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L'enquête Harper-Emerson

​​

Résu​​mé​

Le 2 mars 2006, à la demande de trois députés, j’ai entrepris une enquête préliminaire afin d’établir si le très honorable Stephen Harper avait enfreint les règles de conduite établies en vertu du Code régissant les conflits d’intérêts des députés (Code des députés). Les trois députés alléguaient que Mr. Harper avait offert un incitatif à l’honorable David Emerson, le député libéral nouvellement réélu pour la circonscription électorale de Vancouver-Kingsway, pour se joindre au Cabinet du nouveau gouvernement conservateur. Compte tenu que la conduite de M. Emerson dans ce cas était étroitement liée à celle de M. Harper, j’ai aussi décidé de faire enquête, en même temps, sur l’implication de M. Emerson. Toutefois, il était entendu, dès le départ, que le choix des membres du Cabinet est la prérogative personnelle du Premier ministre, et que cet aspect ne faisait pas l’objet de cette enquête préliminaire.

Ma conclusion à la suite de cette enquête préliminaire est que ni M. Harper ni M. Emerson n’ont enfreint aucune des dispositions spécifiques du Code des députés. Je suis convaincu qu’il n’y a pas eu d’incitatif offert par M. Harper pour convaincre M. Emerson de joindre son Cabinet et son parti. De plus, il n’existe aucune raison, et assurément aucune preuve, pour contredire le motif invoqué par M. Emerson que d’accepter l’offre de M. Harper lui semblait une façon de mieux servir sa ville, sa province et son pays. Je ne trouve donc aucune raison d’approfondir davantage la question.

Cela étant dit, je crois que le mécontentement exprimé par les Canadiens sur cette question ne peut pas être attribuable qu’à de pures machinations de nature partisane. À tort ou à raison, le cas qui nous occupe a suscité chez plusieurs citoyens le sentiment que leur vote – pierre angulaire de notre système démocratique – avait en quelque sorte perdu sa valeur, voir été trahi. En ce qui a trait au Bureau du commissaire à l’éthique, la question qui doit être abordée est l’écart qui existe entre les valeurs sous-jacentes au Préambule du Code des députés et les règles détaillées concernant les conflits d’intérêts contenues dans le Code lui-même. Bien que je puisse administrer l’application des règles, cet écart peut seulement être abordé, par le biais d’un débat politique rigoureux et le développement de politiques appropriées, par l’entremise du processus politique.

La question concernant le « changement d’allégeance politique » a clairement éveillé l’intérêt du public. Cette question devrait faire l’objet de discussions entre les Canadiens et leurs représentants élus au sein du Parlement. J’espère qu’ils entameront rapidement ce débat, afin de trouver une solution qui, d`une part, témoignera de nos valeurs collectives et les préservera et, d’autre part, favorisera la foi envers nos processus électoraux et démocratique, au lieu de cultiver le cynisme.​​​​​

INTRODUCTION – Le contexte législatif

Selon le paragraphe 27(1) du Code régissant les conflits d’intérêts des députés (le « Code des députés »), qui constitue l’Annexe 1 du Règlement de la Chambre des communes, une demande d’enquête peut être faite par un député qui a des motifs raisonnables de croire qu’un autre député n’a pas respecté ses obligations aux termes du Code des députés.

De même, le paragraphe 27(4) du Code des députés permet au commissaire, de sa propre initiative, après avoir donné par écrit un préavis raisonnable au député de faire une enquête pour déterminer si celui-ci s’est conformé à ses obligations aux termes du Code. L’enquête terminée, le commissaire doit faire un rapport au Président de la Chambre des communes, qui le dépose à la Chambre. Le rapport est alors rendu public. Si le Parlement est dissous, le paragraphe 28(3) du Code des députés précise que le commissaire peut rendre public le rapport après en avoir fait parvenir une copie au Président.​

L'enquête HARPER – EMERSON​

LA DEMANDE D​​’ENQUÊTE

L’enquête sur le très honorable Stephen Harper fut initiée à la demande de M. Peter Julian, député de Burnaby-New Westminster, de l'honorable Wayne Easter, député de Malpeque, et de l'honorable Bryon Wilfert, député de Richmond Hill.

Dans sa lettre du 10 février 2006 (voir l’annexe 1 ci-jointe), M. Julian m’a demandé de faire une enquête sur la conduite du très honorable Stephen Harper, député de Calgary-Sud-Ouest. M. Julian y alléguait que M. Harper avait incité l'honorable David Emerson, député de Vancouver-Kingsway, à changer d’allégeance politique et à se joindre au Cabinet conservateur; que le salaire, les prestations de retraite, le personnel et les à-côtés largement supérieurs dont les postes de ministre sont assortis avaient eu pour effet de favoriser les intérêts personnels de M. Emerson et qu’en agissant ainsi, M. Harper s’était peut-être livré à une activité interdite à l’article 8 du Code des députés.

Le même jour, j’ai aussi reçu une lettre de M. Easter (voir l’annexe 2 ci-jointe) qui me demandait de faire une enquête sur M. Harper parce qu’il croyait qu’un incitatif avait été offert à M. Emerson pour l’amener à changer d’allégeance politique et à se joindre au Cabinet de M. Harper. M. Easter alléguait que cette offre et son acceptation constituaient une infraction aux articles 8 et 10 du Code des députés.

