienne du ciment, elle pourrait faire l'objet d'allégations de traitement de faveur en raison de l'aide apportée par M. McSweeney à l'activité de financement.
C'est pourquoi Mme Raitt a accepté, le 9 octobre 2009, de mettre en place une mesure d'observation convenue, soit un filtre temporaire anti-conflit d'intérêts, pour prévenir un conflit d'intérêts potentiel et, surtout, tout potentiel de traitement de faveur. Un avis sur cette mesure d'observation a été publié sur notre site Web le même jour. Une copie du texte se trouve à l'annexe B du présent rapport. La mesure devait demeurer en vigueur au moins jusqu'à la fin de mon enquête.
En janvier 2010, Mme Raitt s'est vu confier un nouveau portefeuille. Je lui ai donc écrit, le 4 février 2010, pour l'aviser que le filtre temporaire anti-conflit d'intérêts n'était plus nécessaire, vu qu'elle était maintenant ministre du Travail.
La même question se pose aussi à l'égard du Code. Bien que le Code ne contienne aucune disposition qui, à l'instar de l'article 7 de la Loi, renvoie expressément à la possibilité d'un éventuel « traitement de faveur », l'article 8 du Code est semblable au paragraphe 6(1) de la Loi en ce qu'il interdit aux députés de favoriser d'une façon indue les intérêts personnels d'une autre personne ou entité.
En voici le libellé :
8. Le député ne peut, dans l'exercice de ses fonctions parlementaires, agir de façon à favoriser ses intérêts personnels ou ceux d'un membre de sa famille ou encore, d'une façon indue, ceux de toute autre personne ou entité.
En général, lorsqu'un député, et en particulier un ministre, un ministre d'État ou un secrétaire parlementaire, est placé dans une situation où des lobbyistes ou d'autres intervenants sont impliqués dans des activités de financement de sa circonscription, il est possible que des circonstances futures entraînent des situations où pourraient surgir des questions de traitement de faveur ou d'autres conflits d'intérêts.
LE BESOIN DE DIRECTIVES SUR LES ACTIVITÉS DE FINANCEMENT
Au moment de l'activité du 24 septembre 2009, il n'existait pas de règles ou de directives s'appliquant en général aux députés ou en particulier aux ministres, ministres d'État et secrétaires parlementaires relativement aux activités de financement pour les aider à ne pas se trouver ou sembler se trouver en situation de conflit d'intérêts, réel ou potentiel. Dès le début de mon enquête, il m'est apparu évident qu'il serait fort utile de disposer de telles règles pour les députés, particulièrement les ministres, ministres d'État et secrétaires parlementaires.
Monsieur Challinor et Mme Byrne m'ont confirmé que le Parti conservateur du Canada n'avait pas, au 24 septembre 2009, de lignes directrices sur les activités de financement politique.
Après l'activité, l'Association conservatrice de Halton a élaboré des lignes directrices pour son propre usage tel que mentionné auparavant dans ce rapport. Elles sont destinées aux bénévoles qui donnent un coup de main à l'organisation d'activités de financement et visent à clarifier le rôle des bénévoles, du député et de son personnel. On y énonce par exemple que les bénévoles ne devraient pas demander aux lobbyistes ou autres intervenants d'acheter des billets. Toutefois, les lignes directrices n'abordent pas la question à savoir qui devrait être autorisé ou non à participer à titre de bénévole à l'organisation d'activités de financement ou à vendre des billets. Il n'est pas certain que l'Association conservatrice de Halton aurait rédigé ces lignes directrices si la députée de cette circonscription n'avait pas été aussi ministre.
La commissaire au lobbying administre les règles s'appliquant aux lobbyistes. Elle a publié, le 6 novembre 2009, une directive portant sur les activités politiques telles que les activités de financement : la Directive du commissaire sur les conflits d'intérêts – Règle 8 (Code de déontologie des lobbyistes).
Les lobbyistes interviewés dans le cadre de mon enquête ont confirmé que leurs employeurs comprenaient qu'il serait normal et approprié qu'ils participent comme bénévoles à des campagnes et à des activités de financement de nature politique tant et aussi longtemps qu'ils le faisaient en leur nom personnel et respectaient les politiques générales de leur employeur concernant l'utilisation de l'équipement de bureau à des fins personnelles.
En 2008, le Bureau du Conseil privé a publié un document intitulé Pour un gouvernement responsable – Guide du ministre et du ministre d'État, qui interdit strictement l'usage de locaux appartenant au gouvernement pour des activités politiques. Le Guide ne couvre pas, toutefois, les questions comme celle faisant l'objet du présent rapport : la participation de lobbyistes ou autres intervenants à des activités de financement politique.
