Ignorer les commandes du ruban
Passer au contenu principal

Le rapport Flaherty

​​​PR​​éFACE 

La Loi sur les conflits d'intérêts (la Loi) est entrée en vigueur le 9 juillet 2007 et a remplacé le Code régissant la conduite des titulaires de charge publique en ce qui concerne les conflits d'intérêts et l'après-mandat (Code de 2006). 

Aux termes des dispositions transitoires de la Loi fédérale sur la responsabilité (paragraphes 3(6) et (8)) et du paragraphe 44(1) de la Loi, tout parlementaire qui a des motifs raisonnables de croire qu'un titulaire de charge publique qui était assujetti au Code de 2006 a manqué aux obligations que lui imposait ce Code dans le cadre d'événements qui se sont produits au moment où le Code était en vigueur, peut demander au commissaire d'étudier la question. 

Aux termes du paragraphe 44(3) de la Loi, le commissaire est tenu d'examiner la question à moins qu'il juge la demande futile, vexatoire ou entachée de mauvaise foi. Le paragraphe 44(7) prévoit que le commissaire doit remettre au premier ministre un rapport énonçant les faits, son analyse de la question et ses conclusions. En vertu du paragraphe 44(8), le commissaire, en même temps qu'il remet le rapport au premier ministre, en fournit une copie à l'auteur de la demande et au titulaire de charge publique visé par la demande. Le rapport est aussi rendu public.

La demande d'examen 

Le 30 avril 2008, l'honorable John McCallum, député de Markham-Unionville, m'a écrit pour me demander d'étudier des allégations de conflit d'intérêts potentiel mettant en cause l'honorable James Flaherty, ministre des Finances, en rapport avec une mesure contenue dans le Budget fédéral de 2007, qui consistait à étendre aux niveaux primaire et secondaire l'exemption fiscale pour le revenu issu d'une bourse d'étude ou de recherche. 

Dans sa lettre, M. McCallum alléguait que M. Flaherty était « propriétaire » d'une école privée susceptible de profiter de l'exemption fiscale et qu'en conséquence il pouvait se trouver en position de conflit d'intérêts. Monsieur McCallum a invoqué la déclaration publique de biens de M. Flaherty, faite en vertu du Code régissant la conduite des titulaires de charge publique en ce qui concerne les conflits d'intérêts et l'après- mandat (Code de 2006) et dans laquelle M. Flaherty indique que lui-même et sa femme, Mme Christine Elliott, détenaient conjointement une hypothèque accordée au Wasdell Centre for Innovative Learning Inc. (le Wasdell Centre). 

Le 26 mai 2008, M. McCallum a fait parvenir à mon Bureau une autre lettre qui modifiait la première et dans laquelle il reconnaissait que ni M. Flaherty ni Mme Elliott n'étaient « propriétaires » du Wasdell Centre. En modifiant sa demande d'examen en conséquence, il y indiquait que le fait que le Wasdell Centre, une école privée faisant l'objet d'une hypothèque détenue par M. Flaherty, pouvait donner l'impression d'un possible conflit d'intérêts et pourrait potentiellement bénéficier de l'exemption fiscale.

le PROCESsuS

Le 1er mai 2008, mon Bureau a écrit à M. McCallum et a accusé réception de sa demande d'examen datée du 30 avril 2008. 

Le 13 mai 2008, j'ai écrit à M. Flaherty pour l'informer que M. McCallum avait demandé que j'examine s'il avait contrevenu à la Loi sur les conflits d'intérêts (la Loi) en participant à la décision de faire figurer l'exemption fiscale dans le Budget de 2007 ou en omettant de faire une déclaration publique de biens au cas où il se serait abstenu de participer à ces délibérations. J'ai demandé à M. Flaherty de m'informer s'il avait participé à des discussions ou à des décisions qui auraient pu avoir un impact direct sur le Wasdell Centre et j'ai joint une copie de la lettre de M. McCallum du 30 avril 2008. 

