PRéFACE
La Loi sur les conflits d'intérêts, L.C. 2006, ch. 9, art. 2 (la Loi) est entrée en vigueur le 9 juillet 2007.
Conformément à l'article 68 de la Loi, si le commissaire aux conflits d'intérêts et à l'éthique est saisi d'une question renvoyée par le commissaire à l'intégrité du secteur public en vertu du paragraphe 24(2.1) de la Loi sur la protection des fonctionnaires divulgateurs d'actes répréhensibles, il doit fournir au premier ministre un rapport énonçant les faits, son analyse de la question et ses conclusions. Le commissaire fournit également une copie de ce rapport au titulaire de charge publique ou à l'ex-titulaire de charge publique faisant l'objet du rapport ainsi qu'au commissaire à l'intégrité du secteur public. Enfin, le rapport est rendu public.
Ce rapport présente les conclusions de mon étude effectuée en vertu de la Loi sur les conflits d'intérêts (la Loi) au sujet de la conduite de M. Robert Fonberg, au moment où il était secrétaire délégué principal du Conseil du Trésor. La question a été soulevée dans le cadre d'une divulgation qui m'a été renvoyée en septembre 2011 par le commissaire à l'intégrité du secteur public, qui occupait alors cette charge de façon intérimaire.
En 2007, le Secrétariat du Conseil du Trésor a participé à des discussions avec le ministère des Affaires étrangères et du Commerce international (les Affaires étrangères) au sujet d'un financement proposé de 800 000 $ à l'intention d'une organisation internationale à but non lucratif, le Forum des fédérations, pour un projet au Soudan. La question était de savoir s'il fallait soumettre une présentation au Conseil du Trésor avant d'accorder les fonds.
On a allégué que M. Fonberg a participé à cette affaire après avoir été contacté par celui qui était à l'époque le président et directeur général du Forum des fédérations, M. George Anderson. Selon la divulgation, M. Fonberg s'est dit ancien collègue, ancien subordonné et ami de M. Anderson.
Dans le cadre de cette étude, j'ai tenté de déterminer si M. Fonberg avait pris une décision ou participé à la prise d'une décision l'ayant placé en situation de conflit d'intérêts, en contravention avec le paragraphe 6(1) de la Loi, et plus particulièrement si son rôle dans ce dossier lui a fourni la possibilité de favoriser l'intérêt personnel d'un ami ou de favoriser de façon irrégulière celui de toute autre personne. J'ai également tenté de déterminer s'il avait accordé un traitement de faveur au Forum des fédérations en fonction de sa relation avec M. Anderson, en contravention avec l'article 7. Enfin, je me suis penchée sur la question de savoir si M. Fonberg aurait dû se récuser de ce dossier, conformément à l'article 21.
J'ai conclu que même s'ils entretenaient une relation personnelle et professionnelle en tant qu'anciens collègues et hauts fonctionnaires, MM. Fonberg et Anderson n'étaient pas des « amis » au sens de la Loi.
Le Secrétariat du Conseil du Trésor envisageait déjà la question de savoir s'il fallait soumettre une présentation au Conseil du Trésor pour les fonds proposés avant que M. Fonberg n'intervienne. Les preuves recueillies au cours de cette étude démontrent que M. Fonberg n'a pas cherché un résultat particulier au nom de M. Anderson et du Forum des fédérations.
Aucune règle en particulier n'interdit aux fonctionnaires du Secrétariat du Conseil du Trésor de communiquer avec les bénéficiaires ou les bénéficiaires potentiels de contrats, de subventions et de contributions. Rien n'indique que M. Fonberg ait traité M. Anderson autrement qu'il n'aurait traité n'importe quel autre intervenant de haut rang.
En ce qui concerne le paragraphe 6(1), j'ai conclu que M. Fonberg n'était pas en conflit d'intérêts à l'égard de sa participation dans ce dossier et, en particulier, qu'il n'a pas agi de façon à favoriser l'intérêt personnel d'un ami ou à favoriser de manière irrégulière l'intérêt personnel d'une autre personne. Par conséquent, j'ai conclu qu'il n'a pas contrevenu au paragraphe 6(1).
En ce qui concerne l'article 7, j'ai conclu que M. Fonberg n'a pas accordé de traitement de faveur à M. Anderson ou au Forum des fédérations et que, par conséquent, il n'a pas contrevenu à cette disposition.
Étant donné que M. Fonberg n'était pas en conflit d'intérêts en ce qui concerne sa participation dans ce dossier, il n'aurait pas été tenu de se récuser de cette affaire et, par conséquent, il n'a pas contrevenu à l'article 21.
En conclusion, je suis d'avis que, relativement à sa participation à la question de savoir s'il fallait ou non soumettre une présentation au Conseil du Trésor pour que le Forum des fédérations reçoive 800 000 $ pour son projet au Soudan, M. Fonberg n'a pas contrevenu à la Loi sur les conflits d'intérêts.
Le 20 septembre 2011, le commissaire à l'intégrité du secteur public, alors intérimaire, m'a renvoyé, conformément au paragraphe 24(2.1) de la Loi sur la protection des fonctionnaires divulgateurs d'actes répréhensibles, une divulgation protégée que son bureau avait reçue le 20 mai 2008. La divulgation soulevait la possibilité d'un conflit d'intérêts, alléguant qu'en 2007, M. Fonberg, alors qu'il était secrétaire délégué principal du Conseil du Trésor du Canada, avait pris une décision [traduction] « menant à l'octroi de bienfaits financiers à une partie externe, et ce, à cause d'un traitement de faveur ou de l'aide apportée à un ami ».
En 2007, le Secrétariat du Conseil du Trésor a participé à des discussions avec le ministère des Affaires étrangères et du Commerce international (Affaires étrangères) au sujet d'une somme de 800 000 $ proposée pour financer une organisation internationale à but non lucratif, le Forum des fédérations, pour un projet au Soudan. Le Forum des fédérations avait déjà entrepris des travaux au Soudan grâce à un financement de base fourni par les Affaires étrangères et approuvé par le Conseil du Trésor. La question était de savoir s'il fallait soumettre une nouvelle présentation au Conseil du Trésor avant qu'on puisse approuver les fonds supplémentaires. Selon les faits énoncés dans la divulgation, M. Fonberg avait participé à ces discussions peu de temps avant d'avoir quitté le Secrétariat du Conseil du Trésor pour occuper ses fonctions actuelles au ministère de la Défense nationale.
