PRÉFACE
En vertu de l'article 27 du
Code régissant les conflits d'intérêts des députés (le Code), qui constitue l'Annexe 1 du
Règlement de la Chambre des communes, la députée ou le député qui a des motifs raisonnables de croire qu'une autre députée ou un autre député n'a pas respecté ses obligations aux termes du Code peut demander une enquête.
La ou le commissaire aux conflits d'intérêts et à l'éthique est tenu de transmettre la demande d'enquête à la députée ou au député qui en fait l'objet et de lui accorder la possibilité d'y répondre dans les 30 jours. Une fois que la députée ou le député a complété sa réponse, la ou le commissaire dispose de 15 jours ouvrables pour faire un examen préliminaire de la demande et de la réponse afin de déterminer si une enquête s'impose, et pour communiquer par écrit sa décision aux deux députées ou députés.
L'enquête est menée à huis clos. Une fois qu'elle est terminée, la ou le commissaire remet son rapport à la Présidente ou au Président de la Chambre des communes qui le dépose à la prochaine séance de la Chambre des communes. Le rapport est accessible au public dès qu'il est déposé ou, en période d'ajournement, dès que la Présidente ou le Président le reçoit.
Le présent rapport énonce les conclusions de mon enquête menée en vertu du
Code régissant les conflits d'intérêts des députés sur la conduite de M. Joe Peschisolido alors qu'il était député de Steveston–Richmond-Est.
Le but de mon enquête était de déterminer si M. Peschisolido avait contrevenu aux paragraphes 20(1) et 21(3) du Code. Le paragraphe 20(1) exige que la députée ou le député dépose auprès de la ou du commissaire une déclaration complète de ses intérêts personnels et des intérêts personnels des membres de sa famille dans le cadre du processus de conformité initiale après l'élection et à l'occasion de chaque examen annuel. Le paragraphe 21(3) exige que la députée ou le député signale à la ou au commissaire tout changement important aux renseignements contenus dans ses déclarations, dans les 60 jours suivant le changement.
Au cours de son processus de conformité initiale terminé en juillet 2016, M. Peschisolido a déclaré qu'il était l'unique actionnaire d'une société, la Peschisolido Law Corporation, ainsi que son administrateur, président et secrétaire. Aux examens annuels d'août 2017 et de décembre 2018, M. Peschisolido a indiqué qu'il n'y avait aucun changement aux renseignements déclarés.
Toutefois, la preuve démontre que M. Peschisolido n'avait pas déclaré tous ses intérêts personnels dans sa société. En effet, il avait omis de déclarer un élément d'actif (l'argent que lui devait sa société aux termes d'un prêt d'actionnaire) ainsi qu'un élément de passif (sa garantie personnelle de la dette de sa société).
La preuve démontre également qu'après la dissolution de la Peschisolido Law Corporation, en novembre 2018, M. Peschisolido a omis de signaler, dans le délai de 60 jours ou au moment de son examen annuel, qu'il n'était plus administrateur, président et secrétaire de la société.
Par ailleurs, M. Peschisolido a aussi omis de signaler un changement d'état matrimonial, ou de fournir une déclaration complète des intérêts personnels de sa conjointe.
J'ai conclu que M. Peschisolido a contrevenu au paragraphe 20(1) du
Code régissant les conflits d'intérêts des députés en omettant de faire une déclaration complète de ses intérêts personnels relativement à son prêt d'actionnaire. Il a également contrevenu aux paragraphes 21(3) et 20(1) du Code en omettant de signaler un changement important dans les 60 jours suivant le changement et en omettant de déclarer, à son examen annuel, sa garantie personnelle d'une dette, la dissolution de la Peschisolido Law Corporation et le changement de son état matrimonial.
Si une enquête conclut à une contravention au Code en l'absence de circonstances atténuantes, le commissaire peut recommander à la Chambre d'imposer une sanction. Toutefois, étant donné que M. Peschisolido n'est plus député et qu'il n'est donc plus assujetti aux règles régissant les députées et députés, une telle recommandation ne servirait aucun objectif.
Le 11 juin 2019, j'ai reçu un courriel de l'honorable Peter Kent, député de Thornhill, me demandant de mener une enquête en vertu du
Code régissant les conflits d'intérêts des députés (le Code) sur la conduite de M. Joe Peschisolido, alors député de Steveston–Richmond-Est. Le 19 juin 2019, M. Kent a soumis à nouveau une copie signée de sa demande, conformément au paragraphe 27(2) du Code.