Je fais remarquer qu'en 2002, le très honorable Jean Chrétien, alors premier ministre, avait publié des Lignes directrices concernant le Conseil des ministres et les activités à des fins politiques personnelles. Voici ce qu'elles prévoyaient pour les lobbyistes :
Les ministres doivent aussi être à l'affût des situations où des personnes participant à leur campagne, que ce soit à titre de collecteur de fonds, organisateurs principaux ou stratégistes, pourraient être inscrites en vertu de la Loi sur l'enregistrement des lobbyistes pour exercer des activités de lobbyisme auprès du ministère qui relève du ministre. Il s'agit encore là d'une situation qui peut donner lieu à un conflit d'intérêts apparent et qui doit être résolue par le ministre dans l'intérêt public en refusant l'appui actif de cette personne dans la campagne. Sinon, la personne en question peut choisir de ne plus effectuer d'activités de lobbyisme auprès du ministère aussi longtemps qu'elle participe à la campagne. L'une ou l'autre action réglera la question.
On semble avoir renoncé à ces lignes directrices aux alentours de 2003. Ce n'est que très récemment qu'elles ont été remplacées.
LE NOUVEAU DOCUMENT D'ORIENTATION DU PREMIER MINISTRE
Le 20 avril 2010, le très honorable Stephen Harper, premier ministre, m'a fait parvenir un document intitulé Activités de financement et relations avec les lobbyistes : pratiques exemplaires à l'intention des ministres et des secrétaires parlementaires, qui, m'a-t-il avisé, avait été envoyé à tous les ministres et secrétaires parlementaires.
Le nouveau document d'orientation du premier ministre énonce les pratiques exemplaires que les ministres et secrétaires parlementaires sont tenus d'adopter dans le cadre d'activités de financement. Il couvre nombre des problèmes de conflit d'intérêts que j'ai relevés pendant mon étude et mon enquête, en particulier ceux qui portent sur les traitements de faveur potentiels. Je fais toutefois ressortir, plus bas, certains aspects du document qu'il serait bon d'approfondir.
Le document s'applique aux ministres et aux secrétaires parlementaires, mais non aux députés qui ne sont pas titulaires de charge publique. Il est difficile de dire si, dans le document, les ministres d'État sont inclus dans le terme « ministres », mais ils devraient en faire partie. La Loi sur les conflits d'intérêts fait une distinction entre les ministres et les ministres d'État et j'ai fait référence, dans le présent rapport, aux deux types de ministres.
Le document d'orientation énonce les principes généraux suivants :
Les ministres et les secrétaires parlementaires doivent s'assurer que les activités de financement politique n'ont pas, ou ne semblent pas avoir, d'incidence sur l'accès au gouvernement.
Les personnes qui donnent des contributions financières aux politiciens ou aux partis politiques ne doivent pas recevoir, ou sembler recevoir, un accès préférentiel.
Les personnes qui traitent avec des ministres et des secrétaires parlementaires, ou avec leur personnel ou leur ministère, ne doivent pas être visées, ou sembler être visées, par une collecte partisane.
Certaines pratiques exemplaires portent sur la participation d'intervenants ministériels à des activités de financement. Le terme « intervenants ministériels » comprend les lobbyistes enregistrés autorisés à mener des activités de lobbying auprès d'un ministre, d'un secrétaire parlementaire, de leur personnel ou de leur ministère, ainsi que les particuliers retenus par des entreprises et des associations qui ont, ou qui auront probablement, des rapports importants avec le ministre, le secrétaire parlementaire, leur personnel ou leur ministère.
L'une des pratiques exemplaires interdit de recruter des intervenants ministériels dans une équipe de collecte de fonds. En cas de remaniement ministériel ou de changement de personnel, dans les bureaux d'un ministre ou d'un secrétaire parlementaire, il serait opportun de réévaluer la situation, car les intervenants concernés ne seraient plus les mêmes. Il pourrait alors s'avérer nécessaire de procéder à des récusations ou d'avoir recours à des filtres anti-conflit d'intérêts en cas de problème. Ce serait aussi le cas si un député devenait ministre ou secrétaire parlementaire.
Le document d'orientation du premier ministre prévoit qu'il faut établir des mesures appropriées pour éviter que les listes d'intervenants ministériels soient diffusées aux équipes de collecte de fonds et demander aux collecteurs de fonds de ne pas cibler les intervenants ministériels ou de ne pas solliciter sciemment de contributions auprès d'eux. Il précise toutefois qu'il est permis de lancer une campagne de financement générale pouvant impliquer des lobbyistes et d'autres intervenants uniquement de manière accessoire.
