PRéFACE
La Loi sur les conflits
d’intérêts, L.C. 2006, ch. 9, art. 2 (la Loi) est entrée en vigueur le
9 juillet
2007.
Une
étude en vertu de la Loi peut être amorcée à la demande d’un parlementaire,
conformément au paragraphe 44(1), ou par la commissaire aux conflits d’intérêts
et à l’éthique elle-même, conformément au paragraphe 45(1) de la Loi.
Lorsqu’une étude est amorcée en vertu de l’article 45 de la Loi, à moins que
l’étude ne soit interrompue, la commissaire est tenue, conformément au
paragraphe 45(3), de remettre au premier ministre un rapport énonçant les
faits, son analyse de la question et ses conclusions. Le paragraphe 45(4)
prévoit que la commissaire doit en même temps remettre un double du rapport au
titulaire ou à l’ex‑titulaire de charge publique visé, et rendre le rapport
accessible au public.
Le présent rapport énonce les conclusions de mon étude menée en vertu de la Loi sur les conflits d'intérêts (la Loi) relativement à la conduite de l'honorable Diane Finley, C.P., députée, en lien avec sa décision d'approuver le financement du Markham Centre for Skills and Independence au titre du Fonds pour l'accessibilité, en août 2011, alors qu'elle était ministre des Ressources humaines et du Développement des compétences.
J'ai entrepris cette étude de mon propre chef à la suite de reportages diffusés dans les médias en mai 2012 selon lesquels la proposition Markham aurait peut‑être bénéficié d'un traitement de faveur de la part de la ministre. On a avancé que la proposition ne répondait pas aux critères de financement établis et qu'elle ne figurait pas parmi les propositions que les fonctionnaires ministériels avaient recommandées à Mme Finley aux fins d'approbation. On alléguait également que Mme Finley a approuvé le financement de la proposition, alors que bien d'autres propositions ayant obtenu une cote beaucoup plus élevée de Ressources humaines et Développement des compétences Canada (le ministère) n'avaient reçu aucun financement.
Mon étude visait à établir si, en approuvant ce financement, Mme Finley a contrevenu à l'article 7 ou au paragraphe 6(1) de la Loi.
L'article 7 interdit à tout titulaire de charge publique d'accorder, dans l'exercice de ses fonctions officielles, un traitement de faveur à une personne ou un organisme en fonction d'une autre personne ou d'un autre organisme retenu pour représenter l'un ou l'autre. Le paragraphe 6(1) interdit à tout titulaire de charge publique de prendre une décision s'il sait ou devrait raisonnablement savoir qu'en prenant cette décision, il pourrait se trouver en situation de conflit d'intérêts. Conformément à l'article 4 de la Loi, un titulaire de charge publique se trouve en situation de conflit d'intérêts s'il a la possibilité de favoriser son intérêt personnel ou celui d'un parent ou d'un ami ou de favoriser de façon irrégulière celui de toute autre personne.
La proposition Markham a été soumise au nom de la Fédération canadienne de Chabad Lubavitch (la Fédération) par le rabbin Chaim Mendelsohn, le directeur des Affaires publiques de la Fédération. Elle était au nombre des 167 propositions ayant franchi l'étape de la présélection au titre du Fonds pour l'accessibilité, mais a échoué à l'évaluation interne du ministère, obtenant l'une des cotes les plus faibles. Cependant, le projet Markham a été ajouté, à la demande de Mme Finley, aux quatre autres projets déjà sélectionnés aux fins de financement.
Plusieurs personnes sont intervenues en lien avec cette proposition, notamment des membres du personnel du Cabinet du Premier ministre, deux ministres, un employé du cabinet de Mme Finley et des hauts fonctionnaires du ministère.
Il semble que Mme Finley n'a pas obtenu du ministère tous les renseignements possibles sur les avantages de la proposition Markham, et n'en a pas demandé non plus, bien qu'il semble qu'elle était au courant qu'elle comportait certaines lacunes.
J'ai conclu que la proposition Markham a manifestement bénéficié d'un traitement de faveur, puisque la Fédération a été permise de fournir des renseignements supplémentaires pour étoffer la proposition originale, chose qu'aucun autre demandeur n'a été permis de faire. En outre, la proposition a été la seule à se voir accorder une évaluation externe à la dernière minute à la demande de Mme Finley. Il est important de mentionner que le financement pour la proposition Markham a été retiré ultérieurement puisque les délais établis n'ont pas été respectés et les défauts de l'édifice ont entraîné d'importantes augmentations des coûts.
L'article 7 est très limité dans son application. En effet, il ne s'applique qu'aux situations où un traitement de faveur est accordé à une personne ou à une organisation en fonction d'une autre personne ou organisation retenue pour représenter l'une ou l'autre. Pour déterminer si Mme Finley a contrevenu à l'article 7 de la Loi, je devais déterminer si elle avait accordé un traitement de faveur à la Fédération relativement à sa proposition Markham parce que le rabbin Mendelsohn en était son représentant. Aucun élément de preuve n'indiquait que tel était le cas. J'ai donc conclu qu'elle n'a pas contrevenu à l'article 7.
Pour déterminer si Mme Finley a contrevenu au paragraphe 6(1) de la Loi, je devais déterminer si elle avait favorisé de façon irrégulière les intérêts personnels d'une autre personne et si elle savait, ou aurait dû savoir, qu'au moment de prendre la décision, elle se trouverait en conflit d'intérêts.
Pour rendre ma décision, j'ai examiné les règles en vertu desquelles Mme Finley exerçait ses responsabilités. Les modalités d'application du volet des projets de moyenne envergure du Fonds pour l'accessibilité ont accordé à Mme Finley un large pouvoir discrétionnaire de décider quels projets devraient être financés.
Cependant, la Politique sur les paiements de transfert du Conseil du Trésor souligne l'importance de renforcer les principes de responsabilisation en matière de fonds publics et l'engagement du gouvernement de s'assurer que les programmes comme le Fonds pour l'accessibilité sont gérés de manière à respecter les niveaux les plus élevés d'intégrité, de transparence et de responsabilisation. De plus, les lignes directrices du premier ministre, Pour un gouvernement responsable: Guide du ministre et du ministre d'État, insistent sur l'importance pour les ministres et les ministres d'État de faire appel à la fonction publique, qui leur offre un soutien professionnel et impartial dans l'exercice de leurs fonctions.
Il semble que certains de ces principes directeurs n'étaient pas des priorités dans le traitement de la proposition Markham.
Pour ces raisons, et surtout parce que le projet Markham a bénéficié d'un traitement de faveur, j'ai conclu que la décision de Mme Finley de financer la proposition Markham était irrégulière au sens de l'article 4 de la Loi. Mme Finley aurait dû raisonnablement savoir qu'en prenant cette décision, elle se trouverait en situation de conflit d'intérêts au sens du paragraphe 6(1). J'ai donc conclu donc que Mme Finley a contrevenu au paragraphe 6(1) de la Loi.
Des considérations politiques ont peut-être influé sur la décision de financement, mais les raisons pour lesquelles la proposition a bénéficié d'un traitement de faveur demeurent floues. La confiance de la population à l'égard de la gestion des fonds publics et de l'équité des programmes de paiements de transfert est minée lorsque les ministres ne respectent pas l'engagement exprès du gouvernement de les gérer avec intégrité, transparence et responsabilisation. Les ministres occupent une position d'autorité et ont un rôle à jouer pour faire en sorte que cette autorité soit exercée de manière juste et transparente pour tous les Canadiens.
Le 11 mai 2012, les médias ont rapporté que l'honorable Diane Finley, C.P., députée, alors ministre des Ressources humaines et du Développement des compétences, avait approuvé le financement d'un projet à Markham, en Ontario, présenté au nom de la Fédération canadienne de Chabad Lubavitch (la Fédération) par le rabbin Chaim Mendelsohn, directeur des Affaires publiques à la Fédération, dans le cadre d'un programme de financement du gouvernement du Canada, soit le Fonds pour l'accessibilité.
Les médias se sont basés sur des renseignements de deux notes de service ministérielles distinctes qu'ils ont obtenues, qui comprenaient une liste des projets recommandés, pour laisser entendre que Mme Finley avait approuvé le financement du projet malgré le fait que celui‑ci ne répondait pas aux critères de financement établis et qu'il comportait un certain nombre de lacunes.
En outre, les médias ont rapporté que l'honorable John Baird, C.P., ancien député d'Ottawa Ouest–Nepean et alors ministre des Affaires étrangères, qui entretenait des liens étroits avec le rabbin Mendelsohn, est intervenu auprès de Mme Finley en faveur de la proposition Markham. Toujours selon les médias, Mme Finley a par la suite demandé à ce que le projet fasse l'objet d'une évaluation externe et cette évaluation a conclu que le projet pourrait être financé, mais avec certaines réserves. Mme Finley a approuvé le financement du projet Markham, même si les fonctionnaires du ministère avaient déterminé qu'il ne répondait pas aux critères de financement du Fonds pour l'accessibilité.
Compte tenu de l'information fournie par l'intermédiaire des médias et des notes de service ministérielles, je craignais que Mme Finley ait manqué à ses obligations en vertu du paragraphe 6(1) et de l'article 7 de la Loi sur les conflits d'intérêts. Le paragraphe 6(1) interdit à tout titulaire de charge publique de prendre une décision dans l'exercice de sa charge s'il sait ou devrait raisonnablement savoir qu'en prenant cette décision, il pourrait se trouver en situation de conflit d'intérêts, et l'article 7 interdit à tout titulaire de charge publique d'accorder un traitement de faveur à une personne ou un organisme en fonction d'une autre personne ou d'un autre organisme retenu pour représenter l'un ou l'autre.
Le 28 juin 2012, j'ai décidé d'amorcer une étude de mon propre chef en vertu du paragraphe 45(1) de la Loi sur les conflits d'intérêts (la Loi). J'ai écrit à Mme Finley pour l'informer que d'après l'information dont je disposais, il semblait qu'elle avait approuvé le financement du Markham Centre for Skills and Independence dans le cadre du Fonds pour l'accessibilité du gouvernement du Canada, malgré le fait que ce projet ne satisfaisait pas aux critères de financement établis, qu'il comportait un certain nombre de lacunes et que d'autres projets ayant obtenu une cote plus élevée n'avaient reçu aucun financement. Je l'ai également informée que les dispositions pertinentes de la Loi étaient le paragraphe 6(1) et l'article 7.
Comme première étape, j'ai demandé à Mme Finley de répondre par écrit à mes préoccupations. J'ai reçu sa réponse le 31 juillet 2012. La première entrevue avec Mme Finley n'a pas eu lieu avant le 16 janvier 2013.
