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Rapport Kusie

​​​​​​​​​Préface

Une enquête en vertu du Code régissant les conflits d'intérêts des députés (le Code) peut être entreprise à la demande d'un député, par résolution de la Chambre des communes ou à l'initiative du commissaire aux conflits d'intérêts et à l'éthique. 

Si le commissaire craint qu'un député ne se soit pas conformé à ses obligations en vertu du Code, il doit lui donner un avis écrit de ses préoccupations et lui accorder 30 jours pour y répondre. Si, après avoir accordé ce délai de 30 jours pour répondre, le commissaire a des motifs raisonnables de croire que le député ne s'est pas conformé à ses obligations aux termes du Code, le commissaire peut, de sa propre initiative, faire une enquête pour déterminer si celui-ci s'est conformé à ses obligations aux termes du Code.

Une fois son enquête terminée, le commissaire remet un rapport d'enquête au Président de la Chambre des communes, lequel présente le rapport à la Chambre à sa prochaine séance. Le rapport est rendu public dès qu'il est déposé ou, pendant une période d'ajournement, dès que le Président de la Chambre le reçoit.


Sommaire

Le présent rapport énonce les conclusions de mon enquête en vertu du Code régissant les conflits d'intérêts des députés de la conduite de Mme Stephanie Kusie, députée de Calgary Midnapore, relativement à des commentaires publics formulés à l'égard d'une demande d'enquête qu'elle a présentée au Commissariat au sujet d'un autre député.

Le 29 mars 2018, j'ai reçu une lettre de Mme Kusie me demandant de mener une enquête sur la conduite de M. Raj Grewal, député de Brampton-Est. Le même jour, j'ai appris qu'un article faisant référence à la lettre avait été publié sur le site Web du National Post. La lettre de Mme Kusie a également été affichée sur son site Web et sur son compte Facebook le 29 mars. Le lendemain, un lien vers l'article du National Post a été affiché sur son compte Twitter.

Le paragraphe 27(2.1) du Code interdit à un député qui a présenté une demande d'enquête de formuler tout commentaire public sur cette dernière avant que le commissaire confirme que le député visé par l'enquête a obtenu copie de la plainte, ou qu'un délai de 14 jours s'est écoulé suivant la réception de la demande par le commissaire, selon la première des deux éventualités.

Selon la preuve, même si c'est le bureau du chef de l'opposition qui a fait parvenir une copie de sa lettre demandant une enquête au National Post, Mme Kusie a néanmoins formulé des commentaires publics sur son site Web ainsi que sur ses comptes Facebook et Twitter à l'égard de la demande avant que je n'aie confirmé que M. Grewal avait obtenu une copie de la demande et avant l'expiration du délai de 14 jours suivant ma réception de la plainte. J'ai donc conclu que Mme Kusie a contrevenu au paragraphe 27(2.1) du Code.

La preuve a démontré que le bureau du chef de l'opposition a encouragé Mme Kusie, une députée récemment élue, à publier sa demande, une fois rendue publique, sur les médias sociaux. Ainsi, en commentant publiquement sa demande d'enquête en contravention du paragraphe 27(2.1) du Code, Mme Kusie a agi sur les conseils qu'elle avait reçus du bureau du chef de l'opposition, et son manquement découlait d'une erreur de jugement commise de bonne foi. C'est pourquoi je recommande qu'aucune sanction ne soit imposée.

les préoccupations et le processus

Le 29 mars 2018, j'ai reçu une lettre de Mme Stephanie Kusie, députée de Calgary Midnapore, me demandant de mener une enquête sur la conduite de M. Raj Grewal, député de Brampton-Est.

Le même jour, le Commissariat m'a informé qu'un article faisant référence à cette lettre avait été publié sur le site Web du National Post.

Toujours le 29 mars, la lettre de Mme Kusie a été publiée sur son site Web et un lien vers cette publication dans son site Web a été affiché sur son compte Facebook. Le lendemain, un lien vers l'article du National Post était affiché sur son compte Twitter.

Le 5 avril 2018, j'ai écrit à Mme Kusie pour l'informer que je craignais qu'elle ait contrevenu au paragraphe 27(2.1) du Code en raison des commentaires publics qu'elle avait formulés au National Post, ainsi que sur son site Web et ses comptes Facebook et Twitter, au sujet de sa demande d'enquête à l'égard d'une contravention alléguée au Code par M. Grewal.

