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Renvoi du Commissaire à l'intégrité du secteur public : Le rapport Heinke et Charbonneau

​​​​PRéFACE​

La Loi sur les conflits d'intérêts, L.C. 2006, ch. 9, art. 2 (la Loi), est entrée en vigueur le 9 juillet 2007.

Selon l'article 68 de la Loi, si la commissaire aux conflits d'intérêts et à l'éthique est saisie d'une question renvoyée par le commissaire à l'intégrité du secteur public en vertu du paragraphe 24(2.1) de la Loi sur la protection des fonctionnaires divulgateurs d'actes répréhensibles, elle doit fournir au premier ministre un rapport énonçant les faits, son analyse de la question et ses conclusions. La commissaire fournit également une copie de ce rapport au titulaire de charge publique ou ancien titulaire de charge publique faisant l'objet du rapport ainsi qu'au commissaire à l'intégrité du secteur public. Enfin, le rapport est rendu public.

Aperçu

Le présent document constitue mon premier rapport faisant suite au renvoi d'une question émanant du Commissariat à l'intégrité du secteur public. Il porte sur 167 divulgations qui m'ont été renvoyées par ce commissaire.

Le commissaire à l'intégrité du secteur public a pour mandat d'examiner les divulgations faites par des fonctionnaires concernant des actes répréhensibles et de faire enquête à leur sujet. S'il estime que l'objet d'une divulgation relève de ma compétence, il est tenu de me renvoyer la question.

Lorsqu'une question m'est renvoyée ainsi, je suis tenue, selon la Loi sur les conflits d'intérêts (la Loi), de publier un rapport énonçant les faits et dans lequel j'expose mon analyse ainsi que mes conclusions. Si la question qui m'est renvoyée relève bien de ma compétence et que j'ai des motifs de croire qu'il y a eu contravention à la Loi, je dois déterminer si une étude s'impose. Si tel est le cas, j'entreprends d'étudier la question, conformément à l'article 45 de la Loi. Même si je décide de ne pas étudier la question, je dois néanmoins rédiger un rapport. On trouvera dans l'annexe une description plus détaillée du processus de renvois provenant du commissaire à l'intégrité du secteur public et des dispositions législatives pertinentes.

Dans ce cas, les questions dont j'ai été saisie portaient sur des décisions rendues par le Conseil canadien des relations industrielles (le Conseil) en 2010 et 2011 touchant Air Canada et l'un de ses syndicats, l'Association internationale des machinistes et des travailleurs et travailleuses de l'aérospatiale (le syndicat).

On alléguait que deux membres du Conseil ayant participé aux décisions – M. Patrick Heinke, représentant patronal, et M. Daniel Charbonneau, représentant des employés – étaient en conflit d'intérêts en raison de leurs liens passés avec les parties touchées par les décisions.

J'ai demandé de plus amples détails aux personnes ayant fait les divulgations auprès du commissaire à l'intégrité du secteur public et j'ai obtenu d'autres renseignements de MM. Heinke et Charbonneau. Aucune information recueillie n'indiquait que M. Heinke ou M. Charbonneau avaient des intérêts personnels qu'ils auraient pu favoriser en participant aux décisions susmentionnées.

Par conséquent, je n'avais aucun motif de croire que M. Heinke ou M. Charbonneau avaient contrevenu à la Loi et je n'ai pas approfondi la question.

Les renvois

En août et octobre 2011, le commissaire à l'intégrité du secteur public, qui à l'époque occupait son poste par intérim, m'a renvoyé, conformément au paragraphe 24(2.1) de la Loi sur la protection des fonctionnaires divulgateurs d'actes répréhensibles, un total de 167 divulgations qu'il avait reçues. Les divulgations portaient sur des décisions rendues par le Conseil canadien des relations industrielles (le Conseil) en 2010 et 2011 touchant Air Canada et l'un de ses syndicats. Les 167 divulgations provenaient toutes de personnes qui semblaient être membres de ce syndicat.