Dans sa demande, M. Kent alléguait que, selon des informations diffusées dans les médias, M. Peschisolido aurait manqué à son obligation aux termes du paragraphe 21(3) du Code de déposer une déclaration faisant état d'un changement important à l'information contenue dans sa déclaration dans les 60 jours suivant le changement. Selon les médias, M. Peschisolido n'était plus membre du Barreau de la Colombie-Britannique (le Barreau), qui avait demandé et obtenu une ordonnance du tribunal pour reprendre et liquider son cabinet d'avocats. Cette information semblait contredire le sommaire de la déclaration du député en date du 11 décembre 2018, qui se trouve au registre public du Commissariat et dans lequel il déclarait être l'unique propriétaire ainsi que l'administrateur, le président et le secrétaire de la Peschisolido Law Corporation.
Suivant l'article 20 du Code, la députée ou le député dépose auprès de la ou du commissaire une déclaration complète de ses intérêts personnels et des intérêts personnels des membres de sa famille selon le paragraphe 21(1), dans les 60 jours qui suivent l'annonce de son élection à la Chambre des communes dans la
Gazette du Canada et dans les 60 jours qui suivent la date fixée par la ou le commissaire pour l'examen annuel.
Parmi les intérêts personnels énumérés au paragraphe 21(1) du Code, il y a notamment les éléments d'actif et de passif de la députée ou du député et des membres de sa famille dont la valeur dépasse 10 000 $, le montant et la source de tout revenu de plus de 1 000 $ qu'ils ont touché au cours des 12 mois précédents et sont en droit de recevoir au cours des 12 prochains mois, et les postes de dirigeante ou dirigeant ou d'administratrice ou administrateur au sein d'une personne morale.
J'ai déterminé que la demande de M. Kent soumise le 19 juin 2019 répondait aux exigences des paragraphes 27(1) et (2) du Code. Par conséquent, conformément au paragraphe 27(3.2), j'étais tenu de procéder à un examen préliminaire de la demande.
Le 20 juin 2019, j'ai transmis la demande de M. Kent à M. Peschisolido pour l'informer que le Code lui accordait 30 jours pour répondre à la demande, après quoi je disposerais de 15 jours ouvrables pour déterminer si une enquête s'imposait. Dans cette lettre, j'ai également informé M. Peschisolido que, selon des informations du domaine public, j'avais en outre des préoccupations qu'il n'ait pas respecté son obligation en vertu de l'alinéa 20(1)(ii) du Code de déposer une déclaration complète de ses intérêts personnels au moment de compléter son examen annuel le 11 décembre 2018.
Le 19 juillet 2019, j'ai reçu une lettre de M. Peschisolido en réponse aux préoccupations soulevées.
Le 6 août 2019, j'ai écrit à M. Peschisolido pour l'informer qu'après avoir examiné attentivement l'information dont je disposais, y compris ses représentations écrites, j'avais décidé qu'une enquête s'imposait. Cette lettre résumait l'information recueillie jusqu'alors et établissait l'objectif de l'enquête, c'est-à-dire de déterminer s'il avait omis de communiquer de l'information concernant ses intérêts personnels, y compris ses activités, concernant la Peschisolido Law Corporation. De plus, j'exigeais dans cette lettre que M. Peschisolido fournisse toutes les informations et considérations pertinentes, ainsi que certains documents précis.
J'ai reçu des documents et d'autres représentations écrites de M. Peschisolido le 27 août 2019. Après avoir tout examiné, j'ai écrit à M. Peschisolido le 9 octobre 2019 pour l'informer qu'à la lumière de ces informations, mon enquête sur sa conduite viserait maintenant aussi à déterminer s'il avait omis de déclarer un élément d'actif et de passif dépassant 10 000 $, soit un prêt d'actionnaire consenti à son cabinet et une dette de son cabinet dont il semblait être le garant, ainsi qu'un changement de son état matrimonial.
J'ai tenu une entrevue avec M. Peschisolido le 7 novembre 2019, et j'ai reçu d'autres documents de sa part le 5 décembre 2019.
M. Peschisolido a pu lire la transcription de son entrevue et les documents pertinents recueillis par le Commissariat. Il a également pu lire et commenter l'ébauche des parties factuelles du présent rapport (Préoccupations et processus, Faits, et Position de M. Peschisolido) avant l'établissement de sa version définitive.
Déclarations de M. Peschisolido au Commissariat
Au début de novembre 2015, peu après son élection comme député, M. Peschisolido a reçu une lettre de ma prédécesseure décrivant le processus de conformité initiale avec le Code, ainsi que plusieurs autres documents en pièces jointes de cette lettre, dont le formulaire de déclaration, qu'il devait remplir et remettre au plus tard le 4 janvier 2016.
Dans un premier formulaire remis par M. Peschisolido, daté du 29 décembre 2015, il a déclaré qu'il était l'unique actionnaire d'une société, la Peschisolido Law Corporation, ainsi que son administrateur, président et secrétaire, et il a inscrit les renseignements concernant son revenu et ses éléments d'actif et de passif.
