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Le rapport Hill

​​​​PRé​FACE

La Loi sur les conflits d'intérêts, L.C. 2006, ch.9, art. 2 (la Loi) est entrée en vigueur le 9 juillet 2007. 

Une étude en vertu de la Loi peut être amorcée à la demande d'un parlementaire, conformément à l'article 44 de la Loi, ou par la commissaire aux conflits d'intérêts et à l'éthique de son propre chef, conformément à l'article 45 de la Loi. 

Quand une étude est amorcée par la commissaire, de son propre chef, en vertu de l'article 45, à moins que l'étude ne soit interrompue, la commissaire doit, conformément au paragraphe 45(3), remettre au premier ministre un rapport énonçant les faits, son analyse de la question et ses conclusions à la suite de l'étude. Le paragraphe 45(4) prévoit que la commissaire doit en même temps remettre un double du rapport au titulaire ou à l'ex-titulaire de charge publique visé, et rendre le rapport accessible au public.

Sommaire

Le présent rapport présente les conclusions de mon étude quant à la conduite de l'honorable Jay Hill en relation avec ses obligations d'après-mandat prévues par la Loi sur les conflits d'intérêts (la Loi). M. Hill est ancien député de Prince George–Peace River et ancien ministre du cabinet; il était plus récemment leader du gouvernement à la Chambre des communes. Il a quitté sa charge publique le 6 août 2010. 

Le 31 mai 2011 ou aux environs de cette date, M. Hill a téléphoné à l'honorable Edward Fast, ministre du Commerce international et ministre responsable de la porte d'entrée de l'Asie‑Pacifique, à l'honorable Christian Paradis, ministre de l'Industrie ainsi qu'à l'honorable John Duncan, alors ministre des Affaires indiennes et du développement du Nord canadien, au sujet d'un accord commercial entre une entreprise canadienne, Progress Energy Resources Corporation, et une société d'énergie étrangère. 

Monsieur Hill avait pris connaissance de cet accord par l'entremise de sa conjointe, Mme Leah Murray, à la fin mai 2011. Mme Murray travaillait pour le Cabinet de relations publiques National, dont Progress Energy avait retenu les services pour l'aider à annoncer son accord avec Petronas, la société pétrolière nationale malaisienne. Le Cabinet de relations publiques National avait conçu un plan de communications stratégiques prévoyant des appels entre le président de Progress Energy et les ministres Fast, Paradis et Duncan devant se tenir la veille de l'annonce publique du 2 juin 2011. Mme Murray était chargée de veiller à ce que ces appels soient fixés à l'avance. 

Monsieur Hill a dit avoir effectué les appels de son propre chef, afin de prévenir ses anciens collègues de l'annonce imminente de l'accord, et non pour aider sa conjointe à exécuter ses tâches. Les éléments de preuve recueillis au cours de cette étude m'ont toutefois menée à conclure que M. Hill a appelé ces ministres afin d'aider sa conjointe.  

Monsieur Hill a parlé aux ministres Fast et Paradis, ainsi qu'au chef de cabinet du ministre Duncan. Il les a informés au sujet de l'entente et a essayé de faire en sorte que les ministres téléphonent au président de Progress Energy avant que l'entente soit annoncée. Il a également appelé le ministre Fast une seconde fois, après l'annonce de l'entente. 

J'ai cherché à déterminer si, en effectuant ces appels, M. Hill avait contrevenu à l'article 33, au paragraphe 35(3) et à l'article 37 de la Loi. 

L'article 33 interdit aux ex-titulaires de charge publique d'agir de manière à tirer un avantage indu de leur charge antérieure. J'ai conclu que M. Hill avait téléphoné aux trois ministres afin d'aider sa conjointe dans son travail au Cabinet de relations publiques National. Il avait les numéros de leurs lignes directes et se serait attendu à ce que les trois ministres prennent ses appels en raison des rapports qu'il avait établis avec eux alors qu'il occupait sa charge publique et à cause de son rôle de premier plan au sein du cabinet à titre de leader du gouvernement à la Chambre des communes. M. Hill s'est prévalu de son ancien statut et poste afin de faciliter l'accès aux ministres pour sa conjointe, son employeur et son client et a ainsi contrevenu à l'article 33. 

Le paragraphe 35(3) interdit à tout ancien ministre d'intervenir auprès d'anciens collègues ministériels durant une période de restriction de deux ans à compter de la fin de son mandat. Des trois ministres à qui M. Hill a téléphoné, seul le ministre Paradis avait été ministre en même temps que lui. En m'appuyant sur les éléments de preuve, je n'ai pas pu conclure que les communications de M. Hill auprès du ministre Paradis constituaient des interventions dans le but d'influer sur une action officielle du ministre Paradis. Par conséquent, j'ai conclu que M. Hill n'a pas contrevenu au paragraphe 35(3) de la Loi.  

L'article 37 oblige tout ex-titulaire de charge publique principal à faire rapport au commissaire de certaines communications et entrevues organisées avec des titulaires de charge publique actuels durant sa période de restriction d'après-mandat. J'ai conclu que M. Hill n'avait pas eu de communication visée à l'article 37. J'ai également déterminé que M. Hill n'a pas ménagé d'entrevue dont il aurait dû faire rapport en vertu de l'article 37 parce qu'il ne savait pas si un ministre ou l'autre donnerait suite ou non à son appel en communiquant avec le président de Progress Energy. Par conséquent, j'ai conclu qu'il n'a pas contrevenu à l'article 37. 

En somme, en ce qui concerne ses appels à des ministres fédéraux, j'ai conclu que M. Hill avait contrevenu à l'article 33 de la Loi sur les conflits d'intérêts, mais non au paragraphe 35(3) ou à l'article 37.

Les préoccupations

Le 12 juin 2011, j'ai reçu une lettre dans laquelle étaient exprimées des préoccupations au sujet de deux appels téléphoniques de l'honorable Jay Hill, un ancien ministre du gouvernement fédéral, à l'honorable Edward Fast, ministre du Commerce international et ministre de la porte d'entrée de l'Asie-Pacifique. 

D'après la lettre, le premier appel a été effectué à la fin de mai 2011. La lettre indiquait que M. Hill avait demandé que le ministre Fast communique avec une entreprise canadienne sur le point de signer un important accord d'investissement dans les ressources avec une grande entreprise multinationale. La lettre précisait que M. Hill avait dit au ministre Fast que l'entreprise canadienne n'était pas un de ses clients et qu'il ne faisait pas de lobbying en son nom. Elle précisait aussi que M. Hill avait dit que son intention était tout simplement de s'assurer que le ministre Fast était au courant du fait qu'on était sur le point de conclure un important accord dans le domaine des ressources. 

D'après la lettre, M. Hill a de nouveau téléphoné au ministre Fast le 10 juin 2011. M. Hill a rappelé au ministre sa demande antérieure et lui a fait observer qu'il n'y avait pas donné suite. M. Hill a ensuite encouragé le ministre Fast à communiquer avec sa conjointe, Mme Leah Murray, pour qu'elle lui donne de plus amples renseignements sur l'entreprise canadienne en question. La lettre indiquait que M. Hill avait dit être au fait de l'interdiction d'après-mandat de faire du lobbying et répété que l'entreprise canadienne n'était pas un de ses clients. La lettre expliquait que M. Hill avait dit qu'il enverrait au ministre Fast les coordonnées de Mme Murray, et que peu après cet appel, M. Hill lui avait envoyé les coordonnées de Mme Murray au Cabinet de relations publiques National. 

Le 13 juin 2011, le Commissariat a communiqué avec la personne qui avait envoyé la lettre pour confirmer que j'avais bien compris l'information fournie. 

Le 15 juillet 2011, j'ai téléphoné à M. Hill pour lui faire part de l'information qui m'avait été fournie et pour le questionner à ce sujet. M. Hill m'a confirmé qu'il avait téléphoné au ministre Fast à la fin de mai 2011. Il ne se souvenait pas du deuxième appel, mais il a confirmé qu'il avait communiqué les coordonnées de sa conjointe au ministre Fast. 

Monsieur Hill m'a dit que sa conjointe travaillait pour le Cabinet de relations publiques National et qu'elle s'était occupée d'un dossier traitant de l'accord entre Progress Energy Resources Corporation (Progress Energy) et Petronas, la société pétrolière nationale malaisienne. Étant donné que cette affaire s'élevait à plus de 1 milliard de dollars, il estimait que les ministres fédéraux compétents devraient en être prévenus de manière à ne pas être pris au dépourvu au moment de son annonce publique. Il a dit que Progress Energy ne faisait pas partie de ses clients et que ni sa conjointe ni l'entreprise ne lui avaient demandé de téléphoner. M. Hill ne se rappelait pas s'il avait donné ou non au ministre Fast le nom de Progress Energy. Par contre, il se rappelait ne pas avoir donné le nom de Petronas au ministre Fast; il avait plutôt mentionné qu'il y avait un acheteur étranger. 

