PRéFACE
La Loi sur les conflits d'intérêts, L.C. 2006, ch. 9, art. 2 (la Loi) est entrée en vigueur le 9 juillet 2007.
Une étude en vertu de la Loi peut être amorcée à la demande d'un parlementaire, conformément au paragraphe 44(1), ou par la commissaire aux conflits d'intérêts et à l'éthique elle-même, conformément au paragraphe 45(1) de la Loi.
Lorsqu'une étude est amorcée en vertu de l'article 45 de la Loi, à moins que l'étude ne soit interrompue, la commissaire est tenue, conformément au paragraphe 45(3), de remettre au premier ministre un rapport énonçant les faits, son analyse de la question et ses conclusions à la suite de l'étude. Le paragraphe 45(4) prévoit que la commissaire doit en même temps remettre un double du rapport au titulaire ou à l'ex‑titulaire de charge publique visé, et rendre le rapport accessible au public.
Le présent rapport énonce les conclusions de mon étude menée en vertu de la Loi sur les conflits d'intérêts (la Loi) relativement à la conduite de M. John Lynn qui, du 1er juin 2008 au 27 mai 2014, était titulaire de charge publique principal en tant que premier dirigeant de la Société d'expansion du Cap-Breton (SECB).
On a allégué que M. Lynn a contrevenu aux alinéas 15(1)b) et 15(1)e) de la Loi, qui interdisent au titulaire de charge publique principal d'administrer ou d'exploiter une entreprise ou d'agir à titre de consultant rémunéré, respectivement. Ces interdictions s'appliquent qu'il y ait conflits d'intérêts ou non, mais ne s'appliquent pas s'il s'agit d'activités liées aux fonctions officielles du titulaire de charge publique principal.
La preuve a démontré que M. Lynn a travaillé pour le compte d'une compagnie privée, que j'ai désignée uniquement sous le nom de « compagnie X » afin de protéger les documents confidentiels, pendant plusieurs jours en 2010 et 2012 alors qu'il était premier dirigeant de la SECB. Il a été rémunéré pour son travail, dont une partie conformément à une entente de services personnels conclue avec la compagnie en 2012. Aucun élément de preuve n'indique que le travail accompli par M. Lynn pour le compte de la compagnie X était lié d'une quelconque façon à ses fonctions officielles à la SECB.
Pour pouvoir déterminer si M. Lynn a effectivement contrevenu aux dispositions pertinentes de la Loi, je devais établir la nature de son travail extérieur et déterminer si, dans le cadre de ce travail, il administrait ou exploitait une entreprise ou agissait comme consultant rémunéré.
Avant d'être nommé à la SECB, M. Lynn exploitait sa propre entreprise conseil en gestion, Pragmatic Management Solutions. Aucun élément de preuve n'indique que M. Lynn a travaillé pour le compte de la compagnie X au nom de Pragmatic Management Solutions après sa nomination, mais les éléments de preuve révèlent que le travail qu'il a accompli au nom de la compagnie X en 2010 et 2012 l'a été à titre d'individu et non d'administrateur ou d'exploitant d'une entreprise. Par conséquent, je conclus qu'il n'y a pas eu contravention à l'alinéa 15(1)b).
En me basant sur l'expérience de M. Lynn comme consultant en gestion et cadre supérieur dans le secteur privé, et étant donné la nature des services qu'il a fournis à la compagnie X, les modalités de rémunération et le fait qu'il agissait comme entrepreneur indépendant, je conclus que M. Lynn a agi comme consultant rémunéré pendant qu'il était premier dirigeant de la SECB et qu'il a donc contrevenu à l'alinéa 15(1)e) de la Loi.
Le 21 mars 2013, j'ai reçu une lettre et des documents d'accompagnement de M. Paul LeBlanc, président de l'Agence de promotion économique du Canada atlantique (APECA) et président du conseil d'administration de la Société d'expansion du Cap‑Breton (SECB). La SECB était alors une société d'État qui rendait compte au Parlement par l'intermédiaire du ministre responsable de l'APECA. Les documents indiquaient que M. John Lynn, premier dirigeant de la SECB, avait travaillé à titre de consultant rémunéré à plusieurs reprises entre août 2010 et novembre 2012. En sa qualité de premier dirigeant de la SECB, M. Lynn était alors un titulaire de charge publique principal assujetti à la Loi sur les conflits d'intérêts (la Loi).
