PRéFACE
La Loi sur les conflits d'intérêts, L.C. 2006, ch.9, art. 2 (la Loi) est entrée en vigueur le 9 juillet 2007.
Une étude en vertu de la Loi peut être amorcée à la demande d'un parlementaire, conformément au paragraphe 44(1), ou par la commissaire aux conflits d'intérêts et à l'éthique elle-même, conformément au paragraphe 45(1) de la Loi.
En vertu du paragraphe 44(3) de la Loi, la commissaire doit examiner la question, sauf si elle juge la demande futile, vexatoire ou entachée de mauvaise foi. Par ailleurs, en vertu du paragraphe 44(7), elle doit remettre au premier ministre un rapport énonçant les faits, son analyse de la question et ses conclusions à la suite de l'étude. Le paragraphe 44(8) prévoit que la commissaire doit en même temps remettre un double du rapport à l'auteur de la demande ainsi qu'au titulaire ou à l'ex-titulaire de charge publique visé, et rendre le rapport accessible au public.
Le présent rapport énonce les constatations faites lors de mon étude menée en vertu de la Loi sur les conflits d'intérêts (la Loi) sur la conduite de l'honorable Christian Paradis en 2009, alors qu'il était ministre des Travaux publics et des Services gouvernementaux et ministre régional pour la province de Québec.
J'ai reçu une demande d'étude visant la conduite de M. Paradis après la publication d'articles en mars 2012 selon lesquels il avait passé une fin de semaine au camp de chasse de M. Marcel Aubut en octobre 2009. M. Aubut y était nommé comme ancien propriétaire des Nordiques de Québec, une ancienne équipe de la Ligue nationale de hockey, et l'actuel président du Comité olympique canadien.
On rapportait qu'à l'époque du séjour de chasse, M. Aubut faisait du lobbying auprès du gouvernement fédéral en vue d'obtenir des fonds pour un amphithéâtre à Québec, alors que la ville de Québec cherchait à obtenir une nouvelle équipe de hockey professionnel depuis quelques années. On rapportait également que M. Aubut avait abordé la question du financement avec M. Paradis pendant son séjour au camp de chasse.
Dans le cadre de mon étude, j'ai cherché à déterminer si M. Paradis avait contrevenu à l'article 5 de la Loi en négligeant de gérer ses affaires personnelles de manière à éviter de se trouver en situation de conflit d'intérêts, lorsqu'il a accepté l'invitation de M. Aubut. J'ai aussi cherché à déterminer si M. Paradis avait contrevenu à l'article 11 en acceptant un cadeau ou un autre avantage qui pouvait raisonnablement donner à penser qu'il avait été donné pour l'influencer dans l'exercice de ses fonctions officielles.
Mon étude a révélé qu'à l'été et à l'automne 2009, à l'époque où M. Aubut a invité M. Paradis à son camp de chasse et/ou M. Paradis y a séjourné, il était question, dans l'arène publique, de l'éventuelle construction d'un nouvel amphithéâtre à Québec. Il semblait que M. Aubut participait aux efforts en vue de la construction d'un nouvel amphithéâtre à Québec et visant à y ramener une équipe de la Ligue nationale de hockey.
Cependant, je n'ai rien trouvé indiquant que M. Aubut faisait du lobbying auprès du gouvernement fédéral ou cherchait à obtenir des fonds du fédéral pour un éventuel amphithéâtre à Québec ni au moment où il a invité M. Paradis, ni au moment où s'est tenu le séjour de chasse. En outre, aucun rôle à venir n'avait été défini pour le gouvernement fédéral à l'égard de la construction possible d'un nouvel amphithéâtre à Québec et tout rôle que pouvait éventuellement jouer le gouvernement fédéral dans l'affaire n'était au mieux que spéculatif à ce moment-là. Je n'ai rien trouvé indiquant que le gouvernement fédéral était engagé dans un processus décisionnel officiel ou qu'il participait à des discussions ou à des négociations avec des promoteurs privés ou d'autres ordres gouvernementaux au Québec. M. Paradis n'avait pas de rôle relativement à la possibilité que l'on construise un nouvel amphithéâtre, ni au moment où il a accepté l'invitation de M. Aubut, ni au moment où il a séjourné à son camp de chasse.
Les éléments de preuve démontrent que la participation de M. Paradis à ce séjour de chasse était de nature personnelle plutôt que professionnelle, et qu'elle résultait d'un intérêt pour la chasse qu'il avait en commun avec M. Aubut et une connaissance commune qui participait régulièrement aux séjours de chasse de M. Aubut.
Les éléments de preuve ont aussi démontré que la question d'un nouvel amphithéâtre à Québec avait été soulevée brièvement et en termes généraux au cours du séjour de chasse, quoiqu'il n'était pas clair si c'était M. Aubut ou un autre chasseur qui l'avait soulevée. M. Paradis m'a confié qu'il avait simplement dit qu'il reviendrait à sa collègue, l'honorable Josée Verner, qui était la ministre régionale représentant la ville de Québec, d'étudier une éventuelle demande de financement fédéral. Je n'ai rien trouvé laissant entendre qu'il y ait eu d'autres discussions à ce sujet.
L'article 5 de la Loi oblige le titulaire de charge publique à gérer ses affaires personnelles de manière à éviter tout conflit d'intérêts actuel et, à sa connaissance, tout conflit d'intérêts prévisible dans l'avenir. M. Paradis n'avait pas de fonction ou de pouvoir officiel actuels ou prévisibles à exercer relativement à la possibilité que l'on construise un amphithéâtre au cours de la période couverte par la présente étude.
En ce qui concerne l'article 11, j'ai conclu que l'invitation à séjourner au camp de chasse de M. Aubut constituait un cadeau ou un autre avantage donné à M. Paradis. Les soupçons qu'a suscités l'acceptation de l'invitation démontrent le pouvoir de la perception et font valoir le haut degré d'attention que doivent accorder les titulaires de charge publique à leurs décisions d'accepter de telles invitations de la part d'individus autres que leurs amis ou parents. Cependant, j'ai estimé que le lien entre cette invitation et la possibilité que M. Paradis puisse avoir un rôle à jouer dans une éventuelle décision du gouvernement fédéral d'accorder ou non des fonds à la construction d'un nouvel amphithéâtre à Québec était trop faible pour conclure que l'accès au camp de chasse pourrait raisonnablement donner à penser qu'il avait été offert pour influencer M. Paradis.