Le document d'orientation prévoit aussi qu'il faut faire de chaque activité de financement une zone où ne peuvent avoir lieu d'activités de lobbying. Les ministres et les secrétaires parlementaires ainsi que leur personnel doivent éviter de discuter de sujets liés aux fonctions ministérielles au cours d'une activité de financement, en invitant toute personne qui souhaite en discuter à prendre rendez-vous avec leur bureau. Selon une autre pratique exemplaire, les ministres et les secrétaires parlementaires et leur chef de cabinet doivent passer en revue toutes les communications liées aux activités de financement pour vérifier qu'elles ne donnent pas à penser qu'il existerait un lien inapproprié entre les activités de financement et leur portefeuille.
Selon le document, les ministres et les secrétaires parlementaires doivent veiller à ce que leur personnel connaisse bien le contenu du document et instaurer dans leur bureau et leur ministère des processus pour le faire respecter.
Il est important que le personnel qui appuie les ministres, ministres d'État et secrétaires parlementaires, sur la colline du Parlement et dans les circonscriptions, ainsi que les membres du conseil d'administration et les administrateurs de leurs associations de circonscription respectives connaissent la Loi et les obligations qui incombent aux titulaires de charge publique élus afin qu'ils ne se trouvent pas par mégarde en situation de conflit d'intérêts potentiel. Les chefs de cabinet devraient veiller à ce que le personnel, qu'il soit lui-même assujetti ou non à la Loi, en connaisse bien les exigences.
En revanche, le document n'aborde pas directement la question de la présence de lobbyistes ou d'autres intervenants ministériels en tant que membres du conseil d'administration de l'association de circonscription d'un ministre, ministre d'État ou secrétaire parlementaire. Bien qu'on puisse déduire du guide que ces membres de conseil d'administration ne peuvent pas prendre part aux activités de financement de l'association, ils assument d'autres responsabilités qui pourraient aussi entraîner des questions de conflit d'intérêts. Cela pourrait placer le ministre ou le secrétaire parlementaire en situation de conflit d'intérêts, un risque qu'il faudra gérer avec soin.
Le premier ministre pourrait envisager d'inclure les directives qu'il a élaboré dans les documents publiés par le Bureau du Conseil privé intitulés Pour un gouvernement responsable – Guide du ministre et du ministre d'État et, s'il existe encore, le Guide à l'intention des secrétaires parlementaires, document mentionné dans le guide des ministres et des ministres d'État.
Par ailleurs, il serait important que tous les lobbyistes, les autres intervenants ministériels, les bénévoles politiques et le grand public connaissent l'existence du nouveau document d'orientation. Je recommande donc qu'il soit rendu public.
OBSERVATIONS FINALES
Malgré l'existence de ce document d'orientation, la présence de lobbyistes et d'autres intervenants aux activités de financement demeurera une préoccupation. En effet, ces activités donnent à ceux qui y assistent un accès préférentiel aux ministres, ministres d'État, secrétaires parlementaires et autres députés et donnent aux lobbyistes ou autres intervenants l'occasion d'amorcer des rapports personnels pouvant les avantager lors de réunions officielles où ils cherchent à faire avancer leurs propres intérêts personnels.
Tous les députés, même ceux des partis qui ne sont pas au pouvoir, siègent à des comités parlementaires qui examinent des dossiers pouvant intéresser les lobbyistes ou autres intervenants. Toutefois, ils ne participent pas aux décisions du gouvernement de la même façon que les députés qui sont aussi ministres, ministres d'État ou secrétaires parlementaires.
En ce qui concerne les députés, le Code régissant les conflits d'intérêts des députés demeure silencieux sur les activités de financement politique. On pourrait envisager de le modifier, par exemple pour interdire la sollicitation de fonds et les traitements de faveur, y ajouter des obligations de récusation plus larges et prévoir l'établissement de filtres anti-conflit d'intérêts.
En ce qui concerne les titulaires de charge publique, la Loi sur les conflits d'intérêts énonce déjà les règles et dispositions s'appliquant à ceux qui se trouvent dans des situations pouvant aboutir à un conflit d'intérêts. La seule disposition de la Loi directement liée aux activités de financement se trouve à l'article 16, qui interdit à tout titulaire de charge publique de solliciter personnellement des fonds si l'exercice d'une telle activité le plaçait en situation de conflit d'intérêts. La Loi pourrait énoncer des règles de conduite additionnelles à l'égard du financement politique.