En examinant le formulaire du député, le Commissariat a remarqué que plusieurs sections n'avaient pas été remplies et qu'aucune pièce justificative n'avait été fournie. Le 25 avril 2016, le Commissariat a contacté M. Peschisolido pour corriger la situation. Le député a fourni à nouveau sa déclaration confidentielle le 13 mai 2016.
M. Peschisolido a rencontré sa conseillère à la conformité au Commissariat le 14 juin 2016 afin de passer en revue le contenu de sa déclaration et de discuter de ses obligations continues en vertu du Code. Au cours de cette rencontre, il a confirmé l'exactitude de l'information soumise concernant ses intérêts personnels, y compris des activités, concernant la Peschisolido Law Corporation de même que le fait qu'il n'ait reçu aucun revenu provenant de sa société. M. Peschisolido a également affirmé à ce moment-là qu'il n'était le garant d'aucune dette de son cabinet.
Le processus de conformité initiale de M. Peschisolido s'est conclu en juillet 2016 par la publication dans le registre public du Commissariat du sommaire de sa déclaration. M. Peschisolido a complété un premier examen annuel le 25 août 2017 puis un second le 11 décembre 2018. À ces deux occasions, il a indiqué qu'il n'avait aucun changement à signaler au sujet des renseignements déclarés initialement au Commissariat.
Au cours de son entrevue, M. Peschisolido a indiqué qu'en s'acquittant de ses obligations de déclaration en vertu du Code, il avait simplement fourni au Commissariat des renseignements selon sa meilleure estimation ou selon ses souvenirs de l'époque et qu'il n'avait pris aucune mesure délibérée pour vérifier l'exactitude de ces renseignements.
La Peschisolido Law Corporation
Le cabinet d'avocats de M. Peschisolido, qu'il a constitué en société professionnelle d'avocats en Colombie-Britannique le 26 janvier 2006, exerçait ses activités sous la dénomination de Peschisolido & Company. Selon des déclarations publiques de M. Peschisolido et d'autres qu'il a faites dans le cadre de l'enquête, le cabinet était constitué d'un regroupement d'avocats indépendants, qui s'occupaient chacun de leurs propres dossiers. Au cours de son entrevue, M. Peschisolido m'a expliqué que la société recevait une portion des honoraires que ces avocats touchaient en travaillant pour les clients de Peschisolido & Company. En échange, les avocats bénéficiaient des services du personnel de soutien et des locaux payés par la société.
M. Peschisolido a déclaré dans ses représentations écrites et dans son témoignage qu'en mai 2015, lorsqu'il avait commencé à faire campagne en vue de l'élection fédérale prochaine, il avait cessé de pratiquer le droit mais maintenu son adhésion au Barreau de la Colombie‑Britannique et le statut de son cabinet d'avocats. Une fois élu, il a transféré les dossiers actifs qui lui restaient à d'autres avocats de Peschisolido & Company.
Parmi les documents obtenus dans le cadre de l'enquête se trouvaient les relevés de deux comptes bancaires utilisés par la Peschisolido Law Corporation – un compte d'opérations général et un compte en fiducie – pour la période de janvier 2015 à juillet 2019. En plus de la liste des opérations, les relevés comprenaient une image de chaque chèque émis pour chaque compte.
Selon ces relevés et d'autres documents financiers obtenus, la Peschisolido Law Corporation affichait un solde négatif dans son compte général et fonctionnait à perte en 2015 ainsi que les années précédentes. Dans son entrevue, M. Peschisolido a expliqué que, pour permettre à son cabinet de poursuivre ses activités, il avait, à titre d'actionnaire unique, couvert une partie des pertes en consentant des prêts successifs à son cabinet sous la forme de dépôts dans le compte bancaire général. Les documents montrent que le montant du découvert bancaire et celui du prêt d'actionnaire dépassaient tous deux 10 000 $ pendant toute la période où M. Peschisolido était député.
Entre janvier et avril 2015, M. Peschisolido a fait six chèques totalisant plusieurs milliers de dollars du compte général de sa société à lui-même. Sur chacun de ces chèques, on peut lire la mention « Partial repayment of shareholder's loan », ou « remboursement partiel du prêt d'actionnaire ». M. Peschisolido s'est fait un autre chèque le 11 février 2016. Pendant l'entrevue, M. Peschisolido a expliqué que, puisqu'il avait investi de l'argent dans son cabinet pour le maintenir en activité, il avait décidé de toucher de temps à autre des fonds de son cabinet en remboursement du prêt.