Lorsqu'on lui a demandé s'il avait parlé à d'autres ministres, M. Hill a dit qu'il avait aussi essayé de communiquer avec l'honorable John Duncan, alors ministre des Affaires autochtones et du développement du Nord canadien. M. Hill n'a pu joindre le ministre Duncan au téléphone, mais a parlé à la place au chef de cabinet du ministre Duncan, M. David McArthur, pour le prévenir.  

D'après l'information qui m'était fournie, je craignais que M. Hill ait contrevenu à ses obligations d'après-mandat en vertu de la Loi sur les conflits d'intérêts (la Loi), notamment de l'article 33, du paragraphe 35(3) et de l'article 37. 

L'article 33 de la Loi interdit à tout ex-titulaire de charge publique d'agir de manière à tirer un avantage indu de sa charge antérieure. Le paragraphe 35(3) interdit à tout ancien ministre d'intervenir auprès d'anciens collègues ministériels durant une période de restriction de deux ans à compter de la fin de leur mandat. L'article 37 oblige tout ancien ministre à faire rapport au commissaire de toute communication visée à l'alinéa 5(1)a) de la Loi sur le lobbying, ou toute entrevue ménagée aux termes de l'alinéa 5(1)b) de cette loi, et ce, avec des titulaires de charge publique en poste au cours de la période de restriction susmentionnée.​​

le pROCESsuS

Le 14 octobre 2011, j'ai décidé d'entreprendre une étude de mon propre chef conformément au paragraphe 45(1) de la Loi sur les conflits d'intérêts (la Loi), et j'ai écrit à M. Hill pour l'en informer. Dans ma lettre, j'ai fait savoir à M. Hill que, selon les renseignements dont je disposais, il semblait qu'il aurait agi comme intermédiaire entre sa conjointe et ses anciens collègues au sein du gouvernement. De plus, je l'ai informé que les dispositions pertinentes de la Loi étaient l'article 33, le paragraphe 35(3) et l'article 37. Dans un premier temps, j'ai demandé à M. Hill de me faire part par écrit de sa réponse aux préoccupations exprimées, au plus tard le 14 novembre 2011. 

J'ai reçu la réponse de M. Hill le 9 novembre 2011. Il m'a informée dans cette lettre qu'à la fin de mai 2011, il avait parlé à l'honorable Christian Paradis, ministre de l'Industrie, ainsi qu'au ministre Fast et au chef de cabinet du ministre Duncan, de l'accord Progress-Petronas. J'ai écrit à M. Hill le 8 décembre 2011 pour lui donner des renseignements supplémentaires sur le processus d'étude. M. Hill m'a envoyé une autre réponse le 19 décembre 2011. 

Le 14 février 2012, j'ai effectué une première entrevue avec M. Hill, et une seconde a eu lieu le 27 août 2012. Avant cette dernière entrevue, M. Hill a eu la possibilité de lire la transcription de sa première entrevue de même que des extraits de transcriptions de plusieurs entrevues avec les témoins et de documents connexes. Après la deuxième entrevue, le Commissariat a procédé à d'autres entrevues avec les témoins. L'avocat de M. Hill, M. Gregory Kane, m'a également fait part d'observations écrites et verbales à divers moments durant l'étude, la dernière fois le 20 mars 2013. 

Le Commissariat a interviewé 12 témoins, dont certains ont également fourni des preuves documentaires. Des représentations écrites ont été reçues d'un autre témoin. L'annexe inclut une liste de tous les témoins. 

Conformément à la pratique que j'ai instaurée lorsque j'effectue une étude, j'ai donné à M. Hill la possibilité de commenter l'ébauche des sections factuelles du présent rapport avant de le finaliser, soit les sections intitulées Les préoccupations, Le processus, Les constatations de faits et La position de M. Hill. J'ai accepté et inclus dans ce rapport certains commentaires de M. Hill et de son avocat.

les constatations de faits

Monsieur Hill a occupé un poste au cabinet en sa qualité de leader du gouvernement à la Chambre des communes du 30 octobre 2008 au 6 août 2010. Auparavant, il occupait le poste de secrétaire d'État et de whip en chef du gouvernement, un ministre d'État, du 4 janvier 2007 au 29 octobre 2008. Du 9 juillet 2007, la date d'entrée en vigueur de la Loi sur les conflits d'intérêts (la Loi), au dernier jour de son mandat, il était titulaire de charge publique principal assujetti à la Loi.  

En quittant sa charge publique, M. Hill est devenu assujetti aux obligations d'après-mandat de la Loi. À titre d'ex-titulaire de charge publique, il lui est interdit de tirer un avantage indu de sa charge antérieure et à titre d'ex-titulaire de charge publique principal, il était aussi assujetti, durant une période de restriction de deux ans prenant fin le 6 août 2012, à un certain nombre de règles d'après-mandat supplémentaires. Celles-ci incluaient l'interdiction d'intervenir auprès de ministres en poste qui étaient d'anciens collègues ministériels et l'obligation de faire rapport au commissaire de certaines communications et entrevues avec des titulaires de charge publique en poste. 

Aux environs du 31 mai 2011, M. Hill a téléphoné à trois ministres fédéraux : l'honorable Edward Fast, ministre du Commerce international et ministre de la porte d'entrée de l'Asie‑Pacifique, l'honorable Christian Paradis, ministre de l'Industrie, et l'honorable John Duncan, alors ministre des Affaires autochtones et du développement du Nord canadien. Ces appels téléphoniques avaient trait à un accord commercial entre Progress Energy Resources Corporation (Progress Energy) et Petronas, la société pétrolière nationale malaisienne (l'accord Progress-Petronas). M. Hill s'est entretenu avec les ministres Fast et Paradis, ainsi qu'avec le chef de cabinet du ministre Duncan, qui avait rendu l'appel reçu par le ministre Duncan. 

Au moment de ces appels, la conjointe de M. Hill, Mme Leah Murray, travaillait pour le Cabinet de relations publiques National à Calgary. Progress Energy avait retenu les services du Cabinet de relations publiques National en mai 2011 pour l'aider avec les communications et les relations gouvernementales relatives à l'accord avec Petronas. Mme Murray était responsable des questions concernant les relations avec le gouvernement fédéral ainsi que les gouvernements de l'Alberta et de la Colombie-Britannique dans ce dossier. 

Pour déterminer si M. Hill avait contrevenu à la Loi, je devais examiner les détails des appels de M. Hill et tout lien que ces appels auraient pu avoir avec le travail de sa conjointe, Mme Murray, au Cabinet de relations publiques National.

Annonce par Progress Energy de l'accord avec Petronas

Le 2 juin 2011, Progress Energy a annoncé qu'il avait conclu un accord de plusieurs millions de dollars avec Petronas en vue du partage des droits de propriété et d'exploitation de trois gisements de gaz de schiste dans le nord-est de la Colombie-Britannique, et de la capture et liquéfaction du gaz naturel aux fins d'exportation vers la Malaisie. Les dispositions relatives à l'annonce ont été prises par le Cabinet de relations publiques National. 

Le Cabinet de relations publiques National avait préparé une ébauche d'un plan de communications stratégiques concernant l'accord. Cette ébauche a été fournie au Commissariat par le Cabinet de relations publiques National et la dernière mise à jour datait du 30 mai. Aucune autre version du document n'a été fournie au Commissariat. 

Le plan prévoyait notamment des appels téléphoniques entre le président de Progress Energy et trois ministres fédéraux le 1er juin 2011, la veille de l'annonce publique de l'accord. Ces appels devaient avoir été organisés à l'avance par le Cabinet de relations publiques National à la fin de la journée le 31 mai 2011. Les trois ministres en question étaient les ministres Fast, Paradis et Duncan. Le plan indiquait que le Cabinet de relations publiques National organiserait des réunions personnelles de suivi le 14 juin 2011 entre des représentants de Progress Energy et des ministres fédéraux, dont les ministres Fast, Paradis et Duncan. 

Madame Beth Diamond, la gestionnaire de Mme Murray au Cabinet de relations publiques National à Calgary, a dit au Commissariat que Mme Murray était responsable de tous les aspects des relations avec le gouvernement fédéral concernant l'annonce, y compris l'organisation des appels entre le président de Progress Energy et des ministres fédéraux. 

Madame Murray a expliqué au Commissariat qu'elle avait pensé aux ministres Fast et Duncan en raison de leurs liens à la Colombie-Britannique et au dossier traitant de l'énergie. Elle a indiqué que le ministre Paradis avait été choisi parce qu'il était ministre de l'Industrie et qu'Industrie Canada est responsable de l'investissement étranger au Canada. 

