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Le rapport Guergis

​​​​​​​​​​​​​PRéFACE

En vertu de l'article 27 du Code régissant les conflits d'intérêts des députés (le Code), qui constitue l'Annexe 1 du Règlement de la Chambre des communes, un député qui a des motifs raisonnables de croire qu'un autre député n'a pas respecté ses obligations aux termes du Code peut demander une enquête.

La commissaire aux conflits d'intérêts et à l'éthique doit transmettre la demande d'enquête au député qui en fait l'objet et lui accorder la possibilité d'y répondre dans les 30 jours. Une fois que le député a fait connaître sa réponse, la commissaire dispose de 15 jours ouvrables pour faire un examen préliminaire de la demande et de la réponse afin de déterminer si une enquête s'impose et pour communiquer par écrit sa décision aux deux députés quant à la nécessité ou non de tenir une enquête. Les enquêtes doivent être menées à huis clos.

Une fois son enquête terminée, elle remet un rapport d'enquête au Président de la Chambre des communes, lequel présente le rapport à la Chambre à sa prochaine séance. Le rapport est accessible au public dès qu'il y est déposé ou, pendant une période d'ajournement, dès que le Président le reçoit.

Dans les 10 jours de séance suivant le dépôt du rapport, le député qui en fait l'objet a le droit de faire une déclaration à la Chambre des communes. Le rapport peut faire l'objet d'une motion portant sur son adoption ou d'une motion portant sur son étude par la Chambre.

Sommaire

Le présent rapport énonce les constatations faites à la suite de mon enquête en vertu du Code régissant les conflits d'intérêts des députés (le Code) relativement à une lettre datée du 9 septembre 2009 envoyée aux autorités municipales du comté de Simcoe par l'honorable Helena Guergis, alors députée de Simcoe—Grey. Cette lettre les invitait à étudier la demande d'un résident de sa circonscription, M. Jim Wright de Wright Tech Systems inc., qui souhaitait présenter au conseil du comté de Simcoe la technologie de son entreprise concernant la gestion des déchets verts.

Il a été allégué qu'en envoyant cette lettre, Mme Guergis a fait la promotion d'une entreprise liée à son époux, M. Rahim Jaffer, contrevenant ainsi à certaines dispositions du Code.

Le Commissariat a été confronté à plusieurs difficultés à l'étape de l'établissement des faits. Il y avait des incohérences et des lacunes marquées dans le récit de témoins importants, et le Commissariat a éprouvé beaucoup de difficulté à obtenir la preuve documentaire.

J'ai déterminé que M. Jaffer entretenait une relation professionnelle avec M. Wright au moment où Mme Guergis a rédigé et envoyé la lettre aux autorités du comté de Simcoe. J'ai aussi constaté que M. Jaffer avait un intérêt personnel en lien avec la lettre, puisqu'il pourrait s'attendre à recevoir un avantage financier à la suite du travail accompli pour M. Wright, Wright Tech et sa filiale de marketing, Green Rite Solutions.

L'enquête visait à déterminer si Mme Guergis avait contrevenu à deux dispositions du Code : l'article 8, qui interdit à un député, dans l'exercice de ses fonctions parlementaires, d'agir de façon à favoriser ses intérêts personnels ou ceux d'un membre de sa famille; et l'article 9, qui interdit à un député de se prévaloir de sa charge pour influencer la décision d'une autre personne de façon à favoriser ses intérêts personnels ou ceux d'un membre de sa famille.

J'ai conclu que Mme Guergis a contrevenu à l'article 8 du Code en envoyant la lettre pour le compte de Wright Tech, car elle agissait de façon à favoriser les intérêts personnels de M. Jaffer. J'ai aussi conclu qu'elle a contrevenu à l'article 9, puisque la lettre visait à influencer la décision du conseil du comté de Simcoe et de son président, d'une manière qui pourrait favoriser les intérêts personnels de son époux. Mme Guergis était au courant de certaines des interactions professionnelles initiales entre son époux, M. Wright et ses entreprises qui soulevaient des préoccupations concernant les conflits d'intérêts. Par conséquent, elle n'aurait pas dû écrire la lettre.

Cette enquête faisait suite à une demande de Mme Libby Davies, députée de Vancouver-Est, et n'est pas liée à la lettre que j'ai reçue du premier ministre, le 9 avril 2010, au sujet de Mme Guergis. Cette lettre a reçu une très grande attention médiatique. Au cours de l'enquête, le Commissariat n'a découvert aucune preuve indiquant que d'autres questions liées aux agissements de Mme Guergis exigeaient une étude ou une enquête en vertu de la Loi sur les conflits d'intérêts ou du Code.

Les ALLéGATIONS

Le 16 avril 2010, Mme Libby Davies, députée de Vancouver-Est, m'a demandé d'enquêter concernant des allégations de contraventions à la Loi sur les conflits d'intérêts (la Loi) et au Code régissant les conflits d'intérêts des députés (le Code) par Mme Helena Guergis, ancienne ministre d'État (Condition féminine) et députée de Simcoe—Grey, à l'égard d'une lettre que Mme Guergis a envoyée aux autorités municipales du comté de Simcoe.

Dans sa demande, Mme Davies faisait référence à un article paru le jour même dans les médias dans lequel on alléguait que Mme Guergis avait écrit à un représentant municipal en septembre 2009 au nom de l'entreprise Wright Tech Systems inc. afin de l'inviter à étudier la demande de Wright Tech, qui souhaitait lui présenter sa technologie de gestion des déchets. Cette lettre a été rendue publique par les médias.

Selon l'article, il y aurait eu une relation d'affaires entre l'époux de Mme Guergis, M. Rahim Jaffer, l'homme d'affaires torontois Nazim Gillani et Wright Tech. Apparemment, MM. Jaffer et Gillani auraient eu l'intention d'inscrire en bourse l'une des entreprises de M. Jim Wright et ils auraient discuté de projets concernant deux entreprises de M. Wright, soit Wright Tech et sa filiale de marketing, Green Rite Solutions inc., lors d'un dîner d'affaires le lendemain de l'envoi de la lettre de Mme Guergis. D'autres reportages ont signalé que la compagnie de M. Jaffer, Green Power Generation, avait soumis une proposition de financement, pour le compte de Green Rite, au Fonds pour l'infrastructure verte du gouvernement du Canada.

Compte tenu de l'information accessible au public qui liait M. Jaffer à M. Wright et ses entreprises, j'étais sur le point de contacter Mme Guergis pour lui faire part de mes préoccupations lorsque j'ai reçu la demande de Mme Davies. Je craignais que Mme Guergis ait contrevenu aux articles 8 et 9 du Code. L'article 8 interdit à un député, dans l'exercice de ses fonctions parlementaires, d'agir de façon à favoriser ses intérêts personnels ou ceux d'un membre de sa famille. L'article 9 interdit à un député de se prévaloir de sa charge pour influencer la décision d'une autre personne de façon à favoriser ses intérêts personnels ou ceux d'un membre de sa famille.

Dans sa demande, Mme Davies a écrit que Mme Guergis et sa famille semblaient avoir un intérêt personnel dans Wright Tech et que la promotion de l'entreprise par Mme Guergis aurait pu favoriser ses intérêts personnels et ceux de sa famille. En ce qui concerne le Code, Mme Davies alléguait que Mme Guergis avait contrevenu à l'article 9. Pour ce qui est de la Loi, elle alléguait que Mme Guergis avait contrevenu à l'article 4, qui prévoit que le titulaire de charge publique se trouve en situation de conflit d'intérêts lorsqu'il exerce un pouvoir officiel ou une fonction officielle qui lui fournit la possibilité de favoriser son intérêt personnel ou celui d'un parent.

La lettre de Mme Guergis au représentant municipal était datée du 9 septembre 2009 et imprimée sur son papier à en-tête de députée. Elle y présentait un résident de sa circonscription,

M. Jim Wright, de Wright Tech, au conseil du comté de Simcoe et à son président, M. Tony Guergis. Elle invitait les autorités municipales à étudier la demande de M. Wright, qui souhaitait leur présenter la technologie de gestion des déchets verts mise au point par son entreprise. La traduction de cette lettre figure à l'Annexe I du présent rapport.

CORRESPONDaNCE du cabinet du premier ministre

Le 9 avril 2010, soit une semaine avant que je reçoive la demande de Mme Davies, j'ai reçu une lettre du Cabinet du Premier ministre selon laquelle on lui avait fait part d'allégations concernant des agissements de Mme Guergis, qui constituaient possiblement un manquement à ses obligations en vertu de la Loi sur les conflits d'intérêts (la Loi) et du Code régissant les conflits d'intérêts des députés (le Code). Cette lettre a reçu une très grande attention médiatique.

La lettre ne contenait pas de renseignements précis et ne me demandait pas d'entamer une étude ou une enquête en vertu de la Loi ou du Code. On me recommandait à un enquêteur privé qui avait contacté un conseiller juridique du Parti conservateur du Canada. Le Commissariat a contacté cet enquêteur privé, qui a déclaré n'avoir fait aucune allégation contre Mme Guergis. En l'absence de renseignements me permettant d'entamer une étude ou une enquête, le Commissariat n'a entrepris aucune autre démarche à cet égard.

Au cours de l'enquête, le Commissariat n'a découvert aucune preuve indiquant que d'autres questions liées aux agissements de Mme Guergis exigeaient une étude ou une enquête en vertu de la Loi ou du Code.

le PROCESsuS​

Après avoir examiné la demande de Mme Davies et déterminé qu'elle y présentait des motifs raisonnables de croire que Mme Guergis n'avait pas respecté ses obligations en vertu du Code régissant les conflits d'intérêts des députés (le Code), j'ai conclu que la lettre de Mme Davies constituait une demande d'enquête valide en vertu de l'article 27 du Code.

En ce qui concerne la Loi sur les conflits d'intérêts (la Loi), qui s'applique aux ministres et aux autres titulaires de charge publique, je n'étais pas convaincue que Mme Davies présentait des motifs justifiant une étude en vertu de l'article 44 de la Loi. Mme Davies ne m'a fourni aucune information qui pouvait laisser croire que Mme Guergis agissait en tant que ministre en envoyant la lettre au comté de Simcoe. L'affaire décrite dans la demande de Mme Davies semblait plutôt être liée à la circonscription; une affaire d'intérêts locaux sans lien apparent avec la fonction de ministre d'État (Condition féminine) qu'occupait alors Mme Guergis. De plus, cette dernière a signé la lettre au comté de Simcoe en tant que députée, sans jamais mentionner la fonction de ministre qu'elle occupait au moment de la contravention alléguée.