Les députés, surtout ceux qui sont ministres, ministres d'État et secrétaires parlementaires, doivent demeurer vigilants et éviter les circonstances où ils pourraient se trouver en situation de conflit d'intérêts, notamment dans le cadre de leurs relations avec des lobbyistes enregistrés et autorisés à faire du lobbying auprès d'eux ou de leurs organisations ou avec d'autres intervenants. Sinon, comme c'est arrivé dans le cas qui nous intéresse, ils s'exposent à la critique ainsi qu'à des accusations de conflit d'intérêts, particulièrement en ce qui concerne le traitement de faveur.
ANNEXE A - L'ANALYSE SELON La Loi
Dans la présente section, je détermine s'il y a eu contravention aux articles 11, 16 et 18 de la Loi sur les conflits d'intérêts (Loi). Auparavant, je traiterai de la question à savoir si les demandes ont été faites de mauvaise foi et, par conséquent, si elles constituent un abus de procédure.
Il importe de souligner que Mme Raitt a subi des pressions en sa qualité de ministre des Ressources naturelles et non pas à titre de députée. Cependant, l'activité de financement a eu lieu parce que Mme Raitt est la députée de la circonscription de Halton. Pour cette raison, il était approprié d'examiner les allégations relativement aux obligations en vertu du Code régissant les conflits d'intérêts des députés (Code) ainsi que celles en vertu de la Loi.
Dans la prochaine section intitulée Observations générales, je traite de façon plus générale des préoccupations qui sous-tendent les demandes et discute du besoin d'élaborer des règles ou des lignes directrices à l'intention des titulaires de charge publique élus (ministres, ministres d'État et secrétaires parlementaires) sur les activités de financement auxquelles des lobbyistes ou d'autres intervenants participent.
ALLÉGATIONS DE MAUVAISE FOI
Mme Raitt prétendait que les demandes n'étaient pas fondées et qu'elles étaient entachées de mauvaise foi. Le paragraphe 44(3) de la Loi prévoit que si je juge une demande futile, vexatoire ou entachée de mauvaise foi, je peux refuser d'examiner la question. L'avocat, cependant, n'a pas demandé que j'interrompe l'étude mais a demandé que je conclue que les demandes de Mme Chow et M. Szabo ont été faites de mauvaise foi.
L'avocat a avancé que les demandes d'étude de Mme Chow et M. Szabo étaient motivées par la partisannerie et visaient à détruire la réputation de Mme Raitt, qu'elles étaient entachées de mauvaise foi et, par conséquent, qu'elles constituaient un abus de procédure. Il a avancé que Mme Chow menait une campagne contre Mme Raitt depuis le moment où cette dernière était devenue présidente et chef de la direction de l'Administration portuaire de Toronto, puisque Mme Chow était impliquée dans des groupes de pression qui cherchaient à faire fermer l'aéroport de l'île de Toronto.
En ce qui concerne M. Szabo, l'avocat a soutenu qu'il essayait constamment de profiter de la demande soumise au Commissariat pour générer de la mauvaise presse à l'endroit de Mme Raitt en tenant devant la Chambre des communes des propos provocateurs qui allaient bien au-delà de la preuve, en y révélant de l'information qu'il m'avait confiée et en trompant sciemment la Chambre en déclarant que j'avais statué « que des éléments de preuve clairs justifiaient une enquête complète ». Bref, Me Osborne alléguait que M. Szabo a tenu devant la Chambre des propos trompeurs et gratuits qu'il savait faux. Me Osborne m'a fourni des extraits des Débats à l'appui de son argument.
Le seuil pour conclure qu'une demande est futile, vexatoire ou entachée de mauvaise foi est très haut. En général, une demande sera jugée futile si elle est sans fondement ou sans mérite, si elle n'est pas faite sérieusement ou faite pour des motifs déraisonnables. Une demande sera jugée vexatoire si elle est présentée avec malveillance et sans motif valable. De même, une demande faite de mauvaise foi serait présentée de façon malhonnête pour des motifs déraisonnables ou non fondés.
Dans le cas qui nous intéresse, les allégations soulevaient en elles-mêmes des questions suffisamment sérieuses pour justifier une étude, vu qu'elles portaient sur la participation importante d'un lobbyiste à l'activité de financement et sur la participation de Mme Raitt à cette activité, même si c'était uniquement par le truchement du gestionnaire de son bureau de la Colline, du frère de celui-ci et de l'ancienne adjointe de Mme Raitt à l'Administration portuaire de Toronto. C'est pourquoi je n'étais pas disposée à conclure que les demandes soumises à mon bureau étaient futiles, vexatoires ou entachées de mauvaise foi.