Le 23 mai 2008, M. Flaherty m'a informé qu'il ne s'était pas abstenu de participer à des discussions ou à des décisions concernant l'exemption fiscale parce qu'il ne pouvait pas y avoir de conflit d'intérêts, réel ou potentiel, entre l'hypothèque que lui et sa femme avaient contractée à l'égard du Wasdell Centre et une exemption contenue dans le Budget de 2007 ayant pour effet de modifier la situation fiscale du revenu issu de bourses d'étude ou de recherche décernées à des élèves des niveaux primaire et secondaire. 

Le 29 mai 2008, j'ai demandé à M. Flaherty de fournir à mon Bureau une copie de la convention hypothécaire et de confirmer qu'il n'a pas d'autres intérêts financiers ou de responsabilités à l'égard du Wasdell Centre. 

Le 10 juin 2008, M. Flaherty a fourni à mon Bureau une copie de la convention hypothécaire initiale et un deuxième document acquittant l'emprunt et refinançant le solde des intérêts à payer. Il a aussi confirmé que ni lui ni sa femme ne détenaient d'autres intérêts financiers dans le Wasdell Centre. 

Dans le cadre du processus d'examen, la directrice et propriétaire du Wasdell Centre, Mme Elizabeth Moxley-Paquette, a été interrogée. Monsieur Flaherty a eu l'occasion de fournir d'autres renseignements et commentaires lors d'une entrevue téléphonique avec moi le 4 juillet 2008. Il a aussi eu la chance de commenter une ébauche du présent rapport qui ne contenait pas l'Analyse et Conclusions.

La position de m. FLAHERTY

Monsieur Flaherty m'a informé qu'il ne s'était pas récusé lors des délibérations de l'exemption fiscale du Budget de 2007 parce qu'il n'était pas en conflit d'intérêts réel ou potentiel. Il a indiqué que sa participation financière à l'hypothèque du Wasdell Centre ne lui permettait pas de profiter personnellement de l'exemption fiscale. Il a fait valoir qu'il n'existait pas de lien direct ou spécifique entre cette exemption fiscale et le fait que son fils fréquentait une école privée ou son intérêt financier dans l'hypothèque accordée au Wasdell Centre. Monsieur Flaherty a précisé que son fils avait fréquenté le Wasdell Centre de 2002 à 2006 et qu'il n'y était plus inscrit au moment où les délibérations du Budget de 2007 ont commencé. Il a aussi fait remarquer que l'exemption fiscale ne pouvait d'aucune façon profiter au Wasdell Centre ou aux parents des élèves parce que l'établissement n'offre pas de bourses d'étude ou de recherche. 

À cet égard, M. Flaherty a expliqué que l'initiative budgétaire profitait à des écoles privées plus imposantes qui demandent des frais de scolarité plus élevés et disposent d'un fonds bien garni permettant d'offrir des bourses à des élèves qui ne pourraient pas fréquenter l'établissement sans aide financière. Selon M. Flaherty, l'exemption fiscale a été conçue pour corriger les situations d'injustice qui se posent si on traite comme des revenus imposables les bourses d'étude ou de recherche remises à des parents qui, en l'absence d'aide financière, ne pourraient pas inscrire leurs enfants à des écoles privées. Monsieur Flaherty a expliqué que le Wasdell Centre faisait partie d'une catégorie d'établissements différente de ceux visés par la mesure fiscale (il ne possède pas de fonds de dotation et pas de chances raisonnables de pouvoir offrir des bourses d'étude ou de recherche) et qu'en conséquence il n'est pas en mesure de profiter de l'exemption fiscale.

Les faitS

Monsieur Flaherty et Mme Moxley-Paquette ont collaboré et étaient crédibles.

Leurs récits des circonstances entourant le prêt accordé au Wasdell Centre étaient pour ainsi dire identiques et correspondaient aux documents hypothécaires fournis à mon Bureau. L'information recueillie dans le cadre de l'examen m'amène à tirer les conclusions de faits suivantes. 

Le Wasdell Centre 

Le Wasdell Centre est une entreprise ontarienne que possède et exploite Elizabeth Moxley-Paquette, qui agit en tant que directrice, présidente, secrétaire et trésorière de l'entreprise. Madame Moxley-Paquette est également la directrice de l'école, qui offre un enseignement primaire et secondaire. 