Le paragraphe 27(2.1) du Code interdit au député qui présente une demande d'enquête de formuler tout commentaire public sur cette dernière avant que le commissaire confirme que le député visé par l'enquête a obtenu copie de la plainte, ou qu'un délai de 14 jours s'est écoulé suivant la réception de la demande par le commissaire.

Dans ma lettre du 5 avril 2018, j'ai expliqué à Mme Kusie que le Code lui accordait 30 jours pour répondre à mes préoccupations, après quoi je déciderais s'il y avait lieu de mener une enquête.

Le 2 mai 2018, j'ai reçu une lettre de Mme Kusie datée du 23 avril 2018 en réponse aux préoccupations soulevées.

J'ai écrit à Mme Kusie le 9 mai 2018 pour l'informer que, après avoir examiné attentivement tous les renseignements dont je disposais, y compris ses observations écrites, j'avais des motifs raisonnables de croire qu'elle n'avait pas respecté ses obligations en vertu du Code et que, conformément au paragraphe 27(4) du Code, j'allais entreprendre une enquête.

Le 12 juin 2018, j'ai tenu une première entrevue avec Mme Kusie. J'ai aussi interrogé d'autres témoins et reçu des éléments de preuve documentaire supplémentaires de ces témoins en août et en octobre 2018.

À la fin de mes démarches visant à établir les faits, j'ai déterminé qu'une deuxième entrevue avec Mme Kusie n'était pas nécessaire. Toutefois, j'ai offert de rencontrer Mme Kusie si elle souhaitait présenter d'autres observations avant que ne soit établie la version définitive du présent rapport. Conformément à la pratique établie du Commissariat, Mme Kusie a eu la possibilité de consulter et commenter les sections factuelles du présent rapport (Les préoccupations et le processus, Les constatations de faits et La position de Mme Kusie) avant que n'en soit établie la version définitive.

les constatations de faits

Mme Kusie a été élue députée de Calgary Midnapore lors d'une élection partielle tenue le 3 avril 2017 et est donc devenue assujettie au Code régissant les conflits d'intérêts des députés.

La présente enquête visait à déterminer si Mme Kusie avait omis de se conformer à ses obligations en vertu du Code en formulant des commentaires publics au sujet de sa demande d'enquête relative à une possible contravention au Code par M. Grewal, et ce, avant que j'aie confirmé que celui-ci avait reçu une copie de la plainte.

Préoccupat​​ions soulevées auprès du bureau du chef de l'opposition

Mme Kusie a déclaré dans son témoignage qu'elle avait recueilli de l'information sur les activités de M. Grewal et qu'elle avait soumis cette information au bureau du chef de l'opposition. Au départ, son intention était d'informer le bureau du chef de l'opposition de ces activités et de lui fournir de la matière pour la période des questions ou des communiqués de presse. Mme Kusie a également affirmé ne pas croire qu'elle aurait pensé à une enquête du commissaire à l'éthique au moment de soumettre l'information au bureau du chef de l'opposition. Elle se souvient que le bureau du chef de l'opposition avait mentionné qu'il y avait eu d'autres cas où l'approche qu'il avait adoptée avait été d'envoyer une lettre au Commissariat en vue de demander une enquête.

Pendant son entrevue, Mme Kusie a indiqué qu'elle avait soumis l'information au bureau du chef de l'opposition et que les allégations avaient été jugées légitimes. Le bureau du chef de l'opposition a ensuite décidé de rédiger la lettre.

Lettre demandant u​​ne enquête

L'adjointe parlementaire de Mme Kusie a confirmé qu'une ébauche de lettre non datée avait été préparée par l'équipe des Communications du bureau du chef de l'opposition et soumise au bureau de Mme Kusie pour signature le 29 mars 2018, à 10 h 07. Cette déclaration a été corroborée dans un échange de courriels entre le bureau du chef de l'opposition et le bureau de Mme Kusie. Selon les documents reçus par le Commissariat, Mme Kusie a approuvé la lettre demandant une enquête à 10 h 30. À la demande du bureau du chef de l'opposition, la signature électronique de Mme Kusie a été apposée sur la lettre toujours non datée, laquelle a été transmise par courriel au bureau du chef de l'opposition à 10 h 45.