Bien que je ne sois pas disposée à juger les demandes de mauvaise foi, j'estime que Me Osborne soulève une question importante, à savoir jusqu'où les députés qui font une demande d'étude en vertu de la Loi ou d'enquête en vertu du Code régissant les conflits d'intérêts des députés (Code) devraient en parler publiquement. Si les manigances partisanes sont une facette inévitable de la vie politique, elles peuvent entraîner des problèmes dans certains cas. Si elles donnent une fausse idée de ce qu'entreprend le Commissariat suite à une demande, cela pourrait causer un préjudice sérieux à la personne faisant l'objet de la demande. J'ai des contraintes à respecter en ce qui concerne ce que je peux dévoiler sur les études ou enquêtes, car l'information doit demeurer confidentielle jusqu'à la publication d'un éventuel rapport. Je n'ai pas de moyen pour clarifier ou pour faire contrepoids à des déclarations par des députés qui seraient inexactes ou injustes.
À cause des déclarations publiques qui ont été faites sur la question qui nous intéresse, j'ai dû écrire à Mme Raitt, le 6 octobre 2009, avant que les demandes soient suffisamment précises pour justifier l'ouverture d'une étude en vertu de la Loi ou d'une enquête en vertu du Code. J'ai également déclaré, via le site Web du Commissariat, que je n'allais pas entreprendre d'étude ou d'enquête pour l'instant. Je n'avais pas alors reçu suffisamment d'information pour cela et j'avais des inquiétudes qu'on rapportait un peu partout que j'avais en fait entrepris une enquête.
J'invite les députés qui présentent des demandes d'enquête à tenir compte des obligations de confidentialité qui m'échoient en vertu de la Loi et du Code et je leur demande de ne pas mettre les personnes visées par une demande d'étude ou d'enquête dans une situation où elles seraient forcées de répondre publiquement à des allégations avant que j'ai eu l'occasion de déterminer s'il y avait matière à étude ou enquête et avant d'avoir été informées par le Commissariat que j'ai reçu une demande à leur égard.
CONTRAVENTIONS ALLÉGUÉES
Pour donner suite aux allégations, j'ai dû examiner de près l'organisation de l'activité de financement tenue le 24 septembre 2009 et le lien entre Mme Raitt et les organisateurs, afin de déterminer si elle avait accepté un cadeau ou un autre avantage qui pourrait raisonnablement donner à penser qu'il a été donné pour l'influencer dans l'exercice de ses fonctions officielles, ce qui est contraire à l'article 11 de la Loi. J'ai également examiné la participation de Mme Raitt à l'activité pour déterminer si elle avait personnellement sollicité des fonds auprès d'une personne ou d'un organisme de façon à se mettre en situation de conflit d'intérêts, ce qui est contraire à l'article 16 de la Loi. Enfin, sous cette rubrique, je considérerai l'article 18 de la Loi pour déterminer si Mme Raitt a agi de manière à se soustraire aux obligations qui lui incombent en vertu de la Loi.
INTERDICTION À L'ÉGARD DES CADEAUX OU AUTRES AVANTAGES : ARTICLE 11
Selon les allégations, les services bénévoles offerts par M. Michael McSweeney dans le cadre de l'activité de financement constituaient un cadeau ou un autre avantage que Mme Raitt aurait dû refuser en raison des activités de lobbying de M. McSweeney et, qu'en l'acceptant, Mme Raitt a enfreint l'article 11 de la Loi. On a fait valoir qu'étant donné que M. McSweeney faisait du lobbying auprès de Mme Raitt lorsqu'elle était ministre des Ressources naturelles, ses services bénévoles pourraient raisonnablement donner à penser qu'ils ont été donnés pour influencer Mme Raitt dans l'exercice de ses fonctions officielles. D'autres lobbyistes ont aussi offert des services bénévoles dans le cadre de l'activité de financement. L'analyse suivante s'applique aussi à eux.
Le paragraphe 11(1) de la Loi interdit aux titulaires de charge publique de recevoir des cadeaux ou d'autres avantages et le paragraphe 11(2) prévoit des exceptions. En voici le libellé :
11. (1) Il est interdit à tout titulaire de charge publique et à tout membre de sa famille d'accepter un cadeau ou autre avantage, y compris celui provenant d'une fiducie, qui pourrait raisonnablement donner à penser qu'il a été donné pour influencer le titulaire dans l'exercice de ses fonctions officielles.
(2) Le titulaire de charge publique ou un membre de sa famille peut toutefois accepter :
a) un cadeau ou autre avantage qui est permis au titre de la Loi électorale du Canada;
b) un cadeau ou autre avantage qui provient d'un parent ou d'un ami;
c) un cadeau ou autre avantage qui est une marque normale ou habituelle de courtoisie ou de protocole ou qui est habituellement offert dans le cadre de la charge du titulaire.