Le président de Progress Energy a dit au Commissariat que le ministre Fast avait été choisi parce qu'il était ministre du Commerce international et qu'une entreprise étrangère était partie à l'accord. Il a indiqué que le ministre Paradis avait été choisi parce qu'il était responsable, à titre de ministre de l'Industrie, de l'administration de la Loi sur Investissement Canada et que l'accord Progress-Petronas pouvait être assujetti aux exigences de cette loi. Il a dit que le ministre Duncan avait été choisi parce qu'il venait de la Colombie-Britannique. 

Raisons qu'avait M. Hill de téléphoner aux trois ministres

Madame Hill m'a dit que c'est de sa conjointe, Mme Murray, qu'il avait appris l'existence de l'accord Progress-Petronas, la dernière semaine de mai 2011. Selon lui, c'est lors d'une conversation avec elle au sujet de l'annonce imminente de l'accord Progress-Petronas qu'il s'était proposé pour communiquer avec les ministres Fast, Paradis et Duncan. M. Hill m'a dit que les appels avaient pour but de les prévenir. Il voulait informer les ministres de l'annonce de cet accord et leur donner quelques renseignements sur celui-ci afin qu'ils ne soient pas pris au dépourvu par les questions qui pourraient être posées au moment de l'annonce. 

Monsieur Hill a dit qu'il ne voulait prévenir personne avant d'avoir reçu confirmation que l'accord irait de l'avant. Il a dit croire que sa conjointe le lui aurait confirmé le 30 ou le 31 mai 2011 et qu'il avait donc très peu de temps pour effectuer ses appels avant le moment prévu de l'annonce le 2 juin 2011. 

Monsieur Hill a affirmé qu'il n'avait pas vu le plan de communications stratégiques du Cabinet de relations publiques National avant que le Commissariat lui fournisse une copie de l'ébauche. Lorsqu'on lui a demandé si c'était par hasard qu'il avait téléphoné aux trois ministres que le Cabinet de relations publiques National avait ciblés dans son plan de communication, M. Hill a répondu qu'il ne le savait pas, mais que quiconque ayant la moindre notion des relations gouvernementales saurait quels ministres seraient vraisemblablement ciblés. Cependant, il a dit aussi qu'il se pouvait que Mme Murray lui ait indiqué que le Cabinet de relations publiques National avait prévu de téléphoner au bureau des trois mêmes ministres, mais il ne s'en souvenait pas avec certitude. 

Monsieur Hill a indiqué avoir téléphoné au ministre Fast parce que c'était un nouveau ministre et qu'à cause de son portefeuille de Commerce international, il pouvait être appelé à commenter l'accord. M. Hill et le ministre Fast étaient tous deux députés de la Colombie‑Britannique et collègues de caucus depuis la première élection de M. Fast, le 23 janvier 2006. 

Quant au ministre Paradis, M. Hill a dit avoir communiqué avec lui parce qu'il était ministre de l'Industrie et que l'expérience que M. Hill avait acquise dans sa charge publique antérieure lui avait appris qu'il n'était pas inhabituel pour le ministre de l'Industrie d'être prévenu de l'imminence d'un tel accord. Le ministre Paradis a été élu le 23 janvier 2006 et était collègue de caucus de M. Hill. Le ministre Paradis a été nommé au cabinet le 4 janvier 2007 et était collègue de M. Hill au cabinet à partir de cette date jusqu'à la fin du mandat de M. Hill, le 6 août 2010. M. Hill et le ministre Paradis étaient tous deux membres suppléants du Conseil du Trésor en 2007 et 2008 et M. Hill a témoigné qu'il a appris à connaître davantage le ministre Paradis alors qu'ils siégeaient à ce comité de cabinet.

Monsieur Hill a dit avoir décidé de téléphoner au ministre Duncan parce que c'était un ministre de premier plan de la Colombie-Britannique en ce sens que c'était le député de cette province ayant le plus d'ancienneté au cabinet. C'est pour cette raison que M. Hill a décidé de communiquer avec le ministre Duncan, même si l'accord ne devait pas avoir de répercussions immédiates sur son portefeuille de ministre des Affaires autochtones et du développement du Nord canadien. Le ministre Duncan avait été collègue de caucus de M. Hill, également de la Colombie-Britannique, depuis leurs premières élections en 1993 jusqu'à ce que M. Hill quitte sa charge en 2010, avec exception de la période entre l'élection de 2006, lorsque le ministre Duncan n'a pas été réélu, et l'élection de 2008.  

J'ai demandé à M. Hill s'il avait également songé à téléphoner au ministre politique de premier plan désigné pour la Colombie-Britannique. Il m'a répondu qu'il croyait que c'était l'honorable James Moore, mais qu'il avait décidé de ne pas l'appeler parce qu'il était peu probable que M. Moore, en sa qualité de ministre du Patrimoine canadien, soit interrogé à propos de l'accord.

Détails des appels téléphoniques effectués par M. Hill avant l'annonce

Monsieur Hill a dit croire avoir effectué tous ses appels aux ministres le 31 mai 2011. Il a indiqué qu'il avait les numéros de leurs lignes directes. Il a appelé le cellulaire du ministre Paradis et pourrait avoir appelé les autres ministres sur leurs cellulaires, mais ne se rappelle plus précisément si c'est ce qu'il a fait. 

Monsieur Hill a parlé aux ministres Fast et Paradis, ainsi qu'à M. McArthur, chef de cabinet du ministre Duncan, qui a rendu l'appel de M. Hill au ministre Duncan. Il a indiqué qu'il avait fourni la même information à chacun d'eux. Il les a informés de l'annonce prochaine d'un accord en vertu duquel une société d'énergie étrangère se portait acquéreur d'une part importante des éléments d'actifs en Colombie-Britannique de Progress Energy. Il a indiqué leur avoir dit que s'ils cherchaient de plus amples renseignements, ils pourraient en obtenir auprès de Mme Murray au Cabinet de relations publiques National ou auprès de Progress Energy. Selon M. Hill, même s'il n'arrivait pas à se souvenir s'il avait donné les coordonnées à chaque ministre, il est possible qu'il l'ait fait. 

Le ministre Fast a remis au Commissariat une note au dossier qu'il avait rédigée le 10 juin 2011. Celle-ci résumait les deux appels reçus de M. Hill au sujet de l'accord Progress‑Petronas, un premier aux environs du 31 mai et un deuxième le 10 juin. Au cours d'une entrevue que j'ai eue avec lui, le ministre Fast a parlé du contenu de la note et m'a fourni des détails supplémentaires. 

Le ministre Fast a indiqué que, lors du premier appel, M. Hill avait mentionné un accord dont l'annonce était imminente entre une entreprise canadienne et une entreprise multinationale étrangère. Il a dit que M. Hill lui avait demandé de téléphoner à l'entreprise canadienne et lui avait donné le nom de cette entreprise, mais le ministre Fast ne se rappelait pas le nom de l'entreprise et n'était pas certain de se rappeler si M. Hill lui avait fourni les coordonnées. Pour sa part, M. Hill a affirmé qu'il n'avait pas demandé au ministre Fast de téléphoner à Progress Energy et qu'il l'avait seulement orienté vers l'entreprise, au cas où le ministre Fast aurait voulu en savoir davantage sur l'accord. Le ministre Fast a indiqué qu'il n'a pas communiqué avec l'entreprise après sa conversation avec M. Hill. 

Le ministre Paradis a confirmé également que M. Hill lui avait téléphoné et lui avait parlé de l'accord Progress-Petronas avant l'annonce publique. Il a dit que cet appel visait à le prévenir et que M. Hill lui avait suggéré de communiquer avec Progress Energy. M. Hill m'a dit qu'il n'avait pas demandé au ministre Paradis de communiquer avec Progress Energy ou de prendre quelque mesure que ce soit concernant l'accord. 

Le ministre Paradis a dit avoir indiqué à M. Hill qu'il ne pouvait pas discuter de l'accord avec lui, car il se pouvait que l'affaire relève de ses responsabilités à titre de ministre en vertu de la Loi sur Investissement Canada. Le ministre Paradis a consulté son personnel ministériel et demandé à un de ses membres de téléphoner à M. Hill, ce qui a été fait au début de juin 2011. Le membre du personnel a dit qu'il avait aussi expliqué à M. Hill que si c'était quelque chose qui était couvert par la Loi sur Investissement Canada, ce serait au ministère de conseiller le ministre et qu'il ne pouvait pas en discuter avec M. Hill. M. Hill m'a indiqué qu'il ne savait pas si l'autorisation du ministre de l'Industrie serait requise pour confirmer l'accord Progress-Petronas.  