Parmi les documents reçus figurait une entente de services personnels signée et datée du 28 septembre 2012. Cette entente était conclue entre M. Lynn et la compagnie X[1] et stipulait que M. Lynn avait accepté d'agir comme représentant exclusif de la compagnie X dans le cadre de la vente de l'entreprise en retour d'une commission sur toute vente ou d'un honoraire de consultation journalier. Les documents qui m'ont été envoyés par M. LeBlanc comprenaient également des lettres et des courriels dans lesquels M. Lynn conseillait la compagnie X, ainsi que des copies de factures, un chèque, des reçus de dépenses et d'autres documents et courriels connexes.
Conformément à l'article 15 de la Loi, il est interdit à tout titulaire de charge publique principal d'exercer un certain nombre d'activités extérieures à moins que ses fonctions officielles ne l'exigent. Les alinéas 15(1)b) et e) de la Loi interdisent à tout titulaire de charge publique principal d'administrer ou d'exploiter une entreprise ou d'agir comme consultant rémunéré.
En me fondant sur les renseignements que j'avais alors en main, j'avais des motifs de croire que M. Lynn avait peut-être contrevenu soit à l'alinéa 15(1)b) de la Loi en administrant ou en exploitant une entreprise, soit à l'alinéa 15(1)e) de la Loi en agissant comme consultant rémunéré.
Le 5 avril 2013, j'ai écrit à M. Lynn pour l'informer que je commençais une étude le visant en vertu du paragraphe 45(1) de la Loi sur les conflits d'intérêts (la Loi) et que les dispositions pertinentes étaient les alinéas 15(1)b) et e) de la Loi. Comme première étape, j'ai demandé à M. Lynn de répondre à mes préoccupations par écrit au plus tard le 25 avril 2013. À la demande de M. Lynn, ce délai a été prolongé jusqu'au 24 mai 2013.
Le 31 mai 2013, j'ai reçu une réponse de M. Lynn datée du 24 mai 2013. Celui‑ci était d'avis qu'il n'avait pas contrevenu à la Loi. Dans sa réponse, il a joint des documents sur le travail qu'il avait mené pour le compte de la compagnie X pendant son mandat de premier dirigeant de la Société d'expansion du Cap-Breton (SECB).
Bien que les éléments de preuve dont je disposais semblaient être simples, le déroulement de mon étude a été compliqué par une série de retards liés à la participation de M. Lynn au processus d'enquête.
À l'automne 2013 et au début de l'hiver 2014, le Commissariat a tenté sans succès de fixer une date d'entrevue avec M. Lynn. Durant cette période, le Commissariat a échangé des messages téléphoniques avec M. Lynn, puis des courriels et des lettres avec son avocat, Me Lloyd Berliner, afin d'essayer de convenir d'une date d'entrevue.
Monsieur Lynn et son avocat ont informé le Commissariat que M. Lynn ne voulait pas être interrogé avant d'avoir reçu de l'Agence de promotion économique du Canada atlantique (APECA) les documents qu'il avait demandés en vertu du processus d'accès à l'information et de la protection des renseignements personnels. Pour aborder cette préoccupation, le Commissariat a envoyé à Me Berliner des copies des documents que j'avais obtenus de la part du président de l'APECA relativement à cette étude, et a souligné que M. Lynn nous avait déjà remis un certain nombre d'entre eux. Le Commissariat a donc demandé de nouveau à M. Lynn de se rendre disponible pour une entrevue.
En réponse, Me Berliner a soulevé des allégations sur la façon dont avaient été obtenus les documents qui m'avaient été envoyés. Il m'a demandé de faire en sorte que l'étude n'aille pas de l'avant jusqu'à ce que ces allégations soient traitées. Le Commissariat a écrit à Me Berliner pour l'informer que ces allégations ne changeaient pas le fait que j'avais reçu des informations qui me donnaient motif de croire que M. Lynn avait contrevenu à la Loi, que mon étude était distincte et indépendante de toute autre allégation que pourrait formuler M. Lynn et que j'allais de l'avant avec mon étude.
Le 11 avril 2014, le Commissariat a également transmis à Me Berliner une liste de questions auxquelles M. Lynn devait répondre par écrit. Il a aussi invité Me Berliner à présenter des observations au nom de M. Lynn par rapport à sa position, à savoir qu'il n'avait pas contrevenu à la Loi. M. Lynn a répondu aux questions par l'intermédiaire de Me Berliner le 29 mai 2014.