La première divulgation, dont j'ai été saisie en août 2011, contenait des allégations à l'encontre de M. Patrick Heinke, représentant patronal au sein du Conseil, à l'égard d'une décision rendue le 31 janvier 2011 au sujet de la restructuration d'une unité de négociation faisant suite à la vente de la division des services d'entretien d'Air Canada à Aveos Fleet Performance. Le syndicat en question était l'Association internationale des machinistes et des travailleurs et travailleuses de l'aérospatiale (le syndicat). Selon les allégations, M. Heinke était en conflit d'intérêts lorsqu'il a pris part à cette décision parce qu'il avait déjà travaillé à Air Canada et qu'il bénéficiait, en tant que retraité, de privilèges de voyage.

En octobre 2011, j'ai reçu 166 autres renvois du commissaire à l'intégrité du secteur public par intérim, contenant chacun une divulgation supplémentaire. Ces divulgations étaient toutes présentées selon le même format. Elles répétaient les allégations selon lesquelles M. Heinke était en conflit d'intérêts lorsqu'il a pris part à la décision du Conseil mentionnée ci-dessus.

Ces divulgations citaient aussi deux autres décisions du Conseil touchant Air Canada et le syndicat, au sujet desquelles on alléguait que M. Heinke était en conflit d'intérêts pour les mêmes raisons. Les décisions avaient été rendues en août 2010 et portaient sur des plaintes déposées contre le syndicat pour manquement au devoir de représentation juste dans les transactions conclues entre Air Canada et Aveos.

Par ailleurs, les 166 divulgations renvoyées contenaient des allégations contre M. Daniel Charbonneau, représentant des employés au sein du Conseil. Selon les allégations, M. Charbonneau était en conflit d'intérêts lorsqu'il a pris part aux trois décisions du Conseil susmentionnées parce qu'il avait déjà travaillé à Air Canada et qu'à cette époque il occupait aussi un poste au sein du syndicat.   

Les 166 divulgations faisaient aussi référence à la présidente du Conseil, qui avait affecté MM. Heinke et Charbonneau à l'affaire ayant donné lieu à la décision du 31 janvier 2011. Les auteurs des divulgations ont soutenu que la présidente n'aurait pas dû choisir M. Charbonneau ou M. Heinke pour entendre cette affaire en raison de leurs liens passés avec Air Canada. En ce qui concerne la présidente du Conseil, j'ai déterminé qu'il n'était pas nécessaire d'aller plus loin, puisque les divulgations ne fournissaient aucun élément pouvant m'amener à croire qu'elle avait contrevenu à la Loi.

Le PROCESsuS

Les renvois ne m'ont pas donné de motif de croire que M. Heinke ou M. Charbonneau avaient contrevenu à la Loi sur les conflits d'intérêts (la Loi). J'ai déterminé par contre qu'il serait opportun d'obtenir de plus amples renseignements.

Le 31 octobre 2011, mon personnel s'est donc entretenu avec l'auteur de la première divulgation. Ce dernier a fourni d'autres documents les 3 et 28 novembre ainsi que le 3 décembre 2011.

Mon personnel a aussi communiqué avec l'une des personnes dont la divulgation faisait partie des 166 reçues en octobre 2011 pour savoir à quelles décisions du Conseil les divulgations faisaient référence.

J'ai écrit à M. Heinke le 6 décembre 2011 et à M. Charbonneau le 3 janvier 2012 pour les informer que j'avais été saisie de ces renvois. Dans mes lettres, je leur ai expliqué que j'avais besoin de renseignements supplémentaires pour évaluer le bien‑fondé des préoccupations soulevées dans les divulgations, et que je déterminerais ensuite si j'avais des motifs de croire qu'ils avaient contrevenu à la Loi et, le cas échéant, si une étude s'imposait en vertu de l'article 45 de la Loi. Je les ai avisés en outre que j'étais tenue de publier un rapport faisant état de mes conclusions, même si je décidais de ne pas étudier la question.

Dans mes lettres, j'ai donné à MM. Heinke et Charbonneau la possibilité de répondre aux allégations. Les divulgations contenaient des préoccupations d'ordre général en matière de conflits d'intérêts, mais ne citaient aucune disposition de la Loi sur les conflits d'intérêts. Afin de faciliter leurs réponses, je leur ai mentionné que les dispositions de l'article 5 et du paragraphe 6(1) pourraient s'appliquer dans ce cas‑ci.