Le paragraphe 2(1) de la Loi définit les termes « cadeau » et « avantage » comme suit :
2. (1) Les définitions qui suivent s'appliquent à la présente Loi.
« cadeau ou autre avantage » S'entend :
a) de toute somme, si son remboursement n'est pas obligatoire;
b) de tout service ou de tout bien ou de l'usage d'un bien ou d'argent, s'ils sont fournis sans frais ou à un prix inférieur à leur valeur commerciale.
Selon la preuve, des personnes ont fait don de leur temps et de leur énergie et certaines d'entre elles se sont servies des ressources de leur bureau pour donner un coup de main à l'organisation de l'activité de financement. Le travail accompli par Mme Janet MacDonald, M. Michael McSweeney, M. Gary Clement et M. Will Stewart constituait un service bénévole et donc sans frais; par conséquent, il rencontre la définition de cadeau ou autre avantage précisée à l'alinéa b) de la Loi. Les fonds amassés seraient aussi inclus dans la définition précisée à l'alinéa 2)a). J'ai des doutes à savoir si l'intention était d'inclure dans la définition les contributions de natures politiques ainsi que les services bénévoles puisque ces derniers sont régis par la Loi électorale du Canada. Toutefois, aux fins de mon analyse, j'assume qu'ils sont inclus dans la définition.
En ce qui concerne Mme Janet MacDonald, elle a fourni des services bénévoles parce qu'elle était une bonne amie de Mme Raitt. Si ses services avaient été acceptés par Mme Raitt, ils auraient été visés par l'exception de l'alinéa 11(2)b) comme étant un cadeau provenant d'un parent ou d'un ami. Il y a une autre exception prévue à l'alinéa 11(2)a) pour les cadeaux et autres avantages permis au titre de la Loi électorale du Canada mais cette exception ne s'applique que durant une période d'élection, ce qui n'est pas le cas ici.
En ce qui a trait aux services bénévoles et aux contributions monétaires fournis par les lobbyistes, il serait raisonnable de questionner à savoir s'ils avaient été offerts afin d'influencer Mme Raitt en égard à une décision officielle future qui pourrait bénéficier les lobbyistes, leurs associations ou leurs clients. La possibilité d'influencer ou de tenter d'influencer augmente par le lien personnel entre un lobbyiste et un ministre, son conseiller ou un haut fonctionnaire du ministère qui fait des recommandations au ministre. Ce lien personnel peut se développer à chaque fois qu'il y a une occasion d'accès personnel à ce ministre, par exemple, à travers une activité de financement.
Monsieur Michael McSweeney et ses collègues de l'Association canadienne du ciment ont fait pression auprès de Mme Raitt en ce qui a trait à un projet de l'Association canadienne du ciment en mars 2009 et il a par la suite offert ses services dans le cadre de l'activité de financement. Il a participé à l'activité et a parlé à Mme Raitt de la proposition qui venait d'être soumise à son ministère. Il a inscrit cette discussion au registre public en vertu de la Loi sur le lobbying. Il serait raisonnable de questionner si M. McSweeney tentait de bâtir un rapport personnel avec Mme Raitt afin de l'influencer pour qu'elle considère ou approuve le projet.
La preuve, toutefois, a démontré que Mme Raitt n'était pas au courant des détails de l'organisation de l'activité et qu'elle ne s'était pas impliquée dans le recrutement de bénévoles ou dans la sollicitation de fonds. Pour qu'elle puisse accepter ces services ou ces contributions tel qu'envisagé par l'article 11, il aurait fallu qu'elle soit au courant qu'ils lui étaient offerts, et qu'elle ait eu l'opportunité de les refuser. Ceci n'était pas le cas. Quoiqu'elle fût au courant du rôle de M. Stewart à titre de membre du conseil d'administration de l'Association conservatrice de Halton, il avait été désigné par le conseil d'administration comme membre responsable de l'activité de financement. Je commenterai d'avantage la question de la participation de lobbyistes comme membres de conseil d'administration des associations de comté dans mes Observations générales.
Le conseil d'administration de l'Association conservatrice de Halton est responsable des activités de financement politique de sa circonscription. Il s'occupe de leur organisation et administre les fonds ainsi récoltés. J'ai conclu que l'Association conservatrice de Halton avait bel et bien organisé l'activité de financement du 24 septembre 2009 et qu'elle était la principale bénéficiaire des services bénévoles et des contributions financières s'y rapportant.
Même si Mme Raitt, à titre de députée de la circonscription, est membre d'office du conseil d'administration de l'Association conservatrice de Halton, la preuve démontre clairement qu'elle ne participe pas aux décisions administratives, y compris aux décisions sur la façon dont l'Association dépense son argent. Elle n'a aucun contrôle sur cet argent.