Monsieur McArthur, le chef de cabinet du ministre Duncan, a retourné l'appel de M. Hill au ministre Duncan le 1er juin 2011, le jour avant l'annonce. M. McArthur a dit que, durant cet appel, M. Hill avait indiqué qu'il voulait prévenir le ministre Duncan et que ce dernier devrait être mis au courant à titre de ministre des Affaires autochtones et de ministre de premier plan de la Colombie-Britannique. M. McArthur a indiqué que M. Hill lui avait dit qu'un représentant de Progress Energy aimerait parler au ministre Duncan pour lui expliquer l'accord avant qu'il en soit informé par les médias et que M. Hill lui avait indiqué le nom et le numéro de téléphone d'une personne chez Progress Energy. M. McArthur a dit que M. Hill ne lui avait pas demandé d'appeler Progress Energy, mais lui avait plutôt fourni le nom de la personne-ressource au cas où il était intéressé et qu'il voulait en savoir davantage. 

Monsieur Hill m'a dit qu'il avait parlé de l'accord à M. McArthur et lui avait fait savoir qu'il pouvait téléphoner à sa conjointe ou à Progress Energy si le ministre Duncan ou lui-même voulait plus d'information, mais qu'il laissait cela à sa discrétion. 

Monsieur McArthur m'a dit qu'après sa conversation avec M. Hill, il avait fait savoir au ministre Duncan que M. Hill avait appelé pour dire qu'une entreprise de la Colombie‑Britannique allait bientôt annoncer un important investissement d'une société étrangère, et avait suggéré qu'ils communiquent avec Progress Energy si le ministre voulait en savoir plus à ce sujet. 

Le ministre Duncan m'a dit que M. McArthur l'avait informé que Progress Energy voulait s'entretenir avec lui d'une chose importante et notable pour la région du nord-est de la Colombie-Britannique et qu'une annonce suivrait. Il a ajouté que M. McArthur tenait à s'assurer qu'il s'entretiendrait avec Progress Energy, ce qu'il a fait. M. McArthur a organisé un appel téléphonique, qui a eu lieu le jour même, entre le ministre Duncan, M. McArthur et le président de Progress Energy. Le ministre Duncan a dit que, durant cet appel, le président avait donné des renseignements supplémentaires sur l'accord. 

Monsieur Hill a décrit ces appels téléphoniques aux ministres comme étant de simples préavis. Les témoignages recueillis montrent cependant qu'il est allé plus loin. Le ministre Fast m'a dit que M. Hill lui avait demandé de téléphoner à Progress Energy. Le ministre Paradis m'a dit que M. Hill avait aussi suggéré qu'il téléphone à l'entreprise. M. McArthur m'a dit que M. Hill lui avait fait savoir qu'un représentant de Progress Energy aimerait parler au ministre Duncan avant que l'annonce soit faite. Bien que ces comptes rendus diffèrent légèrement, ils sont pour moi une indication que les appels de M. Hill avaient pour but de faire en sorte que les ministres appellent le président de Progress Energy et étaient aussi un effort de sa part pour aider sa conjointe à mener à bien une des étapes du plan de communications stratégiques qui avait été élaboré par le Cabinet de relations publiques National. 

Même si un seul des trois ministres a choisi de communiquer avec le président de Progress Energy, M. Hill a réussi à attirer l'attention des trois ministres sur l'accord avant son annonce publique. Mme Murray a pu faire savoir à Progress Energy que c'était chose accomplie.

Appels organisés par le Cabinet de relations publiques National

Madame Murray a dit au Commissariat que tous les appels de M. Hill aux ministres Fast, Paradis et Duncan avaient été effectués séparément et indépendamment des appels de planification aux mêmes ministres selon le plan de communications stratégiques du Cabinet de relations publiques National. Elle a indiqué que c'était par coïncidence que M. Hill avait téléphoné aux trois ministres ciblés dans le plan. Toutefois, les éléments de preuve exposés ci‑dessous montrent que personne au Cabinet de relations publiques National n'a téléphoné aux bureaux des ministres avant l'annonce publique. 

Le 30 mai 2011, Mme Murray a envoyé à Mme Diamond un courriel dans lequel elle disait : « Mon "adjoint" communiquera avec les ministres dès que l'attaché de direction de Mike [le président de Progress Energy] aura été mis au courant de la situation. » [traduction] Durant son entrevue, Mme Murray a dit que l'« adjoint » dont elle parlait était un consultant subalterne travaillant au Cabinet de relations publiques National. Elle a précisé que la tâche avait été assignée à un consultant subalterne puisque ces appels n'avaient pour but que d'organiser un appel téléphonique entre chacun des ministres et le président de Progress Energy. Elle a indiqué au Commissariat le nom de ce consultant subalterne. 

Le Commissariat a interviewé ce consultant subalterne ainsi qu'un autre consultant subalterne au Cabinet de relations publiques National qui avait aussi travaillé au dossier Progress‑Petronas. Ils ont tous les deux dit qu'ils n'avaient téléphoné à aucun bureau de ministre fédéral relativement à l'accord Progress-Petronas. 

Dans un courriel du 31 mai 2011 de Mme Murray à ces deux consultants subalternes, elle notait que des messages avaient déjà été laissés aux ministres Fast, Paradis et Duncan. Elle a demandé aux consultants subalternes d'organiser des appels avec un certain nombre de ministres provinciaux de la Colombie-Britannique et de l'Alberta ainsi qu'avec un autre ministre fédéral. L'un des consultants subalternes a indiqué au Commissariat qu'il n'avait rien eu à voir dans le dossier avant de recevoir ce courriel. L'autre a expliqué au Commissariat qu'il avait été quelque peu impliqué dans la préparation du tableau des intervenants pour les besoins du plan de communications stratégiques.  

Madame Diamond, la gestionnaire de Mme Murray au Cabinet de relations publiques National, et le président de Progress Energy ont tous deux dit au Commissariat que c'est le Cabinet de relations publiques National qui devait se charger d'effectuer les appels aux trois ministres fédéraux dans le but d'organiser les appels entre ces ministres et le président de Progress Energy. Cependant, ils ne savaient pas qui, le cas échéant, avait effectué les appels. 

Les ministres Fast, Paradis et Duncan m'ont dit que les membres de leur personnel et eux‑mêmes n'étaient pas au courant d'appels qui auraient pu être reçus du Cabinet de relations publiques National ou de Progress Energy au sujet de l'accord Progress-Petronas avant l'annonce publique de cet accord le 2 juin 2011.

Échanges de courriels

Monsieur Hill et Mme Murray ont échangé plusieurs courriels à propos de l'annonce de l'accord Progress-Petronas. Ces courriels montrent que M. Hill et Mme Murray se sont consultés de façon continue. 

Le 26 mai 2011, M. Hill a transmis à Mme Murray et à Mme Diamond des courriels qu'il avait échangés avec un ancien ministre fédéral des Affaires étrangères. M. Hill lui avait écrit qu'on venait de lui demander conseil à propos d'un éventuel partenariat entre une entreprise canadienne et une société d'État malaisienne. Il a demandé à l'ancien ministre ce qu'il pensait de la Malaisie comme partenaire commercial de la côte du Pacifique et comme pays, et comment ce pays était perçu par le gouvernement du Canada. M. Hill m'a dit qu'il ne se souvenait pas de cet échange de courriels, mais a supposé que sa conjointe lui avait demandé son avis. Mme Murray a dit qu'elle n'avait jamais vu ces courriels et que personne n'avait demandé à M. Hill d'agir en ce sens. 

Dans un courriel du 27 mai 2011, M. Hill a demandé à Mme Murray quand la date de l'annonce, qui devait être précédée par les appels téléphoniques, serait fixée. M. Hill m'a dit que les appels en question étaient les appels aux trois ministres qu'il avait offert d'effectuer. 

Le 30 mai 2011, M. Hill a envoyé à Mme Murray un courriel dans lequel il a écrit : « J'imagine que je peux t'aider à organiser ces réunions lors de la fin de semaine du congrès. » [traduction] M. Hill m'a dit qu'il faisait allusion au congrès du Parti conservateur qui a eu lieu à Ottawa du 9 au 12 juin 2011 et que les réunions mentionnées étaient celles que Mme Murray allait essayer d'obtenir avec certains ministres. M. Hill a ajouté qu'il ne l'avait cependant pas aidée à cet égard au congrès. 

Un peu plus tard le 30 mai, M. Hill a envoyé un courriel à Mme Murray pour lui demander le nom et le numéro de téléphone d'une personne-ressource chez Progress Energy au cas où les ministres souhaiteraient parler avec le président de l'entreprise. Le lendemain, Mme Murray a écrit un courriel à M. Hill dans lequel elle lui demandait, lorsqu'il joindrait « les trois messieurs en question » [traduction], de leur dire de communiquer avec l'adjoint administratif du président de Progress Energy. Elle a ajouté que l'adjoint attendait les appels et qu'elle lui avait demandé de prévoir 10 minutes pour chacun. M. Hill a confirmé que « les trois messieurs en question » mentionnés dans le courriel de Mme Murray étaient les ministres Fast, Paradis et Duncan. 