L'article 5 stipule que tous les titulaires de charge publique sont tenus de gérer leurs affaires personnelles de manière à éviter de se trouver en situation de conflit d'intérêts. Le paragraphe 6(1), lui, interdit aux titulaires de charge publique de prendre une décision ou de participer à la prise d'une décision dans l'exercice de leur charge s'ils savent ou devraient raisonnablement savoir que, en prenant cette décision, ils pourraient se trouver en situation de conflit d'intérêts.

L'article 4 définit ainsi les circonstances dans lesquelles un titulaire de charge publique se trouve en situation de conflit d'intérêts. En voici le libellé :

4. Pour l'application de la présente loi, un titulaire de charge publique se trouve en situation de conflit d'intérêts lorsqu'il exerce un pouvoir officiel ou une fonction officielle qui lui fournit la possibilité de favoriser son intérêt personnel ou celui d'un parent ou d'un ami ou de favoriser de façon irrégulière celui de toute autre personne.


Dans la lettre que j'ai adressée à M. Heinke, je lui ai demandé de me fournir les modalités de ses prestations de pension d'Air Canada et de me décrire tout autre intérêt personnel qu'il aurait pu avoir avec Air Canada ou d'autres entreprises touchées par les décisions du Conseil énoncées dans les renvois. Je l'ai en outre invité à me fournir tout autre renseignement pertinent, notamment s'il estimait que les décisions citées dans les renvois auraient pu favoriser ses intérêts personnels.

Dans ma lettre adressée à M. Charbonneau, je lui ai demandé de me décrire tout intérêt personnel qu'il aurait pu avoir avec une entreprise ou un syndicat touché par les décisions. Je l'ai également invité à me fournir tout autre renseignement pertinent, notamment s'il estimait que les décisions décrites dans les renvois auraient pu favoriser ses intérêts personnels.

J'ai demandé à M. Heinke de me répondre au plus tard le 21 décembre 2011. Il m'a demandé un délai supplémentaire, soit jusqu'au 15 février 2012, afin de préparer sa réponse, demande que j'ai acceptée. M. Heinke m'a envoyé sa réponse le 23 janvier 2012.

Quant à M. Charbonneau, je lui ai demandé de me répondre au plus tard le 18 janvier 2012. Il a lui aussi demandé un délai supplémentaire, soit jusqu'au 24 février 2012, et j'ai accepté. M. Charbonneau  m'a répondu le 15 février 2012.

Après avoir examiné les renseignements supplémentaires, j'ai conclu que je n'avais toujours pas de raison de croire que l'un ou l'autre avait contrevenu à la Loi et je n'ai donc pas entrepris d'étude.

Avant la publication du présent rapport, MM. Heinke et Charbonneau ont eu la possibilité de commenter les sections factuelles (Les renvois, Le processus, Renseignements recueillis et Annexe : Processus pour les questions renvoyées par le commissaire à l'intégrité du secteur public), puis de présenter des éléments additionnels.​

Renseignements recueillis

La présente section énonce les allégations contenues dans les divulgations, de l'information au sujet des précédentes contestations des décisions rendues par le Conseil et les renseignements supplémentaires fournis par MM. Heinke et Charbonneau.

Allégations

Dans la première divulgation, on soulevait des préoccupations quant à la participation de M. Heinke à une décision prise par le Conseil le 31 janvier 2011, mais sans fournir de détails sur la décision.

Le divulgateur a indiqué à mon personnel que ces préoccupations avaient trait à une décision favorable sur la restructuration d'une unité de négociation faisant suite à la vente de la division des services d'entretien, de réparation et de remise en état d'Air Canada à Aveos Fleet Performance inc., en 2007.[1] Les motifs détaillés de la décision du Conseil rendue le 31 janvier ont été publiés le 2 mars 2011.[2]

Les 166 divulgations, elles, portaient sur la participation de MM. Heinke et Charbonneau à trois dossiers.