Monsieur Lynn et son avocat ont eu la possibilité de fournir des commentaires sur la version provisoire des parties factuelles du rapport, en particulier les sections intitulées Les allégations, Le processus, La position de M. Lynn et Les constatations de faits.
Dans sa lettre de réponse du 24 mai 2013, M. John Lynn a indiqué que sa position était qu'il n'avait pas contrevenu à la Loi sur les conflits d'intérêts (la Loi). Sa position a été réitérée par son avocat, Me Lloyd Berliner, dans des correspondances envoyées ultérieurement au Commissariat.
Dans cette même lettre de réponse, M. Lynn a affirmé avoir initialement travaillé sur le dossier de la compagnie X en 2007-2008 lorsqu'il dirigeait et exploitait Pragmatic Management Solutions, sa firme de consultants. Il a ajouté que ce travail était antérieur à sa nomination à la Société d'expansion du Cap-Breton (SECB).
Monsieur Lynn a écrit que M. A, un actionnaire de la compagnie X, l'avait contacté avant sa nomination à la SECB pour lui demander d'envisager d'aider M. A et les autres actionnaires de la compagnie X à élaborer un plan de transition à la direction de leur entreprise ou une stratégie de sortie. Il a ajouté qu'en 2007-2008, il avait discuté de ce dossier avec les actionnaires, mais qu'à ce moment, ceux-ci avaient décidé d'opter pour le statu quo et qu'ils communiqueraient avec lui lorsqu'ils seraient prêts à aller de l'avant.
Monsieur Lynn a écrit avoir reçu par la suite des appels périodiques de M. A au sujet de l'entreprise, mais que c'était l'essentiel de leurs communications jusqu'en 2012, lorsque M. A l'a appelé pour lui demander de préparer des options en vue de la vente possible de la compagnie X. M. Lynn a ajouté que c'est cette demande qui l'a mené à travailler sur le dossier en 2012 et qu'il croyait avoir une responsabilité à l'égard des actionnaires pour clore le dossier.
Monsieur Lynn a écrit que l'entente avait été approuvée en principe, qu'il recevrait une part des recettes d'une éventuelle vente et que le tout avait été convenu avant qu'il entre en fonction à la SECB. Mais comme la vente n'a pas eu lieu, a-t-il écrit, il n'a effectivement touché aucune rémunération de ce genre. M. Lynn est d'avis que la petite somme de rémunération qu'il a touchée de la part de la compagnie X visait à le dédommager pour le temps et les efforts qu'il avait consacrés ainsi que les dépenses qu'il avait engagées et décaissées pendant son travail pour la compagnie, et que cela tenait compte de ses discussions avec les actionnaires en 2007-2008.
Monsieur Lynn a écrit que son travail pour le compte de la compagnie X n'a pas été accompli pendant ses heures à la SECB et que ce travail n'a pas interféré avec ses responsabilités à la SECB. Il a maintenu que ce travail ne soulevait aucun conflit d'intérêts avec ses fonctions à la SECB ou avec le mandat de la SECB.
En décembre 2013, l'avocat de M. Lynn, Me Berliner, a soulevé des allégations quant à la façon dont avaient été obtenus les documents qui m'ont été envoyés par le président de l'Agence de promotion économique du Canada atlantique. De décembre 2013 à février 2014, Me Berliner a maintenu sa position, à savoir que mon étude ne devait pas aller de l'avant tant que ces allégations n'étaient pas résolues. Dans sa plus récente correspondance transmise au Commissariat, soit le 29 mai 2014, Me Berliner a écrit que le véritable enjeu demeure l'origine de l'information envoyée au Commissariat et la façon dont elle a été obtenue.
Monsieur John Lynn a occupé le poste de premier dirigeant de la Société d'expansion du Cap‑Breton (SECB) du 1er juin 2008 au 27 mai 2014 et à ce titre, il était un titulaire de charge publique principal assujetti à la Loi sur les conflits d'intérêts (la Loi).
L'étude visait à déterminer si M. Lynn avait contrevenu aux alinéas 15(1)b) ou e) de la Loi en administrant ou exploitant une entreprise ou encore en agissant comme consultant rémunéré alors qu'il était un titulaire de charge publique principal. Ces dispositions s'appliquent qu'il y ait conflit d'intérêts ou non.