Pour toutes ces raisons, j'ai conclu que M. Paradis n'avait pas manqué aux obligations imposées par les articles 5 ou 11 en acceptant l'invitation de M. Aubut et en séjournant à son camp de chasse en octobre 2009.
Le 27 mars 2012, M. Marc Garneau, député de Westmount–Ville-Marie, et M. Scott Andrews, député d'Avalon, m'ont envoyé une lettre commune dans laquelle ils exprimaient leurs préoccupations au sujet de la conduite de l'honorable Christian Paradis en 2009, alors qu'il était ministre des Travaux publics et des Services gouvernementaux, ministre régional pour la province de Québec et député de Mégantic–L'Érable.
Dans leur lettre, ils ont évoqué un article de CTVNews.ca daté du 26 mars 2012, relatant qu'en 2009, M. Paradis avait séjourné dans un camp de chasse appartenant à M. Marcel Aubut, président du Comité olympique canadien et ancien propriétaire des Nordiques de Québec, une franchise de la Ligue nationale de hockey. Selon l'article, M. Aubut faisait du lobbying auprès du gouvernement fédéral à l'époque, car il sollicitait des fonds pour un amphithéâtre de 400 millions de dollars à Québec.
L'article rappelait qu'on essayait depuis quelques années de ramener une équipe de hockey professionnel à Québec et que la ville tentait de vendre l'idée d'y installer une nouvelle équipe de hockey professionnel depuis quelques années.
L'article énonçait aussi que le cabinet de M. Paradis avait confirmé qu'il avait passé deux nuits au camp de chasse, mais qu'il avait apporté son propre équipement et sa propre nourriture.
Le 27 mars 2012, le jour où j'ai reçu la demande commune de MM. Garneau et Andrews, le Globe and Mail a publié un article en ligne sur ce séjour de chasse. L'article indiquait que, selon un fonctionnaire fédéral, M. Aubut, qui était le président du Comité olympique canadien, « avait brièvement tenté de vendre l'idée d'une participation fédérale à la construction d'un nouvel amphithéâtre à Québec » [traduction] auprès de M. Paradis pendant un séjour de chasse à l'automne 2009. Selon l'article, une porte-parole de M. Paradis avait déclaré que M. Paradis n'avait pas participé aux discussions sur la question avec M. Aubut, mais qu'il l'avait plutôt dirigé vers l'honorable Josée Verner, qui était la ministre régionale représentant la ville de Québec à l'époque.
Messieurs Garneau et Andrews ont écrit qu'à leur avis, M. Paradis avait peut‑être contrevenu à la Loi sur les conflits d'intérêts (la Loi) et au Code régissant les conflits d'intérêts des députés (le Code). Ils ont cité les articles 4, 5, 7 et 11 ainsi que le paragraphe 6(1) de la Loi, et les articles 9 et 14 du Code.
L'article 4 de la Loi décrit les situations dans lesquelles un titulaire de charge publique est considéré comme étant en conflit d'intérêts. L'article 5 impose au titulaire de charge publique l'obligation générale de gérer ses affaires personnelles de manière à éviter de se trouver en situation de conflit d'intérêts, tandis que le paragraphe 6(1) lui interdit de participer à la prise d'une décision pouvant le placer en situation de conflit d'intérêts. L'article 7 interdit au titulaire de charge publique d'accorder un traitement de faveur à une personne ou à une organisation en fonction d'une autre personne ou organisation les représentant. Quant à l'article 11, il interdit au titulaire de charge publique d'accepter des cadeaux ou d'autres avantages dont on pourrait raisonnablement penser qu'ils sont offerts pour l'influencer dans l'exercice de ses fonctions officielles.
Enfin, en ce qui concerne le Code, l'article 9 interdit au député de se prévaloir de sa charge pour influencer la décision d'une autre personne de manière à favoriser certains intérêts personnels. L'article 14 du Code interdit au député d'accepter des cadeaux ou d'autres avantages dont on pourrait raisonnablement penser qu'ils sont offerts pour l'influencer.
J'ai estimé que MM. Garneau et Andrews avaient réussi à énoncer leurs motifs raisonnables de croire que M. Paradis avait contrevenu aux articles 5 et 11 de la Loi sur les conflits d'intérêts (la Loi). J'ai donc considéré que leur lettre constituait une demande valide d'étude en vertu de l'article 44 de la Loi.
Bien que l'article 4 définisse les situations dans lesquelles un titulaire de charge publique se trouve en conflit d'intérêts, il n'énonce aucune règle spécifique de conduite. La lettre n'évoquait aucun processus de décision qui aurait pu placer M. Paradis en conflit d'intérêts relativement au paragraphe 6(1). En ce qui concerne l'article 7, la lettre ne donnait aucun élément appuyant l'allégation selon laquelle M. Paradis aurait pu accorder un traitement de faveur à M. Aubut.
Les allégations exprimées dans la demande semblaient toucher uniquement au rôle ministériel de M. Paradis, et non à son rôle de député de Mégantic–L'Érable. Je n'ai donc pas entrepris d'enquête en vertu du Code régissant les conflits d'intérêts des députés (le Code).
Le 10 avril 2012, j'ai écrit à M. Paradis pour l'informer que j'entamais une étude en vertu de la Loi pour répondre à la demande que j'avais reçue de MM. Garneau et Andrews. Je lui ai fait parvenir une copie de cette demande et lui ai indiqué que les dispositions pertinentes de la Loi semblaient être les articles 5 et 11. Je lui ai demandé de répondre aux allégations par écrit et de me soumettre tout autre document pouvant servir à mon étude au plus tard le 7 mai 2012. Dans ma lettre, j'ai aussi avisé M. Paradis que je n'entreprenais pas d'enquête en vertu du Code.
Le 11 avril 2012, j'ai écrit à MM. Garneau et Andrews pour les informer que leur demande satisfaisait aux exigences du paragraphe 44(2) de la Loi en ce qui concernait leurs allégations selon lesquelles M. Paradis avait peut-être contrevenu aux articles 5 ou 11. Je leur ai fait savoir que j'avais commencé une étude en vertu du paragraphe 44(3). Je les ai également avisés que je n'entreprenais pas d'enquête en vertu du Code.
Le 7 mai 2012, j'ai reçu une lettre de M. Paradis, de même que des arguments juridiques de son avocat, Me Paul Lepsoe, en réponse aux allégations déposées par MM. Garneau et Andrews. Me Lepsoe a présenté d'autres arguments, par écrit et verbalement, le 18 juin 2013 ainsi que les 4, 5 et 11 juillet 2013.