Le premier dossier concernait la décision du Conseil rendue le 31 janvier 2011, à laquelle la divulgation que j'ai reçue en août 2011 faisait référence.[3]

Les deux autres avaient trait à des décisions du Conseil prises en août 2010. Mon personnel a demandé des précisions à l'un des divulgateurs. Les décisions en question concernaient des plaintes déposées par plusieurs syndiqués à l'encontre de leur syndicat pour un présumé manquement au devoir de représentation juste relativement aux transactions conclues entre Air Canada et Aveos.[4] Le Conseil a rejeté les plaintes à l'unanimité.

Précédentes contestations des décisions du Conseil

Je constate que plusieurs décisions du Conseil ont fait l'objet de contestations. Le 1er mars 2011, le syndicat a déposé devant la Cour d'appel fédérale une demande de contrôle judiciaire de la décision du Conseil du 31 janvier 2011. Il demandait notamment que les questions soient entendues par un panel de composition différente. La demande a été abandonnée le 9 mars 2011.

L'un des membres du syndicat a déposé, pour divers motifs, des demandes de réexamen concernant l'une des décisions rendues en août 2010,[5] y alléguant notamment que MM. Heinke et Charbonneau semblaient être en situation de conflit d'intérêts ou avoir un parti pris. Le Conseil a rejeté les demandes de réexamen à l'unanimité.[6]

Cette décision reposait sur le fait que la politique visée du Conseil avait été appliquée comme il se doit. Cette politique prévoit que les membres représentatifs ne sont pas habituellement choisis pour entendre des affaires impliquant une partie avec laquelle ils ont fait affaire dans les derniers deux ans.

Les membres représentatifs ne sont par ailleurs jamais choisis pour entendre une affaire dans laquelle ils ont déjà eu un intérêt direct. M. Heinke faisait partie du Conseil depuis plus de cinq ans alors que M. Charbonneau en était membre depuis plus de dix ans en date de l'instruction des plaintes. Les requérants n'avaient pas à ce moment évoqué la possibilité que M. Heinke ou M. Charbonneau aient eu des liens personnels avec l'une ou l'autre des parties ou un quelconque intérêt personnel dans l'issue des plaintes.

Déclaration de M. Heinke

Monsieur Heinke affirme qu'il n'a pas contrevenu à la Loi sur les conflits d'intérêts (la Loi).

Il m'a dit qu'il avait travaillé pendant près de 35 ans chez Air Canada et avait occupé le poste de directeur principal, Relations de travail, de 1997 à 2002. À ce titre, il était chargé de négocier et d'administrer les conventions collectives de 14 syndicats représentant à l'époque plus de 38 000 employés.

Monsieur Heinke a ajouté qu'il avait fourni des conseils en matière de relations de travail à la haute direction et qu'il avait développé et mis en œuvre un plan stratégique visant à intégrer les groupes syndiqués de Canadian Airlines et d'Air Canada lors de la fusion des deux entreprises, qui a commencé en 2000. En mars 2002, M. Heinke a quitté son poste de directeur principal des relations de travail et a pris sa retraite d'Air Canada peu après.

Il a fondé par la suite une société d'experts‑conseils œuvrant dans les domaines des relations de travail et des ressources humaines. Il a également occupé des postes au sein d'associations patronales canadiennes et internationales.

En 2005, M. Heinke a été nommé membre représentant les employeurs au sein du Conseil. Son mandat a été reconduit en 2008 et il a quitté le Conseil en 2011. M. Heinke m'a précisé que lorsqu'il a pris part aux décisions qui font l'objet de ce rapport, il ne travaillait plus pour Air Canada depuis plus de huit ans.

Monsieur Heinke reçoit un régime compensatoire de retraite de cadre, auquel tous les cadres d'Air Canada retirés ont droit, ce qui comprend des privilèges de voyage. Dans le cadre de son régime compensatoire, M. Heinke a accumulé des options d'achat d'actions au cours de sa période d'emploi, mais celles‑ci ont été annulées au moment où Air Canada a déclaré faillite, en 2003, et n'ont pas été remplacées.

Monsieur Heinke a soutenu que depuis qu'il a quitté Air Canada en 2002, il n'a eu aucun autre intérêt personnel dans l'entreprise ou toute autre compagnie touchée par les décisions du Conseil faisant l'objet du présent examen. Il a ajouté qu'il ne possède pas d'actions, d'options d'achat d'actions ou tout autre titre dans ces entreprises et a affirmé qu'aucun de ses proches ou de ses amis n'avait tiré profit de sa participation à ces décisions.