Après cette première entrevue, le Commissariat a interviewé 16 témoins, dont certains ont également fourni des preuves documentaires. Des représentations écrites ont été reçues de trois autres témoins. Le Commissariat a aussi analysé un grand nombre de communications et de documents connexes soumis par Ressources humaines et Développement des compétences Canada.
Une deuxième entrevue a été menée avec Mme Finley le 22 janvier 2015. Avant cette deuxième entrevue, Mme Finley a eu la possibilité de lire la transcription de sa première entrevue ainsi que des extraits des transcriptions des entrevues menées auprès de plusieurs autres témoins et des documents connexes.
Conformément à la pratique que j'ai instaurée lorsque j'effectue une étude, j'ai donné à Mme Finley l'occasion de commenter l'ébauche des sections factuelles du présent rapport avant de le finaliser, soit les sections intitulées Les préoccupations, Le processus, Les constatations de faits et La position de Mme Finley.
La durée de cette étude a été exceptionnellement longue. Cela est le résultat de plusieurs facteurs, notamment les difficultés à recueillir les éléments de preuve dont j'avais besoin, le nombre de témoins qui ont été interrogés, les éléments de preuve contradictoires et, de manière générale, la complexité de l'étude.
Mon étude visait à déterminer si l'honorable Diane Finley, C.P., députée, avait contrevenu au paragraphe 6(1) ou à l'article 7 de la Loi sur les conflits d'intérêts en décidant de financer la proposition de la Fédération canadienne de Chabad Lubavitch (la Fédération) pour le Markham Centre for Skills and Independence (la proposition Markham). La proposition a été soumise dans le cadre du volet des projets de moyenne envergure du Fonds pour l'accessibilité.
Le paragraphe 6(1) interdit à tout titulaire de charge publique de prendre une décision s'il sait ou devrait raisonnablement savoir que, en prenant cette décision, il pourrait se trouver en situation de conflit d'intérêts. L'article 7 interdit à tout titulaire de charge publique d'accorder un traitement de faveur à une personne ou un organisme en fonction d'une autre personne ou d'un autre organisme retenu pour représenter l'un ou l'autre. Afin de déterminer si Mme Finley a contrevenu au paragraphe 6(1) ou à l'article 7, je devais comprendre la nature du Fonds pour l'accessibilité et savoir si la proposition Markham de la Fédération avait été traitée différemment des autres propositions soumises au volet des projets de moyenne envergure du Fonds pour l'accessibilité.
Contexte
Le processus du Fonds pour l'accessibilité
Le Fonds pour l'accessibilité a été annoncé dans le budget de 2007 comme programme national de subventions et de contributions doté de 45 millions de dollars sur trois ans pour des projets de petite envergure de moins de 50 000 $. Le Fonds pour l'accessibilité a été prolongé en 2010 et une nouvelle somme de 45 millions de dollars étalée sur trois ans y a été consacrée, et le volet des projets de moyenne envergure y a été ajouté. Le Fonds pour l'accessibilité continue d'offrir un financement direct sous forme de subventions et de contributions pour des projets de rénovation et de réaménagement communautaires relatifs à l'amélioration de l'accès pour les personnes handicapées. Les organismes admissibles à recevoir un financement comprennent les organismes sans but lucratif, les petites municipalités, les petits organismes du secteur privé, les collèges et universités et les gouvernements territoriaux.
Le 29 octobre 2010, le gouvernement du Canada a annoncé un appel de propositions pour le volet des projets de moyenne envergure du Fonds pour l'accessibilité dans le cadre duquel les organismes pouvaient soumettre une demande pour obtenir un financement allant de 500 000 $ à 3 millions de dollars. Une somme de 10 millions de dollars a été allouée au volet des projets de moyenne envergure sous forme de contributions. Ressources humaines et Développement des compétences Canada (le ministère) exigeait que toutes les propositions soient déposées au plus tard le 13 janvier 2011, le cachet de la poste faisant foi, pour être considérées aux fins de financement.
Le Bureau de la condition des personnes handicapées au sein du ministère administrait le Fonds pour l'accessibilité. Il a reçu 355 demandes au titre du volet des projets de moyenne envergure, ce qui représente de plus de 470 millions de dollars de financement total demandé. En janvier 2011, toutes les demandes ont fait l'objet d'une présélection afin d'en vérifier leur exhaustivité et pour déterminer si l'auteur de la demande et les activités répondaient aux critères d'admissibilité de base du programme. À cette étape, la qualité de la proposition n'était pas évaluée.
Cent soixante‑sept propositions ont franchi l'étape de la présélection et en février 2011, elles ont fait l'objet d'une évaluation interne par les agents de programme responsables du Fonds pour l'accessibilité. Les hauts fonctionnaires ministériels du Bureau de la condition des personnes handicapées ont examiné toutes les évaluations internes effectuées par les agents de programme afin de veiller à ce que les propositions aient été évaluées et cotées de manière équitable. Ils ont déterminé que les projets avaient « réussi » ou « échoué » la deuxième étape selon leur classement dans chacune des quatre catégories suivantes : soutien à la communauté, atténuation ou élimination des obstacles pour les personnes handicapées, budget et plan de travail, et expérience organisationnelle. Cent trente‑cinq propositions ont franchi l'étape de l'évaluation interne et sont demeurées à l'étude. La proposition Markham figurait parmi les 32 propositions qui avaient échoué à l'évaluation interne.
Après la réalisation des évaluations internes, les 25 propositions ayant obtenu la meilleure cote ont été sélectionnées pour faire l'objet d'une évaluation externe par une équipe de spécialistes, dont un expert dans le domaine de la construction qui en a évalué leur faisabilité, leur rapport qualité-prix ainsi que les échéanciers proposés.
Après avoir reçu les évaluations externes, un comité d'examen interne composé d'un directeur, de deux conseillers principaux de programme et d'un agent de programme a examiné les résultats des évaluations internes précédentes ainsi que des évaluations externes pour assurer l'uniformité dans la cotation. Puis, le comité d'examen interne a établi un nouveau classement des 25 projets. Un agent de programme ministériel chargé de l'examen a présenté au comité d'examen interne un aperçu de chaque projet et leurs conclusions. Le comité d'examen interne a eu la possibilité de poser des questions à l'agent de programme chargé de l'examen au sujet du projet et, au besoin, a demandé à ce que l'auteur de la demande lui fournisse des précisions. Toutes les précisions ont été présentées au comité d'examen interne lors d'une réunion subséquente. Le 17 juin 2011, le comité d'examen interne a achevé sa liste, puis a recommandé aux hauts fonctionnaires ministériels les quatre projets ayant obtenu la meilleure cote aux fins de financement.
Propositions de la Fédération au titre du Fonds pour l'accessibilité
La Fédération canadienne de Chabad Lubavitch a déposé trois demandes de financement au ministère le 13 janvier 2011.
La proposition pour le Richmond Centre for Skills and Independence de la Colombie-Britannique n'a pas franchi l'étape de la présélection et n'a donc pas fait l'objet d'une évaluation interne.
La proposition pour la Côte Saint-Luc de Montréal a franchi l'étape de la présélection et a fait l'objet d'une évaluation interne, mais ne figurait pas parmi les 25 propositions soumises à une évaluation externe.
La proposition pour le Markham Centre for Skills and Independence de la région du Grand Toronto a échoué à l'évaluation interne.
Le Bureau de la condition des personnes handicapées avait relevé un certain nombre de points faibles dans la proposition Markham. Les agents de programme ont avancé que la proposition ne reflétait pas les objectifs du programme puisqu'elle n'a relevé aucun obstacle actuel devant être atténué. Ils ont également laissé entendre que les lettres d'appui des membres de la communauté à l'égard du projet n'étaient pas très solides et que la demande n'exposait pas la capacité de l'organisme à gérer le projet. Sur les 167 propositions ayant fait l'objet d'une évaluation interne, seulement trois ont obtenu une cote inférieure à celle de la proposition Markham.
Le rabbin Mendelsohn et la Fédération
Selon les renseignements que le Commissariat a obtenus du rabbin Chaim Mendelsohn, directeur de Chabad Lubavitch of Centrepointe, à Ottawa, Chabad Lubavitch est décrit comme le plus important réseau mondial d'institutions juives de services d'éducation et de services sociaux, comptant plus de 3 500 sections dans près de 50 pays. La Fédération canadienne de Chabad Lubavitch chapeaute les sections de Chabad Lubavitch au Canada et est reconnue comme un organisme à but non lucratif.
Le rabbin Mendelsohn y occupe le poste de directeur des Affaires publiques depuis plusieurs années. À ce titre, il a la responsabilité de sensibiliser la communauté parlementaire à la Fédération et à la culture juive. Le rabbin Mendelsohn m'a affirmé être le représentant principal de la Fédération auprès du gouvernement fédéral et du Parti conservateur du Canada. Il a également expliqué qu'il distribue aux communautés locales de Chabad Lubavitch du pays de l'information sur les possibilités de financement fédéral et qu'il soumet des propositions en leur nom.
Plusieurs témoins ont affirmé au Commissariat que le rabbin Mendelsohn est bien connu sur la Colline du Parlement et, plus particulièrement, d'un certain nombre de ministres et de députés. Il organise fréquemment des événements sur la Colline, ou y assiste, et fournit des conseils aux députés et au Cabinet du Premier ministre en matière de protocole relatif aux coutumes juives pour des événements tenus par le premier ministre, comme la célébration de l'Hannoucah au 24, promenade Sussex. Le rabbin Mendelsohn faisait en outre partie de la délégation du premier ministre en Israël en janvier 2014.
Grâce à ces événements, le rabbin Mendelsohn a tissé des liens avec certains ministres, membres du personnel ministériel et membres du personnel du Cabinet du Premier ministre avec qui il communique régulièrement lorsqu'il souhaite obtenir de l'aide ou lorsqu'il organise un événement.
À la suite de l'élection de 2011, le rabbin Mendelsohn avait déclaré dans des courriels adressés à des membres du personnel ministériel que les sections de Chabad Lubavitch de partout au Canada avaient mobilisé des dizaines de milliers de bénévoles et d'électeurs. Cependant, plusieurs témoins ont affirmé que la communauté de Chabad Lubavitch n'a pas plus de poids pour mobiliser des électeurs de leur communauté que d'autres communautés juives ou que d'autres groupes ethniques. L'honorable Peter Kent, C.P., député de Thornhill, a souligné dans son entrevue que 40 pour cent de ses électeurs sont juifs, mais il estimait que seulement le quart d'entre eux ont des liens avec Chabad Lubavitch.