Habituellement, je mène une première entrevue avec la personne faisant l'objet d'une étude ou d'une enquête dès le début du processus de recherche des faits, puis une autre vers la fin de ce processus. Toutefois, dans ce cas, étant donné que M. Paradis avait déposé au Commissariat des observations initiales détaillées au début de mon étude, M. Paradis a convenu que sa première entrevue pouvait très bien se tenir plus tard au cours du processus de recherche des faits. Je l'ai interviewé deux fois : le 17 décembre 2012, puis le 7 juin 2013. Avant ses entrevues, M. Paradis a pu lire des extraits de transcriptions d'entrevues de plusieurs témoins et d'autres documents afférents.
Le Commissariat a interviewé six témoins. On trouvera leurs noms en annexe.
Conformément à la pratique que j'ai instaurée dans le cadre de mes études, j'ai donné à M. Paradis l'occasion de commenter une partie du brouillon du présent rapport avant qu'il ne soit finalisé, à savoir les sections intitulées La demande, Le processus, Les constatations de faits et La position de M. Paradis.
Le but de mon étude était de déterminer si M. Paradis avait contrevenu à la Loi sur les conflits d'intérêts (la Loi) en séjournant au camp de chasse de M. Aubut. En particulier, je devais déterminer si M. Paradis avait négligé de gérer ses affaires personnelles de manière à éviter de se trouver en conflit d'intérêts, ce qui est contraire à l'article 5, et s'il avait accepté un cadeau ou un autre avantage pouvant raisonnablement donner à penser qu'il avait été offert pour l'influencer dans l'exercice de ses fonctions officielles, ce qui est contraire à l'article 11.
Pour parvenir à ce but, je devais déterminer si M. Aubut sollicitait effectivement des fonds fédéraux pour un éventuel amphithéâtre à Québec et si M. Paradis avait, de façon officielle, un rôle ou des responsabilités quelconques à l'égard d'un tel projet au moment du séjour de chasse. Je devais aussi comprendre la nature de la relation entre MM. Paradis et Aubut ainsi que les circonstances dans lesquelles M. Paradis avait été invité à séjourner au camp de chasse, et savoir s'il avait été question, entre les deux, de financement fédéral pour un éventuel amphithéâtre.
Contexte
Un nouvel amphithéâtre à Québec
Les faits se rapportant au séjour de M. Paradis au camp de chasse de M. Aubut doivent être examinés dans le contexte des discussions publiques entourant la construction possible et le financement d'un nouvel amphithéâtre à Québec et de la participation de M. Aubut à ces discussions.
L'amphithéâtre actuel de la ville, le Colisée de Québec, a été construit en 1949 et a été rénové à plusieurs reprises depuis. Les Nordiques de Québec, équipe de la Ligue nationale de hockey, y ont joué de 1979 à 1995, année où ils ont déménagé au Colorado. L'idée de construire un nouvel amphithéâtre revenait périodiquement dans les discussions publiques depuis ce temps.
Dans les mois précédant les élections provinciales québécoises de 2008, qui ont eu lieu le 8 décembre, les trois principaux partis provinciaux du Québec avaient promis de contribuer au financement d'un nouvel amphithéâtre. Au début 2009, il y avait un groupe de citoyens, J'ai ma place, et une société privée, Consortium GB Inc., qui faisaient la promotion d'un nouvel amphithéâtre.
En août 2009, un article médiatique a rapporté que l'honorable Josée Verner, qui était à l'époque la ministre fédérale des Affaires intergouvernementales et la ministre régionale représentant la ville de Québec, avait exprimé son soutien personnel à l'égard de la construction d'un nouvel amphithéâtre et déclaré qu'elle en ferait la promotion. Toutefois, elle avait ajouté que le gouvernement fédéral n'avait pas de programmes pour investir dans les installations servant uniquement au sport professionnel. L'article énonçait aussi que Mme Verner pousserait le projet auprès de ses collègues à Ottawa afin que le gouvernement débloque des fonds pour un nouvel amphithéâtre.
Toujours en août, les médias ont rapporté qu'à l'invitation de M. Aubut, M. Bill Daly, commissaire adjoint de la Ligue nationale de hockey, avait passé des vacances de trois jours avec sa famille à Québec, au cours desquelles il avait logé chez M. Aubut. L'article laissait entendre que la visite de M. Daly alimenterait les spéculations sur un éventuel retour d'une équipe de hockey à Québec.
En septembre 2009, la ville de Québec a publié une analyse des coûts de construction d'un nouvel amphithéâtre.
La question de l'amphithéâtre a également été soulevée lors de la campagne électorale municipale de Québec, qui s'est déroulée du 18 septembre au 1er novembre 2009. Le samedi 10 octobre 2009, jour suivant l'arrivée de M. Paradis au camp de chasse, plusieurs médias québécois ont rapporté que M. Régis Labeaume, maire de Québec qui briguait alors de nouveau les suffrages, et M. Aubut avaient rencontré la veille M. Gary Bettman, commissaire de la Ligue nationale de hockey, à New York. L'auteur de l'article, même s'il donnait peu de détails sur la rencontre, spéculait que le projet de la construction d'un nouvel amphithéâtre était en préparation et faisait allusion au fait que les spéculations allaient bon train depuis un certain temps. Les médias avaient alors rapporté que M. Bettman avait récemment déclaré que le retour de la Ligue nationale de hockey à Québec serait lié à la construction d'un nouvel amphithéâtre.
Le 16 octobre 2009, une semaine après le séjour de chasse, M. Labeaume a présenté un projet de construction d'un amphithéâtre de 18 000 places d'une valeur de 400 millions de dollars dans le cadre de sa plateforme électorale à la mairie. Son projet comprenait une contribution fédérale de 175 millions de dollars. La presse rapportait que M. Labeaume était accompagné de M. Aubut lors de l'annonce.
En septembre 2010, près d'un an après le séjour de chasse, le gouvernement provincial a consenti à financer 45 % du coût du nouvel amphithéâtre. M. Labeaume, qui avait été réélu maire en 2009, a alors publiquement donné jusqu'au 31 décembre 2010 au gouvernement fédéral pour décider s'il allait accorder ou non des fonds à la construction d'un nouvel amphithéâtre. L'échéance est passée sans que le gouvernement fédéral ne s'engage à contribuer au projet.
Au début 2011, la ville de Québec et la province ont convenu de contribuer en parts égales à la construction du nouvel amphithéâtre. Il est maintenant en voie de construction et devrait être terminé en 2015.