Actions de M. Peschisolido relativement à sa société tandis qu'il était député
Les documents fournis par M. Peschisolido montrent que le 31 mars 2016, il a déposé sa déclaration annuelle de pratique et son rapport de fiducie pour l'année civile précédente auprès du Barreau. Le même jour, il a également déposé le rapport annuel de sa société auprès du Registre des sociétés de la Colombie-Britannique (le Registre des sociétés), exigé chaque année dans les deux mois suivant la date anniversaire de la société.
Selon le témoignage et les représentations écrites de M. Peschisolido, l'un des avocats du cabinet qui avait encore des dossiers actifs a déménagé à une nouvelle adresse en mars 2016. Puisqu'il sous-louait maintenant les bureaux de Peschisolido & Company à de nouveaux locataires, M. Peschisolido a procédé à un changement d'adresse pour la société auprès du Barreau et du Registre des sociétés le 1er juin 2016.
En novembre 2016, M. Peschisolido a informé la banque que son cabinet avait cessé ses activités, à l'exception de quelques affaires résiduelles. Il a convenu avec la banque que le solde dû sur le compte général devrait être remboursé intégralement et que cela se ferait sur une période d'environ quatre ans en réduisant graduellement la limite de crédit. Au cours de l'entrevue, M. Peschisolido a confirmé qu'il était devenu garant de ce compte au moment où il avait signé l'entente le 22 novembre 2016, et qu'il remboursait personnellement la dette de sa société de façon régulière depuis décembre 2016.
Dès lors, aucune activité n'a été menée dans les dossiers des clients de Peschisolido & Company au cours des 18 mois suivants. M. Peschisolido a déposé pour la dernière fois au printemps 2017 une déclaration de pratique et un rapport de fiducie pour l'année civile précédente auprès du Barreau, ainsi qu'un rapport annuel auprès du Registre des sociétés. Il n'a pas déposé de tels rapports pour les années subséquentes. Puis, le 17 juillet 2017, M. Peschisolido a de nouveau changé l'adresse de sa société, mais uniquement auprès du Barreau, pas auprès du Registre des sociétés. À l'entrevue, M. Peschisolido a expliqué qu'il ne l'avait pas fait intentionnellement, que ce n'était qu'un oubli de sa part.
À la fin de 2017, M. Peschisolido a omis de payer sa cotisation au Barreau avant la date limite. Le 17 janvier 2018, on l'a informé que son adhésion avait été résiliée et qu'il devait soit liquider sa société, soit en changer la dénomination, soit réactiver son statut de praticien. M. Peschisolido a d'abord soumis une demande de réactivation, mais il l'a retirée le 5 avril 2018. Le mois suivant, le Barreau a contacté M. Peschisolido afin de l'informer des mesures à prendre pour fermer son cabinet.
Étant donné qu'il ne pouvait se charger lui-même de fermer le reste des dossiers, M. Peschisolido a choisi de retenir les services d'un avocat pour liquider son cabinet en son nom. Il a conclu une entente avec un premier avocat le 15 mai 2018, puis avec un autre le 17 décembre 2018. Étant donné que la liquidation du cabinet n'était toujours pas terminée en mars 2019, le Barreau a demandé une ordonnance de la cour pour être nommé gardien du cabinet de M. Peschisolido. La Cour suprême de la Colombie-Britannique a rendu l'ordonnance le 1er avril 2019.
Au début de 2019, M. Peschisolido a annulé les comptes de TVP et de TPS pour la Peschisolido Law Corporation auprès du ministère des Finances de la Colombie-Britannique et de l'Agence du revenu du Canada, qui ont confirmé les fermetures le 11 avril et le 26 avril 2019 respectivement.
Dissolution administrative de la Peschisolido Law Corporation
Le 11 mai 2018, le Registre des sociétés a envoyé une lettre à M. Peschisolido pour l'aviser qu'étant donné la révocation de son permis par le Barreau, il devait changer la dénomination de sa société pour en supprimer le mot « law », et ce avant le 11 juillet 2018. Comme aucun changement de dénomination n'a été déposé par la suite, le Registre des sociétés a envoyé une autre lettre le 23 août 2018 pour donner un préavis d'un mois de la publication d'un avis d'intention de dissoudre la société.
Le Registre des sociétés a publié un avis d'intention de dissoudre la société le 4 octobre 2018. Le Registre des sociétés a par la suite dissous la Peschisolido Law Corporation le 26 novembre 2018 et publié un avis en ce sens le 29 novembre 2018.