Enfin, dans une lettre datée du 13 février 2006 (voir l’annexe 3 ci-jointe), M. Wilfert m’a demandé d’enquêter sur l’offre faite par M. Harper à M. Emerson pour le convaincre de se joindre à son Cabinet. M. Wilfert disait croire que l’affaire dans son ensemble constituait une infraction aux articles 8, 9 et 10 du Code des députés.​

L’ENQUÊTE À L’INITIATIVE DU COMMI​SSAIRE À L’ÉTHIQUE

En ce qui a trait à l’enquête entreprise sur l'honorable David Emerson, aucune demande n’a été reçue d’un député de la Chambre des communes.

Toutefois, étant donné le lien étroit entre la conduite de M. Emerson et les allégations faites à l’endroit de M. Harper par MM. Julian, Easter et Wilfert et que mon bureau a reçu de nombreuses demandes du public réclamant la tenue d’une enquête sur M. Emerson, je me suis demandé s’il n’y avait pas lieu que j’entame une enquête de ma propre initiative sur M. Emerson.

Comme je l’ai déjà dit au Comité permanent de la procédure et des affaires de la Chambre, j’appliquerais, au moment de déterminer s’il y a lieu d’entreprendre une enquête de ma propre initiative, le critère énoncé au paragraphe 27(2) du Code des députés. J’établirais donc si des motifs raisonnables de croire que certaines dispositions du Code des députés ont peut-être été enfreintes et justifient que j’initie une enquête.

LES ALLÉGATI​ONS

Le très honorable Stephen H​​arper

Aux termes du paragraphe 27(2) du Code des députés, la demande d’enquête émanant d’un député doit (1) être faite par écrit; (2) décrire l’infraction alléguée au Code et (3) expliquer les motifs raisonnables que son auteur a de croire que les exigences du Code n’ont pas été respectées.

À la lumière de ce qui précède, les demandes soumises par MM. Julian, Easter et Wilfert alléguaient qu’un incitatif avait été offert par M. Harper à M. Emerson pour l’amener à changer d’allégeance politique et se joindre au Cabinet conservateur, et que cela constituait une infraction à l’article 8 du Code des députés, qui précise que :

« 8. Le député ne peut, dans l’exercice de ses fonctions parlementaires, agir de façon à favoriser ses intérêts personnels ou ceux d’un membre de sa famille ou encore, d’une façon indue, ceux de toute autre personne. »


Par ailleurs, dans sa demande, M. Wilfert a allégué que la conduite de M. Harper contrevenait aussi à l’article 9 du Code des députés, qui prévoit que :

« 9. Le député ne peut se prévaloir de sa charge pour influencer la décision d’une autre personne de façon à favoriser ses intérêts personnels ou ceux d’un membre de sa famille ou encore, d’une façon indue, ceux de toute autre personne. »


De plus, les demandes de MM. Easter et Wilfert alléguaient que cette même conduite était contraire à l’article 10 du Code des députés, selon lequel :

« 10. (1) Le député ne peut utiliser les renseignements qu’il obtient dans le cadre de sa charge et qui ne sont généralement pas à la disposition du public pour favoriser ses intérêts personnels ou ceux d’un membre de sa famille ou encore, d’une façon indue, ceux de toute autre personne.​


Après avoir soigneusement examiné les informations fournies par les trois députés, je suis convaincu que les trois allégations, telles qu’elles sont formulées dans les trois demandes écrites, indiquent clairement quelles dispositions du Code les députés ont, à leur avis, été enfreintes et expliquent les motifs raisonnables qu’ils avaient de croire qu’il y a eu infraction au Code. J’ai donc décidé d’entreprendre une enquête préliminaire. Si les résultats de cette enquête préliminaire indiquent qu’une enquête plus poussée et plus circonstanciée est justifiée, je procéderais de la sorte.

L'honorabl​​e David Emerson

Les considérations qui m’ont poussées à entreprendre une enquête de ma propre initiative sur M. Emerson reposaient aussi sur l’inquiétude exprimée par le public, qui a précisément signalé que M. Emerson avait peut-être enfreint les principes 2b) et 2e), de même que les articles 8 et 9 du Code des députés.

Compte tenu que les articles 8 et 9 furent cités précédemment, je n’y reviendrai pas. Quant aux principes 2b) et 2e) du Code des députés, ils prévoient ce qui suit :

« Vu que les fonctions parlementaires constituent un mandat public, la Chambre des communes reconnaît et déclare qu’on s’attend à ce que les députés :
« b) remplissent leurs fonctions avec honnêteté et selon les normes les plus élevées de façon à éviter les conflits d’intérêts réels ou apparents et à préserver et accroître la confiance du public dans l’intégrité de chaque député et envers la Chambre des communes;
« e) évitent d’accepter des cadeaux ou des avantages qui sont liés à leur charge et qu’on pourrait raisonnablement considérer comme compromettant leur jugement personnel ou leur intégrité, sauf s’ils se conforment aux dispositions du présent Code des députés. »


Les représentations émanant du public à l’égard de la possibilité que M. Emerson ait enfreint les principes et articles précités du Code des députés m’ont convaincu qu’il existait des motifs raisonnables de croire qu’une enquête préliminaire de ma propre initiative était justifiée.

LE PROCES​SUS

Le processus régissant l’enquête préliminaire consistait en 3 étapes :

Première étape — Le registraire aux enquêtes de mon bureau a accusé réception par écrit, le 13 février 2006, aux demandes d’enquête reçues de MM. Julian et Easter le 10 février 2006.