J'ai écrit à Mme Guergis le 16 avril 2010 pour l'aviser de la demande d'enquête que j'avais reçue de Mme Davies et de mes propres préoccupations concernant le Code, et j'ai joint une copie de la demande de Mme Davies. J'ai expliqué à Mme Guergis que le Code lui accordait un délai de 30 jours pour me répondre, après quoi je déciderais de mener ou non une enquête. Je lui ai alors expliqué mes craintes quant à ses obligations en vertu du Code uniquement et l'ai informée que je permettrais à Mme Davies d'approfondir ses allégations en vertu de la Loi.

Le même jour, j'ai également écrit à Mme Davies pour l'informer que j'avais transmis sa demande à Mme Guergis et que cette dernière disposait de 30 jours pour répondre aux allégations formulées en vertu du Code. Pour ce qui est de la Loi, toutefois, j'ai indiqué à Mme Davies que, pour les motifs susmentionnés, sa lettre ne répondait pas aux exigences relatives à une demande d'étude en vertu de la Loi. Par contre, je lui ai expliqué qu'elle pouvait encore m'envoyer des renseignements supplémentaires à cet égard.

Le 20 avril 2010, j'ai reçu une lettre de Mme Davies dans laquelle elle manifeste son désaccord quant à mon interprétation de la Loi, avançant que les agissements de Mme Guergis devraient être examinés en vertu de la Loi, qu'ils soient directement liés à sa fonction de ministre ou non. J'ai répondu à Mme Davies le 22 avril 2010 que, bien que je sois d'accord avec le fait que les actions des députés qui sont ministres peuvent, dans certains cas, concerner leurs responsabilités en vertu de la Loi et du Code, je ne pouvais pas entamer une étude en vertu de la Loi sans avoir de motifs raisonnables de croire qu'il y avait eu contravention.

J'ai reçu une lettre de Mme Guergis le 10 mai 2010 en réponse aux préoccupations soulevées. Le 13 mai 2010, j'ai écrit à Mme Guergis pour lui demander plus d'information et j'ai reçu une deuxième lettre de sa part le 14 mai 2010. Mme Guergis a fourni des renseignements supplémentaires dans un courriel le 17 mai 2010. Après avoir demandé d'autres détails, j'ai reçu un deuxième courriel le 18 mai 2010.

Après avoir examiné les renseignements fournis par Mme Guergis, j'ai conclu qu'une enquête s'imposait et, le 3 juin 2010, j'ai informé Mme Guergis par écrit que je mènerais une enquête pour déterminer si elle avait contrevenu aux articles 8, 9 ou 11 du Code. L'article 11 porte sur les tentatives de se livrer aux activités interdites aux termes des articles 8 à 10. Mme Guergis m'a alors informée que Me Howard Rubel serait son avocat. J'ai aussi informé Mme Davies le 3 juin 2010 de ma décision de tenir une enquête.

J'ai interviewé Mme Guergis une première fois le 29 juin 2010, puis de nouveau le 26 novembre 2010. Le Commissariat a interviewé 11 témoins, à qui l'on a demandé de fournir des documents. On a aussi demandé des documents à trois autres personnes, qui n'ont pas été interviewées. L'Annexe II présente la liste de toutes ces personnes. Conformément à la pratique que j'ai établie lors de la conduite d'une enquête, Mme Guergis a pu commenter l'ébauche de toutes les parties du présent rapport, sauf les parties Analyse et conclusions et Résumé.

OBSERVATIONs préliminaireS​

L'objet de l'enquête était de comprendre l'étendue de la relation d'affaires entretenue par MM. Rahim Jaffer et Jim Wright, de même que de comprendre jusqu'à quel point Mme Guergis était au courant de cette relation au moment où elle a envoyé la lettre. Malheureusement, plusieurs facteurs ont fait en sorte qu'il a été difficile de dresser un portrait complet et exact de la situation. Ces facteurs ont également causé des retards considérables dans l'enquête. Voici quelques explications. 

Incohérences et lacunes dans les tém​​oignages 

Les deux principaux témoins dans cette enquête, Mme Guergis et M. Jaffer, sont mari et femme. Ils semblaient tous deux avoir de la difficulté à se souvenir des détails entourant les événements de la fin d'août et du début de septembre 2009, y compris ceux entourant la lettre et les relations d'affaires entre M. Jaffer et les entreprises de M. Wright.

Ces événements se sont déroulés immédiatement avant une période difficile qu'a connue M. Jaffer sur le plan personnel. Tôt le matin du 11 septembre 2009, M. Jaffer a été arrêté pour des motifs non liés à la présente enquête. Son arrestation a fait la manchette à partir du 16 septembre 2009. M. Jaffer m'a raconté que cette arrestation faisait en sorte qu'il lui était particulièrement difficile de se souvenir des détails de cette période.

D'autres témoins importants ont eu des contacts personnels et professionnels avec Mme Guergis ou son époux. Parmi ces témoins, on compte l'adjointe de Mme Guergis ainsi que des amis et d'anciens partenaires d'affaires de son époux.

Les récits de certains témoins étaient parfois incohérents ou incomplets. Certaines incohérences étaient mineures et probablement attribuables au fait que la plupart des entrevues ont eu lieu un an après l'envoi de la lettre par Mme Guergis au comté de Simcoe. Toutefois, on a noté des incohérences plus considérables dans certains témoignages et entre les récits de certains témoins. Les témoins ne semblaient pas toujours très communicatifs, mais il se peut qu'ils étaient influencés par le désir de protéger une autre personne.

Dans le présent rapport, je souligne les incohérences soulevées concernant des faits pertinents. 

Problèmes relativement à l'ob​​tention de la preuve documentaire 

Mme Guergis m'a raconté qu'elle avait commencé à rédiger la lettre après avoir parlé au téléphone avec M. Jim Wright, le 3 septembre 2009. Toutefois, l'adjointe de Mme Guergis a témoigné le 25 octobre 2010 qu'elle se rappelait très bien avoir reçu un courriel de sa patronne le 25 août 2009 lui demandant de rédiger la lettre demandée par M. Wright. Elle a aussi fourni un exemplaire d'une ébauche de cette lettre. Le libellé était très différent de celui de la version définitive.

Pour tirer l'affaire au clair, j'ai décidé que je devais avoir accès à d'autres documents, notamment toutes les ébauches de la lettre avec les propriétés montrant le nom de l'auteur et la date de création du document, ainsi que tous les courriels et les entrées de calendrier qui seraient pertinents. La date de la première ébauche était particulièrement importante pour l'enquête. Le Commissariat a demandé à la Chambre des communes de s'informer du processus pour obtenir ces documents de façon confidentielle. Or, la collecte de ces documents s'est avérée particulièrement difficile.

On nous a informés que les courriels et les documents sauvegardés électroniquement sur les systèmes de la Chambre des communes étaient la propriété des députés et que, par conséquent, il nous faudrait sa permission pour y accéder. De plus, la Chambre des communes nous a informés que la divulgation de tout document directement au Commissariat nécessiterait l'autorisation de la députée visée ou du Président de la Chambre des communes.

Mme Guergis a accepté de donner au Commissariat accès aux documents récupérés à la suite de notre demande, mais seulement après qu'elle et son avocat, Me Rubel, les auraient approuvés, au cas où ils contiendraient des renseignements à propos des résidents de sa circonscription. Selon les arrangements pris, le Commissariat n'a pas pu accéder directement aux documents récupérés par la Chambre des communes. Ils ont plutôt été examinés par Mme Guergis et son avocat, qui m'en ont remis quelques-uns. On m'a avisée que les autres n'étaient pas pertinents.

Le processus de recherche et d'approbation de documents a occasionné d'importants retards. De plus, le Commissariat n'était pas convaincu que la méthode de recherche employée par la Chambre des communes permettrait de récupérer tous les documents pertinents. Le processus a nécessité des mois d'échanges entre la Chambre des communes, Mme Guergis, son avocat et le Commissariat.

Ces questions sont abordées en détail plus loin dans la section La date de la lettre du présent rapport, sous l'intitulé Établissement des faits.

Je crains qu'il n'y ait aucun moyen d'être certaine d'avoir reçu tous les documents pertinents au cours de la présente enquête, puisque je n'ai pas pu avoir accès directement aux documents. Ce doute sera présent dans toutes les futures études ou enquêtes nécessitant des documents de la Chambre des communes.​

établissement des faits​

L'objet de l'enquête était de déterminer si Mme Guergis a manqué à ses obligations en vertu du Code régissant les conflits d'intérêts des députés (le Code) en envoyant une lettre à propos de Wright Tech Systems inc. aux autorités municipales du comté de Simcoe.

La lettre, datée du 9 septembre 2009, a été imprimée sur le papier à en-tête de député de Mme Guergis. Elle était adressée au président et aux membres du conseil du comté de Simcoe et les invitait à étudier une demande provenant d'un citoyen, M. Jim Wright de Wright Tech Systems inc., qui souhaitait leur présenter la technologie de gestion des déchets verts mise au point par son entreprise. Les médias ont rapporté que M. Jaffer entretenait des relations d'affaires avec M. Wright et ses entreprises au moment où Mme Guergis a envoyé la lettre. La traduction de cette dernière figure à l'Annexe I du présent rapport.

Afin de déterminer si Mme Guergis a manqué à ses obligations en vertu du Code par la rédaction de cette lettre, j'ai examiné la nature des relations entretenues par l'époux de Mme Guergis, M. Jaffer, avec M. Wright et ses entreprises, ainsi que les circonstances entourant la décision de Mme Guergis d'envoyer la lettre et ce qu'elle savait de ces relations au moment de l'envoi. 

Contexte – Première renco​ntre de M. Jaffer avec MM. Jim et Stephen Wright 

M. Jim Wright est président de Wright Tech et partenaire de sa filiale de marketing, Green Rite Solutions inc., elle-même présidée par son fils, M. Stephen Wright. Wright Tech est une entreprise de gestion des déchets qui a développé une technologie permettant de sécher les déchets organiques et de les convertir en carburant. Elle fabrique des unités appelées Biodryer fondées sur cette technologie. Ces unités sont vendues à des municipalités et à d'autres organisations pour la gestion de déchets à grande échelle.