Aucun témoin interviewé ne savait si la communauté de Chabad Lubavitch fournit un important soutien financier au Parti conservateur du Canada, mais la plupart d'entre eux ont supposé que ce n'était pas le cas. Je n'ai trouvé aucun élément de preuve qui indique que le rabbin Mendelsohn a fourni d'importantes ressources financières ou humaines à la campagne électorale du Parti conservateur du Canada en mars et avril 2011.
Interventions faites par le rabbin Mendelsohn au niveau politique
Après avoir soumis les trois propositions au nom de la Fédération en janvier 2011, le rabbin Mendelsohn a commencé à communiquer avec le personnel de plusieurs ministres pour s'informer de l'état des propositions et pour solliciter leur appui. Ces échanges ont été interrompus par l'élection générale du 2 mai 2011; certains ont eu lieu avant l'élection et d'autres, après.
Cabinet du ministre Baird
Le rabbin Mendelsohn a connu M. Baird en tant qu'électeur de sa circonscription. M. Baird m'a affirmé avoir rencontré le rabbin Mendelsohn pour la première fois vers la fin de 2005 ou au début de 2006 durant la campagne électorale fédérale, et qu'il entretient la même relation avec lui qu'avec d'autres rabbins de la ville. Il a déclaré avoir croisé le rabbin Mendelsohn à plusieurs reprises, car celui‑ci assiste souvent, en tant que participant ou hôte, à des cérémonies ou à des événements sur la Colline du Parlement ou au Chabad Lubavitch of Centrepointe, situé dans la circonscription de M. Baird.
Le 10 mars 2011, le rabbin Mendelsohn a remis à un membre du personnel du cabinet ministériel de M. Baird des copies des trois propositions de la Fédération soumises dans le cadre du Fonds pour l'accessibilité. Le 14 mars 2011, le rabbin Mendelsohn a fait un suivi par courriel pour demander si le ministre avait porté les propositions à l'attention de Mme Finley. L'employé a répondu ce qui suit : « Le ministre a reçu vos documents et s'est fait un plaisir d'exprimer son point de vue quant au Chabad Lubavitch auprès de la ministre Finley ». [traduction]
M. Baird m'a dit qu'il ne se souvenait pas d'avoir parlé avec Mme Finley, mais que généralement, lorsque l'on sollicite son appui à un projet, il demande qu'on lui remette des documents qu'il peut examiner. Même s'il ne se souvient pas d'avoir parlé au rabbin Mendelsohn au sujet des propositions, il a affirmé que dans un tel cas, il en aurait fait part à Mme Finley de vive voix en termes généraux, en disant par exemple qu'il y avait un projet d'une organisation qu'il connaît qui fait du bon travail. Mme Finley m'a dit qu'elle ne se souvient pas avoir parlé à M. Baird au sujet des propositions de la Fédération.
Cabinet de la ministre Finley
Le 14 mars 2011, le jour même où il a parlé à un membre du personnel de M. Baird, le rabbin Mendelsohn a envoyé un courriel à un employé du cabinet de la ministre Finley afin de savoir où en étaient les trois propositions. L'employé a répondu que les dossiers étaient toujours en cours d'évaluation par le ministère. Une semaine plus tard, le rabbin Mendelsohn a fait un autre suivi par courriel. Cette fois, l'employé lui a répondu que le ministère avait reçu un plus grand nombre de propositions que prévu et qu'un examen plus approfondi de chaque proposition était nécessaire. L'employé a dit au rabbin Mendelsohn qu'on le contacterait lorsqu'une décision serait prise.
Deux jours plus tard, soit le 23 mars 2011, le rabbin Mendelsohn a de nouveau envoyé un courriel au personnel de Mme Finley pour souligner qu'il avait eu vent que les décisions étaient en mesure d'être prises dès cette semaine-là. Le personnel de Mme Finley l'a assuré en lui disant que comme une élection était sur le point d'être déclenchée, il n'y aurait pas d'annonces avant l'élection. L'élection fédérale canadienne a été déclenchée le 26 mars 2011 et le scrutin s'est tenu le 2 mai 2011.
Entre le 20 mai 2011 et le 27 juin 2011, le rabbin Mendelsohn a envoyé une série de courriels et téléphoné à maintes reprises à M. Phil Harwood, alors chef de cabinet intérimaire au sein du cabinet de la ministre Finley, pour se renseigner sur l'état des propositions soumises par la Fédération. M. Harwood a répondu à nombre de ces demandes en indiquant qu'il n'était pas en mesure de faire le point sur ces dossiers, puisqu'il n'avait reçu aucune information du ministère.
Le rabbin Mendelsohn communique avec d'autres membres du personnel ministériel
En juin 2011, le rabbin Mendelsohn a commencé à contacter d'autres membres du personnel ministériel ainsi que du personnel du Cabinet du Premier ministre pour solliciter leur appui relativement aux propositions de la Fédération et pour leur demander de contacter M. Harwood en son nom. Certains lui ont répondu qu'ils avaient laissé des messages téléphoniques à M. Harwood ou en avaient discuté avec lui durant des événements. M. Harwood a mentionné dans un courriel au rabbin Mendelsohn que plusieurs personnes lui avaient parlé des propositions de la Fédération.
Le rabbin Mendelsohn a déclaré au Commissariat que des demandes de financement précédentes soumises par la Fédération avaient été rejetées et qu'il était donc très important pour lui que les propositions de la Fédération soumises au titre du Fonds pour l'accessibilité soient approuvées. Il estimait que la Fédération avait été « oubliée » par le passé et a affirmé avoir insisté sur ce fait lorsqu'il a cherché à obtenir un appui pour les propositions de la Fédération. Il s'inquiétait également de perdre sa crédibilité au sein de la Fédération si les propositions étaient encore une fois rejetées.
Questions soulevées par le ministre Kent
Au cours de son étude, le Commissariat a appris que M. Kent, député de Thornhill et alors ministre de l'Environnement, ainsi que le Cabinet du Premier ministre étaient intervenus en faveur de la proposition Markham. Ces interventions semblent avoir été motivées par des questions d'ordre politique à l'époque.
Le Commissariat a également appris qu'à la fin de l'hiver 2011, des discussions politiques avaient eu lieu à la suite d'un certain mécontentement exprimé par l'ensemble de la communauté juive de la région du Grand Toronto sur des décisions en matière de financement. M. Kent a expliqué que la communauté juive canadienne se compose d'un mélange complexe de groupes religieux, ethniques et linguistiques, et qu'il existe aussi des alliances et des rivalités politiques historiques entre ces groupes. Dans une lettre adressée au Commissariat, M. Kent a écrit : « Ces dernières années, particulièrement lorsque le gouvernement était minoritaire, les rivalités sont devenues un véritable problème pour moi en tant que député de Thornhill (où tous les groupes sont très bien représentés) et pour d'autres membres de notre Caucus qui ont tenté d'établir des relations politiques positives avec l'ensemble de la communauté » [traduction].
Le 14 mars 2011, le gouvernement du Canada a annoncé le financement d'un projet culturel communautaire juste au nord de la circonscription de M. Kent dans le cadre du Fonds de stimulation de l'infrastructure. Cette annonce a évidemment suscité des plaintes de la part de groupes juifs de la région du Grand Toronto, ainsi qu'un débat au sein de l'ensemble de la communauté juive.
Discussion entre le ministre Kent et M. Wright
Dans une lettre adressée au Commissariat, M. Kent a écrit que peu de temps après l'annonce du financement dans le cadre du Fonds de stimulation de l'infrastructure du 14 mars 2011, il a brièvement exprimé sa préoccupation à l'extérieur de la salle du Cabinet à M. Nigel Wright, alors chef de cabinet du premier ministre, que le gouvernement devait être plus sensible dans la manière dont il procède à faire ses annonces de financement compte tenu de la controverse que cette annonce avait soulevée au sein de groupes juifs. M. Kent ne se souvenait pas du moment exact de la discussion, mais a écrit qu'il a dit à M. Wright qu'il recommandait instamment l'adoption d'une approche plus équilibrée et transparente à l'avenir.
Monsieur Wright m'a dit que durant cette même discussion au sujet de l'annonce de financement du 14 mars 2011, M. Kent lui a également parlé de la proposition Markham. M. Wright m'a indiqué que M. Kent lui a dit qu'il souhaitait que la proposition fasse l'objet d'un examen juste et minutieux, puisqu'il estimait qu'il y avait eu des problèmes avec le traitement des demandes de financement antérieures soumises par la communauté juive de la région du Grand Toronto. M. Wright m'a aussi dit qu'il a eu l'impression que M. Kent mettait en évidence la nécessité d'appliquer des règles justes et cohérentes quant à la proposition Markham, et non pas la nécessité de financer ce projet en particulier, et que M. Kent lui demandait de l'aider à voir à ce que la proposition soit examinée minutieusement.
Bien que M. Wright affirme se souvenir que M. Kent ait abordé la proposition Markham avec lui, M. Kent a affirmé au Commissariat ne pas en avoir discuté avec M. Wright en aucun temps. M. Kent a également ajouté qu'il n'était pas au courant de la participation de M. Wright au traitement de cette proposition et qu'il n'y avait aucun lien entre la question qu'il avait soulevée auprès de M. Wright au sujet des projets parrainés par la communauté juive de Toronto et la proposition Markham.
Monsieur Wright a laissé entendre que le premier ministre était au fait que certains députés du Caucus de la région du Grand Toronto avaient soulevé une question d'ordre politique quant à la façon dont une ou plusieurs demandes de subventions présentées par des groupes de la communauté juive étaient traitées. M. Wright a écrit cependant qu'il ne croyait pas que le premier ministre insistait sur un projet ou une organisation en particulier.
Madame Finley m'a dit qu'elle n'était pas au courant des enjeux au sein de la communauté juive de la région du Grand Toronto touchant les annonces de financement. Elle a déclaré qu'à titre de ministre régionale pour le sud-ouest de l'Ontario, qui ne comprend pas la région du Grand Toronto, ce n'est pas le genre d'enjeu qu'on aurait nécessairement porté à son attention.
Lettre du ministre Kent
Il semble que M. Kent a peut-être envoyé une lettre à Mme Finley au début de l'été 2011.
Monsieur Kent ne se souvenait pas avoir discuté du projet Markham avec Mme Finley, mais il a reconnu avoir probablement signé au moins une lettre adressée à Mme Finley dans laquelle il recommandait d'accorder à la proposition Markham « toute considération possible » [traduction]. M. Kent a mentionné que cela aurait constitué une lettre type d'appui à un projet. Le cabinet de M. Kent n'a pas été en mesure de mettre la main sur une copie signée de la lettre adressée à Mme Finley, mais a produit une ébauche de la lettre datée du 23 mars 2011. M. Kent ignorait si la lettre avait été envoyée ou non.