Ce dont M. Paradis était au courant avant le séjour de chasse
Monsieur Paradis a dit au Commissariat qu'on parlait depuis plusieurs années de construire un nouvel amphithéâtre à Québec. Toutefois, au moment où il a reçu l'invitation et séjourné au camp de chasse de M. Aubut, rien n'avait été décidé au sujet de la construction de l'amphithéâtre.
Monsieur Paradis m'a confié qu'il n'était pas au courant de la déclaration publique faite par Mme Verner en août 2009, et a fait observer qu'elle exprimait son appui personnel et non celui du gouvernement fédéral. Il a déclaré qu'à l'été ou à l'automne 2009 avant le séjour de chasse, il n'avait parlé à personne de la construction d'un nouvel amphithéâtre à Québec, Mme Verner et M. Aubut y compris.
Monsieur Paradis m'a aussi dit qu'il n'était pas au courant de la visite familiale de M. Daly à Québec en août 2009, visite au cours de laquelle M. Daly avait séjourné chez M. Aubut.
Enfin, M. Paradis m'a expliqué que, quoiqu'il savait que M. Aubut était l'ancien propriétaire des Nordiques de Québec, il ne savait pas, au moment du séjour de chasse, que M. Aubut s'était rendu à New York avec M. Labeaume pour rencontrer le commissaire de la Ligue nationale de hockey. Le voyage de M. Aubut à New York avait été rapporté dans les médias le lendemain de l'arrivée de M. Paradis au camp de chasse de M. Aubut. MM. Aubut et Paradis m'ont tous les deux confié qu'ils n'avaient jamais discuté du voyage de M. Aubut à New York, ni avant, pendant ou après le séjour de chasse.
Allégations de lobbying
L'article paru en mars 2012 qui accompagnait la demande, publié près de trois ans après le séjour de chasse, alléguait que M. Aubut faisait du lobbying auprès du gouvernement fédéral à l'époque du séjour de chasse pour qu'il accorde des fonds au nouvel amphithéâtre. M. Aubut a déclaré, dans son témoignage, que ce n'était pas le cas.
Monsieur Aubut a déclaré au Commissariat qu'à titre d'ancien propriétaire des Nordiques de Québec, il a toujours défendu l'idée de construire un nouvel amphithéâtre à Québec et qu'il estime qu'on devrait le construire avec des fonds publics. Il a précisé qu'il a souvent exprimé cette opinion publiquement. Il a ajouté, toutefois, qu'il n'avait jamais été embauché pour faire du lobbying en vue d'obtenir des fonds du fédéral et qu'il n'en avait jamais fait. M. Paradis m'a dit que M. Aubut n'avait jamais exercé de pressions sur lui relativement à une aide financière du fédéral pour un amphithéâtre, ni abordé la question d'une telle aide avec lui.
Je n'ai rien trouvé donnant à penser que M. Aubut cherchait à obtenir des fonds du fédéral pour un éventuel amphithéâtre à Québec ni au préalable ni au moment du séjour de chasse.
Invitation de M. Aubut à M. Paradis
Monsieur Aubut a dit au Commissariat qu'il pense avoir rencontré M. Paradis lorsqu'ils pratiquaient tous les deux le droit, avant l'élection de M. Paradis, mais qu'il se rappelait lui avoir parlé la première fois en 2008, au hasard d'une rencontre sociale. Selon M. Aubut, à cette occasion, il a appris que M. Paradis, comme lui, était un grand amateur de chasse. M. Aubut a mentionné qu'il était propriétaire d'un camp de chasse et qu'il organisait un séjour annuel de chasse auquel prenaient part quelques amis et collègues. M. Aubut a lancé l'idée que M. Paradis se joigne à eux à un moment donné. M. Paradis se rappelait aussi cette conversation, qui s'est tenue, selon ce qu'il m'a dit, à un match de football.
Monsieur Aubut a déclaré au Commissariat que M. Paradis était une connaissance, mais qu'il ne le connaissait pas assez pour le considérer comme un ami à proprement parler. À part le séjour de chasse, il a dit qu'ils ne se fréquentaient pas. M. Paradis a dit qu'il croisait occasionnellement M. Aubut dans un contexte d'événements publics, y compris, par exemple, le Grand Prix de Montréal. Il a dit qu'il considérait M. Aubut comme une bonne connaissance plutôt que comme un ami.
Je n'ai rien trouvé dans le cadre de mon étude démontrant que MM. Paradis et Aubut étaient ou n'aient jamais été des amis au sens de la Loi.
Monsieur Paradis m'a dit que M. Aubut avait donné suite à leur conversation de 2008 environ un an plus tard. Il a dit que M. Aubut l'avait contacté en août 2009 pour l'inviter à se joindre au groupe qui irait au camp de chasse à l'automne. MM. Paradis et Aubut m'ont chacun dit que c'était M. Pierre Bellavance, un habitué des séjours de chasse annuels de M. Aubut, qui avait pris les dispositions nécessaires pour la participation de M. Paradis. M. Bellavance est associé dans le cabinet d'avocats de M. Aubut et un ami de la famille du beau-frère de M. Paradis. M. Bellavance a confirmé qu'il avait pris les dispositions nécessaires de concert avec M. Paradis pour la venue de ce dernier.
Le séjour de chasse s'est tenu la fin de semaine de l'Action de grâce du 10 octobre 2009.
Monsieur Aubut a déclaré au Commissariat que son invitation à M. Paradis n'avait aucun rapport avec une aide financière potentielle du fédéral pour un amphithéâtre à Québec. Il a précisé qu'il n'avait parlé ni à Mme Verner ni à M. Paradis, ni à personne d'autre, à ce moment‑là, de la possibilité d'une contribution fédérale. Il a dit qu'il avait invité M. Paradis parce qu'il avait appris que la chasse était pour lui une passion. Il a ajouté que son séjour de chasse se tient tous les ans à peu près au même moment, pendant la saison de la chasse à l'orignal, et qu'il commence habituellement à l'organiser quelques mois à l'avance.
Messieurs Paradis et Aubut ont tous les deux déclaré au Commissariat que M. Aubut avait averti M. Paradis qu'on ne parlerait pas affaires lors du séjour de chasse. M. Aubut m'a dit que son séjour de chasse annuel était pour lui l'une des rares occasions où il pouvait oublier ses activités professionnelles.