Les lettres envoyées par le Registre des sociétés en mai et en août 2018 ont été envoyées à l'adresse inscrite au Registre pour la société. M. Peschisolido a affirmé dans son témoignage et ses représentations écrites que, comme il ne faisait plus suivre de courrier à cette adresse à ce moment‑là, il n'avait jamais reçu ces lettres et qu'il n'en avait obtenu une copie que lorsqu'il avait communiqué avec le Registre des sociétés en août 2019 afin de réunir les documents que je lui avais demandé de fournir pour la présente enquête.
Changement de l'état matrimonial
Dans les représentations écrites qu'il a soumises en août 2019, M. Peschisolido a fourni une déclaration complète concernant sa conjointe et m'a informé qu'il l'avait épousée un an plus tôt, en juillet 2018. Il m'a donné la date exacte – le 7 juillet 2018 – à l'entrevue.
M. Peschisolido reconnaît que, au moment de l'examen annuel complété le 11 décembre 2018, il a omis de fournir une déclaration précise concernant les intérêts personnels qu'il n'avait plus dans la Peschisolido Law Corporation après la dissolution administrative de celle‑ci le 26 novembre 2018, et de déposer une déclaration faisant état d'un changement important dans les 60 jours suivant le changement.
Selon M. Peschisolido, l'omission était survenue par inadvertance et provenait d'une erreur due au fait qu'il n'avait pas tenu à jour l'adresse de sa société auprès du Registre des sociétés de la Colombie-Britannique et, par conséquent, qu'il n'avait pas reçu les lettres du 11 mai et du 23 août 2018 concernant le statut de sa société et le changement obligatoire de dénomination. Il n'était donc pas au courant de la dissolution lorsqu'elle s'est produite et ne l'a apprise que lorsque je l'ai avisé de la demande de M. Kent en vertu du Code le 20 juin 2019.
M. Peschisolido a également expliqué au cours de son entrevue qu'il ne considérait pas le prêt d'actionnaire qu'il avait consenti à sa société comme un élément d'actif parce que toute somme qu'il récupérait de la société à titre de remboursement partiel de ce prêt était de l'argent qu'il y avait lui‑même investi au départ. Il a également expliqué que, même s'il s'agissait de son point de vue à l'époque, il reconnaissait maintenant que cette interprétation était peut-être erronée et que le prêt avait en fait une valeur réelle pour lui.
Lorsque j'ai demandé à M. Peschisolido pendant l'entrevue pourquoi il n'avait pas signalé au Commissariat qu'il avait contracté un élément de passif alors qu'il avait convenu de rembourser le solde dû sur le compte général de la Peschisolido Law Corporation, il m'a expliqué qu'il avait présumé qu'il n'était pas tenu de le faire parce qu'il ne considérait pas que l'élément de passif de la société était le sien. M. Peschisolido a ajouté que cette interprétation était erronée.
En ce qui concerne son changement d'état matrimonial en juillet 2018, M. Peschisolido a expliqué qu'il n'avait jamais pensé à en informer le Commissariat, que ce soit après le mariage ou lorsqu'il a communiqué avec le Commissariat dans le cadre de son examen annuel en décembre 2018.
Au cours de l'entrevue, M. Peschisolido a reconnu qu'il ne s'était pas acquitté de ses obligations de déclaration comme il l'aurait dû, et qu'il n'a porté son attention sur ces questions qu'après avoir appris qu'il ferait l'objet d'une enquête en vertu du Code. Il s'est également excusé et a dit regretter de ne pas avoir pris ses obligations aux termes du Code suffisamment au sérieux.
L'objectif de l'enquête était de déterminer si M. Peschisolido, alors qu'il était député de Steveston–Richmond-Est, a contrevenu aux paragraphes 20(1) et 21(3) du Code en omettant de déposer des déclarations complètes de ses intérêts personnels et celles faisant état des changements importants aux renseignements contenus dans sa déclaration dans les 60 jours suivant ces changements.
Règles de déclaration prévues dans le Code
Le Code repose avant tout sur deux grands moyens pour éviter que les députées et députés se retrouvent en situation de conflit d'intérêts. La première réside dans un ensemble de règles de déontologie relatives à des questions comme l'exercice des fonctions parlementaires, l'usage d'influence et l'acceptation de cadeaux ou autres avantages. La seconde est un régime strict de déclaration des intérêts personnels. La déclaration de la députée ou du député est essentielle pour orienter les conseils du Commissariat sur les mesures qui doivent être prises pour éviter les conflits d'intérêts. De plus, elle s'inscrit directement dans les grands objectifs du Code : préserver et accroître la confiance du public dans l'intégrité des députées et députés, montrer au public que les députées et députés doivent respecter des normes qui font passer l'intérêt public avant leurs intérêts personnels, et établir un mécanisme transparent permettant au public de juger qu'il en est ainsi.