Trois fonctionnaires du ministère m'ont toutefois affirmé qu'au début de l'été 2011, le ministère a reçu une lettre du ministre Kent adressée à Mme Finley, dans laquelle il faisait référence à la proposition Markham. Les fonctionnaires ministériels se souvenaient que dans la lettre, le ministre Kent soulignait l'importance de la Fédération et de la proposition Markham et recommandait instamment à Mme Finley de considérer son financement. Deux des trois fonctionnaires se rappelaient vaguement que le ministre Kent a fait allusion à des liens entre la communauté juive de la région du Grand Toronto et le Parti conservateur du Canada.
Compte tenu du contenu de la lettre, les fonctionnaires ministériels ont conclu que cette lettre avait été envoyée au ministère par erreur et que le cabinet de la ministre Finley serait mieux en mesure de la traiter. Bien que les fonctionnaires ministériels ne se souvenaient pas du moment exact où ils avaient vu cette lettre, au moins une fonctionnaire m'a affirmé qu'elle croyait que c'était avant que Mme Finley charge ses fonctionnaires de soumettre le projet Markham à une évaluation externe. Le sujet de l'évaluation externe est abordé plus loin dans le présent rapport.
Sur la foi des témoignages des trois fonctionnaires ministériels, le Commissariat a demandé à un certain nombre des sources de lui faire parvenir une copie de cette lettre. Cette lettre ne m'a jamais été fournie.
Monsieur Kent m'a dit qu'il n'avait pas envoyé et qu'il n'aurait pas envoyé une lettre qui mentionnait de tels liens, et a ajouté qu'il s'efforce de maintenir une ligne de démarcation nette entre ses responsabilités politiques et parlementaires.
Madame Finley m'a affirmé qu'elle n'était pas au courant de l'existence d'une lettre du ministre Kent portant sur la proposition Markham. Elle a soutenu que son chef de cabinet supervisait toute la correspondance provenant du ministère et qu'il se peut qu'il ne l'ait pas nécessairement portée à son attention. Elle a précisé en outre que la correspondance acheminée à partir du ministère pouvait prendre des mois avant d'arriver à son cabinet ministériel. M. Harwood m'a informé qu'il ne se souvenait pas avoir vu une lettre du ministre Kent.
Discussions entre le cabinet de la ministre Finley et le Cabinet du Premier ministre
D'autres hauts fonctionnaires du Cabinet du Premier ministre, tout comme M. Wright, étaient au courant des propositions de la Fédération au titre du Fonds pour l'accessibilité en juin 2011. Mme Rachel Curran, qui était à l'époque conseillère en politiques pour les Affaires sociales dans le Cabinet du Premier ministre, a communiqué avec M. Harwood pour savoir où en étaient les propositions de la Fédération. Elle lui a dit que M. Wright voulait lui parler directement au sujet du dossier. En outre, M. Harwood m'a dit qu'il se rappelait avoir soulevé la question à peu près au même moment auprès de M. Wright et de M. Raymond Novak, qui était à l'époque secrétaire principal du premier ministre. M. Harwood a déclaré que la conversation, qui a eu lieu après une réunion des chefs de cabinet, était de nature générale et qu'il cherchait surtout à déterminer quels liens le rabbin Mendelsohn avait tissés avec d'autres membres du personnel ministériel et du Cabinet du Premier ministre. M. Harwood a indiqué qu'on lui avait dit que le rabbin Mendelsohn avait tendance à exagérer la nature de ses liens avec les membres du personnel ministériel et du Cabinet du Premier ministre.
Lorsque nous lui avons posé la question au sujet de cette conversation avec M. Harwood, M. Wright m'a répondu dans une lettre qu'il n'avait qu'un vague souvenir d'un possible appel téléphonique avec M. Harwood, où ils auraient discuté de la proposition Markham, bien qu'il ne se rappelait pas les détails de la conversation. Cependant, il se souvenait d'une conversation avec Mme Finley. Il m'a écrit qu'elle l'avait pris à part à l'extérieur de la salle du Cabinet pour lui demander s'il considérait la proposition Markham « importante ». M. Wright a écrit qu'il lui a répondu que le premier ministre lui avait demandé de « s'en occuper » [traduction]. Il se souvenait que Mme Finley lui a dit que la proposition était admissible à un financement dans le cadre d'un certain programme, qu'elle n'avait pas obtenu une cote aussi élevée que d'autres propositions soumises au titre de ce programme, mais qu'elle contenait des éléments qui en faisaient un bénéficiaire valide et approprié.
Selon M. Wright, son intention n'était pas de suggérer à Mme Finley qu'il faudrait approuver le financement du projet Markham, mais seulement qu'il était important d'examiner le dossier attentivement et de façon juste. M. Wright estimait qu'il s'était « occupé » du dossier en communiquant cette demande à Mme Finley. Il a déclaré qu'il n'a pris aucune part aux décisions prises concernant la demande de financement après cette conversation avec Mme Finley.
Lors de sa première entrevue, Mme Finley m'a dit qu'elle n'aurait eu aucune raison de communiquer avec le Cabinet du Premier ministre au sujet de la proposition Markham. Elle m'a aussi dit qu'elle n'était pas au courant de quelconque intérêt que pourrait avoir le Cabinet du Premier ministre envers le dossier. Après avoir lu le compte rendu de M. Wright au sujet de sa conversation avec elle sur la proposition Markham, Mme Finley m'a dit qu'elle ne se rappelait pas avoir discuté avec M. Wright.
Madame Finley demande à son personnel d'examiner la proposition Markham
Madame Finley m'a dit que la proposition Markham a été portée à son attention par divers collègues. Bien qu'elle ne se rappelait pas qui lui en avait parlé ni à quel moment, elle se souvenait que plusieurs personnes étaient intervenues à l'appui de la Fédération et de la proposition Markham. Elle se souvenait également d'une lettre d'appui de l'honorable Irwin Cotler, C.P., député de Mont-Royal. Elle a déclaré que c'était cette lettre, ainsi que les nombreuses interventions verbales, qui l'avait amenée à demander à son personnel d'examiner la proposition Markham, de voir comment elle se comparait aux autres propositions, et d'en assurer un traitement équitable.
Au cours de la présente étude, le Commissariat a reçu une copie de la lettre que M. Cotler a envoyée à Mme Finley. La lettre, datée du 15 juin 2011, visait à appuyer le Centre Côte Saint-Luc de la Fédération, à Montréal. Lors de sa deuxième entrevue avec le Commissariat, Mme Finley m'a dit qu'elle pense qu'elle pourrait peut-être avoir mal lu la lettre, ce qui l'a amené à penser que la lettre visait à appuyer la proposition Markham.
Autres soumissions pour la proposition Markham
À la fin juin 2011, M. Harwood a parlé au rabbin Mendelsohn au sujet des propositions de la Fédération. Il a dit au rabbin Mendelsohn qu'un seul projet pourrait être financé et que, s'il était approuvé, le projet choisi serait celui situé à Markham.
Le rabbin Mendelsohn m'a dit qu'il ne savait pas pourquoi le projet Markham était sorti du lot et qu'il ne s'intéressait qu'au fait que l'un de ses projets recevrait un financement. Il a déclaré que M. Harwood lui a dit que la proposition Markham était incomplète. Le rabbin Mendelsohn a déclaré que M. Harwood lui a fait parvenir une liste des renseignements supplémentaires dont il avait besoin, et lui a demandé de compiler les renseignements en fonction des préoccupations soulevées par les fonctionnaires ministériels quant à l'exhaustivité de la demande Markham de la Fédération. Il comprenait qu'il devait recueillir ces renseignements supplémentaires afin que le ministère approuve la proposition Markham. Le 30 juin 2011, le rabbin Mendelsohn a commencé à recueillir des renseignements auprès des spécialistes de la construction pour étoffer les estimations de coûts et la documentation sur le budget de construction qu'il avait déjà fournies avec sa proposition originale. Il a demandé à M. Harwood d'examiner ces renseignements avant de les soumettre au ministère.
Monsieur Harwood a déclaré qu'il n'arrivait pas à se rappeler exactement la raison pour laquelle le rabbin Mendelsohn avait soumis des renseignements supplémentaires sur le projet Markham. Il a déclaré qu'il se pouvait que le ministère ait peut-être répondu à ses questions sur l'état des propositions de la Fédération en faisant remarquer que la proposition Markham n'a pas obtenu une bonne cote parce que le dossier était incomplet. Il a ajouté qu'il est possible qu'il ait demandé au ministère ce qu'il faudrait comme renseignement supplémentaire pour envoyer la proposition aux fins d'examen externe. Mme Finley m'a dit qu'elle n'a pas demandé à M. Harwood d'aider le rabbin Mendelsohn de cette façon, et qu'elle n'était pas au courant de quelconque communication entre M. Harwood et le rabbin Mendelsohn.
Des fonctionnaires du Bureau de la condition des personnes handicapées ont confié au Commissariat que M. Jacques Paquette, le sous-ministre adjoint principal, Direction générale de la sécurité du revenu et du développement social du ministère, leur a demandé, en faisant suite à la demande du cabinet de la ministre Finley à l'été 2011, de faire le point sur l'état des trois propositions soumises par la Fédération. Ils ont déclaré que M. Paquette leur a par la suite demandé de plus amples renseignements sur les conclusions de l'évaluation interne de la proposition Markham, ce qu'ils lui ont donné. Bien qu'ils ne pouvaient pas se souvenir des dates précises de ces demandes, et qu'ils n'en avaient pas de trace, ils estimaient que c'était avant qu'une note de service datée du 25 juillet 2011 soit envoyée à Mme Finley pour lui recommander d'approuver les quatre meilleures propositions.
Le 15 juillet 2011, à la demande de M. Harwood, le rabbin Mendelsohn a envoyé par télécopieur au Bureau de la condition des personnes handicapées des renseignements supplémentaires sur les estimations de coûts de construction de la proposition Markham. À l'époque, aucune des trois propositions de la Fédération ne faisait l'objet d'un examen par le ministère en vue de recevoir un financement, mais les fonctionnaires ont affirmé qu'ils savaient qu'au cabinet de la ministre Finley, il y avait un intérêt pour un réexamen de la proposition Markham. Les renseignements supplémentaires envoyés par télécopieur le 15 juillet 2011 ont été, à la demande de M. Paquette, ajoutés au dossier Markham le jour de leur réception, sans toutefois être évalués ou cotés. Après avoir versé ces renseignements au dossier, les fonctionnaires du Bureau de la condition des personnes handicapées ont été chargés de préparer une copie du dossier pour le cabinet de la ministre Finley.