L'adjointe parlementaire de Mme Kusie a communiqué par courriel avec le bureau de circonscription de Mme Kusie à 10 h 48 pour lui faire parvenir la même copie signée mais non datée de la lettre, en l'informant que la lettre serait envoyée ce jour-là. Dans le courriel, elle a écrit : « Nous devrions aussi publier quelque chose à ce sujet » [traduction]. Elle a ensuite envoyé un nouveau courriel à 10 h 55 pour lui faire parvenir une nouvelle copie de la lettre, toujours non datée mais à présent sur du papier à en-tête de député. L'adjointe parlementaire de Mme Kusie a déclaré que le personnel du bureau de circonscription était responsable de la tenue à jour du site Web et du compte Facebook de Mme Kusie.

Selon un courriel daté du 29 mars 2018, à 12 h 45, l'agente principale des communications du bureau du chef de l'opposition a envoyé une copie de la lettre de Mme Kusie demandant une enquête à Mme Marie‑Danielle Smith, journaliste au National Post. Au cours de son entrevue, l'agente principale des communications a affirmé que la lettre avait été transmise à la demande du directeur des Relations avec les médias et de la gestion des enjeux du bureau du chef de l'opposition. Dans un échange de courriels subséquent, dont le dernier a été envoyé à 12 h 48, l'agente principale des communications a confirmé à Mme Smith que, bien qu'il n'y ait pas de date sur la lettre de Mme Kusie, elle l'avait déjà soumise au Commissariat ce jour-là.

Le 29 mars 2018, à 12 h 51, j'ai reçu par courriel une copie signée et datée de la lettre de Mme Kusie me demandant de mener une enquête sur la conduite de M. Grewal.

L'adjointe parlementaire de Mme Kusie a affirmé que le bureau du chef de l'opposition lui avait demandé d'être informé lorsque la lettre serait envoyée au Commissariat. Dans un courriel daté du 29 mars 2018, à 12 h 52, l'adjointe parlementaire de Mme Kusie a informé le bureau du chef de l'opposition en transmettant à l'agente principale des communications une copie de la lettre envoyée au Commissariat, accompagnée de l'accusé de réception de cette lettre.

Commentaires publ​​iés au sujet de la demande d'enquête

L'adjointe parlementaire de Mme Kusie m'a dit que lors d'un appel téléphonique avec le personnel du bureau du chef de l'opposition, elle avait été informée qu'un article serait publié dans le National Post, après quoi Mme Kusie serait libre de commenter sa demande sur ses comptes de médias sociaux et même encouragée à le faire.

Mme Kusie m'a dit qu'elle se rappelait avoir été informée qu'il pourrait y avoir un reportage au sujet de sa demande, mais qu'elle n'avait pas été mise au courant du fait que la lettre serait transmise au National Post. Mme Kusie m'a aussi dit que le bureau du chef de l'opposition l'avait encouragée, elle et son bureau, à publier la demande sur les médias sociaux. Mme Kusie ne se rappelait pas si cet encouragement s'était produit avant ou après que la lettre avait été envoyée par le bureau du chef de l'opposition au National Post.

Un article originalement paru dans le National Post le 28 mars 2018, intitulé « NDP Asks Ethics Commissioner to Open an Investigation into Liberal MP over India Trip » (le NPD demande au commissaire à l'éthique d'enquêter sur un député libéral concernant le voyage en Inde), a été mis à jour le 29 mars 2018, à 13 h 04, avec le nouveau titre « Conservatives Join NDP in Asking Commissioner to Open an Investigation into Liberal MP over India Trip » (les Conservateurs se joignent au NPD pour demander la tenue d'une enquête sur un député libéral concernant le voyage en Inde), et faisait référence à la demande d'enquête de Mme Kusie.

Plus tard le 29 mars 2018, soit à 14 h 17, une copie signée mais non datée de la lettre de Mme Kusie me demandant de faire une enquête a été publiée sur son site Web à l'adresse www.stephaniekusiemp.ca. Puis, à 15 h 41, un lien vers la lettre sur son site Web a été affiché sur son compte Facebook, où elle a déclaré : « Voici ma lettre au commissaire aux conflits d'intérêts et à l'éthique concernant le député libéral Raj Grewal » [traduction].

Le 30 mars 2018, une nouvelle référence à la demande d'enquête de Mme Kusie a été faite dans un gazouillis du compte Twitter de Mme Kusie, « @StephanieKusie », qui comportait un lien vers l'article du National Post.