Monsieur Heinke a expliqué que toutes les plaintes déposées auprès du Conseil sont d'abord étudiées par des agents des relations industrielles régionaux. Si la médiation à ce niveau est non concluante, le dossier est renvoyé à l'administration centrale, où un panel est chargé d'entendre, de trancher ou de médier l'affaire. Il incombe à la présidente du Conseil d'assigner les dossiers aux membres du panel. Pour ce faire, elle tient compte de l'expérience, de l'expertise, des connaissances et des compétences linguistiques des membres. Le Conseil a pour politique de ne jamais confier à un membre un dossier touchant un ancien employeur, et ce, pour une période de deux ans à compter de la date de la nomination au Conseil.

Monsieur Heinke a déclaré qu'en aucun temps durant l'audition des demandes dont il a été saisi relativement à Air Canada, on a soulevé des allégations de partialité.

Déclaration de M. Charbonneau

Monsieur Charbonneau affirme qu'il n'a pas contrevenu à la Loi.

Il a déclaré avoir travaillé pour Air Canada de 1977 à 1990, période au cours de laquelle il a occupé un poste au syndicat. En 1980, il a été élu président du Comité d'atelier de l'aéroport Dorval, services à la clientèle. Pendant ce temps, son salaire était tout de même déboursé par Air Canada, et les seuls versements reçus du syndicat étaient pour lui rembourser ses dépenses.

Monsieur Charbonneau a indiqué qu'il a mis un terme à ses engagements auprès du syndicat le 1er janvier 1990 pour retourner à l'emploi d'Air Canada. Il a ensuite quitté son emploi chez Air Canada en début septembre 1990 pour devenir représentant de la section locale 800 de l'Union des employés et employées de service. M. Charbonneau a précisé également que ce regroupement n'avait aucun lien avec l'Association internationale des machinistes et des travailleurs et travailleuses de l'aérospatiale.

Monsieur Charbonneau a indiqué en outre qu'il a été en congé sans solde d'Air Canada pendant trois ans, mais qu'il n'était jamais retourné travailler pour l'entreprise ni redevenu membre du syndicat. En juillet 1994, M. Charbonneau a rompu tous les liens professionnels avec Air Canada, notamment en retirant tout l'argent de son fonds de pension d'Air Canada. Il a ajouté qu'il n'avait reçu aucune indemnité de départ et aucun privilège de voyage à son départ. Il a ajouté qu'il ne possède pas d'actions ni d'options d'achat d'actions dans Air Canada ou tout autre titre de la société.

Il a été nommé membre représentant les employés au sein du Conseil le 28 mars 1999, poste qu'il occupe encore à la date du présent rapport.

Monsieur Charbonneau a déclaré que ni lui, ni ses proches, ni ses amis n'ont tiré profit de sa participation aux décisions faisant l'objet du présent rapport.

En ce qui concerne sa participation aux décisions visées par les divulgations que j'ai reçues, M. Charbonneau a affirmé que la présidente du Conseil désigne trois membres au sein de chaque panel chargé d'entendre et de trancher les différends. La présidente tient compte de divers facteurs lors du choix des membres, dont l'expérience et les compétences linguistiques. Elle examine également tout éventuel conflit d'intérêts et confie un dossier aux membres n'ayant eu aucun lien avec les parties en cause les deux années précédentes. Certes, les membres des panels peuvent exprimer leur préférence pour un dossier, mais il leur est interdit d'influencer la présidente lorsqu'elle désigne les membres pour siéger au panel.

Monsieur Charbonneau a souligné que selon lui, il avait été désigné pour siéger, en tant que représentant des employés, au panel responsable des dossiers qui font objet de cette étude en raison de ses connaissances de l'industrie et de son expérience au sein du syndicat et d'Air Canada. 

ANALYSe et CONCLUSIONS

Comme je l'ai mentionné plus tôt, les renseignements présentés dans les 167 divulgations que m'a renvoyées le commissaire à l'intégrité du secteur public alors qu'il occupait le poste par intérim, ne m'ont donné aucun motif de croire qu'il y avait eu contravention à la Loi sur les conflits d'intérêts (la Loi). J'ai cru opportun de demander de plus amples détails aux personnes ayant fait les divulgations ainsi qu'à MM. Heinke et Charbonneau.