Le camp de chasse
Selon les descriptions faites par MM. Aubut, Paradis et Bellavance, le camp de chasse est situé dans un territoire de chasse exclusif de sept ou huit kilomètres carrés. Les installations sont confortables, mais rudimentaires. Les participants doivent obtenir leur propre permis de chasse et apporter leur literie ainsi que leur équipement de chasse. Ils dorment dans l'une des deux chambres de style-dortoir. On s'attend à ce que chacun apporte de la nourriture à partager. M. Paradis a confirmé qu'il s'y était rendu par ses propres moyens, qu'il avait apporté son propre équipement de chasse et son sac de couchage et qu'il avait apporté de la nourriture à partager. Il a dit qu'il avait aussi donné une bouteille de vin de très bonne qualité à M. Aubut.
Discussion au sujet du financement fédéral potentiel de l'amphithéâtre
Comme je l'ai mentionné plus haut, un article du Globe and Mail, publié le 27 mars 2012, a relaté que, pendant le séjour de chasse à l'automne 2009, M. Aubut avait « brièvement tenté de vendre l'idée d'une participation fédérale à la construction d'un nouvel amphithéâtre à Québec » [traduction] à M. Paradis. Une fois mis à jour et modifié, en date du 5 avril 2012, l'article relatait que M. Aubut avait « soulevé » [traduction] la question d'un nouvel amphithéâtre à Québec pendant le séjour de chasse et que des représentants du gouvernement avaient confirmé que M. Aubut avait entamé la discussion du projet d'amphithéâtre avec M. Paradis pendant le séjour de chasse.
Selon l'article mis à jour, bien que le contenu et la durée de la conversation étaient imprécis, une porte-parole de M. Paradis avait déclaré que le ministre avait coupé court à la discussion en invitant M. Aubut à soulever la question auprès de Mme Verner, qui était la ministre représentant la ville de Québec et la députée du Cabinet chargée du dossier. L'article mentionnait aussi que, selon MM. Paradis et Aubut, personne n'avait fait de lobbying pendant le séjour de chasse en vue d'obtenir des fonds du fédéral pour un nouvel amphithéâtre à Québec.
La porte-parole citée dans l'article du 5 avril 2012 était la directrice des communications de M. Paradis. Elle a déclaré au Commissariat qu'un journaliste du Globe and Mail lui avait demandé si M. Aubut avait soulevé la question d'une potentielle aide financière du fédéral pour un amphithéâtre à Québec. Elle a dit avoir consulté le chef de cabinet de M. Paradis, et peut-être M. Paradis lui-même, avant de confirmer auprès du journaliste que M. Aubut avait abordé le sujet lors du séjour de chasse et que M. Paradis l'avait dirigé vers Mme Verner, puisqu'elle était alors la ministre représentant la ville de Québec. Le chef de cabinet de M. Paradis m'a dit qu'il ne se rappelait pas s'il avait ou non discuté du séjour de chasse avec M. Paradis avant d'autoriser la directrice des communications à répondre au journaliste, mais qu'il ne pensait pas qu'il aurait confirmé l'information relative au séjour de chasse sans consulter d'abord M. Paradis.
Selon M. Paradis, les articles de presse rapportant qu'il avait parlé à M. Aubut d'un projet d'amphithéâtre à Québec étaient inexacts. Il a dit qu'à un moment donné durant le séjour, la conversation entre les chasseurs est tombée sur le hockey. M. Paradis a dit que l'un des chasseurs – il ne se rappelait pas s'il s'agissait de M. Aubut ou de quelqu'un d'autre – a demandé ce qui se passerait si on faisait une demande au gouvernement fédéral pour la construction d'un nouvel amphithéâtre. M. Paradis a dit avoir répondu qu'il n'en avait aucune idée et qu'il n'avait jamais entendu parler d'une telle demande. Il a ajouté qu'il y avait une ministre représentant la ville de Québec, faisant référence à Mme Josée Verner, et que ce serait à elle d'examiner la question. M. Paradis a décrit la conversation comme étant très générale, sans référence à une demande en particulier ou à des montants possibles de financement.
Monsieur Paradis m'a dit qu'il avait parlé à son chef de cabinet, en mars 2012, de la conversation qui avait eu lieu au camp de chasse, mais il a précisé qu'il n'avait pas confirmé que c'était M. Aubut qui avait soulevé la question d'une demande de financement fédéral. Il croyait que cela aurait pu être M. Aubut ou quelqu'un d'autre.
Je trouve que ces déclarations contradictoires sont préoccupantes, car elles soulèvent des questions quant à la fiabilité des témoignages de ces témoins.
Pour expliquer pourquoi un membre de son personnel avait confirmé aux médias que c'était M. Aubut qui avait abordé la question du financement fédéral pour la construction d'un amphithéâtre à Québec, M. Paradis a dit qu'on avait commencé à poser des questions au sujet du séjour de chasse au moment où le gouvernement s'apprêtait à déposer ses prévisions budgétaires de 2012, et que son cabinet était préoccupé par le budget. L'avocat de M. Paradis m'a dit que celui-ci avait été désigné porte-parole ministériel francophone pour les prévisions budgétaires qui allaient être déposées au moment où les articles médiatiques de mars 2012 ont été publiés. Les prévisions budgétaires ont été déposées deux jours après la première publication de l'article du Globe and Mail. Même avec cette explication, je trouve étrange qu'une directrice des communications ait commis une telle erreur.
Il ne serait pas surprenant d'apprendre qu'une telle conversation ait eu lieu, étant donné que M. Aubut venait d'avoir une rencontre à New York avec le commissaire de la Ligue nationale de hockey. Toutefois, le Commissariat a interrogé M. Aubut à deux occasions distinctes à ce sujet et celui-ci a catégoriquement maintenu qu'il n'avait ni abordé ce sujet durant le séjour de chasse, ni assisté à aucune discussion à ce sujet entre les autres participants au séjour.
Les témoignages contradictoires ne me permettent pas de déterminer qui, au camp de chasse, a soulevé la question du financement fédéral pour l'amphithéâtre. Cependant, comme je l'ai remarqué ci-dessus, je n'ai rien trouvé indiquant que M. Aubut faisait du lobbying auprès du gouvernement fédéral ou cherchait à obtenir des fonds du fédéral pour un éventuel amphithéâtre à Québec ni au moment où il a invité M. Paradis, ni au moment où s'est tenu le séjour de chasse. Quoi qu'il en soit, rien dans mon analyse ou ma conclusion ne se rattache à la détermination voulant savoir si c'était M. Aubut ou non qui avait soulevé la question.