Pendant son entrevue, Mme Kusie a confirmé que le membre de son personnel responsable des médias sociaux avait affiché le lien direct vers la lettre sur son site Web et son compte Facebook. Elle se rappelait aussi avoir elle-même envoyé le gazouillis.

Au cours de son entrevue, Mme Kusie a confirmé que les comptes Twitter et Facebook ainsi que le site Web qui ont été utilisés dans ces cas sont les outils de médias sociaux qu'elle utilise dans le cadre de son rôle de députée.

Mme Kusie a confirmé à son entrevue qu'elle n'avait pas formulé d'autres commentaires publics au sujet de cette demande.

Mise à jour de l'article du National Post et excuses à la Chambre des communes

Le 5 avril 2018, après avoir écrit à Mme Kusie pour l'informer que je craignais qu'elle eût enfreint le paragraphe 27(2.1) du Code, son adjointe parlementaire a fait parvenir ma lettre au bureau du chef de l'opposition afin d'obtenir de l'aide sur la façon d'y répondre.

La preuve documentaire démontre qu'il y a eu une discussion entre l'adjointe parlementaire de Mme Kusie et le bureau du chef de l'opposition au cours de laquelle le bureau du chef de l'opposition a proposé que l'on demande au National Post de corriger l'article afin qu'il ne mentionne plus que Mme Kusie avait transmis la lettre demandant une enquête au National Post. Le bureau du chef de l'opposition a également proposé de travailler avec Mme Kusie afin de rédiger un rappel au Règlement qu'elle pourrait prononcer à la Chambre des communes une fois que celle-ci aurait repris ses travaux.

À la suite de cette discussion, l'adjointe parlementaire de Mme Kusie a écrit à Mme Kusie pour l'informer de la voie à suivre. Dans son courriel, l'adjointe parlementaire indiquait à Mme Kusie que le personnel du bureau du chef de l'opposition n'était pas d'avis que les préoccupations du commissaire étaient « d'une grande importance » [traduction], avait souligné que d'autres députés avaient été « réprimandés de la même façon » [traduction] et avait demandé l'autorisation de « rendre publique la lettre reçue [par Mme Kusie] confirmant que le commissaire à l'éthique enquêtait effectivement sur M. Grewal » [traduction]. Dans ce même courriel, l'adjointe parlementaire de Mme Kusie rappelait par ailleurs que l'avis qu'elles avaient reçu du bureau du chef de l'opposition avait été de publier l'information sur les médias sociaux et non d'attendre que le commissaire ait confirmé que M. Grewal avait reçu une copie de la demande d'enquête.

Le 5 avril 2018 à 15 h 59, le National Post a mis à jour l'article comme suit :

Dans une lettre envoyée à Dion, qu'un membre du personnel conservateur a communiquée au National Post, Mme Kusie a dit que la conduite de Grewal était « inappropriée » et « allait certainement à l'encontre des principes du Code régissant les conflits d'intérêts ».
[traduction; nous soulignons]

L'adjointe parlementaire de Mme Kusie a témoigné qu'elle avait rédigé le texte initial des excuses de Mme Kusie et que le bureau du chef de l'opposition l'avait aidée à en finaliser le libellé. Le 19 avril 2018, Mme Kusie a pris la parole à la Chambre et a déclaré ce qui suit :

Monsieur le Président, je souhaite invoquer le Règlement concernant l'examen préliminaire du commissaire à l'éthique sur les agissements du député de Brampton-Est. Comme les députés le savent, c'est une lettre de ma part qui a déclenché l'enquête de Mario Dion sur les actions du député. Une fois l'examen préliminaire annoncé dans les médias, j'ai moi-même confirmé par l'intermédiaire des médias sociaux que la plainte auprès du commissaire à l'éthique qui était à l'origine de la démarche était la mienne.

Comme vous le savez, un article ajouté en juin 2015 au Code régissant les conflits d'intérêts interdit aux députés de formuler publiquement un commentaire sur une plainte avant que la personne visée en soit informée. Le commissaire m'a fait savoir que j'aurais dû attendre avant de m'exprimer publiquement sur l'affaire.

Je tiens à assurer au Président et à la Chambre que la bévue était complètement involontaire, car je croyais être libre de formuler un commentaire une fois l'information rendue publique. Je comprends maintenant qu'il aurait fallu attendre une confirmation officielle de la part de M. Dion. Je présente donc mes excuses les plus sincères au commissaire à l'éthique, à la Chambre et à vous, monsieur le Président.
 