Suivant le paragraphe 20(1) du Code, la députée ou le député dépose une déclaration confidentielle complète de ses intérêts personnels auprès de la ou du commissaire dans les 60 jours qui suivent son élection. La députée ou le député doit également fournir au Commissariat ces mêmes renseignements pour les membres de sa famille, qui comprennent, aux termes du paragraphe 3(4), sa conjointe ou son conjoint. De plus, la déclaration fait l'objet d'un examen annuel. Voici le libellé du paragraphe 20(1) :
20. (1) Le député dépose auprès du commissaire une déclaration complète de ses intérêts personnels et des intérêts personnels des membres de sa famille :
(i) dans les soixante jours qui suivent l'annonce de son élection dans la Gazette du Canada;
(ii) dans les soixante jours qui suivent la date fixée par le commissaire pour l'examen annuel.
Le paragraphe 21(1) dresse la liste des intérêts personnels à déclarer à la ou au commissaire, notamment les éléments d'actif ou de passif dont la valeur dépasse 10 000 $ et les postes de dirigeante ou dirigeant ou d'administratrice ou administrateur occupés au sein d'une personne morale. Voici un extrait du paragraphe 21(1) :
21. (1) La déclaration contient les renseignements suivants :
a) les éléments d'actif et de passif du député et des membres de sa famille, ainsi que la valeur de ces éléments qui;
(i) dans le cas d'un solde de carte de crédit, dépasse 10 000 $ et est en souffrance depuis plus de six mois;
(ii) dans tout autre cas, dépasse 10 000 $;
[…]
e) les postes de dirigeant ou d'administrateur que le député ou un membre de sa famille occupe au sein d'une personne morale, d'une association commerciale ou professionnelle et d'un syndicat, ainsi que les noms des sociétés de personnes dont le député ou un membre de sa famille est un associé;
[…]
Après avoir reçu la déclaration complète de la députée ou du député, le Commissariat examine les renseignements communiqués et prépare un sommaire contenant une partie de ces renseignements, conformément au Code. Une fois que la députée ou le député a revu et signé son sommaire, celui-ci est publié dans le registre en ligne, sur le site Web du Commissariat, auquel le public a accès.
Pour s'assurer que la ou le commissaire dispose de renseignements à jour concernant les intérêts personnels de chaque députée et député, le paragraphe 21(3) du Code exige que le Commissariat soit avisé de tout changement important dans les renseignements fournis, et ce dans les 60 jours qui suivent le changement. Le paragraphe 21(3) est rédigé comme suit :
21. (3) Le député dépose une déclaration faisant état de tout changement important apporté aux renseignements contenus dans la déclaration, dans les soixante jours suivant le changement.
Un changement concernant les renseignements devant figurer dans le sommaire public de la députée ou du député est toujours considéré comme « important ». Par exemple, un nouveau revenu supérieur à 10 000 $, l'acquisition d'un élément d'actif ou de passif dont la valeur dépasse 10 000 $, ou la réduction de la valeur d'un élément d'actif ou de passif qui le fait passer sous le seuil de 10 000 $ sont tous des changements importants qui doivent faire l'objet d'une déclaration. Étant donné que, lorsqu'un tel changement se produit, le sommaire de la députée ou du député n'est plus exact, selon le Code, la ou le commissaire doit également inclure la déclaration de changement dans le sommaire afin de rétablir l'exactitude des renseignements disponibles au public.
Déclaration d'un élément d'actif : prêt d'actionnaire de M. Peschisolido
Selon la preuve, les dépenses engagées par la Peschisolido Law Corporation excédaient les revenus et le cabinet fonctionnait à perte depuis déjà quelques années lorsque M. Peschisolido est devenu député. M. Peschisolido avait compensé une partie de ces pertes par des injections successives de capital, qui ont fini par totaliser un prêt d'actionnaire considérable.
Ce prêt constituait certes un élément de passif pour la société, mais il s'agissait d'un élément d'actif pour M. Peschisolido. De temps à autre, lorsque les revenus de la société le permettaient, il retirait des sommes du compte général de la Peschisolido Law Corporation en guise de remboursements partiels du prêt. Selon la preuve, à l'époque où M. Peschisolido a déposé sa déclaration initiale auprès du Commissariat, le montant qui lui était dû en vertu du prêt d'actionnaire était supérieur à 10 000 $. Par conséquent, il aurait dû déclarer cet élément d'actif aux termes du Code.
Conclusion
Pour ces motifs, je conclus que M. Peschisolido a contrevenu au paragraphe 20(1) du Code en omettant de déclarer pleinement ses intérêts personnels en ce qui concerne un élément d'actif dont la valeur dépassait 10 000 $, c'est-à-dire un prêt d'actionnaire, au moment de sa déclaration initiale, finalisée en juillet 2016, et au moment des examens annuels subséquents, complétés le 25 août 2017 et le 11 décembre 2018.