À l'été 2009, les entreprises en question exploraient des sources de financement possibles pour Green Rite avec la firme International Strategic Investments. M. Nazim Gillani, président- directeur général d'International Strategic Investments, avait demandé l'aide de son cousin, M. Aleem Lakhani, pour évaluer la technologie Biodryer de Wright Tech. 

M. Lakhani a expliqué à M. Gillani qu'il n'avait pas de savoir-faire en technologies vertes, mais qu'il pourrait lui recommander quelqu'un. M. Lakhani avait récemment appris que son ami, M. Rahim Jaffer, avait mis sur pied un cabinet d'experts-conseils en technologie verte avec un ami, M. Patrick Glémaud, qui avait déjà travaillé à Environnement Canada. M. Lakhani a proposé une rencontre entre MM. Gillani et Jaffer. MM. Lakhani et Gillani étaient tous deux au courant du passé politique de M. Jaffer et de l'expérience gouvernementale de son partenaire d'affaires. Ils ont pensé que ces messieurs pourraient les aider à obtenir du financement public.

M. Jaffer travaillait avec M. Glémaud, qui avait démarré une petite entreprise appelée Green Power Generation Corp. MM. Jaffer et Glémaud étaient codirecteurs de l'entreprise, sans aucun autre directeur ou dirigeant. L'entreprise explorait depuis quelque temps plusieurs options de politiques et de technologies environnementales, mais qu'elle ne faisait pas d'argent.

M. Jaffer a rencontré MM. Gillani et Wright pour la première fois le 25 août 2009 à l'occasion d'un déjeuner d'affaires organisé par M. Gillani. M. Lakhani était également présent, ainsi que plusieurs représentants des entreprises de MM. Wright et Gillani.

Au cours du repas, en jasant avec M. Wright, M. Jaffer a mentionné que son épouse, Mme Guergis, était députée de Simcoe—Grey, où M. Wright possède un chalet. M. Wright a alors fait mention d'une proposition controversée visant la mise en place d'un dépotoir, que l'on surnomme le Site 41.

M. Wright a raconté à M. Jaffer qu'il avait proposé sa technologie à des employés du comté de Simcoe comme solution de rechange au dépotoir du Site 41, mais qu'il n'avait pas eu de réponse. Il a demandé à M. Jaffer si Mme Guergis pourrait l'aider à entrer en contact directement avec les élus du comté de Simcoe. M. Jaffer lui a suggéré de contacter Mme Guergis lui-même et lui a donné le numéro de téléphone du bureau de son épouse.

Immédiatement après la rencontre du 25 août 2009, M. Gillani a demandé à Green Power Generation de procéder à un examen préliminaire de la viabilité technologique et commerciale du produit Biodryer de Wright Tech. Un certain nombre de courriels échangés par MM. Gillani et Jaffer à la fin d'août 2009 font aussi référence à une évaluation ou une analyse réalisée par MM. Jaffer et Glémaud.

Le lendemain de la rencontre, M. Jaffer et Mme Guergis ont pris l'avion pour Ottawa. Mme Guergis m'a rapporté avoir eu une brève conversation avec son époux pendant le vol à propos de M. Wright. M. Jaffer lui a raconté qu'il avait rencontré M. Wright par affaires, que ce dernier résidait dans la circonscription de Mme Guergis et qu'il était au courant du dossier du Site 41. Il a expliqué que M. Wright voulait être présenté à Mme Guergis et lui demander si elle pouvait l'aider à présenter Wright Tech au conseil du comté de Simcoe. M. Jaffer lui a aussi mentionné que M. Gillani leur avait demandé, à M. Glémaud et à lui, d'examiner la technologie Biodryer de M. Wright et qu'ils songeaient à travailler avec ce dernier. M. Jaffer a dit à son épouse qu'il avait donné son numéro de téléphone à M. Wright et que ce dernier la contacterait. 

La demande concernant la l​ettre 

Le 3 septembre 2009, M. Jim Wright a appelé Mme Guergis à son bureau. M. Wright lui a dit qu'il résidait dans sa circonscription et que son entreprise avait développé une technologie de gestion des déchets qui pourrait servir de solution de rechange pour le Site 41. Il a ajouté qu'il avait rencontré son époux, qui lui avait donné son numéro de téléphone, et qu'ils avaient discuté de cette technologie. M. Wright a demandé à Mme Guergis d'envoyer une lettre aux élus du comté de Simcoe pour leur demander de lui permettre de leur expliquer sa technologie de vive voix.

Dans sa première lettre envoyée le 10 mai 2010 et dans son courriel de suivi du 17 mai 2010, Mme Guergis m'a dit qu'elle avait entendu parler de M. Wright pour la première fois lors de son appel. Dans un courriel du 18 mai 2010, Mme Guergis a rectifié son récit en précisant que son époux lui avait parlé de M. Wright et de sa technologie une semaine plus tôt, le 26 août 2009.

Au cours de son entrevue préliminaire le 29 juin 2010, Mme Guergis m'a révélé que, lors de sa conversation téléphonique du 3 septembre 2009 avec M. Wright, elle lui avait dit qu'elle n'écrirait pas la lettre en son nom s'il travaillait avec son époux. Elle lui a alors demandé si c'était le cas ou s'il entendait faire des affaires avec son époux à l'avenir. Elle m'a dit lui avoir expliqué que, le cas échéant, il serait inapproprié pour elle d'écrire la lettre et qu'elle ne le ferait pas. Elle a ajouté que M. Wright l'avait assurée qu'il ne comptait pas faire des affaires avec M. Jaffer. Mme Guergis a raconté avoir dit à M. Wright qu'elle devait réfléchir à sa demande et en parler avec son époux.

Le Commissariat a demandé à M. Wright de raconter sa version de cette conversation téléphonique. Selon lui, il n'avait pas été question de l'existence d'une relation d'affaires avec M. Jaffer. M. Wright a été convoqué à une deuxième entrevue, où on lui a présenté la déclaration de Mme Guergis selon laquelle elle lui avait demandé s'il entretenait une relation d'affaires avec son époux. M. Wright a dit à mon personnel que, si cette discussion avait eu lieu, il ne s'en souvenait pas.

Dans une deuxième entrevue avec Mme Guergis, je lui ai présenté le témoignage de M. Wright. Mme Guergis m'a dit qu'elle ne se souvenait plus très bien de cette conversation. Elle n'a pas pu confirmer avec certitude qu'elle avait discuté avec M. Wright de la possibilité qu'il fasse des affaires avec son époux. Elle a seulement dit qu'elle était certaine qu'elle lui aurait posé ces questions, puisque son époux lui avait dit avoir rencontré M. Wright par affaires.

Mme Guergis m'a dit qu'après avoir parlé à M. Wright, le 3 septembre 2009, elle a demandé à son époux s'il avait une relation d'affaires avec M. Wright et son entreprise parce qu'elle craignait de se placer en situation de conflit d'intérêts en envoyant la lettre au nom de M. Wright. Elle lui a dit que si elle rédigeait la lettre, il devait confirmer qu'il n'y avait aucune relation d'affaires entre eux et qu'il n'y en aurait jamais. Elle a dit que son époux l'avait assurée qu'aucune relation d'affaires ne les liait et qu'il n'était pas question qu'il y en ait une à l'avenir.

Après en avoir discuté avec son époux, Mme Guergis a décidé d'écrire la lettre au nom de M. Wright. Elle m'a dit qu'avant d'envoyer la lettre, elle avait demandé à son époux de confirmer de nouveau qu'il n'aurait aucune relation d'affaires avec M. Wright. M. Jaffer a réitéré qu'il n'y avait aucun projet d'affaires entre eux deux. Elle lui a alors dit, une fois la lettre envoyée, « c'est définitif, il n'y en a plus » [traduction libre]. Quand la lettre a été envoyée, elle l'en a avisé.

J'ai demandé à M. Jaffer pourquoi Mme Guergis l'avait interrogé plus d'u​ne fois quant à sa relation avec M. Wright. Il a pensé qu'elle était nerveuse à propos de la lettre parce qu'elle ne savait pas s'il lui disait la vérité à propos de sa relation avec M. Wright, puisqu'elle savait que M. Jaffer travaillait encore avec M. Gillani. Pour sa part, Mme Guergis a dit qu'elle craignait la possibilité d'un conflit d'intérêts, mais qu'elle n'avait aucune raison de douter de la véracité des propos de son époux. 

Circonstances entourant la rédaction​​ de la lettre par MME ​Guergis

Mme Guergis m'a raconté que, selon elle, en tant que députée de M. Wright, il était de son devoir de prendre sa demande en considération. Elle m'a aussi dit qu'elle avait des raisons politiques d'écrire cette lettre. De fait, elle représentait la circonscription fédérale de Simcoe— Grey. Elle a expliqué que, bien que le Site 41 soit situé dans la circonscription de Simcoe-Nord, tout juste au nord de la sienne, le projet de dépotoir inquiétait grandement les résidents de sa circonscription. De plus, avant l'élection fédérale de 2008, elle s'était impliquée dans le dossier en s'opposant activement au dépotoir du Site 41. Après l'élection de 2008, la circonscription de Simcoe-Nord ayant été remportée par un collègue conservateur, elle a décidé, pour cette raison et pour d'autres raisons familiales, de prendre du recul dans le dossier du Site 41.

Mme Guergis m'a raconté, toutefois, que bon nombre des résidents de sa circonscription s'attendaient à ce qu'elle s'engage activement dans le dossier du Site 41, en partie en raison de la proximité avec sa circonscription, mais aussi parce que des politiciens locaux membres de sa famille et portant le même nom appuyaient le projet du dépotoir. Cette situation suscitait la confusion dans la population quant à la position de Mme Guergis. Elle m'a expliqué qu'un grand nombre de résidents de sa circonscription lui avaient écrit sur le sujet et qu'elle devait y répondre. C'est pourquoi elle avait hâte de se réengager dans le dossier comme opposante au Site 41. La lettre concernant M. Wright, qui laissait entendre que sa technologie serait une bonne solution de rechange au Site 41, lui en donnait l'occasion.