Dans un autre courriel du 30 mai 2011, M. Hill a demandé à Mme Murray de lui indiquer ce qu'il était censé dire au ministre Paradis. M. Hill m'a dit qu'il faisait allusion au nom et au numéro de téléphone d'une personne-ressource pour le ministre Paradis au cas où il voudrait plus de renseignements. Mme Murray a dit ne pas se souvenir des instructions qu'elle lui avait données. 

Le matin du 31 mai 2011, dans un courriel à Mme Murray, M. Hill a demandé ce qu'il adviendrait de leur « grand plan » [traduction] s'il disait être trop occupé ou s'il n'arrivait pas à joindre les ministres « pour qu'ils coordonnent un appel » [traduction]. M. Hill m'a dit qu'il voulait parler, lorsqu'il a écrit « pour qu'ils coordonnent un appel », des appels des ministres au président de Progress Energy, à partir des coordonnées qu'il avait fournies, s'ils voulaient plus d'information sur l'accord Progress-Petronas. Il a dit que le « grand plan » faisait référence, et ce, de façon quelque peu sarcastique, au plan élaboré par le Cabinet de relations publiques National pour faire venir des représentants de Petronas au Canada.

Plus tard ce matin-là, Mme Murray a envoyé un courriel à l'adjoint administratif principal du président de Progress Energy dans lequel elle a écrit : « Nous allons faire des appels au gouvernement immédiatement. » [traduction] Elle a aussi fourni au président de Progress Energy un texte qu'il pourrait utiliser lorsqu'il parlerait aux ministres Fast, Paradis et Duncan. 

Quelques minutes plus tard, M. Hill a envoyé à Mme Murray un courriel indiquant qu'il avait joint la boîte vocale du ministre Paradis sur son cellulaire et lui avait laissé un message pour lui demander de le rappeler. 

Dans un courriel du 1er juin 2011 à l'adjoint administratif principal du président de Progress Energy, Mme Murray a écrit : « Nous avons joint le chef de cabinet de John Duncan. Ils étaient contents d'avoir été prévenus, mais n'ont pas jugé nécessaire d'appeler. Alors le fait que les ministres ont été avisés directement signifie que c'est tâche accomplie. » [traduction] Mme Murray a dit au Commissariat que « nous avons joint le chef de cabinet de John Duncan » faisait référence à la conversation téléphonique de M. Hill avec M. McArthur après que M. Hill eut laissé un message pour le ministre Duncan. L'adjoint administratif principal a répondu : « Je viens tout juste de fixer un rendez-vous téléphonique avec l'adjoint du ministre John Duncan. » [traduction] La réplique de Mme Murray : « Génial, j'avais l'impression qu'ils nous envoyaient balader – ce sont d'excellentes nouvelles. » [traduction] 

Les courriels mentionnés ci-dessus montrent que M. Hill cherchait à obtenir des instructions de sa conjointe pour ce qui est de ses appels aux ministres et qu'il l'a tenue au courant des progrès réalisés à l'égard de ces appels. Quant à Mme Murray, elle a tenu les représentants du Cabinet de relations publiques National et de Progress Energy au courant des progrès accomplis à l'égard de ces appels, bien qu'elle ne fait pas mention dans ces courriels du fait que c'est M. Hill qui ait fait ces appels. 

Monsieur Hill a dit qu'il était demeuré en communication avec Mme Murray au sujet des appels qu'il avait offert d'effectuer pour s'assurer qu'il les ferait au bon moment et qu'il avait les bonnes coordonnées au cas où les ministres voudraient faire un suivi auprès de Progress Energy. Il a dit aussi que, vu qu'il s'était proposé pour effectuer les appels, elle voudrait savoir s'il avait réussi à joindre les ministres. 

Madame Murray avait été chargée d'organiser les appels entre les ministres et le président de Progress Energy, et il semble qu'elle ait compté sur M. Hill pour communiquer avec les ministres en guise de première étape avant l'annonce. M. Hill a demandé ou suggéré que les ministres appellent le président de Progress Energy avant l'annonce publique. Tel que nous l'avons mentionné ci-dessus, dans un courriel du 31 mai 2011, M. Hill a spécifié que l'objectif de son appel était de faire en sorte que les ministres « coordonnent un appel ».

Quoiqu'il n'y ait aucune preuve qu'il y avait une entente formelle, les courriels et la preuve que M. Hill est la seule personne à avoir téléphoné aux ministres fédéraux avant l'annonce, montrent que M. Hill travaillait avec sa conjointe et l'a aidée à s'acquitter de ses responsabilités au Cabinet de relations publiques National en effectuant ces appels. À mon sens, étant donné le peu de temps alloué pour les appels, M. Hill avait plus de chances de convaincre les trois ministres de communiquer avec le président de Progress Energy qu'un employé subalterne du Cabinet de relations publiques National.

L'appel du 10 juin 2011

Monsieur Hill a téléphoné une seconde fois au ministre Fast le 10 juin 2011. Il m'a expliqué qu'il avait décidé d'effectuer cet appel après avoir vu le ministre Fast au congrès du Parti conservateur qui a eu lieu à Ottawa du 9 au 12 juin 2011. M. Hill a demandé à sa conjointe si le ministre avait communiqué avec elle après son premier appel. Elle a répondu par la négative, ce qui l'a incité à téléphoner au ministre Fast une deuxième fois. 

Monsieur Hill a dit avoir téléphoné au ministre Fast une seconde fois pour lui demander s'il avait les coordonnées de Mme Murray au cas où il voudrait faire un suivi et obtenir plus d'information. Après cet appel, il a envoyé au ministre Fast un courriel dans lequel il lui a donné les coordonnées de Mme Murray au Cabinet de relations publiques National, ainsi que les coordonnées personnelles de Mme Murray, en ajoutant qu'elle attendait son appel. 

Dans sa note au dossier du 10 juin 2011 dont il a été question ci-dessus, le ministre Fast a écrit que, lors de son deuxième appel, M. Hill lui avait rappelé sa demande antérieure, lui avait fait remarquer qu'il n'y avait pas donné suite et l'encourageait à communiquer avec sa conjointe pour obtenir plus de renseignements sur l'entreprise en question. Le ministre Fast me l'a confirmé durant notre entrevue. M. Hill m'a dit qu'il n'avait pas demandé au ministre Fast de téléphoner à sa conjointe. 

Le ministre Fast m'a dit que le second appel de M. Hill l'avait convaincu qu'il s'agissait d'un effort de sa part pour faire du lobbying auprès de lui au nom d'une entreprise canadienne. Il a ajouté avoir présumé qu'il avait été invité à s'adresser à Mme Murray parce que c'était une représentante de l'entreprise canadienne et qu'elle fournirait plus de renseignements ou ferait d'autres demandes relativement à son client.  

Peu importe que M. Hill ait demandé au ministre Fast de téléphoner à sa conjointe ou l'ait encouragé à le faire, ou qu'il lui ait simplement communiqué ses coordonnées, le fait qu'il lui a téléphoné une deuxième fois montre qu'il a continué à s'intéresser au dossier dont sa conjointe était responsable. 

Comme il a été mentionné précédemment, M. Hill avait offert à la fin mai d'aider Mme Murray à organiser des réunions avec les ministres lors de la fin de semaine du congrès. Puisqu'il a effectué cet appel durant la période du congrès, je crois qu'il est fort probable que le deuxième appel de M. Hill avait cet objectif.

Réunion de représentants de Progress Energy et de M. Hill le 13 juin 2011

Monsieur Hill a continué à s'intéresser au travail de Mme Murray dans le dossier Progress‑Petronas en assistant à une réunion-repas avec elle et des représentants de Progress Energy à Ottawa, le lundi 13 juin 2011. Le but de cette réunion était de préparer les représentants de l'entreprise à des réunions avec des représentants du gouvernement, y compris le ministre Duncan, le lendemain. 

Le 6 juin 2011, Mme Murray a envoyé un courriel à un représentant de Progress Energy dans lequel elle disait que si l'entreprise était d'accord, M. Hill serait à Ottawa et pourrait se joindre à eux à la réunion-repas du 13 juin et pourrait jeter une lumière nouvelle sur la situation avant les réunions prévues pour le lendemain. Elle a mentionné que M. Hill avait été ministre de cabinet et député de Prince George–Peace River. 