La personne ayant fait la divulgation au commissaire à l'intégrité du secteur public a déclaré qu'il était très inhabituel pour M. Fonberg de participer à ce type de dossier, et que sa participation semblait attribuable à la relation personnelle qu'il entretenait avec le président et directeur général du Forum des fédérations de l'époque, M. George Anderson. Les documents accompagnant la divulgation indiquaient que M. Anderson avait été en contact avec M. Fonberg au sujet de cette affaire et que c'était pour cette raison que M. Fonberg était intervenu dans le dossier. Selon la divulgation, M. Fonberg s'est dit ancien collègue, ancien subordonné et ami de M. Anderson.
Selon l'information dont je disposais à l'époque, j'avais des motifs de croire que M. Fonberg aurait peut-être contrevenu au paragraphe 6(1) ainsi qu'aux articles 7 et 21 de la Loi.
Le paragraphe 6(1) interdit au titulaire de charge publique de prendre des décisions ou de participer à la prise d'une décision qui le placerait en situation de conflit d'intérêts. Je craignais que M. Fonberg ne se soit placé en situation de conflit d'intérêts en favorisant l'intérêt personnel de M. Anderson en tant qu'ami ou qu'il n'ait, autrement, favorisé de manière irrégulière l'intérêt personnel de M. Anderson ou du Forum des fédérations.
L'article 7 interdit au titulaire de charge publique d'accorder, dans l'exercice de ses fonctions officielles, un traitement de faveur à une personne ou un organisme en fonction d'une autre personne retenue pour représenter l'un ou l'autre. Je craignais que M. Fonberg n'ait accordé un traitement de faveur au Forum des fédérations en raison de sa relation avec M. Anderson.
Selon l'article 21, le titulaire de charge publique est tenu de se récuser concernant une discussion, une décision, un débat où un vote à l'égard de toute question qui pourrait le placer en situation de conflit d'intérêts. Je craignais que M. Fonberg n'ait contrevenu à cet article en omettant de se récuser concernant les décisions sur la question de savoir s'il fallait soumettre une nouvelle présentation au Conseil du Trésor pour le financement proposé de 800 000 $.
En janvier 2012, avant de décider si j'allais entreprendre une étude, le Commissariat aux conflits d'intérêts et à l'éthique a rencontré la personne ayant déposé la divulgation auprès du Commissariat à l'intégrité du secteur public. Lors de cette rencontre, on a demandé à mon Commissariat de ne pas nommer cette personne, demande à laquelle nous avons acquiescé. Par conséquent, dans le présent rapport, toute allusion à l'information contenue dans la divulgation ou obtenue lors de mon entrevue subséquente avec le divulgateur sera simplement qualifiée de « divulgation ».
Selon l'article 68 de la Loi sur les conflits d'intérêts (la Loi), si le commissaire à l'intégrité du secteur public me renvoie une question en vertu du paragraphe 24(2.1) de la Loi sur la protection des fonctionnaires divulgateurs d'actes répréhensibles, je suis tenue de produire un rapport énonçant les faits ainsi que mon analyse est mes conclusions sur le renvoi.
Le 19 janvier 2012, j'ai décidé d'entreprendre une étude conformément au paragraphe 45(1) de la Loi, et j'ai écrit à M. Fonberg pour l'en informer. Je lui ai précisé que les articles pertinents de la Loi semblaient être le paragraphe 6(1) ainsi que les articles 7 et 21. Je lui ai demandé de me fournir, par écrit, toutes les informations factuelles qu'il jugeait pertinentes ainsi que son point de vue sur tout manquement possible à ses obligations en vertu de la Loi, par rapport aux événements décrits plus haut.
J'ai reçu une réponse de M. Fonberg le 17 février 2012, et je l'ai interviewé le 3 avril 2012. Le Commissariat a interviewé cinq autres témoins. Certains d'entre eux ont aussi déposé des preuves documentaires. On trouvera, dans l'annexe du présent rapport, la liste de tous les témoins interviewés dans le cadre de l'étude.
Conformément à la pratique que j'ai établie, j'ai donné à M. Fonberg l'occasion de faire des commentaires et de présenter ses observations sur les sections factuelles du rapport (Le renvoi, Le processus, Les constatations de faits et La position de M. Fonberg) avant de le finaliser.
La divulgation que le commissaire à
l'intégrité du secteur public m'a transmise indiquait que M. Fonberg avait
participé à la prise d’une décision à l'égard de laquelle il aurait pu être en
conflit d'intérêts, et à l'égard de laquelle il aurait pu accorder un
traitement de faveur au Forum des fédérations en fonction de sa relation avec M. Anderson.
Afin de déterminer si M. Fonberg
a contrevenu à la Loi, il était essentiel de comprendre la relation entre M. Fonberg
et M. Anderson, la participation de M. Fonberg aux discussions à
savoir s'il fallait soumettre une nouvelle présentation au Conseil du Trésor
pour le financement proposé de 800 000 $, ainsi que toutes mesures
prises par M. Fonberg pour aider M. Anderson et le Forum des
fédérations. Il fallait également déterminer si la participation de
M. Fonberg à cette affaire était inhabituelle.
Contexte
Relation entre MM. Fonberg et Anderson
Messieurs Anderson et Fonberg se connaissent
depuis 1988. M. Fonberg m'a dit qu'ils s'étaient rencontrés lorsque M. Anderson
était sous-ministre adjoint pour ce qui était connu à l’époque comme le ministère
de l'Énergie, des Mines et des Ressources et que M. Fonberg était un cadre
au ministère des Finances dans le domaine du développement économique. M. Fonberg
a affirmé que M. Anderson et lui-même ont travaillé ensemble
principalement sur de grands projets énergétiques du jour. En tant que hauts fonctionnaires,
ils ont continué à travailler ensemble à divers titres. Ils ont travaillé au
même ministère parfois, y compris au Bureau du Conseil privé dans les années
1990. M. Anderson a pris sa retraite de la fonction publique fédérale en
2005.