Après avoir examiné les renseignements supplémentaires que m'ont donnés les divulgateurs ainsi que MM. Heinke et Charbonneau, je n'avais toujours pas de raison de croire que M. Heinke ou M. Charbonneau avaient contrevenu à la Loi et je ne n'ai pas poussé ma démarche plus loin. Comme je n'ai pas entrepris d'étude, la présente section se veut une analyse de ma décision de ne pas étudier la question. 

Selon les allégations, ni M. Heinke ni M. Charbonneau n'auraient dû participer aux décisions du Conseil, parce qu'ils étaient en conflit d'intérêts du fait qu'ils avaient déjà travaillé à Air Canada. Dans le cas de M. Heinke, les allégations mentionnaient aussi ses privilèges de voyage à titre de retraité d'Air Canada. Dans le cas de M. Charbonneau, on y mentionnait son lien passé avec le syndicat.

Monsieur Heinke a confirmé qu'il bénéficiait bel et bien de privilèges de voyage, à titre de cadre à la retraite d'Air Canada, et qu'il recevait aussi une pension de haute direction. Il a pris sa retraite d'Air Canada huit ans avant sa participation aux décisions du Conseil. M. Heinke m'a dit qu'il ne détenait plus d'options d'achat d'actions ou d'autres intérêts personnels relativement à Air Canada depuis 2003. Ses prestations et avantages de pension lui ont été accordés de droit; par conséquent, ils n'auraient pu être affectés par les décisions du Conseil.

En ce qui concerne M. Charbonneau, il m'a dit qu'il avait coupé tout lien d'emploi avec Air Canada en 1994 et qu'il avait retiré son fonds de pension cette année-là. Il n'a reçu aucun privilège de voyage à son départ d'Air Canada. Il a déclaré ne pas détenir d'actions, d'options d'achat d'actions ou autres titres de société relatifs à Air Canada. Il n'occupe pas de poste au sein du syndicat.

Tenant compte de cette information et de l'absence d'information contraire dans les renseignements qui m'ont été fournis par les divulgateurs, j'ai conclu qu'il n'y avait aucune raison de croire que ni M. Heinke, ni M. Charbonneau n'avaient un intérêt personnel qui aurait pu être favorisé à cause des décisions concernées.

Bien que le Commissariat ait estimé que l'article 5 et le paragraphe 6(1) de la Loi auraient pu s'appliquer, à la lumière de l'information que j'ai recueillie, je n'ai pas de motif de croire que M. Heinke ou M. Charbonneau ont contrevenu à la Loi et je n'étudierai pas davantage la question.

OBSERVATIONs supplémentaireS

À l'époque des décisions concernées du Conseil, MM. Heinke et Charbonneau étaient titulaires de charge publique principaux assujettis à la Loi sur les conflits d'intérêts (la Loi). Les membres de tribunaux administratifs sont également assujettis aux règles générales de justice naturelle du droit administratif. L'une de ces règles fondamentales porte sur l'impartialité : les membres d'un tribunal administratif sont tenus d'être impartiaux. S'ils ont un parti pris dans une affaire dont ils sont saisis, ils ont le devoir de se récuser.

Le conflit d'intérêts constitue une forme de partialité dans les cas où un décideur a des intérêts personnels relatifs à une question officielle en cours d'examen. Dans ce cas, la Loi s'appliquerait. Par contre, la Loi ne s'appliquerait pas à d'autres formes de partialité, par exemple si un décideur faisait des commentaires publics pouvant suggérer qu'il entretient un préjugé sur la question examinée.

Si quelqu'un souhaite contester une décision en raison d'une partialité alléguée dans le contexte plus général du droit administratif et que les intérêts personnels au sens de la Loi ne sont pas en jeu, il doit normalement s'adresser au tribunal en question. À terme, il peut demander un contrôle judiciaire à la cour. Par contre, s'il y a aussi des intérêts personnels en jeu, mon Commissariat aura aussi compétence.