Participation du gouvernement fédéral relativement à un éventuel amphithéâtre à Québec
Madame Verner a confirmé qu'en 2009, elle était la ministre régionale représentant la ville de Québec. Son profil officiel, sur le site Web du Parlement du Canada, confirme qu'elle a représenté la ville de Québec du 30 octobre 2008 au 17 mai 2011. Elle a expliqué que la question d'un nouvel amphithéâtre avait été portée à son attention pendant la campagne électorale municipale de Québec, qui s'est déroulée du 18 septembre au 1er novembre 2009. Elle se rappelait aussi avoir rencontré des représentants de J'ai ma place peu avant.
Madame Verner m'a dit qu'elle avait rencontré M. Aubut, mais pas avant juillet 2010. Elle a dit que c'était elle qui avait demandé à lui parler et qu'ils avaient discuté de sports au Québec en général, y compris d'un nouvel amphithéâtre à Québec.
En septembre 2010, près d'un an après le séjour de chasse, M. Labeaume, qui avait été réélu maire en 2009, a publiquement donné au gouvernement fédéral jusqu'au 31 décembre 2010 pour décider s'il allait contribuer à la construction d'un nouvel amphithéâtre. Le 8 septembre 2010, les députés conservateurs du Québec se sont réunis en caucus à Charlesbourg, près de Québec. Mme Verner a dit au Commissariat que M. Paradis y était. Il y a été question de l'amphithéâtre. L'un des députés avait apporté dans une boîte des chandails des Nordiques et plusieurs députés les ont revêtus pour une photo de groupe. M. Paradis ne figure pas à la photo, qui a été reprise dans de nombreux reportages des médias du pays.
Monsieur Paradis m'a confié qu'il lui était arrivé de répondre à des questions des médias au nom du gouvernement à ce sujet à partir d'environ un an après le séjour de chasse, mais uniquement lors d'apparitions publiques liées à d'autres dossiers.
Selon un article médiatique du 14 septembre 2010, M. Paradis a déclaré, en conférence de presse à Montréal, où il faisait des annonces gouvernementales sur les énergies propres, que le gouvernement fédéral n'allait pas contribuer à la construction d'un amphithéâtre à Québec qui servirait uniquement au hockey professionnel, ajoutant que le gouvernement serait toutefois plus enclin à y contribuer si l'installation devait aussi servir au sport amateur ou à des Jeux olympiques. Selon un autre article, daté du 11 janvier 2011, M. Paradis a dit que le secteur privé devrait être le principal bailleur de fonds de l'amphithéâtre de Québec. Le 27 mars 2011, on a cité M. Paradis comme précisant que la construction d'une infrastructure servant uniquement au sport professionnel n'était pas la « business » du gouvernement fédéral.
Dans les déclarations qu'il a faites, M. Paradis reprenait la position exprimée plus tôt par Mme Verner en août 2009, selon qui le gouvernement ne disposait pas de programmes pour financer la construction d'installations destinées uniquement au sport professionnel.
Monsieur Paradis a avancé qu'il n'avait jamais eu de rôle relativement à la question de la construction d'un nouvel amphithéâtre à Québec, à part répondre à l'occasion à des questions des journalistes, ce qu'il avait commencé à faire environ un an après le séjour de chasse, et qu'il n'avait jamais reçu de demande de financement fédéral de quiconque pour un amphithéâtre à Québec. Mme Verner a déclaré au Commissariat qu'à sa connaissance, M. Paradis n'avait pas touché à cette question. Je n'ai rien trouvé, dans le cadre de mon étude, donnant à penser que M. Paradis ait participé de façon active à cette affaire autrement qu'en agissant à titre de porte‑parole du gouvernement à quelques occasions, comme je l'ai indiqué plus haut.
Je n'ai rien trouvé, dans le cadre de mon étude, indiquant que le gouvernement fédéral était engagé, en 2009, dans un processus décisionnel ou des discussions ou négociations officielles avec des promoteurs privés ou d'autres ordres gouvernementaux au Québec relativement à la construction éventuelle d'un nouvel amphithéâtre à Québec. Il semblerait que le rôle que pouvait éventuellement jouer le gouvernement fédéral dans l'affaire n'était au mieux que spéculatif à ce moment-là.
Monsieur Paradis estime qu'il n'a manqué à aucune des obligations prescrites par les articles 5 ou 11 de la Loi sur les conflits d'intérêts (la Loi), que ce soit en acceptant l'invitation de M. Aubut ou en raison de ses interactions avec lui pendant le séjour de chasse.
En ce qui concerne l'article 5, qui l'oblige à gérer ses affaires personnelles de manière à éviter de se trouver en situation de conflit d'intérêts, M. Paradis a fait valoir qu'au moment du séjour de chasse, personne n'avait présenté de demande de financement auprès du gouvernement fédéral. Il a aussi ajouté que M. Aubut n'avait pas d'intérêt personnel dans la possibilité que l'on construise un nouvel amphithéâtre à Québec.
Monsieur Paradis a avancé que le fait qu'un candidat à la mairie fasse, dans le cadre d'une élection municipale, une promesse concernant une contribution fédérale potentielle n'engageait en rien les fonctions officielles de M. Paradis. Il a ajouté qu'il avait participé au séjour de chasse à titre personnel.
Monsieur Paradis a déclaré que M. Bellavance et lui-même savaient qu'ils avaient un intérêt commun pour la chasse. M. Paradis a précisé qu'il savait que M. Bellavance avait déjà participé à des séjours de chasse au camp de M. Aubut. Il a ajouté que l'idée qu'il se joigne à l'expédition de chasse découlait en grande partie du fait que M. Aubut et lui-même avaient M. Bellavance comme connaissance commune.
Monsieur Paradis m'a confié qu'il n'était pas au courant des déclarations faites par Mme Verner en août 2009 en faveur d'une contribution fédérale pour un nouvel amphithéâtre à Québec. Il a ajouté que les déclarations de Mme Verner exprimaient l'appui personnel de celle-ci et non celui du gouvernement fédéral.
Il a déclaré qu'il n'avait discuté avec personne de la construction d'un nouvel amphithéâtre à Québec, ni avec Mme Verner ni avec M. Aubut, à l'été 2009 ou, hormis lors du séjour de chasse, à l'automne 2009. Il a dit qu'il n'avait pas connaissance du fait que M. Aubut s'était rendu à New York pour rencontrer le commissaire de la Ligue nationale de hockey, et ce, au moment où cela s'est produit, soit juste avant le séjour de chasse.