Monsieur Fonberg a indiqué que
sa relation avec M. Anderson était professionnelle et collégiale, mais
qu'ils n'étaient pas à proprement parler amis. M. Anderson a déclaré au
Commissariat que M. Fonberg et lui-même avaient entretenu une bonne
relation de travail, mais qu'ils n’avaient jamais entretenu de liens du point
de vue social.
La contribution proposée de 800 000 $ au Forum des fédérations
Le Forum des fédérations est une
organisation internationale dont le siège est à Ottawa et qui appuie le
développement des fédérations à l’échelle mondiale et les encourage à
collaborer entre elles. En 2005, les Affaires étrangères ont accepté d'accorder
20 millions de dollars sur six ans au Forum des fédérations pour soutenir
son œuvre, dont un projet au Soudan. L'entente de 2005 entre les Affaires
étrangères et le Forum des fédérations, entente que le Secrétariat du Conseil
du Trésor avait approuvée, imposait une condition exigeant que le Forum des
fédérations soumette une nouvelle présentation au Conseil du Trésor s’il souhaitait
solliciter des fonds gouvernementaux supplémentaires.
En mai 2007, le Forum des
fédérations avait terminé son projet au Soudan à l'aide du financement de base
qu'il avait reçu dans le cadre de l'entente conclue en 2005 avec les Affaires
étrangères. Ces derniers ont par la suite demandé au Forum des fédérations
d'entreprendre une deuxième phase à ce projet. Les 800 000 $ en question
devaient donc faciliter cette deuxième phase. Selon des courriels échangés, le Secrétariat
du Conseil du Trésor était intervenu dans l'affaire depuis au moins la
mi-janvier 2007.
Des discussions ont eu lieu au sein
du Secrétariat du Conseil du Trésor à savoir s'il fallait soumettre une
nouvelle présentation au Conseil du Trésor pour que le Forum des fédérations
reçoive les fonds supplémentaires. D’un côté, certains fonctionnaires du Conseil
du Trésor soutenaient que les modalités de l'entente de 2005 exigeaient une
nouvelle présentation. Par contre, d’autres fonctionnaires du Conseil du Trésor,
ainsi que des fonctionnaires des Affaires étrangères, de même que M. Anderson,
remettaient en question cette position, étant donné que c’est le ministère des
Affaires étrangères qui avait demandé au Forum des fédérations d'exécuter ce
travail.
Participation initiale de M. Fonberg
Monsieur Fonberg ne se
rappelait pas exactement à quel moment il avait entendu parler des discussions
sur la possibilité que les Affaires étrangères accordent 800 000 $ au
Forum des fédérations, mais il croit que c'était au début de juillet 2007, lors
d'un dîner avec M. Anderson. M. Fonberg m'a dit qu'au meilleur de son
souvenir, ce déjeuner avait été organisé par M. Anderson. Il croit que M. Anderson
lui a fait part d'une question concernant une divergence d'interprétation entre
lui-même et des fonctionnaires du Secrétariat du Conseil du Trésor.
M. Fonberg m'a fait savoir qu'il aurait probablement dit à M. Anderson
qu'il se pencherait sur la question.
M. Anderson se rappelait avoir
parlé à M. Fonberg sur la question du financement de 800 000 $,
mais ne se rappelait pas si c'était au téléphone ou lors d'un dîner. M. Anderson
a fait remarquer que ce n'était pas inhabituel pour lui, étant donné son ancien
poste, de parler avec des gens du niveau de ministre adjoint. Il a dit au Commissariat
qu'il ne se rappelait pas avoir demandé à M. Fonberg de faire quelque
chose en particulier, mais il cherchait à savoir où en était rendu le dossier. M. Anderson
a indiqué qu'il essayait de régler les problèmes liés au dossier auprès des Affaires
étrangères, et que ces derniers lui avaient répondu que le problème émanait du Secrétariat
du Conseil du Trésor. M. Anderson a alors demandé à M. Fonberg s'il
pouvait examiner la question.
Monsieur Fonberg m'a dit qu'il
avait soulevé la question auprès de M. Daniel Jean, secrétaire adjoint
au Secrétariat du Conseil du Trésor, mais ne se souvenait pas très bien à quel
moment ni à qui d'autre il aurait pu parler à l'époque. M. Jean a déclaré
au Commissariat qu'au meilleur de ses souvenirs, la première fois où M. Fonberg
a soulevé la question avec lui, c'était lors d'une rencontre le 1er août 2007.
Réunion du 1er
août 2007
Selon des documents du Secrétariat
du Conseil du Trésor, le 1er août 2007, M. Fonberg a
bel et bien convoqué une réunion avec du personnel du Secrétariat du Conseil du
Trésor qui travaillait sur le dossier. Ils ont discuté de l'entente conclue en
2005 entre le Forum des fédérations et les Affaires étrangères et de la
question à savoir s'il fallait soumettre une nouvelle présentation au Conseil
du Trésor pour que le Forum des fédérations reçoive le financement
supplémentaire de 800 000 $. Lors de cette réunion, M. Fonberg a
demandé un avis juridique afin de clarifier la terminologie de l'entente de
2005. Il a également demandé que l'historique du dossier soit consigné.
Selon la divulgation, lors de la
réunion, M. Fonberg a dit qu'il parlerait avec M. Anderson plus tard
au cours de la journée. La divulgation spécifiait qu’il s’était proclamé comme ami
ainsi qu'ancien collègue de M. Anderson. M. Jean, qui assistait à la réunion,
a déclaré que M. Fonberg avait mentionné qu'il avait travaillé avec M. Anderson,
mais il ne se rappelait pas avoir entendu M. Fonberg décrire M. Anderson
comme étant un ami. M. Jean a ajouté que rien ne laissait entendre que M. Fonberg
souhaitait que la décision que prendrait le Secrétariat du Conseil du Trésor
soit favorable pour M. Anderson.
Monsieur Fonberg m'a dit qu'il
ne se souvenait ni de la réunion du 1er août 2007, ni
d'avoir dit à son personnel qu'il parlerait avec M. Anderson plus tard au
cours de la journée. Il m'a dit que, s'il a déclaré qu'il parlerait avec M. Anderson,
c'était sans doute pour lui expliquer que la divergence d'interprétation
n'était toujours pas réglée. M. Fonberg m'a dit qu'il ne se rappelait pas
avoir dit que M. Anderson était un ami et qu'il serait surpris d'avoir dit
cela.