Pour pouvoir trancher si M. Lynn avait effectivement contrevenu aux dispositions de la Loi, je devais établir la nature de son travail extérieur et déterminer si, dans le cadre de cet emploi, il administrait ou exploitait une entreprise ou agissait comme consultant rémunéré.
Le curriculum vitae de M. Lynn joint à sa réponse du 24 mai 2013 précise qu'avant sa nomination à titre de premier dirigeant de la SECB, le 1er juin 2008, il a œuvré pendant plusieurs années comme cadre supérieur dans le secteur privé. Au cours des trois années qui ont précédé immédiatement sa nomination à la SECB, M. Lynn a exploité sa propre entreprise conseil en gestion : Pragmatic Management Solutions.
Dans la lettre qu'il m'a envoyée le 24 mai 2013, M. Lynn énonce, comme il l'est décrit dans la section précédente, que le travail qu'il a effectué pour le compte de la compagnie X remontait à 2007-2008, alors qu'il administrait Pragmatic Management Solutions. M. Lynn n'a toutefois fourni aucune preuve pouvant étayer l'affirmation voulant qu'il ait travaillé pour la compagnie X en 2007-2008, et au cours de mon étude, je n'ai trouvé aucun autre élément de preuve permettant d'appuyer cette affirmation.
Monsieur B, le président de la compagnie X[2], a eu des discussions avec le Commissariat et a répondu à des questions écrites. Il a indiqué que selon lui, M. Lynn avait d'abord travaillé pour la compagnie X en octobre 2010, lorsqu'il a fait une présentation aux actionnaires de la compagnie, et les a conseillés, relativement à la vente de la compagnie.
De toute façon, il n'est pas nécessaire d'établir si M. Lynn a travaillé pour la compagnie X en 2007-2008 ou a été rémunéré. J'ai trouvé des preuves convaincantes que c'était bien le cas et qu'il a effectivement été rémunéré pour son travail à la compagnie X en 2010 et en 2012, et ce, pendant son mandat à la SECB. Les montants facturés et la rémunération qu'il a touchée figurent plus loin dans la présente section.
Travail extérieur de M. Lynn en 2010 pendant son mandat à la SECB
Les documents de preuve, décrits ci-dessous, fournis par le président de l'Agence de promotion économique du Canada atlantique (APECA) et M. B, confirment que M. Lynn a travaillé pour la compagnie X les 5 et 6 août et les 4 et 5 octobre 2010, travail pour lequel il a été rémunéré.
Même en l'absence de preuve de contrat ou d'entente de services en bonne et due forme entre M. Lynn et la compagnie X, il est clair que des discussions ont eu lieu et probablement au moins une entente verbale relativement à la rémunération de M. Lynn pour ce travail.
Dans une lettre datée du 14 décembre 2010 destinée à M. A, actionnaire de la compagnie X, M. Lynn parle du travail qu'il a accompli pour le compte de la compagnie X en août et octobre 2010 et joint une facture de 4 800 $ pour ses quatre jours de travail, y compris la visite sur les lieux. Dans cette lettre, M. Lynn souligne qu'ils avaient discuté de la vente possible de la compagnie, qu'il était persuadé de pouvoir conclure la vente et qu'il était prêt à y consacrer le temps nécessaire. Il ajoute également que comme ils l'avaient convenu dans leurs discussions, le montant facturé serait déduit de la commission d'une éventuelle vente. Dans sa lettre de réponse au Commissariat datée du 29 mai 2014, M. Lynn a reconnu que cette facture avait été payée en totalité.
Dans sa lettre du 14 décembre 2010, M. Lynn a mentionné que le montant de la commission serait divisé parmi les membres de son « équipe », qui « se chargerait du dossier avec grande efficacité » [traduction]. Cette affirmation porte à croire que d'autres personnes travaillaient aux côtés de M. Lynn dans le dossier de la compagnie X et soulève la question de savoir s'il exploitait une entreprise, en contravention à l'alinéa 15(1)b) de la Loi.
Dans sa réponse du 24 mai 2013, M. Lynn a soutenu qu'il n'a pas administré ou exploité une entreprise depuis sa nomination à la SECB. Aucun élément de preuve n'indique que M. Lynn ait travaillé pour la compagnie X au nom de Pragmatic Management Solutions après sa nomination à la SECB.
Monsieur Lynn et M. B ont tous deux confirmé que le travail effectué par M. Lynn pour le compte de la compagnie X en 2010 et 2012 l'était à titre individuel et non à titre d'administrateur ou d'exploitant d'une entreprise.