Le 13 février 2006, mon bureau a reçu une troisième lettre, émanant celle-là de M. Wilfert, me demandant elle aussi d’enquêter sur M. Harper. Le registraire aux enquêtes de mon bureau en a accusé réception le 16 février 2006.

Deuxième étape — J’ai communiqué avec les trois députés qui avaient demandé l’enquête afin de leur donner l’occasion de me signaler tout renseignement supplémentaire qu’ils auraient pu souhaiter me communiquer à l’égard de leurs allégations voulant que la conduite de M. Harper ait enfreint les articles 8, 9 et 10 du Code des députés. Les députés n’ont pas fournis de​ renseignements supplémentaires et ont simplement confirmé qu’ils désiraient que j’enquête la conduite de M. Harper.

À la lumière du mandat dévolu au commissaire à l’éthique et après un examen minutieux des renseignements fournis, par les trois députés, j’ai conclu que leurs allégations n’étaient ni frivoles ni vexatoires, qu’ils les avaient faites de bonne foi et qu’il y avait des motifs raisonnables de croire qu’une enquête préliminaire était justifiée afin de déterminer si MM. Harper et Emerson avaient manqué à leurs obligations en vertu du Code des députés.

En conséquence, j’ai écrit au Président de la Chambre des communes le 2 mars 2006 pour l’informer de ma décision d’entreprendre cette enquête préliminaire. J’ai joint à ma lettre copie des demandes écrites que j’avais reçues de MM. Julian, Easter et Wilfert ainsi que des lettres que j’avais envoyées aux députés visés par l’enquête. J’ai également écrit à chacun des députés qui avaient demandé une enquête pour les informer de ma décision de procéder.

Conformément aux dispositions du paragraphe 27(4) du Code des députés, j’ai informé le jour même MM. Harper et Emerson de mon intention de faire une enquête à leur sujet et je les ai avisés de la teneur des allégations dont ils faisaient l’objet.

Troisième étape — Le 6 mars 2006, MM. Harper et Emerson m’ont tous deux répondu par écrit pour réagir aux allégations formulées dans les préavis envoyés le 2 mars 2006. De plus, la réponse du Premier ministre faisait référence à la conversation que j’ai eue avec lui à ce sujet le 2 mars 2006.

LES FAITS

Le 28 novembre 2005, le gouvernement a été défait à la Chambre des communes sur une motion de défiance. L'honorable David Emerson était alors membre du caucus libéral et ministre de l’Industrie.

Le 29 novembre 2005, le très honorable Paul Martin a rencontré la Gouverneure générale, Son Excellence la très honorable Michaëlle Jean, pour lui remettre un instrument d’avis recommandant la dissolution de la 38e législature.

La Gouverneure générale a donc émis trois proclamations, datées du 29 novembre 2005 (TR/2005-130, TR/2005-131 et TR/2005-132) et publiées dans la partie II de la Gazette du Canada le surlendemain, 1er décembre 2005. La première proclamation dissolvait la 38e législature; la seconde ordonnait l’émission de brefs d’élection en vue d’élections dont elle fixait la date au 23 janvier 2006; et la troisième convoquait le Parlement à se réunir le 20 février 2006. La troisième proclamation fut émise afin d’assurer la continuité du Parlement pendant l’intervalle séparant sa dissolution et l’ouverture de la législature suivante​1.

Le 13 décembre 2005, Élections Canada a reçu l’avis confirmant que M. Emerson serait le candidat du Parti libéral du Canada dans la circonscription électorale de Vancouver-Kingsway. Il est à noter que les articles 66 à 68 de la Loi électorale du Canada disposent que « […] un acte écrit, signé par le chef du parti politique […] énonçant que la personne qui désire se porter​ candidat est soutenue par le parti » doit également accompagner l’acte de candidature remis au directeur du scrutin de la circonscription.

Les élections générales ont eu lieu le 23 janvier 2006. Le lendemain, Élections Canada en a validé les résultats et a donné les résultats officiels pour la circonscription électorale de Vancouver-Kingsway :​

​Parti
​Candidat
​Votes
​%  des votes
​Action canadienne
​Connie Fogal
​143
​0,3
​Communiste
​Kimball Cariou
2
​0,4
​Conservateur
​Kanman Wong
​8 679
8
Parti Vert
​Arno Schortinghuis
7
8
Libéral
​David Emerson
​20 062
​43,5
​Libertarien
​Matt Kadioglu
​277
​0,6
​Marxiste-Léniniste
​Donna Peterson
​68
​0,1
​N.P.D.
​Ian Waddell
​15 470
​33,5
Nombre total de votes valides :

​46 168

​Bulletins rejetés :

​274

Nombre total de votes :
​46 442

Source : Élections Canada

Le 26 janvier 2006, la Gouverneure générale a rencontré M. Harper et lui a demandé de former un gouvernement. Les deux ont aussi convenu que M. Harper prêterait serment comme Premier ministre le 6 février 2006, avec son Cabinet.

Le 3 février 2006, le bureau du chef de cabinet de la Gouverneure générale a publié les détails concernant la passation des pouvoirs et la cérémonie d’assermentation de M. Harper et de son Cabinet.

Le 6 février 2006, à 10 heures, le très honorable Paul Martin a démissionné de son poste de Premier ministre du Canada.

À 11 heures, la cérémonie d’assermentation du nouveau gouvernement a commencé. L'honorable David Emerson a alors été assermenté comme ministre du Commerce international et est devenu membre du nouveau Cabinet conservateur.