Monsieur Fonberg a dit qu'il ne
se rappelait pas avoir parlé avec M. Anderson aux alentours du 1er août 2007.
M. Anderson a lui aussi déclaré au Commissariat qu'il ne se rappelait pas précisément
avoir parlé avec M. Fonberg le 1er août 2007, mais il
a ajouté qu'il avait parlé à de nombreux fonctionnaires au sujet de ce dossier.
Outre les renseignements présentés
dans la divulgation, je n’ai trouvé aucune preuve, au cours de cette étude,
indiquant que MM. Fonberg et Anderson sont amis ou que M. Fonberg ait qualifié
M. Anderson d’ami lors de cette réunion.
Communications suivant la réunion du 1er
août 2007
Selon la divulgation, au cours d'une
conversation téléphonique le 2 août 2007, un fonctionnaire des Affaires
étrangères a dit à un fonctionnaire du Secrétariat du Conseil du Trésor que M. Anderson
avait téléphoné aux Affaires étrangères pour les informer que M. Fonberg
avait convenu d'une interprétation libérale de la décision originale du Conseil
du Trésor et que le financement destiné au projet au Soudan pouvait être versé.
Lors de son entrevue avec le Commissariat,
M. Anderson a déclaré qu'il ne se rappelait pas avoir fait cela. Il a dit
qu'il était possible que, après avoir présenté son point de vue à
M. Fonberg, ce dernier ait déclaré quelque chose comme [traduction] « cela
me semble raisonnable » et que M. Anderson ait répété ces propos aux Affaires
étrangères. Toutefois, M. Anderson a ajouté qu’il ne pensait pas que M. Fonberg
ait pris un quelconque engagement à ce moment-là et qu'il doutait avoir donné à
penser aux Affaires étrangères que c’était le cas.
Monsieur Fonberg
m’a confié qu’il ne se rappelait pas avoir dit à M. Anderson qu’il avait
convenu d’une interprétation libérale et qu’il serait étonné de l’avoir fait.
Il m’a dit qu’il y avait encore des divergences d’opinions légitimes sur ce
point.
Échanges de courriels entre
MM. Anderson et Fonberg
La preuve recueillie montre qu’il y
a eu deux échanges de courriels après le 1er août 2007
entre MM. Anderson et Fonberg.
Dans un échange de courriels du
10 septembre 2007, M. Anderson a demandé à M. Fonberg de
lui dire où en était le dossier. M. Anderson lui a écrit que selon ce
qu’il comprenait des Affaires étrangères, le projet au Soudan était l’élément
central de la présence du Canada dans ce pays et qu’ils souhaitaient que le
projet aille de l’avant, mais qu’ils n’étaient pas en mesure de conclure un
contrat en raison d’incertitudes au Secrétariat du Conseil du Trésor. M. Fonberg
a confirmé qu’il avait la même interprétation que lui quant à l’importance du
projet au Soudan, et que M. Jean tentait de tirer le tout au clair avec
les Affaires étrangères et qu’il communiquerait avec M. Anderson sous peu.
M. Fonberg a écrit aussi qu’il souhaitait tirer au clair certains problèmes
relevant du dossier relatif au Soudan en particulier avant de mettre au point
une solution plus générale pour d'autres dossiers de ce type.
Le 26 septembre 2007, M. Anderson
a envoyé à M. Fonberg un courriel dont l’objet s’intitulait [traduction] « trois
jours pour régler notre problème ». MM. Anderson et Fonberg ont tous
les deux déclaré au Commissariat que l’objet du courriel témoignait sans doute
du fait que M. Fonberg devait quitter le Secrétariat du Conseil du Trésor pour
occuper son nouveau poste au ministère de la Défense nationale trois jours plus
tard.
Dans ce second courriel, M. Anderson
a écrit qu’une réunion devait avoir lieu le lendemain entre les Affaires
étrangères et un fonctionnaire du Secrétariat du Conseil du Trésor. M. Anderson
a dit craindre que le Secrétariat du Conseil du Trésor n’adopte une position
trop rigide quant à la nécessité de soumettre une nouvelle présentation au
Conseil du Trésor pour que le Forum des fédérations reçoive des Affaires
étrangères le financement proposé.
Dans ce même courriel, M. Anderson
a précisé qu’il avait d’abord suggéré de tenir une réunion avec, outre
lui-même, de hauts fonctionnaires des Affaires étrangères, du Secrétariat du
Conseil du Trésor et peut-être de l’Agence canadienne de développement
international. Il a ajouté qu’il semblait que le Secrétariat du Conseil du
Trésor n’était pas d’accord. Il a écrit : [traduction] « Je crains
que cette question ne se transforme en une interminable saga bureaucratique ».
Dans son courriel, M. Anderson a prié M. Fonberg de demander à M. Jean
d’assister à la réunion et d’en faire ensuite rapport à M. Fonberg.
Monsieur Fonberg a transmis le
courriel à M. Jean et lui a demandé d’assister à la réunion ou, s’il n’était
pas en mesure d’y assister, de lui dire s’il était d’avis que M. Fonberg devrait
lui-même y assister. M. Jean a répondu que M. Allan
Culham, un directeur exécutif au Secrétariat du Conseil du Trésor, y serait présent. Dans un courriel du
27 septembre 2007, qui donne suite à cet échange, M. Jean a
ajouté que, selon ce qui était ressorti des discussions tenues jusqu’à présent,
il semblait que le Forum des fédérations devrait poursuivre ses
travaux au Soudan à l’aide des fonds déjà versés dans le cadre de leur accord
de 2005 avec les Affaires étrangères.
Monsieur Fonberg a répondu :
[traduction] « Au sujet du Forum des fédérations, là où nous en sommes, arrivera
ce qu’il arrivera; tout ce qu’il faut, je pense, c’est un processus équitable à
l’endroit du Forum avec la présence de personnes compétentes. Quand tout sera
clair, tout le monde pourra faire ce qu’il est censé faire. »
La réunion évoquée dans cet échange
de courriel s’est tenue le 27 septembre 2007. Y ont assisté des
fonctionnaires du Secrétariat du Conseil du Trésor et des Affaires étrangères. Bien
que M. Anderson avait demandé à y assister, il n’a pas été invité et n’y a
pas assisté. La réunion avait pour but de discuter du financement du projet
proposé au Soudan, y compris les modalités de l’entente de 2005 conclue entre les
Affaires étrangères et le Forum des fédérations.