Le conseil d'administration de l'Association conservatrice de Halton a identifié 2 000 dollars par année pour couvrir les dépenses encourues par Mme Raitt pour assister à des activités dans la circonscription à titre de députée pour ainsi couvrir l'achat de billets qui sont reliés à ses fonctions de député. Donc, Mme Raitt recevra un certain soutien financier provenant des activités de financement organisées par l'Association conservatrice de Halton tant qu'elle sera députée de la circonscription et si elle est nommée de nouveau comme candidate dans Halton aux prochaines élections fédérales. Je considère que ces dépenses sont de nature professionnelle reliées au travail et non des cadeaux ou des avantages selon la Loi. Il revient à l'Association conservatrice de Halton de décider comment les fonds seront employés, et non à Mme Raitt.
Par conséquent, j'ai conclu que Mme Raitt n'avait pas accepté de cadeaux ou d'autres avantages relativement à l'activité de financement du 24 septembre 2009 et donc, qu'elle n'a pas contrevenu à l'article 11.
À l'appui de ma conclusion, j'invoque le régime exhaustif prévu par la Loi électorale du Canada sur les contributions politiques. Cette loi énonce des règles, applicables en tout temps, sur les contributions monétaires et non monétaires ainsi que sur les obligations de divulgation publique. Je ferai remarquer que cette loi ne prévoit aucune restriction spéciale interdisant aux lobbyistes de contribuer à une association de circonscription enregistrée. La seule restriction porte sur la limite de 1 100 dollars s'appliquant à tous.
Les activités de financement politique sont des activités importantes et légitimes. Étant donné qu'elles sont réglementées par un régime exhaustif en vertu de la Loi électorale du Canada, que les services bénévoles et les contributions monétaires fournis par les lobbyistes ont été offerts à l'Association conservatrice de Halton et que Mme Raitt n'étais pas impliquée dans le recrutement de bénévoles ou dans l'organisation de l'activité, je conclus que l'article 11 ne s'applique pas dans les circonstances actuelles.
Plusieurs avanceront peut-être que Mme Raitt aurait dû s'informer des détails afin de s'assurer qu'il n'y avait pas de possibilité de conflits d'intérêts. Je discuterai de ceci dans mes Observations générales.
INTERDICTION À L'ÉGARD DE LA SOLLICITATION DE FONDS : ARTICLE 16
Madame Chow a allégué que Mme Rait avait contrevenu à l'article 16 de la Loi en sollicitant personnellement des fonds. M. Szabo, sans faire référence à l'article 16, a allégué que Mme Raitt avait demandé à Mme Janet McDonald de participer à l'organisation de l'activité.
Voici le libellé de l'article 16 :
16. Il est interdit à tout titulaire de charge publique de solliciter personnellement des fonds d'une personne ou d'un organisme si l'exercice d'une telle activité plaçait le titulaire en situation de conflit d'intérêts.
L'article 16 exige que l'on établisse deux éléments : premièrement, que le titulaire de charge publique ait sollicité personnellement des fonds auprès d'une personne ou d'un organisme et, deuxièmement, que cette sollicitation l'ait placé en situation de conflit d'intérêts. Pour que Mme Raitt ait sollicité personnellement des fonds dans le cadre de l'activité du
24 septembre 2009, il aurait fallu qu'elle cherche activement des contributions monétaires pour appuyer l'activité.
Rien n'appuie les allégations voulant que Mme Raitt ait demandé à quiconque d'acheter des billets pour l'activité, que ce soit directement ou par l'entremise d'une autre personne, et ce, en aucun temps. Tous les témoins interrogés à ce sujet l'ont confirmé. Mme Raitt savait qu'une activité se préparait et prévoyait y assister, mais c'est l'étendue de sa participation.
Je conclus que Mme Raitt n'a pas sollicité personnellement des fonds, et par conséquent, l'article 16 ne s'applique pas.
ANTI-ÉVITEMENT : ARTICLE 18
Dans sa demande, M. Szabo a allégué que Mme Raitt avait enfreint l'article 18 de la Loi, qui interdit au titulaire de charge publique « de faire quoi que ce soit dans le but de se soustraire aux obligations auxquelles il est assujetti sous le régime de la présente loi ». M. Szabo n'a pas fait référence à une quelconque disposition de la Loi à laquelle Mme Raitt aurait tenté de se soustraire.
J'ai conclu que Mme Raitt n'a pas contrevenu à ses obligations en vertu de l'article 11 ou 16 de la Loi. De plus, rien n'indique que Mme Raitt ait fait quoi que ce soit dans le but de se soustraire à ces obligations ou à toute autre obligation prévue par la Loi. Je conclus que l'article 18 ne s'applique pas dans la question qui nous intéresse.