Le 6 février 2006 également, le jour même de sa nomination au Cabinet, le directeur général des élections du Canada a publié dans la Gazette du Canada, tel que l’exige l’article 317 de la Loi électorale du Canada, le nom de M. Emerson à titre de candidat élu dans la circonscription​ électorale de Vancouver-Kingsway. Cet acte formel reconnaissait officiellement M. Emerson comme député de Vancouver-Kingsway à la Chambre des communes. Les réponses que m’ont fournies MM. Harper et Emerson et la conversation que j’ai eue avec M. Harper le 2 mars 2006, m’ont confirmées que le Premier ministre avait approché M. Emerson après la campagne électorale pour discuter de la possible nomination de M. Emerson au sein du nouveau Cabinet.

Le 6 février 2006, par voie de proclamation (TR/2006-50) publiée dans la Gazette du Canada le 9 février 2006, la Gouverneure générale, sur l’avis du très honorable Stephen Harper, a convoqué le Parlement à se réunir le 3 avril 2006.

LES CONSTATAT​IONS

En premier lieu, je voudrais aborder la question de l’ouverture d’une enquête lorsque le Parlement est dissous. Il s’agit plus précisément de savoir s’il y a un moment, au cours de cette période de temps, où l’on peut entreprendre une enquête, ou si l’application du Code des députés est complètement suspendue pendant la dissolution du Parlement.

Tel que mentionné précédemment, lorsque le Gouverneur général émet la proclamation dissolvant le Parlement, il émet aussi une proclamation précisant la date à la quelle la législature suivante est convoquée. En l’occurrence, le Parlement a été dissous le 29 novembre 2005 et la législature suivante a été convoquée pour le 20 février 2006. La Gouverneure générale a par la suite émis une autre proclamation reportant la convocation du Parlement au 3 avril 2006.

À la dissolution de la 38e législature, la Chambre a cessé d’exister en tant qu’assemblée. Toutes les affaires en cours ont donc été abandonnées, de même que celles des comités parlementaires, et le mandat des députés a cessé d’un point de vue constitutionnel​2Toutefois, aux termes de la Loi sur le Parlement du Canada, ils sont « réputés » conserver leur qualité de député afin de continuer à recevoir leur salaire et leurs avantages.

En vertu du paragraphe 27(1) du Code des députés, un député peut demander au commissaire à l’éthique d’entreprendre une enquête. Logiquement, il va de soi que le député faisant cette demande doit en avoir la capacité. D’un point de vue constitutionnel, la dissolution a pour effet qu’un député cesse d’agir ainsi, et n’ayant plus cette qualité, il n’est dès lors plus en mesure de demander une enquête. Il importe donc de savoir s’il recouvre cette capacité à un moment donné au cours de la période de dissolution, lui permettant alors de faire une telle demande.

Les ouvrages faisant autorité en la matière​3 reconnaissent qu’à partir du moment où le nom d’une personne est publié dans la Gazette du Canada, à la suite d’élections générales fédérales, cette personne est formellement reconnue comme député(e) fédéral(e) « officiel(le) » de sa circonscription. J’en conclus qu’à ce moment précis, le député recouvre la capacité de demander au commissaire à l’éthique d’entreprendre des enquêtes.​

Dans le cas qui nous occupe, avant d’accepter les demandes d’enquête de MM. Julian, Easter et Wilfert, j’ai vérifié qu’au moment où ils les avaient présentées, leurs noms avaient bien été publiés dans la Gazette du Canada à titre de députés dûment élus de leurs circonscriptions.

Cela crée un précédent important, car durant la période des élections générales fédérales, les députés n’ont pas la capacité de présenter une demande d’enquête alléguant une contravention au Code des députés. Dès que les députés recouvrent cette capacité, après la publication de leur nom dans la Gazette du Canada, ces députés « officiellement » reconnus peuvent de nouveau demander l’ouverture d’une enquête.

Si les députés peuvent demander des enquêtes dès qu’ils sont formellement reconnus comme députés élus par la publication de leur nom dans la Gazette du Canada, il s’ensuit — et c’est ce que j’ai conclu — que le commissaire à l’éthique recouvre la capacité au même moment d’entreprendre, de sa propre initiative, des enquêtes à la suite d’une élection générale.

J’ai déjà indiqué que, comme le Règlement de la Chambre des communes ne s’applique pas durant la dissolution du Parlement, le Code des députés ne s’applique pas également. Compte tenu des circonstances du cas présent, je considère maintenant que tel n’est pas le cas. De toute évidence, le Code des députés ne cesse pas de s’appliquer durant la dissolution. En effet, le Code des députés précise lui-même, à l’article 20, que dans les soixante jours qui suivent l’annonce de son élection dans la Gazette du Canada, le député dépose auprès du commissaire une Déclaration confidentielle. De plus, le paragraphe 28(3) prévoit que si le Parlement est dissous, le commissaire rend son rapport public après l’avoir remis au Président de la Chambre des communes.

Bien que certains peuvent maintenant questionner le bien-fondé des décisions prises au sujet d’autres demandes d’enquêtes faites après la dissolution du Parlement, ces décisions demeurent valides, puisque la raison de ne pas enquêter était aussi basée sur le fait que les députés ne peuvent pas demander d’enquête durant cette période.