Déclaration d'un élément de passif : garantie personnelle d'une dette de M. Peschisolido
À la fin de 2016, M. Peschisolido avait décidé de liquider son cabinet d'avocats et avait pris des mesures en ce sens. Les dossiers actifs avaient été repris par d'autres avocats plus tôt dans l'année et il avait convenu avec la banque, le 22 novembre 2016, qu'étant donné que le cabinet n'était plus en activité, le solde dû sur son compte général devrait être remboursé.
Du moment où il s'est porté garant de la dette de son cabinet, M. Peschisolido est devenu personnellement responsable du remboursement de l'argent dû à la banque. Il a donc assumé un élément de passif qu'il n'avait pas auparavant. La preuve fournie par M. Peschisolido a démontré que le montant de cet élément de passif dépassait 10 000 $.
M. Peschisolido avait 60 jours à compter du 22 novembre 2016 pour déposer une déclaration faisant état de ce changement important, ce qu'il a omis de faire. Il a aussi eu la possibilité de le déclarer aux deux examens annuels subséquents, au cours desquels il a simplement déclaré qu'il n'y avait pas de changement à sa déclaration antérieure.
Conclusion
Je conclus que M. Peschisolido a contrevenu aux paragraphes 21(3) et 20(1) du Code en ce qui concerne un nouvel élément de passif dont la valeur dépassait 10 000 $ en omettant de déposer une déclaration faisant état d'un changement important dans les 60 jours suivant le changement, qui s'est produit le 22 novembre 2016, et en omettant de déclarer cet élément de passif aux deux examens annuels subséquents, complétés le 25 août 2017 et le 11 décembre 2018.
Déclaration d'un changement d'état matrimonial : mariage de M. Peschisolido
Lorsqu'ils préparent leur déclaration pour le Commissariat, les députées et députés doivent s'efforcer de fournir le même type de renseignements sur les intérêts personnels des membres de leur famille que sur leurs propres intérêts. Par conséquent, un changement de l'état matrimonial d'une députée ou d'un député entraîne nécessairement des changements aux renseignements contenus dans la déclaration déposée suivant le paragraphe 20(1) du Code, à savoir l'ajout ou le retrait de renseignements. Un changement d'état matrimonial constitue donc un changement important au sens du paragraphe 21(3), qui doit faire l'objet d'une déclaration déposée auprès du Commissariat dans les 60 jours suivant le changement.
M. Peschisolido a omis d'aviser le Commissariat de son nouvel état matrimonial dans les 60 jours qui ont suivi le mariage, le 7 juillet 2018, ainsi qu'à l'examen annuel subséquent, complété le 11 décembre 2018. Il a fourni les renseignements et le formulaire de déclaration concernant son épouse le 27 août 2019, dans le cadre de ses représentations écrites aux fins de la présente enquête.
Conclusion
Je conclus que M. Peschisolido a contrevenu aux paragraphes 21(3) et 20(1) du Code en ce qui concerne son changement d'état matrimonial s'étant produit le 7 juillet 2018 en omettant de déposer une déclaration faisant état de ce changement important dans les 60 jours suivant le changement et en omettant de déposer une déclaration complète des intérêts personnels des membres de sa famille, notamment de sa conjointe, au moment de l'examen annuel complété le 11 décembre 2018.
Déclaration de changements à d'autres intérêts personnels : le statut de la Peschisolido Law Corporation
Dans sa demande d'enquête en vertu du Code, M. Kent alléguait que M. Peschisolido aurait omis de déposer une déclaration faisant état d'un changement important concernant son cabinet d'avocats. Cette allégation reposait sur des informations contradictoires de nature publique : d'un côté, les médias rapportaient que le Barreau de la Colombie-Britannique avait repris le cabinet de M. Peschisolido et que ce dernier n'était plus membre du Barreau tandis que, de l'autre côté, selon le sommaire du député consigné au registre public du Commissariat, il était toujours l'unique actionnaire, administrateur, président et secrétaire de la société.
Au cours de l'enquête, j'ai appris qu'après que M. Peschisolido avait cessé de pratiquer le droit en 2015, la Peschisolido Law Corporation a continué d'avoir des dossiers ouverts, même si aucune activité ne semble avoir été menée sur ces dossiers après novembre 2016. M. Peschisolido, ayant perdu sa capacité de pratiquer le droit, a décidé en mai 2018 d'engager un avocat pour fermer les dossiers restants et prendre les mesures nécessaires à l'égard des fonds qui se trouvaient encore dans le compte de fiducie de la société.