À la mi-septembre 2009, Mme Guergis a envoyé plusieurs lettres pour répondre aux inquiétudes des résidents de sa circonscription à propos du Site 41. Le Commissariat en a obtenu une ébauche non signée. Mme Guergis a envoyé une lettre semblable à un journal local du comté de Simcoe pour faire taire les rumeurs selon lesquelles elle appuyait le Site 41. Le journal en question l'a publiée le 22 septembre 2009. Dans ces deux lettres, Mme Guergis énonçait les mesures qu'elle avait prises par le passé pour s'opposer au Site 41. lle écrivait : « Ce mois-ci justement, une lettre a été envoyée au président du comté de Simcoe, M. Tony Guergis, pour lui présenter certains résidents de ma circonscription qui utilisent une technologie verte pour se défaire des déchets » [traduction]. Au cours de son entrevue, elle m'a dit qu'elle faisait alors référence à la lettre du 9 septembre 2009 concernant M. Wright, et qu'elle n'avait pas mentionné le nom d'autres personnes. Aucune de ces deux lettres ne faisait précisément référence à M. Wright ou à ses entreprises. 

La date de la l​​ettre 

Préparation de la​​ lettre

Au cours de sa première entrevue, le 29 juin 2010, Mme Guergis m'a raconté qu'elle avait décidé de rédiger la lettre à propos de M. Jim Wright après lui avoir parlé le 3 septembre 2009. Au cours de l'enquête, j'ai reçu des éléments de preuve contradictoires, dont il est question en détail ci-dessous, indiquant qu'une ébauche de la lettre aurait peut-être été écrite plus d'une semaine plus tôt. Si la rédaction a commencé avant la conversation de Mme Guergis avec M. Wright, on pourrait penser que M. Jaffer a lui-même demandé à Mme Guergis de rédiger la lettre.

L'adjointe de Mme Guergis a raconté à mon personnel qu'elle avait préparé une première ébauche de cette lettre le 25 août 2009. Elle se rappelait que Mme Guergis lui avait envoyé un courriel ce jour-là pour lui demander de rédiger la lettre. Elle en avait préparé un brouillon, qu'elle avait laissé à Mme Guergis, le 26 août 2009, avant de partir en congé pour plusieurs jours. L'adjointe n'a pas pu produire une copie de ce courriel, mais elle a remis au Commissariat une copie de la première ébauche de la lettre. Le libellé différait grandement de celui de la lettre définitive, signée par Mme Guergis. Lorsqu'on lui a demandé de vérifier les propriétés du document, l'adjointe a répondu dans un courriel au Commissariat que, selon les propriétés, le document avait été créé le 25 août 2009, mais qu'elle ne pouvait pas imprimer cette information.

Lorsqu'on lui a fait part de cette incohérence à sa deuxième entrevue, Mme Guergis s'est dite surprise et a affirmé qu'elle n'avait jamais vu l'ébauche que nous avait fournie son adjointe. Elle m'a dit qu'elle était certaine que la lettre n'avait été rédigée qu'après la conversation téléphonique avec M. Wright.

L'adjointe de Mme Guergis a également fourni au Commissariat un courriel datant du 3 septembre 2009. Dans ce courriel, destiné à un ancien collègue de Mme Guergis, l'adjointe de cette dernière a écrit qu'on lui avait demandé de rédiger une lettre au comté de Simcoe pour proposer aux autorités d'entendre la présentation de Wright Tech. Je souligne que ce courriel a été envoyé le même jour et plusieurs heures après la conversation téléphonique entre Mme Guergis et M. Wright. Toutefois, rien n'indique quand l'adjointe a reçu la directive de rédiger la lettre.

J'estimais qu'il était important de déterminer le moment où le premier brouillon de la lettre concernant M. Wright avait été préparé. Le 25 août 2009, c'est plus d'une semaine avant la discussion de Mme Guergis avec M. Wright, mais c'est le jour où M. Jaffer a fait la connaissance de M. Wright.

Le Commissariat a contacté la Chambre des communes afin de s'enquérir du processus pour obtenir, de façon confidentielle, tous les brouillons de la lettre montrant les propriétés des documents, ainsi que tous les courriels et les entrées de calendrier pertinents se trouvant sur les comptes de Mme Guergis et de son personnel. Comme je l'ai mentionné dans les Observations préliminaires, on nous a informés que les courriels et les documents sauvegardés électroniquement sur les systèmes de la Chambre des communes étaient la propriété de la députée et que, par conséquent, il nous faudrait sa permission pour y accéder. De plus, la Chambre des communes nous a informés que la divulgation de tout document directement au Commissariat nécessiterait l'autorisation de la députée visée ou du Président de la Chambre des communes.

Le 12 novembre 2010, j'ai obtenu de Mme Guergis l'autorisation de chercher toutes les versions de la lettre. Même si elle avait accepté que tous ces documents soient envoyés directement au Commissariat, la Chambre des communes les a plutôt envoyés à Mme Guergis.

En ce qui concerne la recherche dans les courriels, Mme Guergis se disait inquiète de la portée des recherches et de la possibilité que j'obtienne des documents directement, puisque ces derniers pouvaient contenir des renseignements confidentiels sur les résidents de sa circonscription. En fin de compte, Mme Guergis a accepté que des recherches soient menées dans ses courriels, à condition que les documents récupérés soient approuvés par elle et Me Rubel, qui me les transmettraient par la suite. Au cours de son entrevue du 26 novembre 2010, Mme Guergis m'a dit qu'elle avait consulté les conseillers juridiques de la Chambre des communes, qui l'avaient avisée que les renseignements concernant les résidents de sa circonscription ne pouvaient être divulgués. L'avocat de Mme Guergis a écrit une lettre dans laquelle il mentionne que les conseillers juridiques l'informaient qu'elle avait la responsabilité de protéger les renseignements personnels des résidents de sa circonscription.

Le 30 novembre 2010, Me Rubel a écrit au Commissariat pour fournir les résultats des recherches sur la lettre : deux exemplaires d'un brouillon qui avaient le même libellé que la lettre définitive, avec les propriétés des documents. Selon les propriétés, la lettre avait été créée le 11 septembre 2009 et imprimée la dernière fois le 16 septembre 2009. Me Rubel m'a avisée que Mme Guergis pensait maintenant qu'elle avait signé la lettre entre le 11 septembre 2009 et le 16 septembre 2009. Il a laissé entendre que Mme Guergis croyait avoir signé la lettre le 8 septembre 2009 en raison de l'empreinte de la date figurant sur le document, soit le 9 septembre 2009.

Le 18 janvier 2011, après l'approbation des résultats de la recherche de courriels par Mme Guergis et Me Rubel, ce dernier nous a transmis une entrée de calendrier pertinente, en mentionnant qu'aucun autre document pertinent n'avait été découvert.

Les résultats des recherches nous ont surpris, puisqu'on n'y trouvait pas le premier brouillon de la lettre ni le courriel du 3 septembre 2009, deux documents que l'adjointe de Mme Guergis avait récemment imprimés à partir de son poste de travail et qu'elle nous avait remis. Après avoir discuté avec des représentants des services des technologies de l'information de la Chambre des communes et Me Rubel, nous avons appris qu'il y avait eu quelques malentendus concernant la portée des recherches et que, par conséquent, il se pouvait qu'il manque quelques documents pertinents. Il était clair qu'il fallait faire d'autres recherches.

Après l'échange de plusieurs lettres entre le Commissariat, Mme Guergis et Me Rubel, y compris ma demande finale visant une recherche très ciblée, le 16 mai 2011, j'ai reçu une boîte de documents de la part de Mme Guergis. Rien n'indiquait si les documents que je cherchais avaient été trouvés ni si la boîte contenait d'autres documents pertinents.

La copie de la première ébauche de la lettre concernant Wright Tech que l'adjointe de Mme Guergis avait fournie au Commissariat ne se trouvait pas parmi ces documents. Par contre, on y trouvait le courriel du 3 septembre 2009 envoyé par l'adjointe, qui mentionnait qu'on lui avait demandé de rédiger une lettre proposant aux membres du conseil du comté d'entendre la présentation de Wright Tech, qui n'avait pas été récupérée dans les recherches précédentes.

De plus, il y avait plusieurs versions de la lettre aux résidents de sa circonscription à propos du Site 41, datant d'entre le 20 août 2009 et le 16 septembre 2009. La mention de l'envoi de la lettre au comté de Simcoe n'a été ajoutée que le 16 septembre 2009, ce qui semble indiquer que la lettre concernant Wright Tech envoyée au conseil du comté de Simcoe aurait pu être finalisée au même moment.

L'obtention de ces documents à partir des dossiers électroniques de la Chambre des communes a duré près de six mois et a nécessité de nombreux échanges entre la Chambre des communes, Mme Guergis, son avocat et le Commissariat.

Signature de la l​​ettre

Au cours de sa première entrevue, le 29 juin 2010, Mme Guergis m'a dit que la lettre avait été signée le 8 septembre 2009 et qu'elle était datée du 9 septembre 2009. Elle a dit qu'elle se souvenait précisément de cette date parce qu'elle avait signé la lettre à son bureau ministériel avant de partir pour participer à une activité dans sa circonscription, le soir du 8 septembre 2009. La date de la signature a été corroborée par son adjointe au cours de sa première entrevue, le 25 octobre 2010, lorsqu'elle a affirmé au Commissariat qu'elle était avec Mme Guergis quand celle-ci a signé la lettre. Elle a aussi fourni des détails contextuels indiquant qu'elle se souvenait très bien de ces événements.

Dans une deuxième entrevue avec l'adjointe de Mme Guergis, le 1er avril 2011, elle a dit à mon personnel qu'elle croyait maintenant de ne pas avoir commencé à rédiger la lettre avant le mois de septembre. Elle a laissé entendre qu'elle regardait les propriétés d'un autre document lorsqu'elle nous a dit qu'il avait été créé le 25 août 2009.

L'adjointe a dit qu'elle croyait maintenant que la lettre avait été signée le 16 septembre 2009 et qu'elle l'avait datée du 9 septembre 2009 parce que le bureau de Mme Guergis était aussi en train d'envoyer une lettre aux résidents de sa circonscription à propos du Site 41, qui mentionnait la lettre envoyée aux autorités du comté de Simcoe. Selon l'adjointe, en raison de cette mention, il était important de donner l'impression que la lettre de Wright Tech avait été envoyée avant la lettre aux résidents de sa circonscription. Cela venait contredire son premier souvenir très clair, et celui de Mme Guergis, selon lequel la lettre avait été signée le 8 septembre.