Durant son entrevue, Mme Moxley-Paquette a expliqué comme suit la structure d'entreprise du Wasdell Centre. Elle est propriétaire de trois compagnies connexes, Mkt Perspectives Inc., Wasdell Centre for Innovative Learning Inc. and 1625047 Ontario Inc., une société à numéro enregistrée en Ontario. Mkt Perspectives, qui possède le Wasdell Centre, a été créée en premier et constitue l'organisation-cadre de l'école.

Cette entreprise possède ce que Mme Moxley-Paquette appelle « l'actif mobile » de l'école, comme les pupitres et les ordinateurs. Le Wasdell Centre for Innovative Learning Inc. constitue l'organe administratif de l'école, reçoit les frais de scolarité et paie les enseignants et le personnel de l'école. 1625047 Ontario Inc. a été créée expressément pour acheter le bâtiment et le terrain qui abritent maintenant le Wasdell Centre. 

Mis à part leur statut de créanciers hypothécaires conjoints du prêt accordé à Mme Moxley-Paquette, ni M. Flaherty ni Mme Elliott n'ont d'autres intérêts financiers dans le Wasdell Centre. Ni l'un ni l'autre ne jouent un rôle non plus dans les activités, la gestion ou le fonctionnement de Mkt Perspectives Inc., du Wasdell Centre for Innovative Learning Inc. ou de 1625047 Ontario Inc. 

Madame Moxley-Paquette a en outre indiqué que le Wasdell Centre n'offrait pas de bourses d'étude ou de recherche à ses élèves. Elle a toutefois ajouté qu'elle aimerait être en mesure de le faire un jour. Elle a aussi confirmé que le fils de M. Flaherty était inscrit au Wasdell Centre entre 2002 et la fin de l'année scolaire 2005-2006. 

La convention hypothécaire

Monsieur Flaherty a expliqué dans quel contexte lui et sa femme, Mme Elliott, avaient accepté d'accorder une hypothèque au Wasdell Centre. Monsieur Flaherty a expliqué que son fils, John, a fréquenté le Wasdell Centre entre 2002 et 2006. En août 2004, Mme Moxley-Paquette s'est adressée à M. Flaherty et lui a demandé son aide financière pour l'achat à Ajax, en Ontario, d'un bâtiment qui avait été déclaré excédentaire par le conseil scolaire de l'endroit. Jusque-là, le Wasdell Centre logeait dans une maison louée.

Le 24 août 2004, M. Flaherty et Mme Elliott ont accepté d'accorder un prêt de 250 000 $ au Wasdell Centre pour lui permettre d'acheter le bâtiment d'une école publique située à Ajax. Le prêt a été fait au nom de 1625047 Ontario Inc. et le terrain où était située l'école a été mis en garantie. 

En février 2007, le capital de l'emprunt a été remboursé intégralement à M. Flaherty et Mme Elliott ainsi qu'une partie des intérêts qui leur étaient dus. L'hypothèque a donc été acquittée et Mme Moxley-Paquette a convenu de payer le reste des intérêts, soit 14 000 $, au plus tard le 23 février 2009. 

L'avis antérieur du commissaire à l'éthique 

Le 6 avril 2006, M. Flaherty a remis sa Déclaration et sa Déclaration supplémentaire à mon prédécesseur, l'ancien commissaire à l'éthique, M. Bernard Shapiro. Monsieur Flaherty y déclarait que lui et sa femme étaient les créanciers hypothécaires conjoints d'une hypothèque de 250 000 $ faite au nom du Wasdell Centre. Le 9 mai 2006, M. Shapiro a informé M. Flaherty qu'en raison du prêt hypothécaire accordé au Wasdell Centre, il devrait s'abstenir de faire des recommandations au nom de l'établissement et de prendre part à des décisions dans le cadre de ses fonctions de ministre des Finances liées spécifiquement et directement à cette organisation. 

Le Budget de 2007 

Le Budget fédéral de 2006 a été rendu public le 2 mai 2006 tandis que celui de 2007 a été rendu public le 19 mars 2007. Les délibérations ayant servi à la préparation du Budget de 2007 ont commencé au début de l'automne 2006. 