La liquidation du cabinet de M. Peschisolido était toujours en cours lorsque le Registre des sociétés de la Colombie-Britannique a procédé à la dissolution administrative de la Peschisolido Law Corporation, le 26 novembre 2018. À partir de ce moment, M. Peschisolido n'était plus administrateur, président, ni secrétaire de la société.
M. Peschisolido affirmait que son omission de déclarer ce changement au Commissariat, soit au moment de son examen annuel, qu'il a complété deux semaines plus tard, soit en déposant une déclaration de changement important, même après le délai de 60 jours pour le faire, était involontaire et s'est produite parce qu'il n'était pas au courant de la dissolution de son cabinet puisqu'il n'avait pas reçu les deux lettres à ce sujet envoyées par le Registre des sociétés.
Il se peut effectivement que M. Peschisolido n'ait pas su quand exactement sa société a été dissoute, mais je remarque qu'en janvier 2018, il lui a été clairement indiqué dans des communications avec le Barreau que la dissolution aurait lieu s'il ne prenait pas de mesures pour l'empêcher. Il n'a pas non plus déposé de rapport annuel auprès du Registre des sociétés cette année‑là. Au moment de son examen annuel, M. Peschisolido avait toutes les raisons de s'enquérir du statut de sa société afin de s'assurer de fournir un état complet et exact de ses intérêts personnels conformément à l'article 20 du Code. Toutefois, il a admis à l'entrevue qu'il n'avait pris aucune mesure délibérée pour vérifier l'exactitude des renseignements fournis au Commissariat.
Je remarque également que M. Peschisolido a fermé les comptes de TVP et de TPS de la Peschisolido Law Corporation au printemps 2019. De plus, à ce moment-là, il n'a pas déposé de rapport annuel auprès du Registre des sociétés, et ce pour la deuxième année consécutive, ce qui, selon la loi provinciale sur les sociétés par actions, la
Business Corporations Act, aurait également mené à la dissolution de sa société. Ainsi, dans les mois qui ont suivi son examen annuel de décembre 2018, M. Peschisolido aurait dû de nouveau être porté à se renseigner sur le statut de son cabinet afin de s'assurer que sa déclaration auprès du Commissariat était à jour.
Conclusion
Je conclus que M. Peschisolido a contrevenu aux paragraphes 20(1) et 21(3) du Code en ce qui concerne les intérêts qu'il ne détenait plus dans la Peschisolido Law Corporation à la suite de sa dissolution le 26 novembre 2018 en omettant de déposer une déclaration exacte de ses intérêts personnels au moment de son examen annuel complété le 11 décembre 2018, et en omettant de déposer une déclaration faisant état d'un changement important dans les 60 jours suivant ce changement.
Observations
Au cours de son témoignage, M. Peschisolido a expliqué qu'en se concentrant sur ses fonctions parlementaires, il avait négligé les questions relatives à son cabinet, ce qui l'avait amené à omettre certaines déclarations. Cela m'incite à souligner que le respect de toutes les obligations prévues dans le Code, y compris celles concernant la déclaration, fait partie intégrante du rôle des députées et députés.
Selon le Code, il incombe aux députées et députés de prendre les mesures nécessaires pour déposer auprès du Commissariat une déclaration complète et exacte de leurs intérêts personnels dans le délai prescrit. Il s'agit d'une obligation permanente : elle s'applique non seulement au moment du processus de conformité initiale et des examens annuels subséquents, mais aussi dans les périodes intermédiaires, lorsque des changements importants surviennent et affectent les renseignements contenus dans la déclaration des députées et députés.
Comme l'a révélé la présente enquête, M. Peschisolido a omis de façon chronique de prendre des mesures raisonnables pour éviter de manquer à ses obligations de déclaration prévues dans le Code. Il a continuellement omis de respecter une série d'obligations de déclaration à l'égard de trois questions dont il était pleinement conscient – son prêt d'actionnaire, la dette de son cabinet envers la banque et son état matrimonial – et d'une quatrième question dont il a eu amplement l'occasion de se rendre compte – le changement de statut de son cabinet. Je veux bien convenir que la non-conformité de M. Peschisolido a été involontaire, mais je rejette la notion selon laquelle elle serait survenue, même en partie, par inadvertance ou à la suite d'une erreur de jugement commise de bonne foi.
Si je conclus qu'une députée ou un député a contrevenu au Code en l'absence de circonstances atténuantes, comme c'est le cas dans la présente enquête, je peux recommander à la Chambre d'imposer une sanction à la députée contrevenante ou au député contrevenant. Toutefois, dans le cas présent, étant donné que M. Peschisolido n'est plus député et n'est donc plus assujetti aux règles qui régissent les députées et députés, une telle recommandation ne servirait aucun objectif.