Réaction du comté de Sim​​coe 

La lettre envoyée par Mme Guergis à propos de M. Jim Wright était adressée au président du conseil du comté de Simcoe, M. Tony Guergis, ainsi qu'à ses conseillers. Étant donné que M. Guergis est le cousin au deuxième degré de Mme Guergis, les médias ont laissé entendre, en 2010, qu'il se pouvait qu'elle ait profité de ce lien pour faire d'autres commentaires en faveur de M. Wright. 

La lettre envoyée visait à demander au conseil du comté de Simcoe de permettre à Wright Tech de lui présenter sa technologie comme solution de rechange possible au dépotoir du Site 41. M. Jim Wright a raconté à mon personnel que, plus tôt en 2009, il avait rencontré le responsable de la gestion des déchets du comté à propos de sa technologie, mais qu'il n'avait pas eu d'autres nouvelles. M. Stephen Wright, président de Green Rite, a précisé à mon personnel que le comté s'était effectivement renseigné auprès de Green Rite à propos du coût possible d'une installation à l'été 2009, mais qu'encore là, il n'y a pas eu de suivi par la suite.

Dans une lettre que j'ai reçue le 10 août 2010, le président actuel du comté de Simcoe, M. Cal Patterson, a décrit les mesures prises à la réception de la lettre de Mme Guergis. Cette dernière a été reçue le 22 septembre 2009 et transmise au bureau du greffier, où elle a été inscrite à l'ordre du jour de la réunion du 14 octobre 2009 du comité des services corporatifs. Le comité a recommandé que la lettre soit reçue à titre d'information, mais il n'a pris aucune autre mesure. Le 27 octobre 2009, la lettre a été inscrite à l'ordre du jour du conseil du comté, qui a approuvé la recommandation du comité. On a répondu à Mme Guergis pour l'en aviser. Par la suite, aucune autre mesure n'a été prise par le conseil du comté de Simcoe ni aucun de ses représentants.

M. Tony Guergis, qui était président du comté de Simcoe en 2009, a confirmé qu'il n'y avait eu aucun suivi parce que toutes les technologies de rechange avaient déjà été explorées par les employés du comté et qu'aucune n'était une solution viable approuvée par la province. Une procédure avait été établie plusieurs années auparavant pour les entreprises qui souhaitaient présenter leurs technologies de transformation des déchets aux employés du comté, qui en détermineraient la viabilité avant de les présenter aux élus municipaux.

Selon M. Guergis, il n'est pas rare que le conseil du comté reçoive des lettres des quatre députés dont les circonscriptions englobent le comté de Simcoe. Toutes les lettres adressées au conseil du comté et au bureau du président sont traitées de la même façon, quelle qu'en soit la source. M. Guergis a dit qu'il ne se souvenait pas de la lettre jusqu'à ce qu'il en entende parler dans les médias et qu'il n'en a jamais parlé à Mme Guergis ni à qui que ce soit d'autre.

Je n'ai rien trouvé qui pouvait laisser croire que Mme Guergis avait contacté les représentants du comté de Simcoe au sujet de la lettre, ni que ceux-ci avaient contacté M. Wright ou tout autre représentant de Wright Tech après la réception de la lettre par le comté. 

Activités professionnelles de M​​. Jaffer avec M. Wright, ou liées à ce dernier 

Pour déterminer si Mme Guergis a agi de façon à favoriser les intérêts personnels de son époux, il fallait établir si M. Jaffer avait un intérêt personnel que la lettre de Mme Guergis concernant M. Jim Wright aurait pu favoriser. Par conséquent, je devais comprendre la nature de la relation d'affaires entre MM. Jaffer et Wright.

Bien que Mme Guergis et M. Jaffer m'aient dit que M. Jaffer avait assuré Mme Guergis qu'il ne ferait pas d'affaires avec MM. Jim et Stephen Wright, les documents amassés et les déclarations de plusieurs témoins montrent que M. Jaffer et Green Power Generation ont poursuivi des activités professionnelles avec Wright Tech et Green Rite, et liées à ces entreprises, dans les semaines suivant la rencontre initiale du 25 août 2009 à Toronto. M. Jaffer a participé directement à plusieurs de ces activités.

Dans un courriel envoyé à M. Gillani le 29 août 2009, M. Lakhani affirmait qu'il avait rencontré MM. Jaffer et Glémaud pour donner suite à la rencontre de Toronto. Dans ce courriel, M. Lakhani exigeait que toutes les discussions financières et autres concernant Green Rite et d'autres projets passent par M. Jaffer.

Un court document d'examen de la technologie intitulé « GPG-Preliminary Technology Assessment: Biodryer Technology » a été distribué par M. Jaffer à M. Gillani et à d'autres personnes le 31 août 2009. On mentionne dans ce document que pour obtenir de plus amples renseignements, on peut contacter MM. Jaffer ou Glémaud. Selon les documents et les témoignages recueillis par le Commissariat, une conférence téléphonique à propos de ce document a eu lieu le 31 août 2009 entre MM. Gillani, Glémaud, Lakhani et Jaffer.

Le lendemain, M. Jaffer a envoyé un courriel à MM. Gillani, Lakhani et Glémaud dans lequel il disait que M. Glémaud et lui prépareraient un « plan de projet initial pour Greenrite ». Le vendredi 4 septembre 2009, le lendemain du premier contact par téléphone entre Mme Guergis et M. Jim Wright, M. Jaffer a envoyé un courriel à M. Gillani pour l'informer que le plan initial et les prochaines étapes étaient prêts et lui seraient envoyés la semaine suivante.

M. Stephen Wright, président de Green Rite Solutions inc., se rappelait que M. Jaffer l'avait appelé ces jours-là pour lui dire que M. Glémaud et lui avaient hâte de travailler avec Green Rite. Selon M. Wright, M. Jaffer avait affirmé que son partenaire et lui connaissaient les rouages du gouvernement, les programmes de financement et les formulaires à remplir. M. Wright a fait remarquer que lui et son père, M. Jim Wright, étaient intéressés, puisqu'ils savaient que le processus de demande de financement public n'est pas simple.

Plusieurs témoins ont dit à mon personnel qu'au début de septembre 2009, MM. Jaffer et Glémaud avaient rencontré M. Jim Wright aux bureaux de Wright Tech à Richmond Hill, en Ontario. MM. Glémaud et Gillani se souvenaient d'une réunion entre MM. Jaffer, Glémaud et Jim Wright au bureau de Wright Tech. Selon M. Glémaud, cette réunion a eu lieu le 7 ou le 8 septembre 2009. Il se rappelait s'être rendu à Toronto avec M. Jaffer, avoir couché chez M. Gillani et avoir emprunté son auto pour se rendre à la réunion. M. Gillani avait à peu près le même souvenir des événements.

Le 8 septembre 2009, M. Gillani a envoyé un courriel à deux clients de Wright Tech pour leur demander un témoignage d'appréciation. Selon ce courriel, MM. Jaffer et Glémaud feraient le suivi par téléphone.

M. Jaffer avait aussi rencontré M. Gillani et d'autres personnes à un dîner, le 10 septembre 2009. Dans le calendrier de M. Jaffer, on y trouve l'inscription suivante pour ce soir-là : « Dîner avec Naz et le groupe de Greenrite » [traduction] D'après un courriel envoyé par M. Gillani à des représentants de Green Rite le 8 septembre 2009, la réunion visait à discuter avec M. Wright des prochaines étapes que prendraient MM. Jaffer et Glémaud dans le projet Green Rite. M. Jaffer a assisté à la réunion, mais aucun représentant de Wright Tech ou de Green Rite n'était présent au dîner.

Mme Guergis et M. Jaffer m'ont tous deux dit qu'ils avaient dîné à Toronto le 12 septembre 2009 avec M. Gillani, sa copine, un associé d'affaires de M. Gillani et l'épouse de cette personne. Mme Guergis, M. Jaffer, M. Gillani et l'associé d'affaires de M. Gillani ont tous raconté qu'il n'y avait pas eu de discussions d'affaires. Je n'ai trouvé aucune preuve du contraire.

Au cours de son entrevue, M. Jaffer m'a d'abord dit qu'il ne se souvenait pas de l'examen de la technologie susmentionné ni de certaines réunions et discussions susmentionnées. Pour chaque cas, nous lui avons présenté la déclaration des autres témoins et les courriels appuyant leurs dires. M. Jaffer a alors admis que l'examen de la technologie ainsi que les réunions et discussions avaient bel et bien eu lieu. Il a réitéré à maintes reprises qu'il lui était difficile de se rappeler des événements de la fin d'août et du début de septembre à cause des problèmes personnels qu'il a vécus relativement à son arrestation, le 11 septembre 2009.

M. Jaffer m'a raconté qu'il n'avait pas participé aux activités de Green Power Generation pendant plusieurs semaines après son arrestation, surtout à partir du 16 septembre 2009, quand elle a été rendue publique. Il m'a toutefois dit être allé au bureau les 15 et 16 septembre 2009.

Les documents montrent qu'il a tout de même été actif pendant cette période. Un courriel envoyé à M. Jaffer par l'avocat de M. Gillani indiquait qu'ils avaient discuté le 16 septembre 2009 d'un contrat entre Green Power Generation et International Strategic Investments. Le courriel était daté du 17 septembre 2009 et comprenait une ébauche du contrat. Une version révisée du contrat a été signée par MM. Glémaud et Gillani le 21 septembre 2009. M. Jaffer m'a raconté qu'il ne se rappelait pas avoir discuté du contrat avec l'avocat de M. Gillani, ni d'avoir lu le courriel, ni d'avoir examiné le contrat. 

Le contrat ne mentionnait pas précisément Green Rite ou Wright Tech. Il prévoyait que Green Power Generation fournirait des services d'experts-conseils à International Strategic Investments. Bien qu'aucune condition de rémunération n'ait été prévue au contrat, aux termes de ce dernier, les deux parties s'engageaient à négocier le paiement selon chaque projet.