L'un des membres du syndicat a également soumis au Conseil des demandes de réexaminer l'une de ses décisions d'août 2010, en faisant valoir les éléments de conflit d'intérêts et de partialité de MM. Heinke et Charbonneau. Ces demandes ont été rejetées.

Je fais remarquer, par ailleurs, que le syndicat a lui-même déposé une demande de révision judiciaire au sujet de la décision du Conseil du 31 janvier 2011. Il y demandait, entre autres, que les questions soient entendues par un panel du Conseil de composition différente. Il a par la suite retiré sa demande. 

Le régime légal exhaustif du Code canadien du travail offre des recours au Conseil et à la Cour fédérale dans les cas où l'on présume de l'impartialité des membres du Conseil. En l'occurrence, c'est là qu'il fallait s'adresser, puisque je n'ai reçu aucune information appuyant l'allégation que M. Heinke ou M. Charbonneau avaient des intérêts personnels qui auraient pu être affectés par les décisions concernées.

Annexe - PROCESSus pour les questions renvoyées par le commissaire à l'intégrité du secteur public

Le paragraphe 24(2.1) de la Loi sur la protection des fonctionnaires divulgateurs d'actes répréhensibles oblige le commissaire à l'intégrité du secteur public à saisir le Commissariat aux conflits d'intérêts et à l'éthique de tout cas de divulgation reçu s'il estime que la question relève de mon mandat. En voici le libellé :

24(2.1) Dans le cas où il estime que l'objet d'une divulgation ou d'une éventuelle enquête porte sur une question relevant de la compétence du commissaire aux conflits d'intérêts et à l'éthique au titre de la Loi sur les conflits d'intérêts, le commissaire est tenu de refuser de donner suite à la divulgation ou de commencer l'enquête et d'en saisir le commissaire aux conflits d'intérêts et à l'éthique.


L'article 68 de la Loi sur les conflits d'intérêts (la Loi) stipule que si je suis saisie d'une question en vertu de la Loi sur la protection des fonctionnaires divulgateurs d'actes répréhensibles par le commissaire à l'intégrité du secteur public, je suis tenue de publier un rapport énonçant les faits en question ainsi que mon analyse de la question et mes conclusions. En voici le libellé :

68. Si le commissaire est saisi d'une question en vertu du paragraphe 24(2.1) de la Loi sur la protection des fonctionnaires divulgateurs d'actes répréhensibles, il est tenu :

a)   de fournir au premier ministre un rapport énonçant les faits, son analyse de la question et ses conclusions;
b)   de fournir une copie du rapport à l'intéressé;
c)   de fournir une copie au commissaire à l'intégrité du secteur public; 
d)   de rendre public le rapport.


Bien que l'article 68 de la Loi m'oblige à fournir un rapport, je ne suis pas tenue, selon mon interprétation, de procéder à une étude de chaque renvoi. À mon avis, je dois examiner les demandes provenant du commissaire à l'intégrité du secteur public de la même façon que je le ferais pour les demandes reçues de tout autre agent du Parlement ou du public concernant une contravention possible à la Loi.

Si, à la lumière d'informations reçues de la part d'un particulier ou dont je suis saisie en vertu de la Loi sur la protection des fonctionnaires divulgateurs d'actes répréhensibles, j'ai des motifs de croire qu'on a contrevenu à la Loi et que je conclus qu'une étude s'impose, j'étudierai la question en vertu de l'article 45 de la Loi.

À l'inverse, si aucun motif ne me porte à croire qu'on a contrevenu à la Loi, je peux, là où il convient de le faire, demander des renseignements supplémentaires, notamment auprès du divulgateur, de l'intéressé ou de toute autre personne susceptible de posséder des renseignements

pertinents. En me fondant ensuite sur les renseignements recueillis, je réévalue la question, à savoir si j'ai des motifs de croire qu'il y a eu une contravention à la Loi et, le cas échéant, si une étude s'impose.

Aux termes de l'article 68, je suis tenue de publier un rapport même si je ne procède pas à l'étude.​


1 - CCRI dossier 28234-C

2 - CCRI LD 2515

3 - CCRI-28234-C

4 - 2010-CCRI-539 et 2010-CCRI-540

5 - 2010-CCRI-539

6 - 2011-CCRI-570


Date de modification :