Au cours de leur témoignage, Mme Kusie et son adjointe parlementaire m'ont toutes deux dit que, dans leurs échanges antérieurs avec le bureau du chef de l'opposition, elles n'avaient jamais été informées d'incidents passés impliquant d'autres députés, mais qu'elles avaient plutôt été encouragées à publier l'information sur les médias sociaux.​

Je tiens à souligner que des excuses semblables ont été présentées par l'honorable Andrew Scheer le 31 janvier 2017, à la suite de commentaires publics faits aux journalistes au sujet d'une demande d'enquête sur la conduite du très honorable Justin Trudeau. L'adjointe de Mme Kusie a témoigné que le directeur des relations avec les médias et de la gestion des enjeux au bureau du chef de l'opposition lui avait mentionné la chose lorsqu'ils avaient discuté des excuses possibles de Mme Kusie.

​la Position de mme kusie

8, Mme Kusie a écrit que ni elle ni aucun membre du personnel de​ son bureau n'avait fait parvenir la lettre au National Post. Mme Kusie a ajouté que, bien qu'elle ait confirmé sur les médias sociaux qu'elle avait présenté une demande d'enquête au Commissariat, en se fondant sur les conseils qu'elle avait reçus du bureau du chef de l'opposition, elle croyait qu'une fois la demande rendue publique, elle serait en mesure de formuler des commentaires publics à son sujet. À son avis, l'erreur a été commise par inadvertance et est attribuable en grande partie à ce qu'elle tenait pour vrai et à son ignorance des règles.

Analyse et Conclusion

Dans le cadre de cette enquête, j'ai dû déterminer si Mme Kusie, à titre de députée, a contrevenu au paragraphe 27(2.1) du Code considérant que, dans l'espace d'une journée suivant sa demande d'enquête à l'égard d'une contravention alléguée au Code par M. Grewal et avant que je ne confirme que M. Grewal avait reçu la plainte, sa demande était mentionnée dans un article du National Post et faisait l'objet de publications sur son site Web et ses comptes Facebook et Twitter.

Le paragraphe 27(2.1) du Code interdit au député qui présente une demande d'enquête de formuler tout commentaire public sur cette dernière avant que le commissaire confirme que le député visé par l'enquête a obtenu copie de la plainte, ou qu'un délai de 14 jours s'est écoulé suivant la réception de la demande par le commissaire. En voici le libellé :

27. (2.1) Le député qui présente une demande d'enquête ne formule aucun commentaire public sur cette dernière avant que le commissaire confirme que le député visé par l'enquête a obtenu copie de la plainte, ou qu'un délai de 14 jours s'est écoulé suivant la réception de la demande par le commissaire, selon la première des deux éventualités.

Analyse

Le paragraphe 27(2.1) est en vigueur depuis le 20 octobre 2015. En juin 2015, la Chambre des communes a adopté le Trente-neuvième rapport du Comité permanent de la procédure et des affaires de la Chambre (Comité de la procédure), acceptant les modifications recommandées par le Comité de la procédure. Parmi ces recommandations figurait l'ajout du paragraphe 27(2.1) au Code.

À mon avis, le libellé et l'intention du paragraphe 27(2.1) du Code sont sans ambiguïté et interdisent clairement au député qui présente la demande d'enquête de faire des commentaires publics à moins que certaines conditions n'aient été remplies. Comme il est indiqué dans deux de mes rapports antérieurs, le Rapport Angus I et le Rapport Angus II, le fait pour un député d'émettre un avis ou une confirmation publique qu'une demande d'enquête a été présentée constitue un commentaire public.

Cette interprétation est appuyée par d'autres dispositions du Code, notamment les alinéas 27(5.1)(i) et (ii), qui désignent par l'expression « commenter publiquement » le simple fait de confirmer qu'une demande d'enquête a été reçue ou qu'un examen préliminaire ou une enquête a commencé ou pris fin. En voici le libellé :

27. (5.1) Le commissaire ne peut commenter publiquement un examen préliminaire ou une enquête, sauf pour :
(i) confirmer qu'une demande a été reçue à cet effet;
(ii) confirmer qu'un examen préliminaire ou une enquête a commencé ou a pris fin;

La preuve recueillie dans le cadre de cette enquête démontre que Mme Kusie n'était pas au courant de l'intention qu'avait le bureau du chef de l'opposition de transmettre sa lettre de demande d'enquête au National Post, ce qui a été fait avant même que je ne l'aie reçue. Elle ne peut donc pas être tenue responsable de la transmission de sa lettre au National Post.