Monsieur Fonberg m’a dit qu’il
ne se rappelait pas avoir touché de nouveau à ce dossier après les échanges de
courriel des 26 et 27 septembre 2007.
Le 1er octobre 2007,
M. Fonberg a commencé à occuper sa nouvelle charge au ministère de la
Défense nationale. Il a dit ne pas avoir laissé de directives sur l’affaire et
qu’il n’a participé à aucun compte rendu avec le personnel du Secrétariat du
Conseil du Trésor. Il a ajouté qu’au moment où le Commissariat a communiqué avec lui, il n’avait aucune idée
de la décision définitive qui avait été prise quant à la possibilité d’accorder
le financement supplémentaire de 800 000 $ au Forum des fédérations. Rien
dans les documents recueillis ou les témoignages entendus au cours de cette étude
ne donne preuve contraire.
Recommandation formulée
après le départ de M. Fonberg
Les représentants du Secrétariat du
Conseil du Trésor ont continué de discuter du dossier dans les semaines suivant
le départ de M. Fonberg et, le 23 octobre 2007, M. Culham a
envoyé un courriel à M. Jean pour recommander que le Forum des fédérations
puisse entreprendre la deuxième phase du projet au Soudan sans avoir à soumettre
une nouvelle présentation au Conseil du Trésor.
Monsieur Jean a accepté la
recommandation de M. Culham et, le 1er novembre 2007,
M. Culham a envoyé un courriel aux Affaires étrangères pour leur faire
part de cette décision. Dans son courriel, M. Culham a précisé que l’on
pouvait faire part de la décision au Forum des fédérations. M. Culham a
aussi écrit dans son courriel que le Secrétariat du Conseil du Trésor était en
train de discuter de l’établissement de futurs paramètres pour le financement gouvernemental
de projets associés au Forum des fédérations. En fin de compte, les paramètres
généraux ont été acceptés en avril 2008, plus de six mois après le départ
de M. Fonberg du Secrétariat du Conseil du Trésor.
Monsieur Culham a déclaré au
Commissariat qu’il savait qu’il y avait eu des échanges entre MM. Anderson
et Fonberg, et que M. Anderson avait pressé le Secrétariat du Conseil du
Trésor d’arriver à une décision pour ce dossier. Cependant, il dit n’avoir
jamais senti de pression de la part de M. Jean ou M. Fonberg pour le
faire prendre une décision particulière quant au dossier.
Communications entre des cadres supérieurs du
Conseil du Trésor et des personnes cherchant du financement
Dans le cadre de cette étude, j’ai
cherché à savoir s’il existait des politiques, des directives ou des normes
applicables régissant les interactions entre les cadres supérieurs du Secrétariat
du Conseil du Trésor et une personne sollicitant des fonds gouvernementaux d’un
autre ministère.
Tous les témoins qui travaillaient au
Secrétariat du Conseil du Trésor au moment où les discussions ont eu lieu sur
les fonds supplémentaires pour le projet au Soudan conviennent qu’il n’existe
pas de règle ou de politique interdisant aux fonctionnaires du Conseil du
Trésor de communiquer avec les bénéficiaires ou bénéficiaires potentiels de
contrats, de subventions ou de contributions.
Ces témoins ont toutefois exprimé
des points de vue différents quant à la fréquence et au bien-fondé de
communications entre les fonctionnaires du Conseil du Trésor et des
bénéficiaires d’une tierce partie.
Selon la divulgation, il était très
inhabituel que le Secrétariat du Conseil du Trésor soit en contact avec une
personne en quête de financement, puisqu’il incombait plutôt aux Affaires
étrangères de gérer cette relation.
Monsieur Culham a déclaré qu’il
était inapproprié que le Secrétariat du Conseil du Trésor participe à des discussions
avec le Forum des fédérations ou M. Anderson. Il a dit que la
participation du Secrétariat du Conseil du Trésor dans ce dossier aurait dû se
limiter à des discussions avec les Affaires étrangères, sans intervention ou contribution
de tierces parties.
Monsieur Jean a fait savoir
que, s’il avait été à la place de M. Fonberg, il aurait écouté les
appréhensions de M. Anderson. Toutefois, il a dit qu’il aurait néanmoins
respecté le fait que toute décision dans cette affaire devait être prise entre
le Conseil du Trésor et les Affaires étrangères. M. Jean a dit
ne pas se rappeler une autre occasion où une tierce partie aurait été en
communication directe avec le Secrétariat du Conseil du Trésor à un niveau
aussi élevé que celui de M. Fonberg.
Michelle d’Auray, qui était
secrétaire du Conseil du Trésor au moment où je recueillais de l’information pour
cette étude, mais qui n’avait rien à voir avec son sujet, m’a confié qu’il
n’existait pas de règles strictes régissant les contacts directs entre le
Secrétariat du Conseil du Trésor et une tierce partie au sujet d’accords de
financement entre la tierce partie et un ministère responsable, sauf les règles
s’appliquant normalement en ce qui concerne les conflits d’intérêts ou le lobbying.
Elle a ajouté que de telles communications étaient rares, surtout parce que la
plupart des tierces parties font affaire avec le ministère ou l’organisme
central responsable du programme par l’entremise duquel ils ont demandé des
fonds ou parce qu’ils ne comprennent pas suffisamment les rouages du
gouvernement pour savoir à qui et comment faire part de leurs préoccupations.
À cet égard, je fais remarquer que,
contrairement à de nombreux tiers bénéficiaires, M. Anderson, en tant qu’ancien
haut fonctionnaire, était bien placé pour savoir à qui et comment faire part de
ses préoccupations.
Madame d’Auray a déclaré qu’il
arrive deux ou trois fois par année qu’une tierce partie communique avec elle.