Les participants à la réunion-repas, y compris M. Hill, ont affirmé qu'il s'agissait essentiellement d'une rencontre sociale, mais qu'il avait été question de l'accord Progress‑Petronas à un moment donné. M. Hill m'a dit qu'il avait exposé ses vues sur la situation politique en Colombie-Britannique à la réunion-repas. Il a dit aussi qu'il avait donné son avis, sans qu'on le lui demande, sur ce qu'il fallait faire pour que la présentation soit la plus efficace possible, comme il l'avait fait pour d'autres qui l'avaient rencontré lorsqu'il était ministre. Mme Murray et le président de Progress Energy ont indiqué que M. Hill avait donné à l'entreprise des conseils sur le protocole des réunions avec des ministères du gouvernement et des ministres.​

La position de m. HILL

La position de M. Hill est qu'il n'a contrevenu à aucune de ses obligations d'après-mandat en vertu de l'article 33, du paragraphe 35(3) ou de l'article 37 de la Loi sur les conflits d'intérêts (la Loi). 

En ce qui concerne ses conversations avec les ministres Fast et Paradis et M. McArthur, le chef de cabinet du ministre Duncan, M. Hill a indiqué avoir fait ces appels pour prévenir les ministres qu'un accord entre Progress Energy et une entreprise étrangère serait prochainement annoncé, afin que les questions posées après l'annonce publique ne les prennent pas par surprise. M. Hill a souligné que les témoignages du ministre Paradis et de M. McArthur confirment cette description de la conversation. De plus, le ministre Paradis a dit que M. Hill lui a suggéré d'appeler Progress Energy, mais que ce dernier n'avait ni insisté, ni demandé qu'il fasse de quoi. M. McArthur a également expliqué que M. Hill n'avait rien demandé du ministre Duncan ou du ministère et a même nié spécifiquement le fait que M. Hill lui aurait demandé d'appeler Progress Energy. 

Monsieur Hill a également souligné plusieurs sections du témoignage du ministre Fast. Il a noté que le ministre Fast a témoigné que M. Hill avait nommé Progress Energy et non Petronas, que ce dernier n'avait pas mentionné sa femme lors du premier appel et que le ministre Fast ne se rappelait pas si M. Hill lui avait donné le nom ou les coordonnées d'une personne-ressource chez Progress Energy. 

Monsieur Hill a dit qu'il a pris connaissance de l'accord par sa conjointe, Mme Murray, et que c'est en discutant de l'accord avec elle qu'il avait offert d'effectuer ces appels. Cependant, il a affirmé qu'il ne l'avait pas fait à sa demande ni en son nom ou au nom de son employeur, le Cabinet de relations publiques National, ou de Progress Energy, qui n'étaient pas ses clients. Selon les témoignages des représentants du Cabinet de relations publiques National et de Progress Energy, ni un ni l'autre ne lui avait demandé d'effectuer ces appels. Il a ajouté qu'il n'avait pas effectué ces appels pour aider sa conjointe, mais bien pour aider les trois ministres en les prévenant de l'annonce imminente. 

Monsieur Hill a indiqué que lorsqu'il s'était entretenu avec les ministres Fast et Paradis et M. McArthur, il ne leur avait donné que des informations élémentaires sur l'accord Progress‑Petronas, sans toutefois nommer Petronas. Il leur a suggéré qu'ils pourraient obtenir plus de renseignements de Mme Murray au Cabinet de relations publiques National ou de Progress Energy, dont il aurait possiblement fourni les coordonnées. Il a dit qu'il n'est pas intervenu auprès des ministres et ne leur a pas demandé de communiquer avec le président de Progress Energy ou Mme Murray.

Monsieur Hill a indiqué qu'il avait téléphoné au ministre Fast une seconde fois simplement pour s'assurer que ce dernier avait les coordonnées de sa conjointe, au cas où il voudrait communiquer avec elle plus tard au sujet de cet accord ou de tout autre dossier. 

Par l'entremise de son avocat, M. Hill a également fait des représentations juridiques sur les précisions suffisantes pour répondre à ma préoccupation selon laquelle il aurait possiblement agi comme intermédiaire entre sa conjointe et ses anciens collègues et que ses actions auraient pu contrevenir à ses obligations d'après-mandat en vertu de la Loi, soit à l'article 33, au paragraphe 35(3) et à l'article 37. 

Son avocat a présenté comme argument qu'aucune disposition de la Loi n'adresse une personne agissant comme « intermédiaire » et que la commissaire n'a pas le pouvoir d'étendre l'application de la Loi en concluant que cette situation est implicitement incluse. Sinon, il a soutenu que pour qu'elles correspondent au sens « d'agir comme intermédiaire », les activités d'une personne doivent être intégrantes aux deux parties pour que la personne soit le lien entre ces deux parties. Il a maintenu qu'il n'y a aucune preuve que M. Hill avait agi de cette manière. 

Monsieur Hill estime qu'il n'a nullement agi de manière à tirer un avantage indu de sa charge antérieure de titulaire de charge publique aux termes la Loi, comme l'article 33 de la Loi le lui interdit. L'avocat de M. Hill a soutenu qu'afin de conclure que ce dernier a contrevenu à l'article 33, dans le contexte des définitions de dictionnaire des termes « tirer un avantage » et « indu », il aurait fallu que M. Hill exploite ou trompe d'autres personnes avec sa charge antérieure de leader du gouvernement à la Chambre des communes ou qu'il se prévale de cette charge antérieure, et ce, de façon déplacée, indécente, non conforme aux règles de conduite générales, ou d'une manière malhonnête ou irrégulière. 

L'avocat de M. Hill maintient que les appels qu'a effectués M. Hill afin de prévenir ses anciens collègues ne dépendaient aucunement de sa charge antérieure à titre de leader du gouvernement à la Chambre des communes. Ils étaient qualifiés d'anciens collègues à titre de députés et les ministres Fast et Duncan n'occupaient pas de postes au sein du cabinet auprès de M. Hill alors qu'il était leader du gouvernement à la Chambre. L'article 33 de la Loi n'empêche pas qu'on communique avec ses anciens collègues. Puisque, lors des appels ayant pour but de prévenir les ministres, M. Hill n'a ni demandé, ni prié, ni imposé qu'on fasse de quoi, l'avocat de M. Hill soutient que ce dernier n'a pas agi de manière à tirer un avantage indu de sa charge antérieure.  

L'avocat de M. Hill maintient également qu'à la lumière du caractère général de l'article 33, il doit y avoir eu irrégularité aux termes d'une section plus spécifique des règles d'après-mandat qui se trouvent à la partie 3 de la Loi, soit le paragraphe 35(3) et l'article 37, dans ce cas. Selon lui, il n'y pas eu d'irrégularité dans ce cas-ci.

En ce qui a trait au paragraphe 35(3), seul le ministre Paradis occupait son poste de ministre au même moment où M. Hill occupait le sien. M. Hill est d'avis qu'il n'est pas intervenu auprès du ministre Paradis durant son appel téléphonique, et n'a donc pas contrevenu au paragraphe 35(3) de la Loi. 

L'avocat de M. Hill maintient que dans le dictionnaire ainsi que dans un contexte légal, on définit « intervenir » par le fait de prendre part à une action dans le but d'effectuer un changement ou d'influer sur son déroulement. M. Hill n'a jamais demandé si l'accord était sujet à révision en vertu de la Loi sur Investissement Canada, ni commenté à ce sujet. M. Hill ne faisait que prévenir le ministre Paradis en lui fournissant des renseignements et en lui suggérant qu'il communique avec une personne-ressource si le ministre souhaitait avoir de plus amples renseignements. Ces actions ne constituent pas une intervention. 

Pour ce qui est de l'article 37, La position de M. Hill est qu'il n'était pas tenu de présenter un rapport au titre du paragraphe 37(2) de la Loi, puisque l'objet des appels ne relevait pas
de l'alinéa 5(1)a) de la Loi sur le lobbying, et qu'il n'a pas ménagé d'entrevue visée à l'alinéa 5(1)b) de la Loi sur le lobbying. Particulièrement, l'avocat de M. Hill maintient que ce dernier n'a pas discuté d'une entrevue possible et n'a pas fait en sorte qu'il y ait d'entrevue entre un titulaire de charge publique et une autre personne. Aucune entrevue n'a eu lieu en conséquence des appels de M. Hill, qui avaient pour but de prévenir.

ANALYSe et CONCLUSIONS

Analyse

Comme il est indiqué dans la section intitulée Les constatations de faits, à la fin de mai 2011, M. Hill a commencé à s'intéresser au travail effectué par sa conjointe au Cabinet de relations publiques National pour le compte de Progress Energy. J'ai connaissance de l'aide qu'il lui a apportée dans ce dossier à six reprises. Il a consulté un ancien ministre des Affaires étrangères, téléphoné à trois ministres fédéraux en poste, téléphoné une seconde fois à l'un des ministres et assisté à une réunion avec les clients de Mme Murray pour les préparer à des réunions avec des représentants fédéraux, dont un des ministres qu'il avait appelé. 