L’article 8 du Code des députés​

Les trois députés qui ont demandé d’enquêter sur M. Harper ont allégué qu’il y avait eu infraction à l’article 8 du Code des députés, lequel mentionne que :

« 8. Le député ne peut, dans l’exercice de ses fonctions parlementaires, agir de façon à favoriser ses intérêts personnels ou ceux d’un membre de sa famille ou encore, d’une façon indue, ceux de toute autre personne » .


Afin que cet article puisse s’appliquer à M. Harper, il faudrait arriver à la conclusion qu’en choisissant les membres de son Cabinet, le Premier ministre désigné exerçait en fait une fonction parlementaire. À supposer qu’on puisse l’établir, il faudrait déterminer si en agissant de la sorte, M. Harper a, selon la balance des probabilités, indûment favorisé les intérêts personnels d’une autre personne. Toutefois, compte tenu de la séparation des pouvoirs entre les volets exécutif et législatif du gouvernement, il est clair que M. Harper, en sa qualité de Premier ministre désigné, s’acquittait d’une fonction exécutive reconnue constitutionnellement et ne se livrait pas à une activité découlant de ses fonctions législatives. J’ai donc conclus que M. Harper n’a pas contrevenu à cet article.​

Dans le cas de M. Emerson, il faut aussi voir s’il exerçait des fonctions parlementaires. De même, la question à être considérée est à savoir si Mr. Emerson avait l`intention de favoriser ses intérêts personnels lorsqu`il a discuté avec le Premier ministre d`une nomination au Cabinet.

Dès qu’il est nommé au Cabinet, tout individu reçoit le salaire et les avantages supplémentaires dont son poste est assorti (par exemple une voiture avec chauffeur et du personnel ministériel).

L’augmentation du salaire et des avantages ne constitue pas à elle seule un incitatif indu. Si c’était le cas, toutes les nominations au Cabinet pourraient être considérées suspectes. Toutefois, l’important est l’intention et le but associé à une offre de siéger au Cabinet. De toute évidence, si le Premier ministre offrait un poste au Cabinet à un député avec la seule intention et le seul but de s’assurer de son vote dans le cadre de travaux parlementaires en cours, une telle conduite serait répréhensible et inacceptable. Réciproquement, si un député approchait le Premier ministre et lui indiquait qu`en échange d`un poste au Cabinet, son vote pourrait être acquis aux seules fins et but spécifique directement liés aux travaux parlementaires en cours, cela serait tout autant inapproprié et inacceptable.

Dans le cas présent, les travaux de la 39e législature n’ont pas encore commencé. Il n’y avait donc pas de travaux parlementaires en cours au moment de l’échange. M. Harper a pris l’initiative d’offrir à M. Emerson de faire partie de son Cabinet. Je suis donc certain que l’intention et le but de M. Harper n’était pas de s’assurer du vote de M. Emerson dans le cadre de travaux parlementaires en cours. Je conclus donc que la conduite de M. Emerson n’est pas contraire à l’article 8 du Code des députés.

Finalement, les trois députés qui ont demandé une enquête ont appuyé leurs allégations sur le rapport Grewal-Dosanjh, que j’ai publié en janvier 2006, en se référant particulièrement à la page 10, dans laquelle figure le paragraphe suivant :

« Si M. Grewal avait cherché à obtenir une récompense ou un incitatif pour changer d’allégeance à ce moment, il aurait agi ou tenté d’agir pour favoriser ses intérêts personnels. De la même façon, si M. Dosanjh avait offert une récompense ou un incitatif à M. Grewal pour qu’il change d’allégeance à ce moment, il aurait agi ou tenté d’agir de façon à favoriser de façon indue les intérêts personnels de M. Grewal. » (C’est nous qui soulignons.)

Dans ce rapport, j’ai bien précisé que je ne me prononçais pas sur l’usage consistant à « changer d’allégeance politique ». Or, dans le cas en question, un vote de défiance était imminent, dont l’issue était tout sauf certaine et dont la presque parité des voix entre les deux côtés de la Chambre faisait en sorte qu’il était impossible de prédire le résultat du vote. C’est dans ce contexte que le paragraphe cité ci-dessus a été rédigé.

Dans le cas qui nous occupe, la situation est fort différente. Même si l’ouverture de la 39e législature avait été fixée au 20 février 2006, cette date a par la suite été reportée au 3 avril. La Chambre n’a donc pas encore reprise ses activités en tant qu’assemblée délibérante. En conséquence, aucun incitatif ou récompense n’a été offert ou recherché en relation spécifique à des travaux parlementaires en cours.

L’article 9 du Code des députés

Des demandes d’enquête reçues des trois députés, seule celle de M. Wilfert alléguait que M. Harper avait enfreint l’article 9 du Code des députés. Cet article prévoit ce qui suit :​

« 9. Le député ne peut se prévaloir de sa charge pour influencer la décision d’une autre personne de façon à favoriser ses intérêts personnels ou ceux d’un membre de sa famille ou encore, d’une façon indue, ceux de toute autre personne. »


En ce qui concerne M. Harper, il faut déterminer s’il s’est prévalu de sa charge de député afin d’influencer la décision d’une autre personne, à savoir M. Emerson, afin de favoriser de façon indue les intérêts personnels de M. Emerson.

Comme je l’ai indiqué précédemment, M. Harper exerçait sa prérogative de choisir les membres de son Cabinet en tant que Premier ministre désigné et non à titre de député. Il n’a donc pas contrevenu à l’article 9 du Code des députés en invitant M. Emerson à faire partie de son Cabinet.