D'autre part, la preuve démontre clairement que des commentaires publics au sujet de la demande d'enquête ont été formulés peu de temps après sur le site Web de Mme Kusie et sur ses comptes Facebook et Twitter. Mme Kusie a confirmé que le site Web et les comptes Twitter et Facebook qui ont été utilisés en l'espèce sont les outils de médias sociaux qu'elle utilise relativement à son rôle de députée.

Ces commentaires publics ont eu lieu d'une part avant que je confirme que M. Grewal avait reçu une copie de la plainte et d'autre part avant que les 14 jours requis se soient écoulés après ma réception de la plainte le 29 mars 2018. Je suis préoccupé par le fait que Mme Kusie a reçu de l'information et des conseils du bureau du chef de l'opposition l'encourageant à faire des commentaires publics une fois qu'il avait rendu sa demande publique, ce qui l'a clairement incitée à contrevenir à une disposition du Code, soit le paragraphe 27(2.1).

Le fait que les commentaires publics de Mme Kusie ont été faits le jour même où j'ai reçu la demande ne permettait pas le délai raisonnable de 14 jours que le Comité de la procédure accordait au commissaire pour informer le député visé par la plainte.

À mon avis, le gazouillis de Mme Kusie, la publication sur Facebook et la publication de sa demande d'enquête sur son site Web, tous accessibles au grand public, allaient à l'encontre de l'intention du paragraphe 27(2.1), car le député visé par la plainte risquait clairement d'entendre parler de la demande d'autres sources avant d'en être informé par le Commissariat.

Concl​usion

Mme Kusie a contrevenu au paragraphe 27(2.1) du Code en lien avec les commentaires publics au sujet de sa demande d'enquête faits sur son site Web et ses comptes Facebook et Twitter. ​

Sanction

Conformément au paragraphe 28(5) du Code, lorsqu’un député ne s’est pas conformé au Code, le commissaire peut conclure qu’il existait des circonstances atténuantes. Le paragraphe est rédigé comme suit :​​

28. (5) S'il conclut que le député de s'est pas conformé à une obligation aux termes du présent code, mais qu'il a pris toutes les précautions raisonnables pour éviter de l'enfreindre, ou que l'infraction est sans gravité, est survenue par inadvertance ou est imputable à une erreur de jugement commise de bonne foi, le commissaire l'indique dans son rapport et peut recommander qu'aucune sanction ne soit imposée.

Bien que j'aie déterminé que Mme Kusie ne s'est pas conformée à une obligation en vertu du paragraphe 27(2.1) du Code, j'ai conclu, pour les motifs qui suivent, que l'infraction était imputable à une erreur de jugement commise de bonne foi.

Mme Kusie, une députée récemment élue, donnait suite aux conseils reçus du personnel du bureau du chef de l'opposition, qui l'a encouragée à faire des commentaires publics au sujet de sa demande. Ces conseils ont été donnés malgré qu'on connaissait au bureau du chef de l'opposition les expériences d'autres députés concernant les restrictions énoncées au paragraphe 27(2.1) du Code relativement aux commentaires publics sur les demandes d'enquête.

Je note en outre que, dans ses observations écrites, au cours de son témoignage et devant la Chambre des communes, Mme Kusie s'est excusée d'avoir commis une erreur en n'attendant pas la confirmation du Commissariat avant de commenter publiquement sa demande d'enquête. Je crois en la sincérité des excuses de Mme Kusie.

Je recommande donc qu'aucune sanction ne soit imposée. 

​​annexe : Liste des témoins

​​Les noms de tous les témoins sont énumérés ci-dessous en fonction des organismes dont ils relevaient au moment des faits qui font l'objet de la présente enquête.

Entrevu​es et représentations écrites

Bureau de Mme Stephanie Kusie, députée de Calgary Midnapore

  • Mme Catherine Hingley, adjointe parlementaire de​ la députée​

Bureau du chef de l'opposition

  • Mme Kelsie Corey, agente principale des communications

Représentations écrites

Bureau du chef de l'opposition

  • M. Marc-André Leclerc, chef de cabinet par intérim, au nom de l'honorable Andrew Scheer, chef de l'opposition​


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