Le Commissariat a aussi obtenu une copie d'une demande faite par Green Power Generation au Fonds pour l'infrastructure verte du gouvernement du Canada au nom de Green Rite. M. Glémaud était identifié comme le représentant de Green Power Generation. Cette demande a été envoyée à M. Brian Jean, alors secrétaire parlementaire du ministre des Transports, de l'Infrastructure et des Collectivités et mandaté pour étudier les propositions de financement. M. Jean a dit à mon personnel que la demande devait avoir été reçue au début de septembre 2009 et qu'il l'avait examinée dans la semaine du 7 au 11 septembre 2009.

Un courriel envoyé le 16 septembre 2009 de M. Glémaud à M. Gillani, et copié à MM. Jaffer et Wright, indiquait que la demande avait été soumise. À ce courriel était jointe la version électronique de la demande. Lorsqu'on l'a interrogé à propos de la demande, M. Jaffer a affirmé qu'il ne se rappelait pas avoir lu ce courriel et qu'il n'était pas au courant de la demande à ce moment-là.

Le Commissariat a aussi obtenu des courriels échangés les 16, 17 et 18 septembre 2009 dans lesquels M. Glémaud demandait de plus amples renseignements sur la technologie Biodryer à M. Jim Wright et à d'autres représentants de Green Rite afin de répondre aux questions reçues du bureau de M. Jean à propos de la demande.

MM. Stephen et Jim Wright nous ont tous deux dit qu'ils avaient cessé de traiter avec M. Gillani le 23 septembre 2009, mais qu'ils avaient continué de travailler avec MM. Jaffer et Glémaud. M. Stephen Wright a déclaré qu'après avoir décidé de cesser de traiter avec M. Gillani, M. Jim Wright avait approché M. Jaffer pour voir si Green Power Generation voulait toujours travailler avec eux, même s'ils ne traitaient plus avec International Strategic Investments. M. Stephen Wright a dit que MM. Jaffer et Glémaud voulaient poursuivre la collaboration.

MM. Jaffer et Glémaud ont rencontré MM. Jim et Stephen Wright aux bureaux de Wright Tech pour discuter des prochaines étapes. Il semble que cette réunion ait eu lieu le 30 septembre 2009. Ils ont dit à MM. Jim et Stephen Wright qu'ils travaillaient sur la demande au Fonds pour l'infrastructure verte et qu'ils cherchaient à trouver un programme de financement approprié pour Green Rite. M. Stephen Wright a dit que MM. Jaffer et Glémaud avaient aussi mentionné un programme de financement municipal et que M. Jaffer en avait donné les coordonnées à M. Jim Wright.

Le 1er octobre 2009, M. Lakhani a envoyé un courriel à M. Gillani pour lui demander comment s'était passée la réunion de la veille, soit le 30 septembre 2009, entre Green Rite et Green Power Generation. Dans un second courriel à M. Gillani, le 2 octobre 2009, M. Lakhani affirmait avoir parlé à M. Jaffer, qui lui avait dit que les choses s'étaient gâtées avec Green Rite, et se demandait si l'entente tenait toujours maintenant que MM. Jaffer et Glémaud avaient aidé à la porter le projet à l'échelon fédéral.

Le 13 octobre 2009, M. Glémaud a envoyé un courriel au bureau de M. Jean auquel était jointe une lettre supplémentaire de quatre pages au sujet de la proposition de Green Rite. Il a transféré ce courriel à M. Jaffer le 27 octobre 2009.

Quelques mois plus tard, en janvier 2010, M. Jaffer a contacté M. Wright pour représenter Wright Tech et Green Rite en Chine, et a contacté la Fédération canadienne des municipalités à propos de l'obtention de financement pour l'entreprise de M. Wright. À l'époque, M. Jaffer a proposé à M. Wright de verser une avance mensuelle à Green Power Generation en contrepartie du travail accompli. 

Les attentes de ​​M. Jaffer 

M. Jaffer m'a raconté que ni lui, ni M. Glémaud, ni Green Power Generation n'avaient reçu de rémunération en contrepartie du travail accompli par lui et son partenaire, M. Glémaud, concernant Wright Tech et Green Rite. Les témoignages de MM. Glémaud, Gillani et Jim Wright ont corroboré ses dires. M. Jaffer a également affirmé que tout travail effectué par Green Power Generation ou lui, en rapport aux entreprises de M. Wright, avait été accompli pour International Strategic Investments, soit l'entreprise de M. Gillani, et non directement pour les entreprises de M. Wright. En outre, il a ajouté qu'il ne s'attendait pas à être rémunéré directement par Wright Tech ou Green Rite.

M. Jaffer m'a raconté qu'il ne s'attendait pas à être payé pour le travail que faisait Green Power Generation concernant le projet Green Rite, mais qu'il espérait plutôt bâtir une relation à long terme entre M. Gillani et Green Power Generation. Selon ce qu'il m'a dit, l'éventualité d'une telle relation n'était pas tributaire, du point de vue de M. Gillani, de la réussite du projet Green Rite.

Ses attentes à cet égard divergeaient de celles de MM. Glémaud, Gillani et Jim Wright. MM. Gillani et Wright ont tous deux témoigné que, si Wright Tech avait obtenu du financement grâce aux efforts de Green Power Generation, il aurait été raisonnable de s'attendre à ce que MM. Jaffer et Glémaud soient rémunérés pour leur contribution à la demande. M. Glémaud nous a dit que si le gouvernement fédéral avait été intéressé par le projet Green Rite, Green Power Generation aurait négocié une entente précise afin de poursuivre l'ensemble des démarches de financement.

De son côté, Mme Guergis m'a dit qu'elle n'était pas au courant des activités de M. Jaffer avec M. Wright et ses entreprises, ou liées à eux, au-delà de l'examen de la technologie mentionné par M. Jaffer le 26 août 2009. Elle affirme avoir été mise au courant uniquement lorsque le tout a été révélé dans les médias au printemps 2010. Tous les témoins interviewés ont déclaré qu'ils n'avaient jamais discuté de Green Rite en présence de Mme Guergis et que rien ne leur avait laissé croire qu'elle était au courant des activités de son époux avec M. Wright, ou liées à lui. Elle m'a dit qu'elle essayait toujours de prendre ses distances par rapport aux relations d'affaires de son époux et qu'ils ne parlaient généralement pas de leur travail.​

La positi​on de Mme GUERGIS

Mme Guergis estime qu'elle n'a contrevenu à aucune disposition du Code régissant les conflits d'intérêts des députés (le Code).

Elle a dit qu'elle avait envoyé la lettre, à la demande de M. Jim Wright, pour l'aider en tant que résident de sa circonscription à présenter sa technologie au président et aux conseillers du comté de Simcoe comme solution de rechange possible au projet de dépotoir du Site 41. En tant que députée de Simcoe—Grey et représentante élue de M. Wright, elle sentait qu'il était de son devoir de porter la solution de ce dernier à l'attention des autorités du comté. Elle m'a dit que, pour elle, il s'agissait d'une lettre d'appui comme celles que les députés fournissent régulièrement. Elle a écrit des lettres semblables pour des résidents de sa circonscription par le passé, quand c'était dans l'intérêt de la collectivité.

De plus, Mme Guergis a mentionné qu'elle voulait faire la promotion de Wright Tech dans le cadre de ses activités politiques pour s'opposer au Site 41. Dans une lettre envoyée à certains résidents de sa circonscription qui avaient contacté son bureau pour savoir ce qu'elle faisait pour contrer le Site 41, elle a mentionné qu'elle avait fait parvenir une lettre à propos du dépotoir au président du comté de Simcoe, M. Guergis. La lettre qu'elle a envoyée au journal local était semblable à la version envoyée aux résidents de sa circonscription et visait à réfuter les fausses rumeurs selon lesquelles elle appuyait le projet du Site 41. Cette lettre a paru dans l'édition du 22 septembre 2009 du journal en question. Mme Guergis a affirmé que l'envoi de cette lettre au journal indique une grande ouverture de sa part et démontre qu'elle ne pensait pas mal faire. Elle a ajouté que, si elle avait craint d'avoir mal agi ou même si elle n'était pas certaine d'avoir bien agi, elle ne se serait pas ouverte volontairement à la critique en publiant le fait qu'elle avait envoyé la lettre.

Mme Guergis a déclaré qu'en envoyant la lettre de présentation au président et aux conseillers du comté de Simcoe, elle n'avait pas l'intention de favoriser les intérêts personnels et professionnels de son époux. Elle a affirmé qu'elle n'était généralement pas au courant des détails des activités professionnelles de son époux, puisqu'ils ne discutaient pas de leur travail. Elle a dit qu'elle s'était inquiétée de la conformité d'envoyer la lettre de présentation compte tenu des interactions entre son époux et M. Wright. Elle voulait être sûre qu'il n'y avait pas de conflit d'intérêts réel ou même apparent.

Mme Guergis a raconté qu'elle avait dit à M. Wright et à son époux qu'elle n'écrirait pas la lettre s'ils travaillaient ensemble ou s'il se pouvait qu'ils travaillent ensemble un jour. À deux reprises, elle a demandé à son époux si lui ou Green Power Generation faisaient des affaires, ou prévoyaient en faire, avec M. Wright ou ses entreprises, Wright Tech et Green Rite. Chaque fois, son époux l'a assurée qu'il n'y avait aucune relation d'affaires à ce moment-là et qu'il n'y en aurait pas à l'avenir. De plus, elle l'a avisé quand elle a signé la lettre.

Mme Guergis a dit qu'elle avait essayé de confirmer qu'il n'y avait aucune possibilité que son époux fasse des affaires avec M. Wright. Elle a ajouté qu'elle savait, pour avoir été attachée politique pendant plusieurs années avant de devenir députée, qu'il était important de faire bien attention pour que rien ne soit mal perçu.

Après avoir interrogé son époux à propos de ses relations d'affaires potentielles avec M. Wright, elle était convaincue que ni lui ni Green Power Generation (GPG) n'avaient de relations d'affaires ni de projet de relations d'affaires futures avec Wright Tech quand elle a envoyé la lettre.

Elle m'a dit que lorsqu'elle parlait de relations d'affaires, elle entendait qu'il y aurait un contrat, qu'il y aurait une rétribution et une relation au bout du compte, qu'ils deviendraient peut-être partenaires et que son époux vendrait la technologie. Elle a dit à son époux qu'il ne pourrait avoir l'intention de faire des affaires avec les entreprises de M. Wright si elle envoyait la lettre.