Monsieur Paradis a avancé que M. Aubut et lui-même sont des connaissances et qu'à part le séjour de chasse de 2009, ils ne s'étaient croisés qu'à quelques occasions dans un contexte d'événements publics. M. Paradis a ajouté que rien n'indiquait que M. Aubut faisait du lobbying pour l'amphithéâtre de Québec au moment du séjour de chasse de 2009 ni que M. Aubut avait un intérêt personnel dans l'affaire.
En ce qui concerne l'article 11, M. Paradis a soutenu que son séjour au camp de chasse de M. Aubut ne devrait pas être considéré comme un cadeau ou un avantage au sens de la Loi. Il y a séjourné en tant que membre d'un groupe. Il a fait valoir qu'il était normal et habituel, entre amis et connaissances, de partager l'usage d'un camp de chasse, comme on le fait pour les chalets de ski et autres pavillons de villégiature. Il a souligné qu'il s'y était rendu par ses propres moyens, qu'il avait apporté son propre équipement et fourni au moins sa part de nourriture. Il était l'un des membres d'un groupe partageant ce gîte et on ne lui avait pas prêté le camp de chasse au complet pour son usage personnel et exclusif. Son séjour n'avait pas, à son avis, de valeur commerciale.
Il a avancé que même si son séjour pouvait être considéré comme un cadeau ou un avantage au sens de la Loi, il ne pouvait pas donner à penser qu'il avait été offert pour l'influencer dans l'exercice de ses fonctions officielles. Il a dit que M. Aubut l'avait averti qu'il ne serait pas question d'affaires pendant le séjour de chasse et qu'on avait respecté son mot d'ordre. La seule discussion portant sur l'amphithéâtre était de nature générale et n'était liée à aucun rôle en particulier pour M. Aubut ou M. Paradis.
Monsieur Paradis a soutenu que l'invitation ne pouvait raisonnablement donner à penser qu'elle visait à l'influencer dans l'exercice de ses fonctions officielles.
Analyse
Je dois déterminer si M. Paradis a contrevenu à l'article 5 ou à l'article 11 de la Loi sur les conflits d'intérêts (la Loi) en acceptant une invitation à séjourner au camp de chasse de M. Marcel Aubut en octobre 2009, au moment où M. Paradis était ministre des Travaux publics et des Services gouvernementaux et ministre régional pour le Québec.
Pour ce faire, je dois me demander ce que M. Paradis savait, avant le séjour de chasse, des discussions publiques sur un nouvel amphithéâtre à Québec, des démarches de M. Aubut pour promouvoir la construction d'un nouvel amphithéâtre à Québec et de la possibilité qu'on demande au gouvernement fédéral de contribuer au financement d'un nouvel amphithéâtre.
L'article 5 de la Loi oblige le titulaire de charge publique à gérer ses affaires personnelles de manière à éviter de se retrouver en situation de conflit d'intérêts, tandis que l'article 11 de la Loi l'oblige à refuser les cadeaux ou autres avantages dont on pourrait raisonnablement penser qu'ils sont offerts pour l'influencer dans l'exercice de ses fonctions officielles.
La question est donc de savoir, relativement à ces deux dispositions, si M. Paradis aurait dû refuser l'invitation de M. Aubut et s'abstenir de participer au séjour de chasse.
Obligation générale de gérer ses affaires personnelles de manière à éviter les conflits d'intérêts : article 5
L'article 5 de la Loi oblige le titulaire de charge publique à gérer ses affaires personnelles de manière à éviter de se retrouver en situation de conflit d'intérêts. En voici le libellé :
5. Le titulaire de charge publique est tenu de gérer ses affaires personnelles de manière à éviter de se trouver en situation de conflit d'intérêts.
Voici le libellé de l'article 4 de la Loi, qui définit les circonstances dans lesquelles un titulaire de charge publique pourrait être perçu comme étant en « situation de conflit d'intérêts » au sens de la Loi :
4. Pour l'application de la présente loi, un titulaire de charge publique se trouve en situation de conflit d'intérêts lorsqu'il exerce un pouvoir officiel ou une fonction officielle qui lui fournit la possibilité de favoriser son intérêt personnel ou celui d'un parent ou d'un ami ou de favoriser de façon irrégulière celui de toute autre personne.
Il est clair que c'est à titre personnel que M. Paradis a pris part au séjour de chasse au camp de M. Aubut et que cela faisait donc partie de ses affaires personnelles.
L'article 5 oblige le titulaire de charge publique, y compris M. Paradis, à gérer ses affaires personnelles de manière à éviter tout conflit d'intérêts actuel et, à sa connaissance, tout conflit d'intérêts prévisible dans l'avenir. Un conflit d'intérêts, comme l'énonce l'article 4, serait survenu si M. Paradis avait exercé un pouvoir officiel ou une fonction officielle qui lui aurait fourni la possibilité de favoriser de façon irrégulière l'intérêt personnel de M. Aubut dans un projet d'amphithéâtre à Québec.
Monsieur Paradis n'avait pas de pouvoir officiel ou de fonction officielle relativement à un projet d'amphithéâtre à Québec au moment où s'est tenu le séjour de chasse. Même la possibilité qu'il ait un rôle officiel à jouer quant au financement fédéral d'un amphithéâtre, à titre de ministre du Cabinet et de ministre régional pour le Québec, était faible au moment où s'est tenu le séjour de chasse.
Voilà pourquoi il n'y a pas de motifs suffisants pour conclure qu'il y avait conflit d'intérêts potentiel pour M. Paradis lorsqu'il a accepté l'invitation de M. Aubut en août 2009 ou à quel moment que ce soit avant le séjour de chasse en octobre 2009. Par conséquent, il n'était pas tenu de prendre des mesures préventives pour se conformer à l'article 5.
Je conclus que M. Paradis n'a pas contrevenu à l'article 5 de la Loi.
Interdiction d'accepter des cadeaux et autres avantages : article 11
Le paragraphe 11(1) de la Loi interdit au titulaire de charge publique d'accepter des cadeaux ou d'autres avantages dont on pourrait raisonnablement penser qu'ils sont offerts pour influencer le titulaire dans l'exercice de ses fonctions officielles. Le paragraphe 11(2) prévoit trois exceptions à cette interdiction.