Quant à M. Emerson, la question qu’il faut se poser est de savoir s’il s’est prévalu de sa charge de député pour influencer la décision de M. Harper de façon à favoriser ses (M. Emerson) intérêts personnels.

Bien que le statut de M. Emerson dans cette affaire soit seulement celui d’un député, je suis convaincu, d’après l’information écrite présentée par M. Harper et la conversation que nous avons eue le 2 mars 2006, que la décision du Premier ministre désigné de choisir M. Emerson était fondée sur sa conviction que ce dernier serait un atout important au sein de son Cabinet.

Elle n’était assurément pas le fruit d’une tentative de la part de M. Emerson de se prévaloir de sa charge de député pour tenter d’influencer M. Harper. En conséquence, j’ai donc conclus que M. Emerson n’a pas contrevenu à l’article 9 du Code des députés.

Artic​le 10 du Code des députés

Dans leur demande d’enquête, MM. Easter et Wilfert ont allégué que M. Harper avait contrevenu à l’article 10 du Code des députés qui prévoit ce qui suit :

« 10.(1) Le député ne peut utiliser les renseignements qu’il obtient dans le cadre de sa charge et qui ne sont généralement pas à la disposition du public pour favoriser ses intérêts personnels ou ceux d’un membre de sa famille ou encore, d’une façon indue, ceux de toute autre personne.
(2) Le député ne peut communiquer ces renseignements s’il sait ou devrait raisonnablement savoir que ceux-ci peuvent servir à favoriser ses intérêts personnels ou ceux d’un membre de sa famille ou encore, d’une façon indue, ceux de toute autre personne. »


Le fondement de cette allégation est que M. Harper, en tant que député, a utilisé des renseignements qui ne sont généralement pas connus du public pour favoriser indûment les intérêts personnels de M. Emerson.

Une fois encore, les faits en l’espèce démontrent clairement que M. Harper exerçait ses pouvoirs exécutifs en qualité de Premier ministre désigné. Par conséquent, je constate qu’il n’y avait pas de contravention ou qu’en fait, cet article ne s’applique pas relativement à M. Harper.

Considérant que les faits et les conclusions de l’enquête préliminaire ci-dessus sont relativement explicites, il n’y avait pas lieu, à mon avis, d’aller plus loin que l’enquête préliminaire qui vient de se terminer.​

COMM​​ENTaireS

L’ENQUÊTE PRÉL​​IMINAIRE

Quelqu’un pourrait se demander pourquoi le commissaire à l’éthique a procédé à une enquête sur le Premier ministre après avoir conclu, à l’égard de chaque allégation, qu’il n’y avait pas eu contravention.

Bien que certaines demandes d’enquête puissent être de nature partisane et avoir des motivations politiques, elles doivent toutes être dûment examinées en se demandant si un député, en exerçant sa prérogative de demander une enquête aux termes du Code des députés, a fourni des motifs raisonnables à l’appui de ses allégations contre un autre député. En l’occurrence, ce n’est pas un seul député mais bien trois d’entre eux qui ont indépendamment demandé la tenue d’une enquête. De plus, au cours de l’entretien que j’ai eu avec chacun d’eux en vue de décider si je devais aller de l’avant, ils ont indiqué être fermement convaincus que les circonstances de ce cas justifiaient qu’une enquête soit menée.

Sur réception d’une demande d’enquête, il faut déterminer si les allégations sont fondées sur des motifs raisonnables.

La prérogative d’un Premier ministre ou d’un Premier ministre désigné de choisir les membres de son propre Cabinet ne fait aucun doute. En l’exerçant, le Premier ministre peut choisir quelqu’un appartenant à un autre parti politique. Or, cette prérogative du Premier ministre ne faisait pas l’objet de l’enquête préliminaire. La demande présentée par les trois députés ne concernait pas le pouvoir de M. Harper de choisir les membres de son Cabinet – ce qui n’a jamais été contesté – mais bien si M. Harper a offert des incitatifs à M. Emerson pour le convaincre de changer d’allégeance politique et de se joindre au Cabinet.

Je suis convaincu que a) l’approche d’origine était une initiative du Premier ministre, et non de M. Emerson, b) M. Harper n’a offert aucun incitatif à M. Emerson pour le convaincre de se joindre à son Cabinet, et (c) bien qu’il soit facile d’imputer divers motifs à M. Emerson pour avoir accepté l’offre, il n’existe aucune raison, et assurément aucune preuve, pour contredire le motif invoqué par M. Emerson lui-même pour accepter l’offre, soit qu’elle lui semblait une meilleure façon de servir sa ville, sa province et son pays.

Je conclus donc que ni M. Harper ni M. Emerson n’ont contrevenu à l’une ou l’autre des dispositions du Code des députés.

LES DÉFIS À VEN​IR

Étant donné que ni M. Harper ni M. Emerson – comme l’ont affirmé certaines personnes dès le début – n’ont contrevenu à quelque principe ou disposition du Code des députés, comment expliquer ce qui semble être le mécontentement relativement généralisé de la population vis-à-vis de l’offre d’un poste au sein du Cabinet que M. Harper à faite à M. Emerson, de même que l’acceptation de cette offre par ce dernier?

Ce malaise est en partie attribuable à la simple nature partisane de la politique. Il est toujours quelque peu délicat de déterminer si une demande d’enquête particulière découle d’un véritable​ souci du respect du Code des députés par opposition, par exemple, à une tentative d’acquérir un avantage partisan.