La décision de juillet 2011 de Mme Finley
Le 25 juillet 2011, le ministère a envoyé une note de service à Mme Finley pour qu'elle prenne une décision. Dans cette note de service, le ministère décrivait le processus qu'il avait suivi pour présélectionner et évaluer les projets soumis dans le cadre du volet des projets de moyenne envergure du Fonds pour l'accessibilité, et recommandait le financement des quatre projets ayant obtenu les meilleures cotes sur les 25 projets envoyés aux fins d'évaluation externe. La note de service comprenait aussi en annexe les 167 propositions présélectionnées et leur cote d'évaluation interne.
La contribution totale qui serait requise pour les quatre projets était de 10 024 000 $. Le ministère recommandait que la différence soit couverte en prenant une somme de 24 000 $ destinée au volet des projets de petite envergure pour l'allouer au volet des projets de moyenne envergure.
Le 26 juillet 2011, Mme Finley a signé la note de service envoyée par le ministère pour approuver le financement des quatre projets qu'il recommandait. Mme Finley en a profité pour ajouter une note manuscrite pour demander que la proposition Markham soit envoyée aux fins d'évaluation externe et qu'on la tienne au courant des résultats.
Monsieur Harwood a déclaré qu'il a informé Mme Finley de la proposition Markham lorsqu'elle a reçu la note de service du 25 juillet 2011 et qu'il l'a avisée que ce projet devrait être envoyé aux fins d'évaluation externe. M. Harwood ne pouvait se souvenir de tous les détails de leur discussion, mais il a déclaré qu'il avait recommandé à Mme Finley d'envoyer le projet de Markham aux fins d'évaluation externe. Il a déclaré avoir formulé cette recommandation en partie à cause de l'insistance du rabbin Mendelsohn et pour voir si le projet était réalisable, compte tenu des renseignements supplémentaires que le rabbin Mendelsohn avait envoyés. Mme Finley m'a dit qu'elle ne se souvient pas précisément d'avoir discuté de la proposition Markham avec M. Harwood. Elle m'a aussi dit qu'elle ne se souvient pas d'avoir vu ou d'avoir été informée des conclusions de l'évaluation interne du ministère, et qu'elle ignorait que la proposition Markham était l'une des 32 propositions ayant échoué à l'évaluation interne.
Évaluation externe de la proposition Markham
Le 5 août 2011, le Bureau de la condition des personnes handicapées a envoyé la proposition Markham à un évaluateur externe. Les renseignements supplémentaires du projet que le rabbin Mendelsohn avait envoyés par télécopieur au ministère le 15 juin 2011 se trouvaient dans le dossier.
Des fonctionnaires ministériels du Bureau de la condition des personnes handicapées ont expliqué au Commissariat qu'aucun autre demandeur n'était autorisé à soumettre des renseignements supplémentaires pour l'évaluation interne ou externe pour la raison que leurs demandes étaient incomplètes. Pour les autres propositions, la seule fois où des renseignements supplémentaires ont été demandés ou acceptés était lorsque des renseignements supplémentaires étaient nécessaires pour répondre aux questions soulevées par le comité d'examen interne dans le cadre de leur examen des 25 meilleurs projets.
Le 18 août 2011, l'évaluateur externe a soumis son évaluation de la proposition Markham au ministère. L'évaluateur externe estimait qu'avec une cote de 51 points sur 80 points possibles, le projet Markham pourrait être financé, sous réserve que certains éléments exigés par le ministère n'avaient pas été entièrement justifiés. L'évaluateur externe a recommandé que la Fédération fournisse des renseignements supplémentaires qui confirmeraient un soutien additionnel à l'égard du financement demandé. Il ne semble pas que les renseignements supplémentaires aient été demandés auprès de l'organisme. Après l'évaluation externe, la proposition Markham n'a pas été assujettie à des évaluations additionnelles par le comité d'examen interne, comme l'ont été les 25 meilleurs projets.
La décision de financement de Mme Finley
Après que le ministère a reçu les résultats de l'évaluateur externe relativement à la proposition Markham, des fonctionnaires du Bureau de la condition des personnes handicapées ont préparé une deuxième note de service pour Mme Finley afin de l'informer des résultats, comme elle l'avait demandé le 26 juillet 2011. Une version préliminaire de la deuxième note de service, datée du 23 août 2011, énumérait un certain nombre de points faibles de la proposition relevés par les évaluations interne et externe. La note de service précisait que le projet ne cadrait pas avec les objectifs du programme, que la demande de financement ne démontrait pas que l'organisme avait la capacité à gérer le projet, et que les lettres d'appui des membres de la communauté n'étaient pas très solides et ne fournissaient pas de justification quant à la nécessité et l'avantage du projet. La note de service énonçait que « Une lettre de décision sera envoyée à l'organisme pour l'aviser que sa proposition n'a pas été retenue ».
Cette version de la note de service n'a pas été envoyée au cabinet de la ministre. Elle a été reformulée sous la direction des hauts fonctionnaires du ministère. Des fonctionnaires ministériels m'ont dit qu'ils avaient reçu l'instruction du sous-ministre adjoint principal, M. Paquette, d'y inclure uniquement les résultats de l'évaluation externe. La version définitive, datée du 26 août 2011, présentait les cotes accordées par l'évaluateur externe, dont plusieurs étaient très faibles, mais ne contenait aucun détail sur les points faibles précis relevés lors de l'évaluation interne que l'on trouvait dans les ébauches précédentes de la note de service. La version définitive mentionnait, de façon générale, que l'évaluation interne avait relevé « un certain nombre de points faibles » [traduction].
Bien que la version définitive de la note de service n'ait pas porté à l'attention de Mme Finley la nature des points faibles relevés par le ministère, elle mentionnait toutefois certaines des préoccupations exprimées par l'évaluateur externe. Celui-ci avait notamment fait remarquer que la proposition ne répondait pas directement aux exigences de rendre les édifices et autres installations accessibles aux personnes handicapées et disait craindre que l'organisme ne puisse amasser les fonds nécessaires pour couvrir le remboursement d'un prêt bancaire. La note de service comprenait la recommandation de l'évaluateur externe que l'organisme fournisse de plus amples renseignements pour étayer ses dires selon lesquels la somme à amasser était réaliste et réalisable. Enfin, la note de service demandait à Mme Finley de prendre une décision en répondant à la question suivante : « Souhaitez‑vous financer ce projet? » [traduction].
Madame Finley a signé la note de service, datée du 26 août 2011, et a approuvé le financement du projet Markham en cochant la case « oui ». Elle m'a dit qu'elle avait basé sa décision de financer le projet Markham sur un énoncé général de l'évaluateur externe, qui disait que le projet était faisable et avait un bon rapport qualité-prix, soit deux des critères qu'il avait évalués. Étant donné que le financement de contribution du Fonds pour l'accessibilité pour le volet des projets de moyenne envergure de 2011-2012 a été épuisé à la suite de l'approbation des quatre autres projets recommandés, une somme additionnelle de 1 044 000 $ a été puisée du volet des projets de petite envergure pour financer ce projet. Le 9 septembre 2011, un agent de programme du ministère a communiqué avec le rabbin Mendelsohn pour l'informer officiellement que le financement du projet avait été approuvé.
Le gouvernement du Canada a annoncé le financement du projet Markham de la Fédération le 11 octobre 2011. Un accord de contribution de 1 044 000,00 $ a été signé avec la Fédération le 8 décembre 2011. La responsabilité du projet a été transférée au Chabad Lubavitch de Markham le 19 décembre 2011.
Le ministère retire son financement
Le ministère a ultimement retiré le financement du projet. Selon les renseignements obtenus par le Commissariat, le Chabad Lubavitch de Markham n'a pas été en mesure d'obtenir les permis de construction nécessaires pour exécuter les travaux dans les délais négociés avec le ministère, et les défauts de l'édifice ont entraîné d'importantes augmentations de coûts. Il semble qu'environ 50 000 $ des fonds fédéraux ont été dépensés et que le reste des fonds attribués au projet ont été renvoyés au ministère pour d'éventuels projets.
Éléments de preuve présentés par le sous-ministre
Monsieur Ian Shugart, sous-ministre d'Emploi et Développement social Canada (anciennement Ressources humaines et Développement des compétences Canada), a déclaré que l'approbation finale du financement des projets dans le cadre du Fonds pour l'accessibilité relevait de la responsabilité de la ministre. M. Shugart a affirmé que, comme le projet Markham de la Fédération a été présélectionné parmi les projets respectant les critères d'admissibilité au Fonds pour l'accessibilité, il était, à son avis, un candidat légitime aux fins de considération en matière de financement par Mme Finley dans l'exercice de son pouvoir discrétionnaire.
Selon M. Shugart, l'exercice du pouvoir discrétionnaire ministériel fait partie intégrante du processus décisionnel. Il a laissé entendre que le processus visant à présélectionner, coter et recommander certains projets à Mme Finley est toujours assujetti à la possibilité que la ministre ait une opinion divergente. M. Shugart ignorait les raisons pour lesquelles le cabinet de la ministre avait choisi le projet Markham de la Fédération aux fins d'examen plus approfondi et aux fins d'approbation, et il ne se rappelait pas en avoir discuté avec le cabinet de la ministre ou avoir donné une instruction à l'égard du dossier. Il a fait savoir, toutefois, qu'il aurait très probablement exprimé son assurance générale à l'égard du processus suivi, ainsi que son opinion selon laquelle cela relevait du pouvoir discrétionnaire approprié de Mme Finley.
Bien que M. Shugart ait confirmé que le ministère n'a jamais recommandé le financement du projet Markham et qu'il était inhabituel de ne pas inclure de recommandation, il a dit que le fait que l'évaluateur externe avait effectué une évaluation professionnelle indiquant que le projet Markham pouvait être financé, en dépit de certaines réserves, était suffisant pour que Mme Finley approuve le financement. M. Shugart a aussi précisé que, même sans recommandation, la version définitive de la note de service était transparente quant aux résultats de l'évaluation externe.
Monsieur Shugart a expliqué que le pouvoir discrétionnaire de Mme Finley d'approuver le financement du projet Markham est fondé sur des autorisations politiques et légales. L'autorisation politique de la ministre découle des modalités d'application du Fonds pour l'accessibilité à l'égard du volet des projets de moyenne envergure, et son autorisation légale relevait de l'article 7 de l'ancienne Loi sur le ministère du Développement social. M. Shugart a souligné que ces autorisations étaient, à leur tour, appuyées par la Politique sur les paiements de transfert du Conseil du Trésor, et par sa Directive sur les paiements de transfert et ses annexes.