Mme Guergis m'a expliqué avoir appris que l'entreprise de son époux, Green Power Generation, avait eu d'autres interactions avec Wright Tech après l'examen de la technologie seulement lorsque des articles ont paru dans les médias à ce sujet, en avril 2010. Elle faisait référence aux courriels entre M. Glémaud et le bureau de M. Jean, qui montraient que Green Power Generation faisait des affaires avec Wright Tech, mais elle a déclaré que son époux ne semblait pas au courant. Elle a admis, toutefois, que son époux était impliqué dans cette affaire, par l'intermédiaire de Green Power Generation, qu'il ait été personnellement au courant ou non. Cependant, elle a affirmé que, si elle avait été au courant de ces interactions subséquentes avec M. Wright au moment où elle envisageait d'envoyer la lettre de présentation, elle ne l'aurait pas envoyée.

ANALYSe et CONCLUSIONS​ 

Évaluation des​​ faits 

La preuve recueillie au cours de l'enquête montre clairement qu'à compter du 25 août 2009, pendant tout le mois de septembre et au début d'octobre 2009, M. Jaffer et Green Power Generation ont eu plusieurs relations d'affaires avec M. Jim Wright et ses entreprises, ou liées à eux. Après l'examen initial de la technologie à la fin août, MM. Jaffer et Glémaud ont rencontré M. Wright le 7 ou 8 septembre 2009. 

M. Jaffer m'a dit qu'il n'avait pas participé aux activités de Green Power Generation entre son arrestation, le 11 septembre 2009, et la mi-octobre ou la fin octobre 2009. Cependant, j'ai découvert que M. Jaffer avait bel et bien participé à quelques activités de Green Power Generation. Il a discuté avec l'avocat de M. Gillani le 16 septembre 2009 à propos d'un contrat entre Green Power Generation et International Strategic Investments. Ce jour-là, il a aussi reçu en copie conforme un courriel de M. Glémaud qui confirmait qu'une demande avait été soumise par Green Power Generation au Fonds pour l'infrastructure verte du gouvernement fédéral au nom de Green Rite.

Il a également eu plusieurs discussions et au moins une réunion avec MM. Jim et Stephen Wright à la fin septembre, ainsi que des discussions en octobre 2009 à propos du maintien de la collaboration entre eux, même si MM. Jim et Stephen Wright avaient cessé de travailler avec M. Gillani. Il semblerait que la relation d'affaires entre Green Power Generation et MM. Jim et Stephen Wright se soit poursuivie en 2010.

Je conviens que ni M. Jaffer, ni M. Glémaud, ni Green Power Generation n'ont été rémunérés pour le travail accompli par rapport à M. Wright et à ses entreprises. Il n'est pas raisonnable de croire, toutefois, que M. Jaffer s'attendait à ne pas se faire rémunérer à un moment donné pour le travail effectué pour M. Wright et ses entreprises, surtout si ceux-ci obtenaient du financement privé ou public en partie grâce aux efforts de M. Jaffer et de Green Power Generation.

Même si MM. Jaffer et Glémaud ne s'attendaient pas à être rémunérés précisément en contrepartie du travail fait pour le compte de Wright Tech et Green Rite, il serait raisonnable de conclure que l'éventualité d'une relation à plus long terme avec International Strategic Investments ou Wright Tech et Green Rite dépendait de la capacité de Green Power Generation à ajouter de la valeur aux projets d'affaires de ces entreprises. De plus, Green Power Generation a continué de travailler avec MM. Jim et Stephen Wright après que ces derniers ont cessé toutes discussions d'affaires avec M. Gillani. En janvier 2010, M. Jaffer a proposé à M. Wright de verser une avance mensuelle à Green Power Generation.

Par conséquent, je conclus que le travail de M. Jaffer et de Green Power Generation concernant Wright Tech et Green Rite, ce qui comprend les interactions qui ont eu lieu en août et en septembre 2009, a été accompli dans l'attente de recevoir une rétribution financière future.

Mme Guergis m'a dit qu'elle essayait toujours de prendre ses distances par rapport aux activités professionnelles de son époux et qu'ils discutaient rarement de leur travail. Cependant, avant de rédiger la lettre au comté de Simcoe, Mme Guergis savait que son époux avait rencontré M. Jim Wright par affaires. M. Jaffer lui avait dit que M. Wright l'appellerait à propos d'une lettre concernant le Site 41. Elle savait également que M. Gillani avait chargé son époux et son partenaire d'affaires d'examiner la technologie de Wright Tech et qu'ils songeaient à travailler avec M. Wright. Toutefois, elle ignorait quand cet examen avait été terminé.

Il est impossible d'affirmer avec certitude quand la lettre au comté de Simcoe a été rédigée ou postée. Une première ébauche qui diffère des dernières a été produite par l'adjointe de Mme Guergis, mais cette version n'a pas pu être récupérée dans les recherches. Il est impossible de déterminer, par le seul examen du brouillon, quand il a été préparé.

Quant à la date de l'envoi de la lettre, celle-ci a pu être postée à n'importe quel moment entre le 9 et le 16 septembre 2009. La lettre a été estampillée comme ayant été reçue par le comté de Simcoe le 22 septembre 2009, ce qui porte à croire qu'elle a plutôt été postée le 16 septembre 2009. 

Le moment de la préparation et de l'envoi de la lettre était important pour l'enquête et aurait pu être déterminant. Malheureusement, ces questions sont restées sans réponse, et les retards éprouvés dans l'obtention de documents supplémentaires pour établir les faits à la suite de témoignages incohérents ont considérablement ralenti l'enquête.

Que Mme Guergis ait envoyé la lettre au comté de Simcoe le 9 ou le 16 septembre, rien n'indique que les interactions professionnelles entre MM. Jim et Stephen Wright, M. Jaffer et Green Power Generation étaient en train de diminuer.

La preuve montre clairement que Mme Guergis craignait que son époux entretienne une relation d'affaires avec M. Wright et ses entreprises. D'ailleurs, elle a tenté à deux ou trois reprises de déterminer si son époux entretenait des activités d'affaires avec lui, car elle craignait de se placer en situation de conflit d'intérêts.

Mme Guergis et M. Jaffer ont dîné à Toronto le 12 septembre 2009 avec M. Gillani, sa copine, un associé d'affaires de M. Gillani et l'épouse de cette personne. Ce repas montre que M. Jaffer continuait d'entretenir une relation avec M. Gillani, la personne qui lui avait présenté M. Wright dans un contexte professionnel et qui lui avait demandé d'examiner la technologie de ce dernier. C'est peut-être pourquoi M. Jaffer croyait que Mme Guergis était nerveuse à l'idée de rédiger la lettre d'appui pour M. Wright. Mme Guergis avait effectivement des réserves, mais elle a déclaré qu'elle n'avait aucune raison de douter de l'honnêteté de son époux lorsqu'il lui a dit qu'il ne ferait pas des affaires avec M. Wright. Elle a affirmé qu'elle était convaincue de ne pas être en situation de conflit d'intérêts potentielle.

Je conclus qu'au moment de l'envoi de sa lettre concernant Wright Tech, Mme Guergis n'était probablement pas au courant des activités professionnelles de son époux avec M. Wright, ou liées à lui, après l'examen de la technologie. Toutefois, elle savait que son époux avait rencontré M. Wright par affaires. Elle savait également que lui et son partenaire d'affaires, M. Glémaud, examinaient la technologie en question et songeaient à travailler avec M. Wright. C'est pourquoi elle s'inquiétait de la possibilité d'être en conflit d'intérêts. 

Anal​​yse 

L'objet de mon enquête était de déterminer si Mme Guergis a contrevenu aux articles 8, 9 et 11 du Code régissant les conflits d'intérêts des députés (le Code) en envoyant une lettre d'appui datée du 9 septembre 2009 au conseil du comté de Simcoe pour M. Jim Wright, propriétaire de Wright Tech.

L'article 8 interdit au député, dans l'exercice de ses fonctions parlementaires, d'agir de façon à favoriser ses intérêts personnels ou ceux d'un membre de sa famille ou encore, d'une façon indue, ceux de toute autre personne ou entité. L'article 9 interdit au député de se prévaloir de sa charge pour influencer la décision d'une autre personne de façon à favoriser ses intérêts personnels ou ceux d'un membre de sa famille ou encore, d'une façon indue, ceux de toute autre personne ou entité. L'article 11 porte sur les tentatives de se livrer aux activités interdites aux termes des articles 8 à 10.

Je souligne que l'article 5 du Code prévoit que les activités auxquelles les députés « se livrent habituellement et à bon droit pour le compte des électeurs » ne contreviennent pas au Code. Par ailleurs, le Code impose des restrictions et des limites à ces activités pour s'assurer qu'elles sont appropriées. Les activités qui favorisent les intérêts personnels du député ou d'un membre de sa famille ou encore, de façon indue, d'une autre personne sont interdites.

Bien que M. Wright ait eu un intérêt dans l'envoi de la lettre aux autorités du comté de Simcoe par Mme Guergis et qu'il soit aussi raisonnable de conclure que Mme Guergis aurait pu en bénéficier en raison de la relation d'affaires de son époux, il est suffisant pour les besoins de la présente enquête de déterminer si M. Jaffer avait un intérêt personnel en jeu dans cette histoire.

J'ai constaté que M. Jaffer était en train de développer une relation d'affaires avec M. Wright au moment où Mme Guergis a envoyé la lettre adressée aux autorités du comté de Simcoe. Pour les besoins de l'enquête, je dois vérifier si M. Jaffer avait un intérêt personnel, au sens du Code, dans ces activités. Le cas échéant, je dois déterminer si Mme Guergis a agi de façon à favoriser cet intérêt personnel ou si elle a tenté de le faire.

Intérêts perso​​nnels​ 

Bien que l'expression « intérêt personnel » ne soit pas définie expressément dans le Code, le paragraphe 3(2) décrit les circonstances dans lesquelles un député est réputé favoriser un intérêt personnel. Cette disposition se lit comme suit :

3.(2) Sous réserve du paragraphe (3), sont de nature à favoriser les intérêts personnels d'une personne, y compris ceux du député, les actes de celui-ci qui ont pour effet, même indirectement :

a) d'augmenter ou de préserver la valeur de son actif;
b) de réduire la valeur de son passif ou d'éliminer celui-ci;
c) de lui procurer un intérêt financier;
d) d'augmenter son revenu à partir d'une source visée au paragraphe 21(2);
e) d'en faire un dirigeant ou un administrateur au sein d'une personne morale, d'une association ou d'un syndicat;
f) d'en faire un associé au sein d'une société de personnes.