Mon étude avait pour but de déterminer si, en téléphonant aux ministres fédéraux en poste, M. Hill avait contrevenu à ses obligations d'après-mandat en vertu de la Loi. Les autres occasions où il a aidé sa conjointe définissent le contexte dans lequel considérer l'importance de ces appels. 

L'article 33 de la Loi interdisait à M. Hill, du fait qu'il était ex-titulaire de charge publique, de tirer un avantage indu de sa charge antérieure. Durant une période de restriction de deux ans prenant fin le 6 août 2012, le paragraphe 35(3) lui interdisait également, à titre d'ancien ministre, d'intervenir auprès d'anciens collègues ministériels et il avait l'obligation, à titre d'ex-titulaire de charge publique principal et selon l'article 37, de faire rapport de certaines communications et entrevues ménagées avec des titulaires de charge publique en poste.

Article 33 : tirer un avantage indu de sa charge antérieure

L'article 33 interdit aux ex-titulaires de charge publique de tirer un avantage indu de leur charge antérieure. Cette interdiction s'applique à tous les ex-titulaires de charge publique pendant une période indéfinie à compter de la fin de leur mandat. L'article 33 est ainsi libellé : 

33. Il est interdit à tout ex-titulaire de charge publique d'agir de manière à tirer un avantage indu de sa charge antérieure.


Pour déterminer si M. Hill a contrevenu à l'article 33, il faut établir s'il a, en téléphonant aux ministres Fast, Paradis et Duncan à propos de l'accord Progress-Petronas, agi de manière à tirer un avantage indu de sa charge antérieure de ministre de cabinet, y compris sa charge la plus récente à titre de leader du gouvernement à la Chambre des communes. 

L'article 33 est une disposition générale très large qui oblige à examiner les circonstances propres à chaque cas pour déterminer si la conduite pendant l'après-mandat a permis de tirer un avantage indu de la charge antérieure. 

L'on doit déterminer si une personne a « tiré un avantage indu » selon une norme objective. Je dois examiner si une personne raisonnable, au fait de toutes les circonstances, considérerait que la conduite est inappropriée et qu'elle ne correspond pas aux normes de conduite éthique que l'ex-titulaire de charge publique en question devrait raisonnablement respecter.  

Certaines dispositions de la Loi donnent des précisions quant à ce qui pourrait être considéré comme indu. Les exemples les plus évidents de conduite tirant un avantage indu de sa charge antérieure sont énoncés à l'article 34, qui interdit aux ex-titulaires de charge publique de changer de camp dans les dossiers dont ils se sont occupés durant leur charge antérieure et de donner à leurs clients ou collègues des conseils fondés sur des renseignements confidentiels obtenus du fait de leur charge antérieure. 

Les obligations prévues par la Loi qui s'appliquent durant le mandat et les principes qui sous-tendent ces obligations aident aussi à déterminer ce qui pourrait être considéré comme tirant un avantage indu de sa charge antérieure. Un élément central de bien des dispositions de la Loi est l'interdiction de favoriser son intérêt personnel.  

L'article 9 de la Loi est particulièrement pertinent dans ce cas-ci puisqu'il interdit aux titulaires de charge publique de se prévaloir de leurs fonctions officielles pour tenter d'influencer la décision d'une autre personne dans le but de favoriser leur intérêt personnel ou celui d'un parent, y compris l'époux ou le conjoint de fait, ou de favoriser de façon irrégulière celui de toute autre personne. 

La Loi met notamment l'accent sur la nécessité de s'assurer que l'époux ou le conjoint de fait et les enfants à charge ne peuvent pas tirer d'avantages des fonctions officielles du titulaire de charge publique principal. Par exemple, les ministres doivent déployer des efforts raisonnables pour inclure dans leurs rapports confidentiels la même information concernant les biens, les dettes et les activités extérieures de ces membres de leur famille que celle qu'ils fournissent pour eux-mêmes. Ces membres de leur famille doivent aussi refuser d'accepter les cadeaux qui pourraient raisonnablement donner à penser qu'ils ont été offerts pour influencer le titulaire de charge publique. 

Lorsque M. Hill a appris que sa conjointe s'occupait du dossier des relations gouvernementales pour Progress Energy dans le cadre de l'accord Progress-Petronas, une lumière rouge aurait dû s'allumer quand l'idée lui est venue de téléphoner à des ministres fédéraux qu'il connaissait relativement à ce dossier. Il n'aurait pas dû effectuer les appels. 

Quoiqu'il n'y ait pas de preuve qu'il y avait une entente formelle, j'ai conclu que M. Hill a téléphoné aux trois ministres afin d'aider Mme Murray, sa conjointe, dans son travail au Cabinet de relations publiques National. M. Hill, qui avait les numéros de leurs lignes directes, se serait attendu à ce que les trois ministres prennent ses appels à cause des rapports qu'il avait établis avec eux alors qu'il occupait sa charge publique et à cause de son rôle de premier plan au sein du cabinet à titre de leader du gouvernement à la Chambre des communes. M. Hill s'est prévalu de son ancien statut afin de faciliter l'accès aux ministres pour sa conjointe, son employeur et son client. Les appels avaient pour but d'attirer l'attention des ministres sur l'accord et de faire en sorte qu'ils appellent le président de Progress Energy avant que l'accord soit annoncé publiquement.  

En raison de ses appels, l'accord entre Progress Energy et une entreprise étrangère a été porté directement à l'attention des ministres dans un délai très court. L'on peut mettre cette pratique en contraste avec la pratique habituelle du Cabinet de relations publiques National qui consiste à confier à des consultants subalternes le soin de communiquer avec les bureaux de ministres dans le but de fixer ces rendez-vous téléphoniques. Les appels de M. Hill ont augmenté les chances que Mme Murray et son employeur réussissent à mettre en œuvre certains des objectifs du plan de communications stratégiques. En fait, à cause des appels de M. Hill, un des trois ministres s'est entretenu avec le président de Progress Energy après son appel. 

Je suis d'avis que la conclusion d'une personne raisonnable serait que la conduite de M. Hill, dans ces circonstances, était inappropriée et qu'elle ne correspondait pas aux normes de conduite éthique qu'il devrait raisonnablement respecter. Je conclus donc que M. Hill a agi de manière à tirer un avantage indu de sa charge antérieure à titre de ministre de cabinet, y compris le plus récemment à titre de leader du gouvernement à la Chambre des communes, et qu'il a par conséquent contrevenu à l'article 33 de la Loi.

Paragraphe 35(3) : intervenir auprès d'anciens collègues ministériels

Le paragraphe 35(3) interdit aux anciens ministres d'intervenir auprès de ministres en poste qui étaient d'anciens collègues ministériels. En vertu du paragraphe 36(2), cette interdiction s'applique durant une période de restriction d'après-mandat de deux ans. Le paragraphe 35(3) est ainsi libellé : 

35. (3) Il est interdit à tout ex-titulaire de charge publique principal qui était ministre ou ministre d'État d'intervenir auprès d'un ancien collègue faisant encore partie du cabinet.


Des trois ministres à qui M. Hill a téléphoné à propos de l'accord Progress-Petronas, seul le ministre Paradis avait été ministre en même temps que lui. M. Paradis a été secrétaire d'État (agriculture), un ministre d'État, du 4 janvier 2007 au 29 octobre 2008, ministre des Travaux publics et des Services gouvernementaux du 25 juin 2008 au 18 janvier 2010, puis ministre des Ressources naturelles du 19 janvier 2010 au 17 mai 2011. M. Hill a été secrétaire d'État et whip en chef du gouvernement, un ministre d'État, du 4 janvier 2007 au 29 octobre 2008 et était leader du gouvernement à la Chambre des communes du 30 octobre 2008 au 6 août 2010.  

Monsieur Hill a téléphoné au ministre Paradis aux environs du 31 mai 2011, pendant sa période de restriction d'après-mandat de deux ans qui s'étendait du 7 août 2010 au 6 août 2012. Je dois déterminer si M. Hill est intervenu auprès du ministre Paradis au sens du paragraphe 35(3) durant l'appel téléphonique. 

Dans Le rapport Sullivan (le 17 octobre 2012), j'ai interprété les « interventions » comme voulant dire des communications officielles ou officieuses visant à influer sur des décisions officielles, des avis ou des actions. L'unique fait de fournir de l'information factuelle sans avoir l'intention d'influer sur des décisions officielles, des avis ou des actions ne constituerait pas une intervention en soi.  

Monsieur Hill a informé le ministre Paradis de l'accord Progress-Petronas et lui a suggéré de téléphoner au président de Progress Energy avant l'annonce publique afin d'obtenir plus d'information. À mon avis, cet appel était une communication officieuse qui visait à faire en sorte que le ministre Paradis téléphone au président de Progress Energy.  