Politique sur les paiements de transfert du Conseil du Trésor
La Politique sur les paiements de transfert (la Politique) du Conseil du Trésor énonce les rôles et les responsabilités du Conseil du Trésor, du président du Conseil du Trésor, du secrétaire du Conseil du Trésor, des ministres et des administrateurs généraux en matière de conception, de mise en œuvre et de gestion des programmes de paiements de transfert.
La Politique souligne l'engagement du gouvernement à veiller à ce que les paiements de transfert soient gérés avec intégrité, transparence et responsabilisation. L'article 3.6 de la Politique énonce la détermination du gouvernement à s'assurer « que les programmes de paiements de transfert sont conçus, mis en œuvre et gérés de façon équitable, accessible et efficace pour toutes les parties concernées – ministères, demandeurs et bénéficiaires [. . .] ». De plus, l'article 3.7 souligne l'importance de gérer les paiements de transfert de façon à renforcer la responsabilisation à l'égard des fonds publics. La Politique s'applique aux contributions accordées aux projets dans le cadre du Fonds pour l'accessibilité.
La position de Mme Finley est qu'elle n'a pas contrevenu au paragraphe 6(1) ou à l'article 7 de la Loi sur les conflits d'intérêts en décidant de financer la proposition de la Fédération de Chabad Lubavitch à Markham dans le cadre du Fonds pour l'accessibilité, en tant que ministre des Ressources humaines et du Développement des compétences.
Madame Finley a déclaré qu'elle ne connaît pas le rabbin Mendelsohn, le directeur des Affaires publiques de la Fédération, et qu'elle ne l'a pas rencontré pour discuter des propositions qu'il a soumises au nom de la Fédération.
Madame Finley a ajouté que la proposition Markham a été portée à son attention par divers collègues qui lui ont exprimé leur appui à l'égard de la proposition. Toutefois, elle ne se souvenait pas de l'identité de ces collègues. Elle ne se souvenait pas d'avoir discuté de ce dossier avec l'ex‑ministre Baird.
Madame Finley ne se rappelait pas avoir reçu une lettre du ministre Kent l'exhortant à financer le projet. Toutefois, elle se rappelait avoir reçu une lettre d'appui de la part de M. Cotler, député de Mont‑Royal. Elle a déclaré que c'était la lettre d'appui de M. Cotler, ainsi que les interventions verbales d'autres personnes, qui l'ont amenée à faire examiner la proposition Markham. Lorsque le Commissariat a fait remarquer à Mme Finley que la lettre de M. Cotler visait à appuyer le Centre Côte Saint-Luc de la Fédération, qui est situé dans la circonscription de Mont‑Royal de M. Cotler, et non le Centre de Markham, Mme Finley a reconnu qu'elle avait peut-être confondu les deux centres de la Fédération, le Chabad Côte Saint-Luc et le Chabad Markham, qui commencent tous deux avec le mot Chabad, et aussi confondu le « M » de Mont‑Royal, la circonscription de M. Cotler, pour le « M » de Markham.
Madame Finley a concédé lors de sa deuxième entrevue qu'il était possible que ses collègues aient appuyé la proposition Markham en raison de l'insistance du rabbin Mendelsohn à contacter de nombreux membres du personnel parlementaire pour s'assurer que les fonctionnaires du ministère examinent les propositions de la Fédération.
En raison des interventions qui lui ont été faites à l'appui de la proposition Markham, Mme Finley a demandé à son personnel d'examiner la proposition pour voir comment elle se comparait aux autres propositions soumises. Elle a également demandé qu'on lui donne un traitement équitable. Mme Finley a déclaré qu'elle n'était pas au courant de l'aide qu'apportait son chef de cabinet, M. Harwood, au rabbin Mendelsohn, et qu'elle ne lui a pas demandé de le faire. Mme Finley a aussi affirmé qu'elle ignorait que la Fédération était le seul organisme qui avait été permis d'envoyer des renseignements supplémentaires pour étoffer la proposition Markham à l'étape de l'évaluation interne du ministère.
En sa qualité de ministre des Ressources humaines et du Développement des compétences de l'époque, Mme Finley a déclaré qu'elle était à la tête d'un très grand ministère qui gérait jusqu'à 25 000 subventions et contributions par année. Elle ne participait pas aux premières étapes de ces processus et a expliqué que le ministère examinait et évaluait toutes les propositions soumises au titre du Fonds pour l'accessibilité avant de lui faire des recommandations.
Madame Finley a déclaré que c'était en fonction des commentaires favorables de son personnel qu'elle a demandé, le 26 juillet 2011, que la proposition Markham soit envoyée aux fins d'évaluation externe. Toutefois, elle a affirmé qu'elle ne se rappelait pas exactement ce que son personnel lui avait dit au sujet de la proposition. Mme Finley a aussi mentionné qu'elle ne se rappelait pas non plus avoir vu les conclusions de l'évaluation interne du ministère ou d'en avoir été informée, et qu'elle ignorait que la proposition Markham était l'une des 32 propositions à avoir échoué l'évaluation interne. Elle a déclaré qu'elle n'aurait pas envoyé le dossier aux fins d'évaluation externe si elle avait estimé que la proposition n'était pas valable.
Madame Finley a déclaré qu'elle ne savait pas que le ministre Kent avait fait part à M. Wright, ancien chef de cabinet du premier ministre, des questions politiques au sein de la communauté juive de la région du Grand Toronto concernant des annonces de financement, et que ces questions n'auraient pas nécessairement été portées à son attention. Elle ne pouvait non plus se rappeler une discussion avec M. Wright au sujet de la proposition Markham.
Le 26 août 2011, Mme Finley a approuvé le financement du projet Markham. Elle a déclaré avoir fondé sa décision de financer le projet sur la conclusion de l'évaluateur externe, selon qui le projet était réalisable et avait un bon rapport qualité-prix. Mme Finley a ajouté qu'il ne revenait pas au ministère de prendre les décisions relatives au financement, mais que c'était plutôt sa responsabilité en tant que ministre. Mme Finley a aussi cité le document d'orientation du premier ministre intitulé Pour un gouvernement responsable – Guide du ministre et du secrétaire d'État, 2011, qui lui confère le pouvoir discrétionnaire de prendre les décisions finales relatives au financement. Elle a aussi indiqué que la note de service du 26 août 2011 du ministère ne contenait pas de recommandation défavorable relative au financement de la proposition Markham. Elle estime que si le ministère avait inclus une telle recommandation, elle n'aurait pas pris la décision de financer le projet. Cependant, Mme Finley a précisé que puisque la proposition Markham de la Fédération avait franchi l'étape de la présélection, « les fonctionnaires ministériels ont déterminé qu'elle respectait les critères de financement » [traduction].
Madame Finley a soutenu qu'au moment de prendre sa décision, elle n'avait pas de réserve à financer la proposition parce qu'elle estimait que le dossier avait été traité dans le cadre d'un processus juste. Devant les éléments de preuve présentés par le Commissariat, Mme Finley a convenu qu'il semblerait que la proposition Markham ait reçu une aide supplémentaire. Elle a ajouté que son but est de toujours être objective et transparente.
Je dois déterminer si Mme Finley a contrevenu au paragraphe 6(1) ou à l'article 7 de la Loi sur les conflits d'intérêts (la Loi) relativement à sa décision d'approuver, en août 2011, le financement pour le Markham Centre for Skills and Independence. Le rabbin Mendelsohn a soumis cette proposition au ministère au nom de la Fédération canadienne de Chabad Lubavitch (la Fédération) en sa qualité de directeur des Affaires publiques de la Fédération. Au moment où elle a pris cette décision, Mme Finley était ministre des Ressources humaines et du Développement des compétences.
Au cours de mon étude, j'étais en présence d'éléments de preuve contradictoires et, dans certains cas, des allégations de trous de mémoire pratiques. Je n'ai pas été en mesure de comprendre clairement les raisons pour lesquelles le projet Markham a été financé, malgré tous mes efforts pour y arriver.
Pour déterminer si Mme Finley a contrevenu à la Loi sur les conflits d'intérêts, il est utile de résumer tout d'abord ce qui semble être les éléments de preuve pertinents.
Résumé des éléments de preuve pertinents
Ressources humaines et Développement des compétences Canada (le ministère) a reçu 355 propositions dans le cadre du volet des projets de moyenne envergure du Fonds pour l'accessibilité, dont trois propositions soumises par le rabbin Mendelsohn au nom de la Fédération de Chabad Lubavitch. Cent soixante-sept propositions ont franchi l'étape de la présélection ont fait l'objet d'une évaluation interne. Cent trente‑cinq propositions ont franchi l'étape de l'évaluation interne. La proposition Markham a franchi l'étape de la présélection, mais a échoué à l'évaluation interne. Sur les 32 propositions ayant échoué à l'évaluation interne, seulement trois ont obtenu une cote inférieure à celle de la proposition Markham.
Les éléments de preuves révèlent que le rabbin Mendelsohn est intervenu plusieurs fois auprès du chef de cabinet de la ministre Finley, M. Harwood, en faveur des trois propositions de Chabad. Le rabbin Mendelsohn est également intervenu de manière semblable auprès de plusieurs autres cabinets ministériels, y compris le Cabinet du Premier ministre.
Monsieur Kent m'a affirmé qu'à la fin de l'hiver 2011, il a fait part de ses préoccupations à M. Wright, alors chef de cabinet du premier ministre, quant à la façon dont on procédait aux décisions et aux annonces en matière de financement dans la région du Grand Toronto. Ces préoccupations découlaient d'une annonce de financement faite le 14 mars 2011 pour un autre groupe juif de la région du Grand Toronto dans le cadre d'un programme de financement fédéral administré par un autre ministère du gouvernement. Cette annonce a eu lieu tout juste avant l'émission l'émission des brefs électoraux en prévision de l'élection générale du 26 mars 2011.
Selon M. Kent, le manque de transparence dans le processus de sélection qui a mené à cette annonce a suscité des plaintes de la part de divers groupes juifs. Les rivalités entre différents groupes de la communauté juive canadienne, y compris le Chabad Lubavitch, sont devenues un problème pour le ministre Kent en tant que député de Thornhill, où environ 40 pour cent des électeurs sont juifs.