Travail extérieur de M. Lynn en 2012 pendant son mandat à la SECB
Aucun élément de preuve n'indique que M. Lynn a travaillé de nouveau pour la compagnie X après décembre 2010 jusqu'à l'automne 2012.
Dans sa lettre de réponse du 24 mai 2013, M. Lynn souligne qu'en 2012, il a reçu un appel de M. A sollicitant à nouveau son aide afin de proposer des options en vue d'une possible vente de la compagnie X. Le 19 septembre 2012, M. Lynn a envoyé à M. A ainsi qu'à un autre actionnaire une note de service dans laquelle il leur demandait d'examiner les documents joints portant sur la vente possible de la compagnie X à la compagnie Y. Il s'agissait en fait d'un processus proposé pour la vente ainsi que d'une lettre dans laquelle il demandait aux actionnaires de réviser les principales modalités d'une entente de services personnels proposée entre lui et la compagnie X et d'y consentir. M. Lynn m'a remis des copies de ces documents.
Une entente de services personnels a été signée le 28 septembre 2012 entre M. Lynn et la compagnie X. Dans cette entente, M. Lynn était désigné représentant exclusif de la compagnie X en vue de la vente de cette entreprise à la compagnie Y, on énonçait les obligations de M. Lynn et on décrivait son statut d'entrepreneur indépendant. Elle stipulait également que M. Lynn recevrait un pourcentage du prix de vente ou un honoraire de consultation journalier si la vente n'était pas conclue, en plus du remboursement de ses dépenses.
Dans le cadre de l'entente de services personnels, M. Lynn a travaillé pour le compte de la compagnie X du 2 au 4 octobre, le 13 novembre ainsi qu'une demi-journée qui semblerait être, selon la preuve recueillie, le 23 novembre 2012. Il a notamment tenu des discussions avec les actionnaires de la compagnie X et des représentants de la compagnie Y, de même que rédigé et mis au point un rapport énonçant les options offertes aux actionnaires de la compagnie X ainsi que sa recommandation.
Monsieur Lynn m'a remis des copies des deux factures envoyées à la compagnie X pour 2012, l'une datée du 11 octobre 2012 s'élevant à 6 421 $ pour trois jours de travail en octobre, et l'autre datée du 12 décembre 2012 de 2 729 $ pour la journée et demie de travail effectué en novembre. La compagnie X a acquitté les factures en totalité et a émis des chèques le 19 octobre 2012 et le 11 janvier 2013.
Aucun élément de preuve ne démontre que M. Lynn ait travaillé ultérieurement pour le compte de la compagnie X.
Aucun élément de preuve n'indique en outre que le travail de M. Lynn pour le service de la compagnie X était lié d'une quelconque façon à ses fonctions officielles de premier dirigeant de la SECB.
Analyse
Comme il l'est précisé sous Les constatations de faits, M. Lynn est devenu titulaire de charge publique principal au moment de sa nomination à titre de premier dirigeant de la Société d'expansion du Cap-Breton (SECB), le 1er juin 2008. Il a travaillé pour le compte de la compagnie X plusieurs jours en 2010 et 2012, travail pour lequel il a été rémunéré.
Mon étude visait à déterminer si M. Lynn, dans le cadre de son travail pour le service de la compagnie X, avait contrevenu au paragraphe 15(1) de la Loi. L'alinéa 15(1)b) interdit à tout titulaire de charge publique principal d'administrer ou d'exploiter une entreprise ou une activité commerciale, et l'alinéa 15(1)e) lui interdit d'agir comme consultant rémunéré, qu'il y ait conflit d'intérêts ou non. Ces interdictions ne s'appliquent toutefois pas si les activités exercées sont liées aux fonctions officielles du titulaire de charge publique principal. Les passages pertinents du paragraphe 15(1) sont ainsi libellés :
15. (1) À moins que ses fonctions officielles ne l'exigent, il est interdit à tout titulaire de charge publique principal :
[. . .]
b) d'administrer ou d'exploiter une entreprise ou une activité commerciale;
[. . .]
e) d'agir comme consultant rémunéré;
[. . .]
Administrer ou exploiter une entreprise ou une activité commerciale : alinéa 15(1)b)
Comme je le précise dans Les constatations de faits, les éléments de preuve révèlent que M. Lynn ni n'administrait ni n'exploitait d'entreprise en lien avec son travail effectué en 2010 ou en 2012 pour le compte de la compagnie X. Par conséquent, j'ai conclu qu'il n'y a pas eu de contravention à l'alinéa 15(1)b).