Le Budget de 2006 contenait une mesure exemptant d'impôt le revenu des bourses d'étude ou de recherche décernées à des étudiants d'un établissement postsecondaire. Le Budget de 2007 a englobé les élèves des niveaux primaire et secondaire dans le champ d'application de cette exemption fiscale. Quand le Budget de 2007 a été rendu public, on a estimé que l'exemption profiterait aux familles d'environ 1 000 enfants canadiens mais aurait peu d'impact financier.

ANALYSe et CONCLUSIONS 

Dans cet examen, on m'a demandé de déterminer si M. Flaherty, du fait de son intérêt personnel dans l'hypothèque accordée au Wasdell Centre, s'était placé en situation de conflit d'intérêts en participant au processus décisionnel qui a abouti à l'inclusion de l'exemption fiscale dans le Budget de 2007 et, dans l'affirmative, s'il aurait dû se récuser de prendre part à ces délibérations. 

Le Code de 2006 

Les délibérations qui ont mené au Budget de 2007 ont commencé au début de l'automne 2006. L'influence exercée par M. Flaherty en faveur de l'exemption fiscale et le conflit d'intérêts potentiel allégué par M. McCallum doivent donc être évalués en regard du Code de 2006 et non de la Loi comme il est indiqué dans la lettre de M. McCallum. 

Conflit d'intérêts 

Le paragraphe 3(4) du Code de 2006 concerne les titulaires d'une charge publique participant à des activités gouvernementales susceptibles d'influer sur leurs intérêts personnels. Cette disposition se lit comme suit : 

Outre ceux qui sont autorisés par le présent Code, il [le titulaire de la charge publique] ne doit pas conserver d'intérêts personnels sur lesquels les activités gouvernementales auxquelles il participe pourraient avoir une influence quelconque. 


Au moment des délibérations qui ont mené au Budget de 2007, M. Flaherty avait un intérêt personnel dans le Wasdell Centre, à savoir une hypothèque à montant fixe, garantie par le terrain de l'établissement. 

Bien que M. Flaherty ait participé aux délibérations qui ont mené à l'inclusion de l'exemption fiscale dans le Budget de 2007, il n'existe pas de lien direct ou précis entre l'exemption fiscale et son statut de créancier conjoint du prêt accordé au Wasdell Centre. Cet établissement n'a jamais offert de bourses d'étude ou de recherche. On ne peut donc pas conclure que la participation de M. Flaherty aux délibérations budgétaires ait exercé une influence quelconque sur son intérêt personnel. 

Monsieur Flaherty n'a donc pas enfreint le paragraphe 3(4) du Code de 2006. 

Récusation 

Étant donné cette conclusion, le régime de récusation prévu aux paragraphes 7(1) et (2) et à l'alinéa (3)c) ainsi qu'à l'alinéa 1c) de l'annexe du Code de 2006 n'est pas activé par les circonstances du présent examen.

Monsieur Flaherty a reçu un avis de l'ancien commissaire à l'éthique au sujet de son intérêt financier dans l'hypothèque accordée au Wasdell Centre. À mon avis, M. Flaherty s'est conformé à cet avis puisque sa participation aux délibérations qui ont mené à l'exemption fiscale contenue dans le Budget de 2007 ne concernait pas spécifiquement ou directement le Wasdell Centre. 

Comme il n'existe pas de lien spécifique ou direct entre l'exemption fiscale et l'intérêt hypothécaire de M. Flaherty à l'égard du Wasdell Centre, il n'était pas nécessaire qu'il se récuse de participer aux délibérations et au processus décisionnel menant au Budget de 2007. 

Conclusions 

Pour les raisons susmentionnées, j'ai conclu que M. Flaherty n'a pas enfreint le paragraphe 3(4) du Code de 2006 en participant à la décision qui a mené à l'exemption fiscale contenue dans le Budget fédéral de 2007 et qu'en conséquence rien ne l'obligeait à se récuser dans ces délibérations.


Date de modification :