Trois fonctionnaires du ministère ont indiqué qu'au début de l'été 2011, le ministre Kent a envoyé une lettre à Mme Finley appuyant la proposition Markham. Ils se souvenaient que le ministre Kent soulignait dans sa lettre l'importance de la Fédération et de la proposition Markham, et recommandait instamment à Mme Finley de considérer son financement. Deux des trois fonctionnaires se rappelaient vaguement que le ministre Kent a fait allusion à des liens entre la communauté juive de la région du Grand Toronto et le Parti conservateur du Canada. Le ministre Kent a affirmé qu'il n'a pas et n'aurait pas envoyé une lettre faisant état de tels liens. Mme Finley m'a dit qu'elle ne se souvient pas avoir vu la lettre du ministre Kent. Le Commissariat a demandé¸, à un certain nombre des sources, de lui faire parvenir une copie de cette lettre. Cette lettre n'a jamais été fournie.
Madame Curran, alors conseillère en politiques pour les Affaires sociales au Cabinet du Premier ministre, a déclaré qu'elle a communiqué avec M. Harwood pour savoir où en étaient les propositions de la Fédération. M. Harwood a dit qu'après une réunion des chefs de cabinet, il a approché M. Wright et M. Novak, qui était à l'époque secrétaire principal du premier ministre. Il cherchait à déterminer quels liens le rabbin Mendelsohn entretenait avec d'autres membres du personnel ministériel et du personnel du Cabinet du Premier ministre. M. Harwood a indiqué qu'on lui a dit que le rabbin Mendelsohn avait tendance à exagérer la nature de ses liens avec les membres du personnel ministériel et du Cabinet du Premier ministre. M. Wright n'avait qu'un vague souvenir d'un appel téléphonique avec M. Harwood au sujet de la proposition Markham.
Monsieur Wright m'a écrit que le premier ministre était au fait que certains députés du Caucus de la région du Grand Toronto avaient soulevé une question d'ordre politique quant à la façon dont une ou plusieurs demandes de subventions présentées par des groupes de la communauté juive étaient traitées. M. Wright ne croyait pas cependant que le premier ministre insistait sur un projet ou une organisation en particulier.
À la fin de juin 2011, M. Harwood a annoncé au rabbin Mendelsohn qu'une seule proposition pourrait être financée et que si elle était approuvée, la proposition choisie serait celle située à Markham. Le rabbin Mendelsohn m'a dit qu'il ne savait pas pourquoi la proposition Markham était sortie du lot et qu'il ne s'intéressait qu'au fait que l'une de ses propositions recevrait un financement.
Monsieur Wright a écrit que Mme Finley lui avait demandé s'il considérait la proposition Markham « importante ». M. Wright lui a répondu qu'il avait été chargé par le premier ministre de « s'en occuper ». M. Wright a aussi écrit que Mme Finley lui a dit que la proposition était admissible à un financement, qu'elle n'avait pas obtenu une cote aussi élevée que d'autres propositions soumises, mais qu'elle contenait des éléments qui en faisaient un bénéficiaire valide et approprié dans le cadre d'un certain programme de financement. Selon M. Wright, son intention était de mentionner à Mme Finley qu'il était important d'examiner le dossier attentivement et de façon juste.
Madame Finley m'a affirmé n'avoir aucun souvenir de cette conversation avec M. Wright.
À la suite de l'évaluation interne achevée par le ministère à l'hiver 2011, seules les 25 meilleures propositions sur un total de 167 propositions présélectionnées ont fait l'objet d'une évaluation externe par des fonctionnaires du ministère, puis d'un examen par un comité d'examen interne. La proposition Markham ne figurait pas parmi ces 25 propositions. Le ministère a recommandé à Mme Finley de financer quatre de ces 25 projets.
Madame Finley a témoigné que plusieurs collègues étaient intervenus auprès d'elle pour l'inciter de vive voix à appuyer la proposition Markham. Elle ne se souvenait d'aucune intervention, mais elle se rappelait une lettre de M. Cotler, député de Mont‑Royal. Au cours de mon étude, j'ai appris que M. Cotler appuyait en fait la proposition pour la Côte Saint-Luc de Montréal.
Monsieur Harwood m'a confié qu'il avait recommandé à Mme Finley que la proposition Markham soit soumise à une évaluation externe, accompagnée des renseignements supplémentaires que le Chabad Markham était permit de soumettre. Mme Finley a pris la décision de charger le ministère avec l'évaluation externe de la proposition.
Après l'évaluation externe de la proposition Markham, le ministère a préparé une ébauche d'une note de service qui soulevait des préoccupations que la proposition Markham ne reflétait pas les objectifs du programme, que la demande ne démontrait pas que l'organisme était en mesure de gérer le projet, et que les lettres d'appui de la communauté n'étaient pas très solides et ne justifiaient pas le besoin et l'avantage du projet. Le ministère a donc proposé qu'on informe la Fédération que le projet Markham ne recevrait pas de financement. Cette note de service n'a jamais été envoyée au cabinet de la ministre Finley.
Les fonctionnaires du ministère ont indiqué que la note de service a été reformulée sous la direction du sous‑ministre adjoint principal, M. Paquette, qui leur a demandé d'y inclure uniquement les résultats de l'évaluation externe. Par conséquent, les préoccupations et la recommandation du ministère n'ont pas été incluses dans la note de service datée du 26 août 2011 qui a été envoyée à Mme Finley. Dans la note de service, on demandait essentiellement à Mme Finley si elle souhaitait financer le projet Markham. Mme Finley m'a confié que si le ministère avait recommandé de ne pas financer le projet Markham, elle n'aurait pas pris la décision de le financer. M. Shugart, sous‑ministre de l'ancien ministère des Ressources humaines et du Développement des compétences Canada, a affirmé qu'il était inhabituel pour le ministère de ne pas inclure une recommandation dans la note de service adressée à la ministre.
Madame Finley a tout de même pris la décision de financer le projet Markham. Nous savons maintenant qu'au bout du compte, le gouvernement y a retiré son financement, mais après que des fonds publics ont été dépensés.
Évaluation des éléments de preuve
En examinant les éléments de preuves, il est difficile de comprendre clairement pourquoi Mme Finley a décidé d'ajouter la proposition Markham aux quatre autres propositions que lui avait recommandées le ministère.
Les raisons pour lesquelles Mme Finley a décidé de financer le projet Markham demeurent floues. Il semblerait que les préoccupations politiques soulevées quant au financement des propositions soumises par des groupes juifs dans la région du Grand Toronto, l'insistance du rabbin Mendelsohn pour obtenir un appui à ses trois propositions soumises, l'intervention de M. Wright et du ministre Kent, la recommandation de M. Harwood, le malentendu concernant la recommandation de M. Cotler relativement à une autre proposition et possiblement plusieurs autres recommandations de collègues sur la proposition Markham, les sources desquelles Mme Finley ne se souvient pas, ont tous contribué à sa décision d'accorder une attention particulière au projet Markham et d'en approuver le financement.
Les éléments de preuve révèlent que lorsque Mme Finley a soulevé la question auprès de M. Wright, elle savait que la proposition Markham n'avait pas obtenu une cote aussi élevée que les autres propositions soumises. Il semble que Mme Finley n'a peut-être pas obtenu ou cherché à obtenir des conseils de la part des fonctionnaires du ministère après l'évaluation externe de la proposition Markham.
Il était clairement inapproprié d'octroyer un financement au projet Markham. Cette situation semble résulter de renseignements obtenus par Mme Finley sans égard aux conclusions des évaluations détaillées de toutes les propositions effectuées par le ministère.
La seule conclusion que je peux tirer est que Mme Finley a manifestement accordé un traitement de faveur relativement à la proposition Markham de la Fédération en choisissant cette proposition aux fins d'évaluation externe et en lui octroyant un financement au bout du compte.
Analyse
Je me pencherai tout d'abord sur l'article 7 de la Loi.
Interdiction d'accorder un traitement de faveur : article 7
L'article 7 est ainsi libellé :
7. Il est interdit à tout titulaire de charge publique d'accorder, dans l'exercice de ses fonctions officielles, un traitement de faveur à une personne ou un organisme en fonction d'une autre personne ou d'un autre organisme retenu pour représenter l'un ou l'autre.
L'article 7 est très limité dans son application. En effet, il ne s'applique qu'aux situations où un traitement de faveur est accordé à une personne ou à une organisation en fonction d'une autre personne ou organisation retenue pour représenter l'une ou l'autre. J'ai recommandé à plusieurs reprises que la portée de l'article 7 soit élargie à tous les cas de traitement de faveur.
Comme j'ai déjà conclu que Mme Finley a accordé un traitement de faveur relativement à la proposition Markham de la Fédération, je n'ai maintenant qu'à déterminer si ce traitement de faveur reposait sur l'identité de son représentant, le rabbin Mendelsohn, qui a déposé la demande de financement au nom de la Fédération.
Comme je l'ai souligné plus tôt dans le présent rapport, plusieurs témoins m'ont confié que le rabbin Mendelsohn est bien connu de certains ministres et députés sur la Colline du Parlement. Cependant, Mme Finley et le rabbin Mendelsohn ne se souvenaient pas s'être déjà rencontrés. Mme Finley a affirmé avoir entendu parler de la Fondation pour la première fois lorsqu'il a été question de la proposition au titre du Fonds pour l'accessibilité. Aucun élément de preuve ne contredit ce témoignage.
Je n'ai trouvé aucun élément de preuve que le rabbin Mendelsohn était particulièrement important pour le gouvernement comme contributeur important de ressources humaines et financières du Parti conservateur du Canada ou en gagnant des votes. Plusieurs témoins m'ont dit que le rabbin et la Fédération ne sont pas plus importants que n'importe quel autre groupe culturel avec qui ils communiquent. Bien que je n'aie pu trouver d'éléments de preuve contraires, j'ai certains doutes et je n'arrive toujours pas à comprendre pourquoi le projet Markham a été financé.
En l'absence d'éléments de preuves supplémentaires, je dois conclure que le traitement de faveur que Mme Finley a accordé à la proposition Markham de la Fédération n'était pas fondé sur l'identité du rabbin Mendelsohn.
Je dois donc conclure que Mme Finley n'a pas contrevenu à l'article 7 de la Loi lorsqu'elle a demandé que le projet Markham de la Fédération fasse l'objet d'une évaluation externe à titre exceptionnel et qu'elle en ait approuvé le financement.
Prise de décision : paragraphe 6(1)
Le paragraphe 6(1) de la Loi interdit à tout titulaire de charge publique de prendre une décision ou de participer à la prise d'une décision dans l'exercice de sa charge s'il sait ou devrait raisonnablement savoir qu'en prenant cette décision, il pourrait se trouver en situation de conflit d'intérêts.