Elle les écoute, mais ne s’engage jamais à quoi que ce soit. Habituellement,
elle ne les rappelle pas, et demande plutôt à l’un des secrétaires adjoints des
programmes du Secrétariat du Conseil du Trésor soit de leur téléphoner pour les
rediriger au ministère concerné, soit de téléphoner au ministère pour leur
demander de communiquer avec la tierce partie. Si elle les rappelle (p. ex. parce que la tierce
partie fait une demande directement au Secrétariat du Conseil du Trésor), c’est
habituellement après que la décision a été prise pour leur dire qu’elles
n’obtiendraient pas les fonds demandés, si telle était la décision du Secrétariat
du Conseil du Trésor. Sinon, elle les rappelle pour leur faire part de quelques
points qu’elles auraient avantage à soulever lors de leurs discussions avec le
ministère responsable avec qui elles font affaire. Elle laisse ensuite les
choses suivre leurs cours.
Pour sa part, M. Fonberg a
affirmé qu’il n’y avait rien d’inhabituel ou d’inapproprié à sa participation à
ce type de dossier et qu’aucune politique n’empêchait les communications
directes entre le Secrétariat du Conseil du Trésor et un bénéficiaire de fonds.
Toutefois, il n’a pas été en mesure de décrire une autre occasion où cela se
serait produit. Il a aussi dit que le fait de restreindre ce type de
communications ne serait pas une pratique exemplaire.
Bien qu’il n’existe aucune règle ou
politique interdisant aux fonctionnaires du Conseil du Trésor de communiquer
directement avec les bénéficiaires ou bénéficiaires potentiels de contrats, de subventions
ou de contributions, il semblerait que ces communications ont lieu, quoique
rarement.
Résumé
Même si M. Fonberg et M. Anderson
entretenaient des relations personnelles et professionnelles à titre d’anciens
collègues, je n’ai trouvé aucune preuve qu’ils sont « amis ».
Monsieur Fonberg est intervenu
dans ce dossier en sa qualité officielle de secrétaire délégué principal du
Conseil du Trésor du Canada.
Les fonctionnaires du Secrétariat du
Conseil du Trésor étaient déjà saisis de la question de savoir s’il fallait soumettre
une présentation au Conseil du Trésor pour que le Forum des fédérations reçoive
les fonds supplémentaires de 800 000 $ lorsque M. Anderson a
contacté M. Fonberg au sujet du dossier.
Il y a eu divergence d’opinions et
débat sur la nécessité de soumettre ou non une nouvelle présentation au Conseil
du Trésor selon la condition rattachée à la subvention originale accordée au Forum
des fédérations. La décision a été prise en considération des différentes
opinions.
Aucune règle n’interdit aux
fonctionnaires du Secrétariat du Conseil du Trésor de communiquer avec les
bénéficiaires ou bénéficiaires potentiels de contrats, de subventions ou de contributions.
Il arrive que ces communications, bien que rares, aient lieu.
Monsieur Fonberg a joué un rôle
limité quant à déterminer s’il fallait ou non soumettre une présentation au
Conseil du Trésor. Il a écouté aux préoccupations de M. Anderson, mais ne s’est pas engagé à assurer un résultat particulier. Après sa
conversation initiale avec M. Anderson, M. Fonberg a soulevé les
problèmes liés au dossier auprès de fonctionnaires du Secrétariat du Conseil du
Trésor. Il a convoqué une réunion pour discuter du dossier au cours de laquelle
il a demandé que l’on consigne l’historique du dossier et a sollicité un avis
juridique sur la terminologie de l’accord original de 2005.
Je fais remarquer que M. Fonberg
a établi clairement sa position dans son courriel du
27 septembre 2007 à M. Jean, en écrivant : [traduction] « Au
sujet du Forum des fédérations, là où nous en sommes, arrivera ce qu’il
arrivera; tout ce qu’il faut, je pense, c’est un processus équitable à
l’endroit du Forum avec la présence de personnes compétentes. Quand tout sera
clair, tout le monde pourra faire ce qu’il est censé faire. » À mon avis,
ce courriel de M. Fonberg illustre bien la nature de sa participation dans
cette affaire.
La décision en ce qui concerne la
nécessité de soumettre ou non une présentation au Conseil du Trésor a été prise
après le départ de M. Fonberg du Secrétariat. Rien n’indique que M. Fonberg
se soit engagé à assurer un résultat particulier ou qu’il ait exercé des
pressions pour en arriver à un résultat particulier, et rien n’indique qu’il
ait laissé des directives aux fonctionnaires du Conseil du Trésor au sujet du
dossier avant son départ pour occuper son poste actuel au ministère de la
Défense nationale.
Monsieur Fonberg estime qu'il n'a manqué à aucune de ses obligations en vertu de la Loi sur les conflits d'intérêts (la Loi).
Il a expliqué que bien qu'il ait travaillé avec M. Anderson sur divers dossiers par le passé, celui-ci n'était pas un ami comme tel. Ils avaient entretenu des liens professionnels en tant que collègues, mais n'avaient jamais eu de relations sociales.
Monsieur Fonberg a dit qu'il semblait y avoir une divergence d'opinions légitime quant à savoir s'il fallait soumettre une nouvelle présentation au Conseil du Trésor pour que le Forum des fédérations reçoive des fonds supplémentaires de 800 000 $. Il a eu plusieurs communications avec M. Anderson, à la suite desquelles il aurait encouragé le personnel du Conseil du Trésor d'entamer un dialogue afin de clarifier les différentes interprétations et, finalement, de prendre une décision.
Monsieur Fonberg dit ne pas avoir accordé de traitement de faveur au Forum des fédérations ou à M. Anderson. Au meilleur de son souvenir, il a fait ce qu'il ferait en de pareilles circonstances s'il était confronté à ce qu'il estimait comme une préoccupation ou une divergence d'opinions légitime. Il a demandé au Secrétariat du Conseil du Trésor de se pencher sur l'affaire. Il a expliqué que la formulation ambiguë de l'accord original avait entraîné des interprétations différentes et, qu'en tant que secrétaire délégué principal, il jouait le rôle d'analyste critique qui revient normalement au titulaire de ce poste et qui fait partie de ses responsabilités.
Monsieur Fonberg a déclaré que, s'il n'y avait pas eu de doute légitime ou de divergence d'interprétations, il l'aurait dit à M. Anderson et n'aurait rien fait d'autre. Il a ajouté que les préoccupations du Forum des fédérations s'étaient, semble-t-il, avérées légitimes, étant donné la décision prise par d'autres après son départ du Secrétariat du Conseil du Trésor. Il a dit que la décision a été prise après examen des problèmes et selon un processus rigoureux.