Dans les circonstances de ce cas, la question est de savoir si la suggestion de M. Hill d'effectuer un appel constitue une intervention visant à influer sur le ministre Paradis afin qu'il effectue l'appel. Le ministre Paradis a dit qu'on ne lui a pas demandé de faire cet appel et que M. Hill n'a pas insisté sur ce point. Il est impossible de déterminer ce qui a été dit exactement et la façon dont les paroles ont été prononcées, particulièrement lorsqu'on compare ces détails au récit des deux autres témoins que M. Hill a appelés. Selon le ministre Fast, M. Hill lui a demandé de téléphoner au président de Progress Energy, tandis que M. McArthur a témoigné que M. Hill lui faisait tout simplement part du fait que le président aimerait lui parler.  

Si le ministre Paradis avait appelé le président de Progress Energy, il l'aurait fait en sa qualité officielle de ministre de l'Industrie. Il est moins clair si l'appel aurait été une action officielle puisqu'au moment de l'appel, le ministre n'était pas saisi de question relative à l'accord Progress-Petronas. 

J'ai déjà conclu, en vertu de l'article 33, que M. Hill a agi de façon indue lorsqu'il a effectué ces appels. J'ai aussi conclu que l'un des objectifs de ces appels était de faire en sorte que les ministres, y compris le ministre Paradis, appellent le président de Progress Energy. Toutefois, le ministre Paradis a témoigné que M. Hill n'avait que suggéré qu'il appelle le président et n'avait aucunement insisté sur ce point. Par conséquent, selon la prépondérance, je ne peux pas conclure que les communications de M. Hill auprès du ministre Paradis constituent une intervention dans le but d'influer sur les actions officielles du ministre Paradis, ce qui serait interdit en vertu du paragraphe 35(3). 

Pour ces raisons, je conclus que M. Hill n'a pas contrevenu au paragraphe 35(3) de la Loi.

Article 37 : faire rapport d'une communication ou d'une entrevue obtenue

L'article 37 de la Loi oblige les ex-titulaires de charge publique principaux à faire rapport au commissaire de certaines communications et de l'organisation d'entrevues durant leur période de restriction d'après-mandat. La partie pertinente de l'article 37 dispose que : 

37. (1) L'ex-titulaire de charge publique principal qui communique, en vertu de l'alinéa 5(1)a) de la Loi sur le lobbying, ou qui obtient une entrevue, en vertu de l'alinéa 5(1)b) de cette loi, avec un titulaire de charge publique durant la période applicable visée à l'article 36 est tenu d'en faire rapport au commissaire.

[…]


Les communications dont rapport doit être fait conformément à l'article 37 de la Loi sont décrites à l'alinéa 5(1)a) de la Loi sur le lobbying et l'organisation des entrevues, à l'alinéa 5(1)b), en ces termes : 

5. (1) […]

a) à communiquer avec le titulaire d'une charge publique au sujet des mesures suivantes : 
(i) l'élaboration de propositions législatives par le gouvernement fédéral ou par un sénateur ou un député,
(ii) le dépôt d'un projet de loi ou d'une résolution devant une chambre du Parlement, ou sa modification, son adoption ou son rejet par celle-ci,
(iii) la prise ou la modification de tout règlement au sens du paragraphe 2(1) de la Loi sur les textes réglementaires,
(iv) l'élaboration ou la modification d'orientation ou de programmes fédéraux,
(v) l'octroi de subventions, de contributions ou d'autres avantages financiers par Sa Majesté du chef du Canada ou en son nom,
(vi) l'octroi de tout contrat par Sa Majesté du chef du Canada ou en son nom;

b) à ménager pour un tiers une entrevue avec le titulaire d'une charge publique.


Les appels de M. Hill aux ministres Fast et Paradis et au chef de cabinet du ministre Duncan constituaient bien des communications, mais n'avaient trait à aucune des mesures énumérées à l'alinéa 5(1)a) de la Loi sur le lobbying. Par conséquent, il n'était pas obligé d'en faire rapport conformément à l'article 37.  

En ce qui concerne le fait de ménager une entrevue dont il est question à l'alinéa 5(1)b) de la Loi sur le lobbying, j'interprète cet énoncé dans le sens ordinaire d'organiser ou de fixer une entrevue personnelle ou téléphonique, lorsqu'il y a accord sur les mesures prises pour l'entrevue, possiblement sous réserve de changements ou d'annulation. Rapport devrait être fait en vertu de l'article 37 de toute entrevue ménagée, qu'elle ait lieu ou non. 

Durant les appels en question, M. Hill a demandé ou suggéré aux ministres qu'ils téléphonent au président de Progress Energy, ou les a encouragés à le faire. Il est clair qu'il a déployé des efforts pour faciliter l'organisation d'une entrevue téléphonique. Cependant, aucun des ministres ne s'est engagé à téléphoner au président de Progress Energy, bien qu'il y en a un qui ait fait un tel appel.  

Après ses conversations, M. Hill ne savait pas si un ministre ou l'autre y donnerait suite ou non. En fait, il n'y a eu aucun suivi de la part du ministre Fast ou du ministre Paradis. Dans le cas du ministre Duncan, même si une entrevue téléphonique avec le président de Progress Energy a suivi, M. Hill ne savait pas que cette conversation téléphonique aurait lieu lorsqu'il a parlé à M. McArthur. C'est ce que confirme le courriel du 1er juin 2011 de Mme Murray à Progress Energy, mentionné dans Les constatations de faits, dans lequel elle a indiqué que M. McArthur avait dit croire qu'un appel téléphonique n'était pas nécessaire. 

Pour cette raison, j'estime que M. Hill n'a ménagé aucune entrevue. Par conséquent, il n'était pas tenu de faire rapport conformément à l'article 37 de la Loi.

Conclusions

En ce qui concerne l'article 33 de la Loi, M. Hill a téléphoné aux ministres Fast, Paradis et Duncan en supposant qu'ils prendraient ses appels en raison des rapports qu'il avait établis avec eux alors qu'il occupait sa charge publique et à cause de son rôle de premier plan au sein du cabinet à titre de leader du gouvernement à la Chambre des communes. Il a effectué ces appels pour aider sa conjointe à s'acquitter de ses tâches pour le Cabinet de relations publiques National. Ses appels ont augmenté les chances qu'avaient Mme Murray et son employeur de réussir à atteindre certains des objectifs du plan de communications stratégiques. M. Hill a donc agi de manière à tirer un avantage indu de sa charge antérieure de leader du gouvernement à la Chambre des communes, et a ainsi contrevenu à l'article 33. 

En ce qui concerne le paragraphe 35(3) de la Loi, je n'ai pas pu conclure que les communications de M. Hill auprès du ministre Paradis constituaient des interventions dans le but d'influer sur une action officielle du ministre Paradis, un ancien collègue ministériel de M. Hill. Par conséquent, je n'ai pas conclu que M. Hill a contrevenu au paragraphe 35(3).  

En ce qui concerne l'article 37 de la Loi, M. Hill n'a pas, pour ce qui est de ses appels aux ministres Fast, Paradis et Duncan, eu de communication ni ménagé d'entrevue l'obligeant à faire rapport, et n'a donc pas contrevenu à l'article 37.

Annexe : LISTe des témoins

Sauf indication​ contraire, les témoins sont présentés ci-dessous selon l'organisme au sein duquel ils travaillaient lorsque les événements faisant objet de la présente étude se sont produits. 

Entre​​vues

Bureau du Ministre de l'Industrie

  • L'honorable Christian Paradis, ministre

  • M. Bruce Winchester, directeur des politiques

Bureau du Ministre du Commerce international et de la porte d'entrée de l'Asie-Pacifique

  • L'honorable Edward Fast, ministre

  • M. Bill Hawkins, chef de cabinet

Bureau du Ministre des Affaires autochtones et du développement du Nord canadien 

  • L'h​onorable John Duncan, ministre

  • M. David McArthur, chef de cabinet

Cabinet de relations publiques National 

  • M. Nei​l Babaluk, coordonnateur, bureau de Calgary

  • Mme Beth Diamond, associée directrice, bureau de Calgary

  • Mme Leah Murray, directrice, bureau de Calgary

  • M. Aaron Zimmerman, coordonnateur des communications, bureau de Calgary

Progress Energy Resources Corporation 

  • M.​ Michael Culbert, président et premier dirigeant

  • M. Greg Kist, vice-président, Marketing et relations corporatives et gouvernementales

​Représentations écrites

Bureau du Ministre des Affaires autochtones et du développement du Nord canadien 

  • M. Steven Hobbs, chef de cabinet (depui​​s juin 2012)​


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