L'article 4 de la Loi énonce les circonstances dans lesquelles un titulaire de charge publique se trouve « en situation de conflit d'intérêts » au sens de la Loi et doit être interprété conjointement avec le paragraphe 6(1) lorsque ce paragraphe est appliqué. Les deux dispositions sont ainsi libellées :
4. Pour l'application de la présente loi, un titulaire de charge publique se trouve en situation de conflit d'intérêts lorsqu'il exerce un pouvoir officiel ou une fonction officielle qui lui fournit la possibilité de favoriser son intérêt personnel ou celui d'un parent ou d'un ami ou de favoriser de façon irrégulière celui de toute autre personne.
[. . .]
6. (1) Il est interdit à tout titulaire de charge publique de prendre une décision ou de participer à la prise d'une décision dans l'exercice de sa charge s'il sait ou devrait raisonnablement savoir que, en prenant cette décision, il pourrait se trouver en situation de conflit d'intérêts.
Il est clair que Mme Finley exerce un pouvoir officiel ou une fonction officielle lorsqu'elle prend une décision de financer une proposition au titre de quelconque programme du ministère, et c'était le cas lorsqu'elle a décidé de financer le projet Markham. Il est également évident que lorsqu'elle prend une telle décision, il existe une possibilité de favoriser les intérêts personnels d'une personne. Ces deux conclusions s'appliquent à la décision de financer la proposition Markham, tout comme elles s'appliqueraient à toute autre décision en matière de financement.
Il reste donc à déterminer si Mme Finley savait, ou aurait dû raisonnablement savoir qu'en prenant cette décision, elle favoriserait son intérêt personnel ou celui d'un parent ou d'un ami ou favoriserait de façon irrégulière celui d'une autre personne.
Rien ne laisse croire que Mme Finley ou un parent ou un ami avaient un intérêt personnel lié à la décision de financer le Markham Centre for Skills and Independence. Aucun élément de preuve n'indique que Mme Finley et le rabbin Mendelsohn sont des amis au sens de la Loi. Comme il est mentionné ci-dessus, aucun élément de preuve n'indique que Mme Finley et le rabbin Mendelsohn s'étaient déjà rencontrés.
Reste à savoir si Mme Finley a pris une décision de manière à favoriser de façon irrégulière les intérêts personnels d'une personne.
J'ai déjà déterminé que la proposition Markham a bénéficié d'un traitement de faveur. Cette conclusion en soi pourrait suffire à conclure que la décision de financer le projet était irrégulière.
Je me suis aussi demandé si je devrais tenir compte du fait que certaines considérations politiques étaient en jeu dans ce cas. Bien que les éléments de preuve révèlent qu'il y a eu influence politique entourant la proposition Markham, Mme Finley a affirmé que cela n'a pas été un facteur dans sa décision.
Il convient cependant d'examiner les règles en vertu desquelles Mme Finley exerçait ses responsabilités relativement au Fonds pour l'accessibilité.
Selon les modalités d'application du Fonds pour l'accessibilité à l'égard du volet des projets de moyenne envergure, la ministre Finley exerçait un important pouvoir discrétionnaire pour décider quelles propositions seraient approuvées aux fins de financement. Rien dans les modalités d'application n'oblige la ministre à s'assurer que toutes les étapes d'un processus ministériel aient été suivies ou à tenir compte de la cote relative d'une proposition. La seule exigence consistait à s'assurer que la proposition satisfaisait aux critères d'admissibilité obligatoires en matière de financement, qui étaient déterminés à l'étape de la présélection.
Cependant, la Politique sur les paiements de transfert du Conseil du Trésor, qui s'applique aux ministères, dont Ressources humaines et Développement des compétences Canada, doit être également prise en compte. Cette politique souligne l'importance de renforcer les principes de responsabilisation en matière de fonds publics et l'engagement du gouvernement de s'assurer que les paiements de transfert, comme les contributions versées à certains projets au titre du Fonds pour l'accessibilité, sont gérés de manière à respecter les niveaux les plus élevés d'intégrité, de transparence et de responsabilisation. L'article 3.6 de la politique précise que le gouvernement est déterminé à s'assurer que :
« [. . .] les programmes de paiements de transfert sont conçus, mis en œuvre et gérés de façon équitable, accessible et efficace pour toutes les parties concernées – ministères, demandeurs et bénéficiaires [. . .] »
Il semble que le personnel du cabinet de la ministre et les hauts fonctionnaires du ministère n'ont pas attaché une grande importance à certains de ces principes directeurs au moment de traiter la proposition Markham.
Je dois également prendre en compte le document d'orientation du premier ministre, Pour un gouvernement responsable: Guide du ministre et du ministre d'État (le Guide pour un gouvernement responsable). Dans sa première lettre qu'elle m'a adressée au sujet de la présente étude, Mme Finley a cité un paragraphe de ces lignes directrices pour confirmer qu'elle pouvait se réserver le droit de prendre une décision en particulier. Le paragraphe est ainsi rédigé :
« Comme le ministre a aussi bien le pouvoir légal que l'obligation de rendre compte au Parlement en ce qui concerne les décisions prises dans le ministère, il peut se réserver le droit de prendre une décision en particulier. »
Or, je constate qu'immédiatement après cet extrait cité par Mme Finley, le Guide pour un gouvernement responsable y précise ce qui suit :
« Dans tous les cas, il est toutefois important que les ministres déterminent les cadres stratégiques et de programmes selon lesquels les fonctionnaires évalueront des dossiers précis. Avant de prendre des décisions, les ministres doivent également profiter des analyses de la fonction publique pour ce qui est des critères ayant été respectés. »
En outre, les lignes directrices énoncent l'importance pour les ministres et les ministres d'État de faire appel :
« […] à [la fonction publique] sans hésitation. Elle vous offre un soutien professionnel et impartial dans l'exercice de vos pouvoirs, devoirs et fonctions [. . .] »
À cet égard, je relève que la ministre Finley est responsable non seulement de ses propres actes, mais également de ceux de son personnel.
Il semblerait que Mme Finley n'ait pas obtenu tous les renseignements pertinents au sujet du projet Markham, bien qu'elle semble avoir été au courant que la proposition comportait certaines lacunes. Les hauts fonctionnaires du ministère et les membres du personnel de son cabinet semblent avoir volontairement omis des renseignements importants. Je suis néanmoins d'avis que la décision de la ministre de financer le projet Markham manquait de rigueur. Avant de prendre cette décision, elle aurait dû y réfléchir davantage. Il importe de mentionner que, ultimement, le gouvernement a retiré son financement au projet, car le Chabad Lubavitch de Markham n'a pas été en mesure de respecter les échéanciers fixés.
Pour ces raisons, et surtout parce que le projet Markham a reçu un traitement de faveur, j'ai conclu que la décision de Mme Finley de lui accorder un financement était irrégulière au sens de l'article 4 et que la ministre aurait dû savoir qu'en prenant cette décision, elle se trouverait en situation de conflit d'intérêts en vertu du paragraphe 6(1). Je conclus donc que Mme Finley a contrevenu au paragraphe 6(1) de la Loi.
Conclusion
J'ai conclu que, malgré ma conclusion qu'il y a eu traitement de faveur dans ce cas, Mme Finley n'a pas contrevenu à l'article 7 en raison de sa portée limitée. Mme Finley a toutefois contrevenu au paragraphe 6(1) de la Loi.
J’espère
que le présent rapport rappellera à tous ceux qui le lisent l’importance de
respecter l’engagement du gouvernement de renforcer la responsabilisation en
matière de fonds publics et de veiller à ce que les paiements de transfert
soient conçus, mis en œuvre et gérés de façon équitable, accessible et efficace
pour toutes les parties concernées. La confiance de la population à l’égard de
la gestion des fonds publics et de l’équité des programmes de paiements de
transfert est minée lorsque les décideurs ne respectent pas l’engagement du
gouvernement de gérer les programmes comme le Fonds pour l’accessibilité de
manière à respecter les niveaux les plus élevés d’intégrité, de transparence et
de responsabilisation. Les ministres occupent une position d’autorité et ont un
rôle particulier à jouer pour faire en sorte que cette autorité soit exercée de
manière juste et ouverte pour tous les Canadiens.
Ironiquement, le ministre Kent a
fait part de ses préoccupations à M. Wright au sujet du manque de
transparence du gouvernement quant aux annonces de financement et la
controverse que cela avait soulevée relativement à une annonce de financement
précédente par un autre ministère. Il a souligné la nécessité d’appliquer les
règles de façon équitable et cohérente. Il semble que le processus suivi lors
de l’approbation du financement du projet Markham ait été marqué par certains des mêmes problèmes qui pourraient
avoir poussé le ministre Kent à discuter avec M. Wright au départ.
Sauf indication contraire, les témoins sont présentés
ci-dessous selon l’organisme au sein duquel ils travaillaient lorsque les
événements faisant objet de la présente étude se sont produits.
Entrevues
Cabinet de la ministre des Ressources humaines et du Développement des compétences
L'honorable Diane Finley, C.P., ministre
M. Phil Harwood, directeur des Politiques et chef de cabinet intérimaire de la ministre Finley
Cabinet du Premier ministre
M. David Belous, conseiller, Relations avec les parties intéressées
Mme Rachel Curran, conseillère en politiques pour les Affaires sociales
M. Raymond Novak, secrétaire principal
Cabinet du ministre de l'Environnement
L'honorable Peter Kent, C.P., ministre
Mme Melissa Lantsman, directrice des Communications
Cabinet du ministre des Affaires étrangères
L'honorable John Baird, C.P., ministre
M. Oren Cainer, conseiller en politiques
Ministère des Ressources humaines et du Développement des compétences Canada
Mme Collinda Joseph, chef d'équipe du Fonds pour l'accessibilité
Mme Jessica Kerr, directrice, Division des programmes, Bureau de la condition des personnes handicapées
Mme Donna Lynette, gestionnaire, Division des programmes, Bureau de la condition des personnes handicapées
Mme Nancy Milroy-Swainson, directrice générale, Bureau de la condition des personnes handicapées
M. Jacques Paquette, sous-ministre adjoint principal
M. Ian Shugart, sous-ministre
Mme Jennifer Wilson, généraliste de programme, Bureau de la condition des personnes handicapées
Fédération canadienne de Chabad Lubavitch
Représentations écrites
Cabinet du Premier ministre
Ministère des Ressources humaines et du Développement des compétences Canada
Mme Jasmine Bois, gestionnaire
Mme Christine Nagy, conseillère principale