Dans le cas présent, toutefois, je crois que la partisannerie politique – dans le véritable sens de l’expression – n’est pas une explication suffisante. Le changement d’allégeance politique à la Chambre des communes n’a rien d’inhabituel, comme nous l’indique l’histoire parlementaire canadienne. Cependant, la proximité entre l’offre de M. Harper, son acceptation par M. Emerson et la tenue de l’élection générale a mis en lumière les éléments – éthiques et politiques – qui ont inévitablement tendance à influencer la décision d’un député de changer d’allégeance et d’adhérer à un parti politique autre que celui pour lequel il a fait campagne et a été élu. À tort ou à raison, le cas qui nous occupe semble avoir suscité chez bon nombre de citoyens le « sentiment » que leur vote – pierre angulaire de notre régime démocratique – avait en quelque sorte perdu de sa valeur, voir été trahi.

En ce qui a trait au Bureau du commissaire à l’éthique, la question qui doit être abordée est l’écart qui existe entre les valeurs sous-jacentes au Préambule du Code des députés et les règles détaillées sur les conflits d’intérêts contenues dans le Code lui-même. Le Code des députés énonce dans son Préambule les principes sur lesquels s’appuient les règles de conduite. À cet égard, il convient de signaler plus particulièrement le principe 2b) qui se lit comme suit :

« 2. Vu que les fonctions parlementaires constituent un mandat public, la Chambre des communes reconnaît et déclare qu’on s’attend à ce que les députés :
b) remplissent leurs fonctions avec honnêteté et selon les normes les plus élevées de façon à éviter les conflits d’intérêts réels ou apparents et à préserver et accroître la confiance du public dans l’intégrité de chaque député et envers la Chambre des communes; “(c’est nous qui soulignons).


Par conséquent, bien que d’un point de vue strictement technique il n’y ait pas eu violation des règles de conduite du Code des députés, l’incident soulève toute la question à savoir si les principes sur lesquels il s’appuie furent respectés.

Le Préambule, à la fois général et exhaustif peut être interprété comme s’appliquant à un large éventail de principes d’éthique, y compris, sans s’y limiter, les conflits d’intérêts, alors que le Code des députés – à l’égard duquel mon mandat de commissaire à l’éthique est limité – ne traite que des conflits d’intérêts. Toutefois, les citoyens canadiens (dans la mesure où ceux et celles qui ont communiqué avec mon bureau les représentent) se sont intéressés davantage aux valeurs (telles qu’elles existent dans le Préambule) et, possiblement à la nature des personnes plutôt qu’aux règles (telles qu’elles existent dans le Code lui-même). Je crois que la recherche de solution en vue d’aborder l’existence de cette différence et trouver une façon de régler ce genre de question à l’avenir requiert la tenue d’un débat ouvert, rigoureux et politique, afin qu’une politique publique convenable soit développée par l’entremise du processus politique. Dans le cas présent, la question du changement d’allégeance a été mise en évidence et a éveillé l’intérêt du public. Cette question devrait non seulement faire l’objet de débats parmi les Canadiens, mais surtout au sein du Parlement afin de trouver une solution qui, d’une part, témoignera de nos valeurs collectives et les préservera et, d’autre part, favorisera la croyance envers nos processus électoraux et démocratiques au lieu de cultiver le cynisme.

En dernière analyse, le forum le plus approprié pour résoudre ce genre de question n’est pas au sein du Bureau du commissaire à l’éthique mais dans le Parlement lui-même. Mon bureau est​ une entité parlementaire qui se trouve en plein coeur de la « partisannerie politique » (dans le meilleur sens de cette expression), et qui doit chercher à maintenir son autonomie, à demeurer impartial, et à éviter de devenir un outil ou une tribune pour les débats politiques importants, partisans de par leur nature. À cet égard et pour d’autres sujets connexes, même si le Bureau du commissaire à l’éthique pourrait fournir de l’aide, il demeure pas moins que cette question devrait demeurer au centre même du débat politique et au sein du Parlement et non être déférée au Bureau du commissaire à l’éthique pour être résolue dans le cadre des enquêtes.

Le défi que doit relever le Parlement, par conséquent, consiste à trouver une solution qui lui permettra d’aller de l’avant. Il n’y a peut-être pas de solutions faciles, mais la tâche en vaut la peine, car rien n’est plus important que de convaincre les Canadiens qu’exercer leur devoir de citoyen en participant au processus démocratique est important et utile.​

Annexe I

LETTRE DE M. JULIAN DEMANDANT L’ENQUÊTE

Ottawa, le 10 février 2006


M. Bernard Shapiro
Commissaire sur l'éthique;
Gouvernement du Canada
Ottawa ON K1A 0A6


Monsieur Shapiro,

Veuillez considérer cette lettre comme ma demande officielle d'enquête par votre bureau sur la conduite du député de Calgary Southwest, M. Stephen Harper, sous la section 8 du code sur les conflits d'intérêt des députés de la Chambre des communes. Ceci porte sur l'incitation de la part de M. Harper pour que M. David Emerson de Vancouver-Kingsway change d’allégeance politique et se joigne au cabinet conservateur.