Monsieur Fonberg m'a confié que si M. Anderson ne l'avait pas contacté, il aurait sans doute eu à intervenir plus tard dans le dossier de toute façon, parce que M. Anderson envoyait aussi ses lettres sur l'affaire à d'autres cadres supérieurs du gouvernement.
M. Fonberg estime qu'il n'a jamais été en conflit d'intérêts parce qu'il n'avait aucun intérêt personnel dans l'affaire et qu'on n'a jamais favorisé de façon irrégulière l'intérêt personnel d'une autre personne. Il dit ne pas avoir accordé de traitement de faveur et avoir traité M. Anderson de la même façon qu'il aurait traité n'importe quel autre intervenant de haut niveau ayant exprimé des préoccupations légitimes qui, de l'avis de M. Fonberg, méritaient que lui-même ou la haute gestion de son organisation les examine.
Analyse
Dans le cadre de cette étude, j'ai dû déterminer si M. Fonberg avait contrevenu au paragraphe 6(1), à l'article 7 ou à l'article 21 de la Loi sur les conflits d'intérêts (la Loi) relativement à sa participation, au moment où il était secrétaire délégué principal au Conseil du Trésor, au processus ayant abouti à la décision d'approuver une subvention de 800 000 $ au Forum des fédérations sans exiger qu'une nouvelle présentation soit soumise pour recevoir les fonds.
Interdiction de prendre une décision : paragraphe 6(1)
Le paragraphe 6(1) interdit aux titulaires de charge publique de prendre des décisions qui les placeraient en situation de conflit d'intérêts :
6. (1) Il est interdit à tout titulaire de charge publique de prendre une décision ou de participer à la prise d'une décision dans l'exercice de sa charge s'il sait ou devrait raisonnablement savoir que, en prenant cette décision, il pourrait se trouver en situation de conflit d'intérêts.
L'article 4 définit les circonstances dans lesquelles on peut considérer qu'un titulaire de charge publique est en situation de « conflit d'intérêts » au sens de la Loi. En voici le libellé :
4. Pour l'application de la présente loi, un titulaire de charge publique se trouve en situation de conflit d'intérêts lorsqu'il exerce un pouvoir officiel ou une fonction officielle qui lui fournit la possibilité de favoriser son intérêt personnel ou celui d'un parent ou d'un ami ou de favoriser de façon irrégulière celui de toute autre personne.
La preuve recueillie dans le cadre de cette étude montre clairement que M. Fonberg a participé, en sa qualité de secrétaire délégué principal du Conseil du Trésor, à des discussions visant à déterminer si l'on devait accorder des fonds publics supplémentaires au Forum des fédérations sans exiger une nouvelle présentation au Conseil du Trésor. En ce sens, il exerçait un pouvoir officiel ou une fonction officielle.
Rien ne laisse supposer que M. Fonberg ait agi, en ce qui concerne sa participation dans ce processus de décision, de façon à favoriser son intérêt personnel ou celui d'un parent.
L'analyse à la lumière du paragraphe 6(1) doit donc se concentrer sur la participation de M. Fonberg dans ce dossier afin de déterminer si cela l'a mis en situation de conflit d'intérêts au sens de l'article 4 de la Loi et, en particulier, si sa participation lui a fourni la possibilité de favoriser l'intérêt personnel d'un « ami » ou de favoriser « de façon irrégulière » celui de toute autre personne.
Dans Le rapport Watson, j'ai interprété le terme « ami » comme comprenant les personnes qui ont un lien étroit d'amitié, un sentiment d'affection ou un lien spécial avec le titulaire de charge publique concerné et j'ai déterminé que même si deux personnes font partie d'un grand cercle social ou sont partenaires d'affaires, elles ne sont pas nécessairement amies. Dans le présent cas, j'ai conclu que même s'ils entretenaient une relation personnelle et professionnelle à titre d'anciens collègues et hauts fonctionnaires, MM. Fonberg et Anderson ne sont pas des « amis » au sens de la Loi.
Pour déterminer si M. Fonberg a contrevenu au paragraphe 6(1), je dois donc me demander si l'on peut considérer que sa participation au dossier lui a fourni la possibilité de favoriser « de façon irrégulière » l'intérêt personnel de M. Anderson ou celui du Forum des fédérations.
Comme je l'ai indiqué dans la section intitulée Les constations de faits, j'ai conclu qu'il n'y a pas de règles ou de politiques interdisant aux fonctionnaires du Conseil du Trésor de communiquer avec les bénéficiaires ou bénéficiaires potentiels de contrats, de subventions ou de contributions. J'ai aussi conclu qu'il arrive que de telles communications, bien que rares, aient lieu entre les fonctionnaires du Conseil du Trésor et de tierces parties qui demandent des fonds.
Aucune preuve n'indique que M. Fonberg ait agi de façon à influer sur le processus ayant mené à la décision d'accorder des fonds supplémentaires au Forum des fédérations, ou de façon à le modifier. En particulier, son échange de courriels du 27 septembre 2007 avec M. Jean indique qu'il n'a pas cherché à obtenir un résultat donné pour le compte de M. Anderson et du Forum des fédérations.
À cet égard, M. Jean et M. Culham ont tous deux déclaré, dans leurs témoignages, qu'ils n'avaient jamais ressenti de pression de la part de M. Fonberg en vue de conclure ou non que le Forum des fédérations devait soumettre une nouvelle présentation au Conseil du Trésor.
Monsieur Fonberg a participé à ces discussions de façon limitée : en gros, il a demandé à son personnel de quelle façon on devait interpréter les modalités de la subvention conditionnelle régissant le financement original du Forum des fédérations.
C'est à la fin octobre 2007 qu'on a décidé, sur les recommandations de M. Culham, d'accorder des fonds supplémentaires au Forum des fédérations sans exiger de nouvelle présentation au Conseil du Trésor. La décision a été relayée au ministère des Affaires étrangères par courriel en novembre 2007, après le départ de M. Fonberg du Secrétariat du Conseil duTrésor. M. Fonberg n'a pas laissé de directives relativement à ce dossier lorsqu'il a quitté son poste pour le ministère de la Défense nationale, au début octobre 2007.