Les alinéas
a) à f) décrivent des intérêts personnels particuliers. J'ai conclu que le travail de M. Jaffer et Green Power Generation concernant Wright Tech et Green Rite a été accompli dans l'intention de recevoir une rétribution financière future. Cela suffit, à mon avis, pour conclure que M. Jaffer avait un intérêt personnel au sens des alinéas 3(2)c) et 3(2)d) énoncés ci-dessus. Je dois aussi déterminer si Mme Guergis a contrevenu au Code en lien avec cet intérêt personnel.

Interdiction de favoriser des intérêts personnels : a​​rticle 8 

L'article 8 du Code interdit au député, dans l'exercice de ses fonctions parlementaires, d'agir de façon à favoriser ses intérêts personnels ou ceux d'un membre de sa famille ou encore, d'une façon indue, ceux de toute autre personne ou entité. L'article 8 se lit comme suit :

8. Le député ne peut, dans l'exercice de ses fonctions parlementaires, agir de façon à favoriser ses intérêts personnels ou ceux d'un membre de sa famille ou encore, d'une façon indue, ceux de toute autre personne ou entité.


Pour mon analyse en vertu de l'article 8, je dois d'abord déterminer si Mme Guergis exerçait ses fonctions parlementaires lorsqu'elle a écrit la lettre aux autorités du comté de Simcoe et si, ce faisant, elle a agi de façon à favoriser les intérêts personnels de son époux.

Pour les besoins de l'application du Code, je suis d'avis que les « fonctions parlementaires » incluent toute activité qu'un député exécute comme député. D'ailleurs, la définition que le Bureau de régie interne a donnée à l'expression « fonctions parlementaires » dans son règlement administratif 101 abonde dans ce sens et se lit comme suit :

« fonctions parlementaires » Les obligations et activités qui se rattachent à la fonction de député, où qu'elles soient exécutées, y compris les affaires publiques ou officielles et les questions partisanes. Ne sont pas comprises dans les fonctions parlementaires les activités relatives aux intérêts commerciaux privés du député ou de sa proche famille.


La rédaction de lettres est une activité à laquelle les députés se livrent habituellement pour le compte de leurs électeurs, et j'estime que Mme Guergis exécutait une fonction parlementaire lorsqu'elle a écrit la lettre pour M. Jim Wright et son entreprise. On s'attend généralement à ce que des députés écrivent des lettres d'appui pour les résidents de leur circonscription.

J'ai déjà conclu que M. Jaffer avait un intérêt personnel dans l'affaire. Pour les besoins de l'article 8, je dois déterminer si Mme Guergis a agi de façon à favoriser les intérêts personnels de son époux.

À mon avis, bien que le paragraphe 3(2) se définisse en termes de résultats, pour contrevenir à l'article 8, il n'est pas nécessaire que les intérêts personnels soient réellement favorisés. L'article 8 s'applique à tous les cas où un député agit de façon à favoriser un intérêt personnel, quel que soit le résultat.

Mme Guergis savait que son époux et M. Wright avaient eu des contacts professionnels. Au moment où M. Wright lui a demandé d'écrire la lettre, elle savait que M. Jaffer avait rencontré cet homme par affaires, que son partenaire et lui envisageaient la possibilité de faire des affaires avec M. Gillani concernant les entreprises de M. Wright et que M. Gillani leur avait demandé d'examiner la technologie en question. Toutes ces informations l'a incitée à demander des précisions à son époux quant à la nature de sa relation d'affaires après avoir parlé à M. Wright le 3 septembre 2009. De plus, elle savait que son époux avait continué de faire des affaires avec M. Gillani, puisqu'ils ont dîné avec lui le 12 septembre 2009. En outre, elle a avisé son époux une fois la lettre envoyée.

Elle s'inquiétait de la possibilité que son époux tire aussi un avantage de cette lettre et m'a dit qu'elle lui avait demandé plusieurs fois de définir sa relation d'affaires. Le risque d'être en situation de conflit d'intérêts était bien réel. Elle aurait dû s'abstenir d'envoyer la lettre.

Il est fort possible que la motivation première de Mme Guergis ait été d'aider l'un des résidents de sa circonscription et de résoudre la question du Site 41. En envoyant la lettre, toutefois, elle a contribué à établir d'une relation d'affaires fructueuse entre son époux, M. Wright et ses entreprises. Elle disposait de suffisamment d'informations pour lui indiquer qu'elle ne devait pas le faire.

À mon avis, elle a agi de façon à favoriser les intérêts personnels de son époux.

Pour ces motifs, je conclus que Mme Guergis a contrevenu à l'article 8 du Code. 

Interdiction de se préval​​oir de sa charge pour influencer quelqu'un : article 9 

L'article 9 du Code interdit aux députés de se prévaloir de leur charge pour influencer la décision d'une autre personne de façon à favoriser leurs intérêts personnels ou ceux d'un membre de leur famille ou encore, de façon indue, ceux de toute autre personne ou entité. L'article 9 se lit comme suit : 

9. Le député ne peut se prévaloir de sa charge pour influencer la décision d'une autre personne de façon à favoriser ses intérêts personnels ou ceux d'un membre de sa famille ou encore, de façon indue, ceux de toute autre personne ou entité.


Dans sa lettre, Mme Guergis invitait les autorités du comté de Simcoe à rencontrer M. Wright et, par conséquent, la lettre visait à influencer la décision de ces autorités. Mme Guergis l'a écrite en tant que députée et s'est prévalue de sa charge en le faisant. L'article 9 interdit l'envoi d'une telle lettre s'il est fait de façon à favoriser les intérêts personnels du député ou ceux d'un membre de sa famille ou encore, de façon indue, ceux d'une autre personne.

Pour les raisons susmentionnées à l'analyse de l'article 8, à savoir si Mme Guergis a favorisé les intérêts personnels de M. Jaffer, je suis d'avis qu'en écrivant la lettre, Mme Guergis s'est prévalue de sa charge pour favoriser les intérêts personnels de son époux. Je fais remarquer que, dans la version anglaise, la terminologie diffère un peu entre l'article 8 et l'article 9 (« in any way to further » à l'article 8, et « so as to further » à l'article 9), mais que la version française ne fait pas cette distinction (« de façon à » dans les deux articles). Il me semble donc approprié d'appliquer la même analyse à l'article 9 que pour l'article 8 à cet égard. Par conséquent, je conclus que Mme Guergis a aussi contrevenu à l'article 9 du Code.

Interdiction de tenter de se livrer à des activités interdites : article 11 

L'article 11 défend au député de tenter de se livrer à des activités interdites. Il se lit comme suit :

11. Le député ne peut tenter de se livrer à aucune des activités interdites aux termes des articles 8 à 10.


Puisque j'ai conclu qu'il y avait eu contravention aux articles 8 et 9, il n'est pas nécessaire de rendre une décision concernant l'article 11. 

Conclusi​ons 

Mme Guergis était au courant de certaines interactions professionnelles de son époux avec M. Wright. Dans sa réponse écrite et son témoignage oral, elle a mentionné avoir des préoccupations concernant l'envoi de la lettre d'appui à Wright Tech. Elle a dit qu'elle avait demandé plusieurs fois à son époux s'il faisait des affaires avec M. Wright ou s'il comptait en faire. Cela indique qu'elle était consciente du problème, c'est-à-dire que la lettre pouvait favoriser les intérêts personnels de son époux. Mme Guergis a eu la bonne intuition en voulant tirer les choses au clair avec son époux, mais elle aurait dû en rester là.

Mme Guergis m'a dit qu'elle voulait écrire la lettre parce que la technologie proposée offrait une solution de rechange au projet de dépotoir du Site 41, auquel elle était opposée, et je crois que c'était effectivement une part importante de ses motivations. Mme Guergis a déclaré que, si elle avait été au courant de l'existence des interactions d'affaires continues, elle n'aurait pas écrit la lettre. Toutefois, compte tenu de ce qu'elle savait, elle n'aurait pas dû l'écrire.

Dans les principes énoncés à l'article 2 du Code, on dit qu'on s'attend à ce que les députés exercent leurs fonctions officielles et organisent leurs affaires personnelles d'une manière qui résistera à l'examen public le plus minutieux et qui permettra d'éviter l'apparence de conflits d'intérêts. Ils doivent faire preuve de jugement et de réserve et, dans le doute, choisir de s'abstenir ou demander conseil auprès du Commissariat.

Pour les motifs susmentionnés, je conclus que Mme Guergis a contrevenu aux articles 8 et 9 du Code en envoyant une lettre d'appui concernant Wright Tech parce qu'elle a ainsi agi de façon à favoriser les intérêts personnels de son époux, M. Jaffer.​

Annexe I : Lettre de Mme GUERGIS au comté de SIMCOE [traduction]​

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Annexe II : Témoins - entrevues et mémoires​

​​​Entrevues 

Tous les témoins interviewés sont énumérés ci-dessous avec leur titre au moment des événements visés par l'enquête.​

  1. M. Nazim Gillani

    Président-directeur général, International Strategic Investments

  2. M. Patrick Glémaud
    Directeur, Green Power Generation Corporation

  3. L'honorable Helena Guergis
    Députée de Simcoe—Grey

  4. M. Tony Guergis
    Président, conseil du comté de Simcoe

  5. M. Rahim Jaffer
    Directeur, Green Power Generation Corporation
    Époux de Mme Helena Guergis 

  6. M. Brian Jean
    Secrétaire parlementaire du ministre des Transports, de l'Infrastructure et des Collectivités 

  7. M. Aleem Lakhani
    Cousin de M. Nazim Gillani 

  8. M. Mike Mihelic
    Vice-président des affaires, International Strategic Investments 

  9. Mme Sarah Nolan
    Adjointe de l'honorable Helena Guergis 

  10. M. Jim Wright
    Président, Wright Tech inc.
    Partenaire de Green Rite Solutions inc. 

  11. M. Stephen Wright
    Président, Green Rite Solutions inc.

​Mé​moires 

  1. M. Garth Ballantyne
    Directeur, Green Rite Solutions inc.

  2. M. Gerald Mcleod
    Directeur, Green Rite Solutions inc. 

  3. M. Cal Patterson
    Président, conseil du comté de Simcoe​


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