La section 8 du code sur les conflits d'intérêt des députés de la Chambre des communes indique :

« Le député ne peut, dans l'exercice de ses fonctions parlementaires, agir de façon à favoriser ses intérêts personnels ou ceux d'un membre de sa famille ou encore, d'une façon indue, ceux de toute autre personne. »


À la page huit de votre décision dans l'enquête Grewal-Dosanjh publiée le 25 janvier de cette année, vous avez écrit :

« … si M. Dosanjh avait offert une récompense ou un incitatif à M. Grewal pour qu'il change d'allégeance, il aurait agi ou tenté d'agir de façon à favoriser de façon indue les intérêts personnels de M. Grewal. Dans un cas comme dans l'autre, il s'agirait d'une infraction extrêmement grave du Code des députés. »


Nous sommes d'avis que l'importante augmentation de salaire, l'augmentation possible de pension, le personnel et autres avantages indirects offerts aux membres du cabinet comme une voiture et un chauffeur constituent une promotion des intérêts privés de M. Emerson par rapport à ce qu'il aurait reçu comme député de l'opposition. Nous sommes donc d'avis que M. Harper pourrait ainsi aller à l'encontre de la Section 8 du code sur les conflits d'intérêts et je voudrais vous demander de faire enquête à ce sujet.

Veuillez accepter, monsieur Shapiro, l'expression de mes sentiments les meilleurs.


Peter Julian, député (Burnaby-New Westminster)
Nouveau Parti démocratique du Canada​

Annexe II

LETTRE DE M. EASTER DEMA​NDANT L’ENQUÊTE (TRADUCTION)

Le 10 février 2006


Monsieur Bernard Shapiro
Commissaire à l’éthique
22e étage
66, rue Slater
Ottawa (Ontario) K1A 0A6


Monsieur,

Par la présente, je demande à votre bureau d’enquêter sur les activités du député de Calgary-Sud-Ouest, le très honorable Stephen Harper.

Selon les allégations parues dans les médias depuis l’élection du 23 janvier 2006, M. John Reynolds, au nom de M. Harper, aurait offert des incitatifs à M. David Emerson, député libéral réélu de Vancouver, plus précisément un poste au sein du Cabinet, si M. Emerson changeait d’affiliation pour se joindre au Parti conservateur et à son caucus.

Comme vous l’avez mentionné dans votre rapport sur l’enquête Grewal-Dosanjh, en janvier 2006, à la page 10, les articles 8 et 10 du Code régissant les conflits d’intérêts des députés interdisent justement l’offre ou l’acceptation d’incitatifs qui favoriseraient les intérêts d’un député.

Je crois que M. Harper a offert des incitatifs, par l’entremise de M. Reynolds, à M. Emerson sous la forme d’un poste au sein du Cabinet du gouvernement conservateur nouvellement élu et que cette offre et son acceptation vont à l’encontre des articles du Code susmentionnés. Par conséquent, je demande officiellement que votre bureau examine en profondeur ce dossier et en publie les constatations le plus tôt possible.

Je vous prie d’agréer, Monsieur, mes salutations distinguées.


L’honorable Wayne Easter, C.P., député​

Annexe III

LETTRE DE M.WILFERT DEMANDANT L​’ENQUÊTE (TRADUCTION)

Le 13 février 2006


Monsieur Bernard Shapiro
Commissaire à l’éthique
22e étage
66, rue Slater
Ottawa (Ontario) K1

A 0A6


eur,

Par la présente, je demande à votre bureau d’enquêter sur les récentes activités du député de Calgary-Sud-Ouest, le très honorable Stephen Harper.

Dans les dernières semaines, on a pu lire dans les médias plusieurs accusations selon lesquelles M. Harper, avec l’aide de M. John Reynolds, aurait offert à M. David Emerson, député libéral réélu de Vancouver, de changer d’affiliation et d’accepter le poste de ministre du Commerce international au sein du gouvernement conservateur.

Dans votre plus récent rapport sur l’enquête Grewal-Dosanjh de janvier 2006, à la page 10, vous avez fait référence à l’article 11, qui lui-même renvoie aux articles 8 à 10 du Code régissant les conflits d’intérêts des députés, qui interdisent justement l’offre ou l’acceptation d’incitatifs au profit personnel d’un député.

Je crois qu’une offre a été faite par M. Harper, par le biais de M. Reynolds, à M. Emerson pour un poste au sein du Cabinet conservateur. Cette offre, dans son ensemble, va à l’encontre des articles du Code susmentionnés. Par conséquent, je demande que votre bureau examine en profondeur ce dossier et en publie les constatations le plus tôt possible.

Je vous prie d’agréer, Monsieur, mes salutations distinguées.


L’honorable Bryon Wilfert, C.P., député
Richmond Hill​




1 - Voir Erskine May, Parliamentary Practice, 23e édition, Lexis-Nexis, Butterworths, London, 2004, p. 273, et Robert Marleau et Camille Montpetit, La procédure et les usages de la Chambre des communes, Chenelière/McGraw Hill, Montréal, 2000, p.310.​
2 - Brun, Henri et Tremblay, Guy, Droit constitutionnel, 4e édition, Yvon Blais, Cowansville, 2002, p.321.
3 - Maingot, Joseph, Le privilège parlementaire au Canada, 2e édition, Chambre des communes et McGill-Queen’s University Press, 1997, pp.21 et 22.
Montréal, 2000, pp. 168 et 310.
Service d'information et de recherche parlementaires de la Bibliothèque du Parlement, Le gouvernement du Canada et la 39e législature : questions et réponses, 7 décembre 2005, PRB 05-43E, p.2.​


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