À mon avis, on ne peut considérer que M. Fonberg ait agi de façon indue dans le processus ayant mené à la décision d'accorder une subvention au Forum des fédérations sans exiger de nouvelle présentation au Conseil du Trésor. Par conséquent, il n'était pas en conflit d'intérêts dans le sens de la Loi et n'a donc pas contrevenu au paragraphe 6(1).
Interdiction d'accorder un traitement de faveur : article 7
L'article 7 interdit d'accorder un traitement de faveur à une personne ou à un organisme en fonction d'un représentant. En voici le libellé :
7. Il est interdit à tout titulaire de charge publique d'accorder, dans l'exercice de ses fonctions officielles, un traitement de faveur à une personne ou un organisme en fonction d'une autre personne ou d'un autre organisme retenu pour représenter l'un ou l'autre.
Dans Le rapport Paradis, j'ai interprété l'expression « traitement de faveur » comme étant des « privilèges qui ne sont pas accordés à d'autres personnes dans des circonstances semblables ».
Comme je l'ai indiqué plus haut dans mon analyse du paragraphe 6(1), M. Fonberg exerçait ses fonctions officielles lorsqu'il a pris part à la décision d'accorder 800 000 $ au Forum des fédérations sans exiger de nouvelle présentation au Conseil du Trésor.
L'analyse de l'article 7 repose donc sur la détermination à voir si M. Fonberg a accordé un « traitement de faveur » à M. Anderson ou au Forum des fédérations au sens de la Loi.
Comme je l'ai déjà conclu, il n'existe pas de règles interdisant aux fonctionnaires du Secrétariat du Conseil du Trésor de communiquer avec les bénéficiaires ou bénéficiaires potentiels de contrats, de subventions ou de contributions. J'ai aussi conclu qu'il arrive que de telles communications, bien que rares, aient lieu entre les fonctionnaires du Conseil du Trésor et de tierces parties qui demandent des fonds.
Comme je l'ai indiqué dans la section intitulée Les constatations de faits, j'ai conclu que les fonctionnaires se demandaient déjà si le Forum des fédérations devait soumettre une nouvelle présentation au Conseil du Trésor lorsque M. Anderson a parlé de ses préoccupations à M. Fonberg.
Comme je l'ai fait remarquer dans mon analyse du paragraphe 6(1), la preuve recueillie dans le cadre de cette étude ne permet pas de conclure que l'intervention de M. Fonberg dans le dossier ait servi à influer sur le processus ayant mené à la décision d'accorder des fonds supplémentaires au Forum des fédérations ni à le modifier, ou qu'il ait cherché à obtenir un résultat en particulier au compte de M. Anderson.
La participation de M. Fonberg dans ce processus décisionnel était limitée. Elle consistait essentiellement à demander des précisions sur la façon dont son personnel interprétait une condition rattachée à la subvention actuelle du Forum des fédérations, disposition à laquelle on a donné une interprétation définitive seulement après le départ de M. Fonberg du Secrétariat du Conseil du Trésor.
À la lumière de la preuve recueillie dans le cadre de mon étude, j'accepte l'affirmation de M. Fonberg selon laquelle, en ce qui concerne ses interactions avec M. Anderson, il l'a traité de la même façon qu'il aurait traité n'importe quel autre intervenant de haut rang.
Pour toutes ces raisons, je conclus que M. Fonberg n'a pas accordé de traitement de faveur à M. Anderson ou au Forum des fédérations lorsqu'il a pris part à la décision d'accorder des fonds supplémentaires au Forum des fédérations sans exiger de nouvelle présentation au Conseil du Trésor. Par conséquent, je conclus qu'il n'a pas contrevenu à l'article 7 de la Loi.
Devoir de récusation : article 21
L'article 21 exige que le titulaire de charge publique se récuse concernant une discussion, une décision, un débat ou un vote sur toute question qui pourrait le placer en situation de conflit d'intérêts. En voici le libellé :
21. Le titulaire de charge publique doit se récuser concernant une discussion, une décision, un débat ou un vote, à l'égard de toute question qui pourrait le placer en situation de conflit d'intérêts.
Comme je l'ai déjà déterminé, M. Fonberg a pris part à la décision d'accorder des fonds supplémentaires au Forum des fédérations en sa qualité officielle de secrétaire délégué principal au Conseil du Trésor. Toutefois, pour les mêmes raisons que celles invoquées plus haut dans mon analyse du paragraphe 6(1), M. Fonberg n'était pas en situation de conflit d'intérêts au sens de la Loi relativement à sa participation à la prise de décision et n'était donc pas tenu de se récuser. Par conséquent, il n'a pas contrevenu à l'article 21 de la Loi.
Conclusions
En ce qui concerne le paragraphe 6(1), j'ai conclu qu'on ne peut considérer que M. Fonberg a agi de façon indue relativement à sa participation à la décision d'accorder des fonds additionnels de 800 000 $ au Forum des fédérations sans exiger une nouvelle présentation au Conseil du Trésor. Il n'était pas en conflit d'intérêts au sens de la Loi et, par conséquent, n'a pas manqué à l'obligation que lui impose le paragraphe 6(1).
En ce qui concerne l'article 7, j'ai conclu que M. Fonberg n'a pas accordé de traitement de faveur à M. Anderson ou au Forum des fédérations relativement à sa participation au dossier et, par conséquent, qu'il n'a pas contrevenu à l'article 7.
En ce qui concerne l'article 21, comme j'ai conclu que M. Fonberg n'était pas en conflit d'intérêts au sens de la Loi relativement à sa participation à ce processus de décision, il n'était pas tenu de se récuser et, par conséquent, n'a pas contrevenu à l'article 21.
Sauf indication contraire, les noms des témoins sont énumérés en fonction de l'organisation à laquelle ils appartenaient au moment de l'affaire faisant l'objet de cette étude.
Entrevues
Secrétariat du Conseil du Trésor
Mme Michelle d'Auray, secrétaire du Conseil du Trésor (de juillet 2009 à novembre 2012)
M. Allan Culham, directeur exécutif
M. Robert Fonberg, secrétaire délégué principal
M. Daniel Jean, secrétaire adjoint
La personne ayant fait la divulgation au Commissariat à l'intégrité du secteur public
Forum des fédérations