CONCLUSIONS
Pour les motifs ci-haut mentionnés, j'ai conclu que Mme Raitt n'a pas contrevenu à l'article 11 de la Loi pour ce qui est de l'activité de financement politique du 24 septembre 2009, parce que Mme Raitt n'était pas impliquée dans le recrutement de ces bénévoles ou dans l'organisation de l'activité et par conséquent n'a pas accepté ces services ou contributions. Les contributions politiques, les services bénévoles et les ressources fournis par les lobbyistes pour cette activité ont été offerts à l'organisateur, soit l'Association conservatrice de Halton.
On a fait grand cas du rôle que Mme Janet MacDonald a joué dans cette activité de financement. Mme MacDonald n'avait pas de relations officielles avec Mme Raitt en sa qualité de ministre des Ressources naturelles ou de député et sa participation était fondée uniquement sur leur amitié. Si ses services avaient été offerts à Mme Raitt et non à l'Association conservatrice de Halton, ils auraient été exclus de l'interdiction à l'article 11 comme étant un cadeau ou avantage provenant d'un parent ou d'un ami.
J'ai conclu que l'article 16 ne s'applique pas puisqu'il n'y avait aucune preuve que Mme Raitt ait sollicité des fonds, soit directement ou indirectement, dans le cadre de l'activité de financement.
Finalement, j'ai déterminé que Mme Raitt n'a pas contrevenu à l'article 18 puisqu'il n'y avait aucune preuve qu'elle ait fait quoi que ce soit pour se soustraire à ses obligations de la Loi.
Je commenterai en plus de détails la possibilité de situations éventuelles de conflits d'intérêts pour un ministre, ministre d'État, secrétaire parlementaire et autres députés dans la prochaine section, qui inclut mes observations sur la participation des lobbyistes et autres intervenants dans des activités de financement politique. En particulier, j'adresserai la perception raisonnable que des services bénévoles et des contributions monétaires offerts par des intervenants sont donnés dans l'optique d'influencer les élus dans leurs décisions officielles et futures. Je crois que les élus ont besoin de directives concernant les activités de financement. Il n'y en avait aucune lors de l'activité de financement du 24 septembre 2009 dont il est question dans ce rapport.
Moi, Lisa Raitt, ministre des Ressources naturelles, je consens à ne pas participer aux affaires impliquant l’Association canadienne du ciment (ACC) ou M. Michael McSweeney agissant au nom de l’ACC, afin de prévenir tout conflit d’intérêts et, en particulier, de ne pas accorder de traitement de faveur à M. McSweeney ou à l’ACC. Toutes les affaires entre l’ACC et le ministère des Ressources naturelles seront traitées par la sous-ministre ou toute personne par elle désignée.
ENTREVUES
M. Pierre Boucher
Président, Association canadienne du ciment
Lobbyiste enregistré au fédéral
Mme Jenni Byrne
Directrice des Opérations politiques, Parti conservateur du Canada
M. John Challinor
Président, Association de circonscription de Halton
M. Gary Clement
Gestionnaire, Relations avec le gouvernement et la communauté
Groupe financier Banque TD
Lobbyiste enregistré au fédéral
Mme Cassie Doyle
Sous-ministre, ministère des Ressources naturelles
Mme Janet MacDonald
Adjointe exécutive du président et chef de la direction
Administration portuaire de Toronto
M. Colin McSweeney
Ancien gestionnaire du bureau de la Colline de Mme Raitt
M. Michael McSweeney
Vice-président, Relations avec l'industrie, Association canadienne du ciment
Lobbyiste enregistré au fédéral
M. Dennis Mills
Ancien député libéral
M. Alan Paul
Vice-président et dirigeant principal des finances
(Ancien président et chef de la direction par intérim)
Administration portuaire de Toronto
Mme Lisa Raitt
Ministre du Travail
(ancienne ministre des Ressources naturelles) et
députée de Halton
M. Will Stewart
Directeur, Navigator Ltd. et Ensight Canada Inc.
Lobbyiste enregistré au fédéral
Directeur, Association conservatrice de Halton
M. Paul Szabo
Député de Mississauga—Sud
TÉMOIGNAGES ÉCRITS
ADMINISTRATION PORTUAIRE DE TORONTO - MEMBRES DU CONSEIL D'ADMINISTRATION
M. Jeremy Adams
M. G. Mark Curry
M. David Gurin
Mme Michele D. McCarthy
M. Mark R. McQueen
M. Sean L. Morley
M. Robert D. Poirier
M. Craig Rix
M. Colin D. Watson