Voici le libellé des sections pertinentes de l'article 11 :
11. (1) Il est interdit à tout titulaire de charge publique et à tout membre de sa famille d'accepter un cadeau ou autre avantage, y compris celui provenant d'une fiducie, qui pourrait raisonnablement donner à penser qu'il a été donné pour influencer le titulaire dans l'exercice de ses fonctions officielles.
(2) Le titulaire de charge publique ou un membre de sa famille peut toutefois accepter :
a) un cadeau ou autre avantage qui est permis au titre de la Loi électorale du Canada;
b) un cadeau ou autre avantage qui provient d'un parent ou d'un ami;
c) un cadeau ou autre avantage qui est une marque normale ou habituelle de courtoisie ou de protocole ou qui est habituellement offert dans le cadre de la charge du titulaire.
L'expression « cadeau ou autre avantage » est ainsi définie au paragraphe 2(1) de la Loi :
« cadeau ou autre avantage » S'entend :
a) de toute somme, si son remboursement n'est pas obligatoire;
b) de tout service ou de tout bien ou de l'usage d'un bien ou d'argent, s'ils sont fournis sans frais ou à un prix inférieur à leur valeur commerciale.
Je dois déterminer si l'accès qu'a eu M. Paradis au camp de chasse de M. Aubut constitue un usage d'un bien « fourni[s] sans frais ou à un prix inférieur à [sa] valeur commerciale » et, dans l'affirmative, si cet accès pourrait raisonnablement donner à penser qu'il a été donné pour influencer M. Paradis dans l'exercice de ses fonctions officielles.
Aucune des exceptions prévues au paragraphe 11(2), dont celle sur les cadeaux ou autres avantages donnés à des titulaires de charge publique par des parents ou amis, ne s'applique au cas présent. Comme je l'ai mentionné dans la section Les constatations de faits, je n'ai rien trouvé dans le cadre de mon étude démontrant que MM. Paradis et Aubut étaient ou n'aient jamais été des amis au sens de la Loi.
J'admets que M. Paradis s'est rendu au camp de ses propres moyens, qu'il a fourni son propre permis de chasse, son équipement et sa part de nourriture pour la fin de semaine et qu'il a apporté une bouteille de vin pour remercier son hôte, M. Aubut. J'estime toutefois que le fait d'accepter le gîte dans un camp de chasse privé et que l'utilisation de terrains de chasse privés, sans frais, même si les installations sont rudimentaires et partagées, relève de la définition de cadeau ou autre avantage au sens de la Loi.
Il me reste à déterminer si le séjour de chasse pourrait raisonnablement donner à penser qu'il a été offert par M. Aubut à M. Paradis dans le but de l'influencer dans l'exercice de ses fonctions officielles. Les soupçons qu'a suscités l'acceptation de l'invitation démontrent le pouvoir de la perception et font valoir le haut degré d'attention que doivent accorder les titulaires de charge publique à leurs décisions d'accepter de telles invitations de la part d'individus autres que leurs amis ou parents. Cependant, le critère établi à l'article 11 vise à savoir si une personne raisonnable au courant des circonstances pertinentes conclurait que le séjour a été offert pour influencer M. Paradis dans l'exercice de ses fonctions officielles.
Je suis déjà arrivée à la conclusion que M. Paradis n'était pas au courant des activités de M. Aubut au moment où il a accepté son invitation ni avant le séjour de chasse en 2009. Je n'ai rien trouvé démontrant que M. Aubut faisait du lobbying auprès du gouvernement fédéral pour financer un nouvel amphithéâtre au moment du séjour de chasse, comme les médias en avaient fait mention en mars 2012. Je n'ai également rien trouvé démontrant que le gouvernement fédéral était engagé dans des discussions ou dans un processus décisionnel concernant un amphithéâtre à Québec à ce moment-là. En outre, je n'ai rien trouvé démontrant que M. Paradis ait eu un rôle officiel dans cette affaire à ce moment-là.
Même s'il était possible qu'on soulève la question d'une contribution fédérale à la construction d'un nouvel amphithéâtre, que des pressions politiques se fassent sur le gouvernement fédéral afin qu'il adopte une position à ce sujet à plus ou moins brève échéance et que M. Paradis pourrait avoir un rôle à jouer dans ces questions si cela arrivait, j'estime que ces possibilités étaient trop faibles pour que M. Paradis soit tenu de refuser l'invitation de M. Aubut à participer au séjour de chasse. À la lumière des faits que j'ai déterminés par rapport au présent cas, l'invitation ne peut raisonnablement donner à penser qu'elle a été offerte pour influencer M. Paradis dans l'exercice de ses fonctions officielles.
C'est pourquoi je conclus que M. Paradis n'a pas contrevenu à l'article 11 de la Loi.
Conclusion
En ce qui concerne l'article 5, M. Paradis n'avait pas de rôle officiel relativement à l'amphithéâtre de Québec au moment où M. Aubut l'a invité ou dans les mois précédant la fin de semaine de chasse et la possibilité qu'il aurait un rôle officiel était loin d'être certaine. De même, la perspective que le gouvernement fédéral contribue financièrement à la construction d'un nouvel amphithéâtre n'était qu'une lointaine possibilité. Par conséquent, j'ai conclu que M. Paradis n'avait pas contrevenu à l'article 5 en prenant part au séjour de chasse.
En ce qui concerne l'article 11, j'ai conclu que l'accès au camp de chasse de M. Aubut constituait un cadeau ou un autre avantage donné à M. Paradis par M. Aubut. Néanmoins, j'estime que le lien entre la participation de M. Paradis au séjour de chasse et la possibilité qu'il puisse avoir un rôle officiel à jouer dans une éventuelle décision du gouvernement fédéral à l'égard d'un nouvel amphithéâtre à Québec est trop faible pour conclure que le séjour de chasse pouvait raisonnablement donner à penser qu'il visait à influencer M. Paradis dans l'exercice de ses fonctions officielles. Par conséquent, j'ai conclu que M. Paradis n'a pas contrevenu à l'article 11 de la Loi en acceptant l'invitation et en participant au séjour de chasse.
Sauf avis contraire, les noms des témoins sont énumérés en fonction des organisations dont ils relevaient au moment des faits qui font l’objet de la présente étude.
Entrevues
Cabinet du ministre des Travaux publics et des Services gouvernementaux
L’honorable Christian Paradis, ministre
M. Marc Vallières, chef de cabinet
Mme Margaux Stastny, directrice des communications
Cabinet de la ministre des Affaires intergouvernementales et ministre de la Francophonie
Autres
Me Marcel Aubut
Me Pierre C. Bellavance