Agir comme consultant rémunéré : alinéa 15(1)e)
Comme je le précise dans Les constatations de faits, M. Lynn a travaillé plusieurs jours en 2010 et 2012 pour le compte de la compagnie X.
En effet, les 5 et 6 août ainsi que les 4 et 5 octobre 2010, M. Lynn a eu des discussions avec les actionnaires de la compagnie X en lien avec la possible vente de leur entreprise et a visité les lieux. La compagnie X a remis à M. Lynn la somme de 4 800 $ pour ce travail.
Aucun élément de preuve n'indique que M. Lynn ait travaillé de nouveau relativement à la vente de l'entreprise jusqu'à l'automne 2012, où une entente de services personnels a été signée entre M. Lynn et la compagnie X le 28 septembre 2012.
Monsieur Lynn a travaillé dans le cadre de son entente de services personnels pendant quatre jours et demi en octobre et novembre 2012. Aucune vente n'en a découlé, mais la compagnie X a payé à M. Lynn ses deux factures, l'une de 6 421 $ et l'autre de 2 729 $, pour le travail accompli.
Il est clair que M. Lynn a été rémunéré pour son travail accompli pour la compagnie X. Quant à savoir s'il a agi comme consultant, la version anglaise de la Loi ne définit pas le terme. Toutefois, l'Oxford English Dictionary définit le terme anglais « consultant » ainsi :
« a person qualified to give professional advice or services, e.g. in problems of management or design; an adviser [. . .] »
Dans la version française de l'alinéa 15(1)e) de la Loi, on emploie le terme « consultant ». Le Multidictionnaire de la langue française, en donne la définition suivante :
« Personne qui agit à titre de conseiller [. . .] »
Dans son curriculum vitae, M. Lynn indique qu'avant sa nomination à la SECB, il a œuvré pendant plusieurs années comme consultant en gestion et cadre supérieur dans le secteur privé. Dans ce contexte, et étant donné la nature des services fournis par M. Lynn à la compagnie X, les modalités de rémunération pour son travail et le fait qu'il agissait comme entrepreneur indépendant, j'en conclus que M. Lynn agissait comme consultant rémunéré.
Le paragraphe 15(1) de la Loi interdit en effet au titulaire de charge publique principal d'exercer un certain nombre d'activités extérieures, notamment d'agir comme consultant rémunéré, à moins que ses fonctions officielles ne l'exigent. Aucun élément de preuve n'indique que le travail effectué par M. Lynn pour le compte de la compagnie X était lié d'une quelconque façon à ses fonctions officielles de premier dirigeant de la SECB.
En 2010 et 2012, avant de commencer son travail de consultation pour la compagnie X, M. Lynn a négocié les modalités de sa rémunération et, pour le travail effectué en 2012, il a veillé à signer une entente de services personnels détaillée. Cela signifie qu'il ne faisait pas que terminer une tâche amorcée avant sa nomination, mais qu'il s'agissait plutôt de nouvelles propositions de la part de la compagnie X pour du travail de consultation rémunéré, travail qu'il aurait dû refuser en raison de l'interdiction prévue à l'alinéa 15(1)e) de la Loi.
Monsieur Lynn a allégué qu'il n'y avait aucun conflit d'intérêts entre son travail extérieur exercé à titre personnel pour la compagnie X et ses fonctions officielles de premier dirigeant de la SECB. Comme je l'ai souligné plus tôt dans Les constatations de faits, l'article 15 énonce des interdictions générales relatives aux activités extérieures, et ces interdictions s'appliquent qu'il y ait conflit d'intérêts ou non.
Conclusion
Pour les motifs évoqués précédemment, j'ai conclu que M. Lynn a agi à titre de consultant rémunéré pour le compte de la compagnie X alors qu'il était premier dirigeant de la SECB, et que ce n'était pas l'issue d'exigences relatives à ses fonctions officielles. J'estime donc que M. Lynn a contrevenu à l'alinéa 15(1)e) de la Loi.
1 - Le nom des compagnies et de leurs représentants ont été retirés du présent rapport afin de protéger les documents confidentiels, qui ne sont pas du domaine public.
2 - En octobre 2010, M. B était contrôleur au sein de la compagnie X.